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19/08/2002 | SUISSE | N°I.607/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 août 2002, I.607/01


{T 7}
I 607/01 /mh

Arrêt du 19 août 2002
IVe Chambre

Mme et M. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari et Boinay,
suppléant.
Greffier : M. Berthoud

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

O.________, intimé, représenté par Me Jean-Pierre Bloch, avocat,
place de la
Gare 10, 1003 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 30 juillet 2001)

Faits :

A.> A.a O.________ a travaillé en qualité de vitrier qualifié à plein
temps du
1er janvier 1988 au 31 décembre 1994 auprès de l'entr...

{T 7}
I 607/01 /mh

Arrêt du 19 août 2002
IVe Chambre

Mme et M. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari et Boinay,
suppléant.
Greffier : M. Berthoud

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

O.________, intimé, représenté par Me Jean-Pierre Bloch, avocat,
place de la
Gare 10, 1003 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 30 juillet 2001)

Faits :

A.
A.a O.________ a travaillé en qualité de vitrier qualifié à plein
temps du
1er janvier 1988 au 31 décembre 1994 auprès de l'entreprise
X.________. A
partir du 1er janvier 1995, il a été en incapacité de travail à 100 %
pour
raison de maladie.

Le 26 juillet 1995, O.________ a déposé une demande de prestations de
l'AI
(reclassement et rente), invoquant des douleurs constantes à la
colonne (dos)
et aux nerfs qui l'obligent au repos permanent. L'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (l'office AI) a demandé
un
rapport médical au docteur A.________, rhumatologue et médecin
traitant de
O.________. Ce praticien s'est fondé sur un rapport de l'Hôpital
orthopédique
Y.________ du 14 décembre 1994, sur un rapport du docteur B.________,
du 22
juin 1995, ainsi que sur ses propres constatations. Dans son rapport
du 15
août 1995, il a fait état de rachialgies et de polyalgies dans le
cadre de
troubles statiques et dégénératifs, de fibrosité et de dystonie
neurovégétative. Le docteur A.________ a relevé qu'à la suite
d'efforts
inhabituels déployés en novembre 1994, O.________ avait commencé à
présenter
des scapulalgies gauches se généralisant pour devenir des rachialgies
globales accompagnées de sensations paresthésiantes des membres
supérieurs et
inférieurs ainsi que des céphalées et des troubles du sommeil. Les
investigations s'étant révélées négatives, des traitements physiques
et des
antidépresseurs ont été administrés au patient, toutefois sans
résultat. Le
médecin a constaté une diminution des douleurs au repos et sous
traitement
médicamenteux; en revanche, à l'effort, il a attesté une aggravation
des
douleurs et une obligation de repos. Le docteur A.________ a
considéré qu'à
l'exception des troubles statiques rachidiens, il n'y avait pas de
signes
objectivables d'atteintes physiques ou neurologiques. En conclusion,
il a
retenu pour le patient une incapacité de travailler dans son métier de
vitrier et a suggéré une expertise « globale » car son patient
n'était pas
prêt, à ses yeux, à entreprendre une réadaptation professionnelle.

Appelé par l'office AI à se prononcer sur le cas de O.________, le
docteur
C.________, psychiatre à Lausanne, a rendu un rapport, le 2 septembre
1996,
dans lequel il a posé le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme
persistant, de personnalité passive-agressive et de troubles de
l'adaptation.
Il a considéré que la capacité de travail sur le plan psychique était
fortement diminuée (70 %) et qu'un reclassement professionnel était
improbable.

A la lumière de ces différents avis médicaux, l'office AI a, par
décisions du
20 février 1998, alloué à O.________ une demi-rente ordinaire simple
d'invalidité dès le 1er décembre 1995, fondée sur un taux
d'invalidité de 50
%. Cette prestation était assortie de rentes complémentaires en
faveur de
l'épouse et des enfants de O.________.

A.b Le 10 mars 1998, O.________ a déféré ces décisions au Tribunal des
assurances du canton de Vaud. Il a conclu à leur réforme en ce sens
que le
taux d'invalidité fût fixé à plus de deux tiers et que les rentes
fussent
adaptées en conséquence.

Le Tribunal cantonal a considéré que le rapport du docteur C.________
n'était
pas assez précis pour que l'on puisse admettre l'existence d'une
atteinte à
la santé mentale propre à justifier une invalidité supérieure à 50%.
Par
jugement du 1er octobre 1998, la juridiction cantonale a admis le
recours,
annulé les deux décisions attaquées et renvoyé le dossier à l'office
AI afin
qu'il fasse procéder à une expertise psychiatrique ou
multidisciplinaire et
rende une nouvelle décision.

A.c A la suite de ce jugement et sur mandat de l'office AI, les
responsables
du Centre d'observation médicale de l'AI de Lausanne (ci-après COMAI)
ont
examiné O.________. Un rapport a été établi le 5 mai 2000 par le
professeur
D.________, les docteurs E.________ et F.________, internistes, en
collaboration avec le docteur G.________, rhumatologue et le docteur
H.________, psychiatre. Ceux-ci ont fait appel à deux consultants, les
docteurs I.________, psychiatre, et J.________, rhumatologue.

