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13/08/2002 | SUISSE | N°I.604/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 août 2002, I.604/01


«AZA 7»
I 604/01 Bh

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Meyer et Kernen.
Greffier : M. Métral

Arrêt du 13 août 2002

dans la cause

B.________, recourante, représentée par Me Stéphanie Künzi,
avocate, Rue des Terreaux 5, 2001 Neuchâtel,

contre

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5,
2302 La Chaux-de-Fonds, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- a) B.________ a travaillé en qualité d'opératrice

au service de la société Q.________ SA, jusqu'au 31 août
1996. A l'échéance de son contrat de travail, elle a béné-
ficié d'indemnités j...

«AZA 7»
I 604/01 Bh

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Meyer et Kernen.
Greffier : M. Métral

Arrêt du 13 août 2002

dans la cause

B.________, recourante, représentée par Me Stéphanie Künzi,
avocate, Rue des Terreaux 5, 2001 Neuchâtel,

contre

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5,
2302 La Chaux-de-Fonds, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- a) B.________ a travaillé en qualité d'opératrice
au service de la société Q.________ SA, jusqu'au 31 août
1996. A l'échéance de son contrat de travail, elle a béné-
ficié d'indemnités journalières de l'assurance-chômage. Dès
le 16 janvier 1997, son médecin traitant, le docteur
Z.________, a attesté d'une incapacité de travail totale,
en raison d'une discopathie L1-L2, d'une myotendinite de
l'appareil masticateur et de la nuque et d'infections
récidivantes dans la région du sinus maxillaire supérieur

droit. Le 28 juillet 1998, la prénommée a déposé une de-
mande de rente d'invalidité à l'Office de l'assurance-inva-
lidité du canton de Neuchâtel (ci-après : l'office AI), qui
a confié une expertise au docteur Y.________, spécialiste
en médecine interne et rhumatologie. Sur la base des cons-
tatations de l'expert, la demande de prestations a été
rejetée par décision du 22 juin 1999.

b) B.________ a déposé une nouvelle demande de rente
d'invalidité le 22 mars 2000, en alléguant une péjoration
de son état de santé. Elle indiquait être suivie par le
docteur Z.________ et par le docteur X.________. D'après
l'assurée, ce dernier, spécialiste en rhumatologie, rete-
nait le diagnostic de maladie auto-immune et recommandait
un nouvel examen de son droit à une rente d'invalidité.
Le docteur W.________, médecin-conseil de l'office AI,
a proposé de mettre en oeuvre une expertise rhumatologique,
après s'être renseigné par téléphone auprès du docteur
X.________. Mandaté en qualité d'expert, le docteur
V.________, du Service de rhumatologie, médecine physique
et réhabilitation du Centre hospitalier C.________ a exposé
que l'assurée disposait d'une capacité de travail de 80 à
100 % dans une activité ne nécessitant pas le port de
lourdes charges et permettant l'alternance des positions
assise et debout. L'expert posait notamment le diagnostic
de troubles somatoformes douloureux, de céphalées chro-
niques, de séquelles d'opération du sinus maxillaire droit
- l'assurée avait subi une résection d'un kyste en 1982 -,
et de status après résection du cornet moyen du nez à
droite, en 1997 (expertise du 6 juillet 2000). L'assurée a
par ailleurs informé l'office AI du fait qu'elle avait con-
sulté le docteur U.________, psychiatre, en date du 22 août
2000, et a produit plusieurs rapports médicaux établis par
les docteurs X.________ (rapport du 2 mars 2000),
T.________, du Service de neuroradiologie de l'Hôpital
H.________ (rapport du 17 juillet 2000) et Z.________ (rap-
port du 31 août 2000), en demandant qu'une instruction

complémentaire soit mise en oeuvre. Le médecin-conseil de
l'office AI s'est renseigné par téléphone auprès du docteur
U.________, puis a proposé de nier le droit de l'assurée à
des prestations de l'assurance-invalidité.
Par décision du 19 septembre 2000, l'office AI a
rejeté la demande de rente présentée le 23 mars 2000 par
B.________.

B.- Cette dernière a déféré la cause au Tribunal
administratif du canton de Neuchâtel et a produit un
rapport établi le 4 octobre 2000 par le docteur U.________.
Ce praticien fait état d'un épisode de dépression et de
troubles phobiques; en ce qui concerne l'incapacité de
travail de l'assurée, il a considéré qu'elle était attestée
par le docteur Z.________ pour des atteintes à la santé
physiques, mais a ajouté qu'elle était également due aux
troubles psychiques constatés.
Par jugement du 3 septembre 2001, la juridiction
cantonale a rejeté le recours déposé par l'assurée.

C.- B.________ interjette un recours de droit adminis-
tratif, en concluant, sous suite de frais et dépens, à
l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause
à l'office AI pour instruction complémentaire. L'office AI
conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.- Lorsqu'une