Le docteur I.________ n'a pas mis en évidence de troubles de la
personnalité
tels qu'ils avaient été décrits par son confrère C.________, mais il
n'a pas
exclu que, selon les circonstances, de tels troubles puissent
s'exprimer.
Pour le psychiatre I.________, O.________ souffre d'une maladie
mentale, à
savoir une comorbidité psychiatrique qui associe à un trouble
bipolaire des
troubles somatoformes, entraînant ainsi une incapacité totale de
travailler.

Les experts du COMAI ont posé le diagnostic de troubles affectifs
bipolaires,
épisode actuel de dépression moyenne, et de troubles somatoformes
douloureux.
Ce diagnostic était fondé sur le fait que l'examen clinique et le
bilan
radiologique ne montraient pas d'affection somatique susceptible
d'expliquer
les plaintes douloureuses de O.________, le docteur J.________ ayant
conclu
qu'il n'existait pas chez le patient de pathologie permettant de
justifier
une incapacité de travail en tant que vitrier. Les médecins du COMAI
se sont
en revanche distancés de l'appréciation du docteur I.________ quant
aux
conséquences des troubles psychiques de l'assuré sur sa capacité de
travail.
A ce sujet, ils ont estimé que le patient était encore capable de
travailler
à 50 % dans son activité antérieure, pour autant qu'il soit dispensé
de
porter des charges dépassant 15 à 20 kg. Les experts ont justifié leur
position par le fait que l'anamnèse n'a pas révélé que la maladie
mentale de
O.________ aurait provoqué un épisode maniaque franc ou un état
dépressif
majeur, tout en précisant que pour ce genre de maladie et selon
l'expérience
médicale, une guérison complète est observée entre deux épisodes
maniaques ou
dépressifs.
Au terme de ce complément d'instruction, l'office AI a conclu qu'un
travail
de vitrier reste exigible de la part de O.________, car il ne souffre
pas
d'atteinte à la santé physique ou psychique susceptible de diminuer sa
capacité de gain. En conséquence, par décision du 24 juillet 2000,
l'office
AI a rejeté la demande de prestations du « 1er octobre 1998 », ladite
décision prenant effet au premier jour du deuxième mois suivant sa
notification. L'administration a ajouté que les rentes avaient été
accordées
à tort, le 20 février 1998.

B.
O.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal
cantonal des
assurances en concluant principalement à l'octroi d'une rente entière
d'invalidité dès le 1er octobre 1998 et, subsidiairement, au maintien
de la
demi-rente, assortie des rentes complémentaires pour les membres de sa
famille.

La juridiction de recours a considéré qu'elle pouvait faire siennes
les
conclusions des experts, selon lesquelles O.________ présente une
capacité de
travail résiduelle de 50 % dans l'activité de vitrier qui était la
sienne par
le passé. Par ailleurs, elle a estimé que son incapacité de gain
correspondait à son incapacité de travail. Dès lors, par jugement du
30
juillet 2001, le Tribunal cantonal a admis le recours et réformé la
décision
de l'office AI, en ce sens qu'un droit à une demi-rente d'invalidité
a été
reconnu à l'assuré pour la période s'étendant au-delà du 1er
septembre 2000.

C.
L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il demande l'annulation.

O. ________ conclut au rejet du recours avec suite de dépens; il
sollicite le
bénéfice de l'assistance judiciaire. L'Office fédéral des assurances
sociales
ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.
Le litige porte sur le droit de l'intimé à une demi-rente
d'invalidité à
partir du 1er septembre 2000, en raison de ses affections d'ordre
psychique.
Son droit aux rentes déjà versées jusqu'à cette date n'est en
revanche pas
litigieux.

2.
2.1Selon l'art. 4 al. 1 LAI, l'invalidité est la diminution de la
capacité de
gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d'une
atteinte à la
santé physique ou mentale provenant d'une infirmité congénitale, d'une
maladie ou d'un accident.
Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent, comme les
atteintes
physiques, provoquer une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI, on
doit
mentionner - à part les maladies mentales proprement dites - les
anomalies
psychiques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas comme
des
conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des
affections à
prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la
capacité
de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne
volonté; la
mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi
objectivement que
possible. Il faut donc établir si et dans quelle mesure un assuré
peut,
malgré son infirmité mentale, exercer une activité que le marché du
travail
lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point déterminant est ici
de
savoir quelle activité peut raisonnablement être exigée dans son cas.
Pour
admettre l'existence d'une incapacité de gain causée par une atteinte
à la
santé mentale, il n'est donc pas décisif que l'assuré exerce une
activité
lucrative insuffisante; il faut bien plutôt se demander s'il y a lieu
d'admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut,
pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou qu'elle
serait même
insupportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 consid.
2b et
les références; cf. aussi 127 V 298 consid. 4c in fine).
Selon la jurisprudence, des troubles somatoformes douloureux peuvent,
dans
certaines circonstances, provoquer une incapacité de travail (ATF 120
V 119
consid. 2c/cc; RSAS 1997 p. 75; RAMA 1996 n° U 256 pp. 217 ss consid.
5 et
6). De tels troubles entrent dans la catégorie des affections
psychiques,
pour lesquelles une expertise psychiatrique est en principe
nécessaire quand
il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail qu'ils sont
susceptibles d'entraîner (VSI 2000 p. 160 consid. 4b).

2.2 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou
le
juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin,
éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La
tâche du
médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à
indiquer dans
quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de
travailler.
En outre, les données médicales constituent un élément utile pour
déterminer
quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré
(ATF 125 V
261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158
consid.
1).
En principe, le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des
conclusions
d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant
précisément
de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice
afin de
l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la
jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise
judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une
surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de
manière
convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des
opinions
contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des
déductions
de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation
divergente
des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une
instruction
complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF
125 V 352
consid. 3b/aa et les références). En ce qui concerne, par ailleurs,
la valeur
probante d'un rapport médical, ce qui est déterminant c'est que les
points
litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le
rapport se
fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en
considération les
plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en
pleine
connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et
l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que
les
conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant,
l'élément
déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de
preuve ni
sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son
contenu
(ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références).

3.
3.1En procédure fédérale, le recourant s'en prend essentiellement aux
conclusions des experts psychiatres et plus particulièrement à celles
du
docteur I.________, qui jugeait l'intimé entièrement incapable de
travailler.
Selon le recourant, le diagnostic de l'expert I.________ - un trouble
bipolaire à pôle maniaque - est erroné, car l'état objectif de
l'intimé ne
correspond ni aux descriptions de cet expert ni à la définition de
cette
affection psychique. Le recourant poursuit en soutenant que
le
«malaise» de
l'expert I.________ - qui a parlé ensuite d'un trouble affectif
bipolaire,
épisode actuel de dépression moyenne - a gagné l'ensemble du COMAI,
lequel a
finalement retenu à tort, à son avis, une incapacité de travail de 50
%.

Le recourant allègue par ailleurs que l'état de l'intimé n'est ni
clairement
dépressif ni clairement maniaque, mais qu'il correspond plutôt à une
dysthymie chez une personnalité passive-agressive, comme le docteur
C.________ l'avait attesté. Dès lors, estime le recourant, les
troubles
évoqués ne témoignent pas d'une pathologie psychiatrique grave, si
bien qu'en
faisant preuve de toute la bonne volonté qu'on est en droit d'exiger
de
l'intimé, ce dernier peut mettre sa capacité de travail à profit.

3.2 En saisissant le Tribunal fédéral des assurances, l'office
recourant
devait à tout le moins exposer en quoi les conclusions des experts du
COMAI
souffraient de contradictions ou n'étaient pas convaincantes. Le
recourant
n'a toutefois pas remis sérieusement en cause les conclusions desdits
experts, dans la mesure où le seul grief qu'il leur adresse consiste
à s'être
laissés gagner par ce qu'il appelle le «malaise» de l'expert
I.________. En
revanche, sans raison apparente, le recourant a focalisé ses
critiques sur le
rapport du docteur I.________ dont les experts du COMAI s'étaient
pourtant
distancés. Quant à la référence au diagnostic du psychiatre
C.________, elle
ne lui est d'aucun secours, car le Tribunal cantonal des assurances
avait
considéré, dans son jugement de renvoi du 1er octobre 1998, que le
rapport de
ce médecin manquait de précision.

Quoi qu'en dise le recourant, le rapport d'expertise du COMAI du 5
mai 2000
remplit toutes les conditions auxquelles la jurisprudence rappelée au
consid.
2.2 ci-dessus soumet la valeur probante de tels documents. Les
médecins du
COMAI, parmi lesquels officiait le psychiatre H.________, ont fait une
analyse nuancée et approfondie de la situation et de l'ensemble des
examens.
En particulier, ils ont exposé les motifs - pertinents - qui les ont
conduit
à s'écarter des conclusions de leur confrère I.________ et à fixer le
taux
d'incapacité de travail de l'intimé à 50 %. Le recours est mal fondé.

4.
Vu le sort du litige, l'intimé a droit à des dépens pour la procédure
fédérale, à charge du recourant qui succombe (art. 159 al. 1 OJ). Sa
demande
d'assistance judiciaire (art. 152 OJ) n'a donc plus d'objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le recourant versera à l'intimé la somme de 1000 fr. à titre de
dépens (y
compris la taxe à la valeur ajoutée) pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 19 août 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.607/01
Date de la décision : 19/08/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-08-19;i.607.01 ?
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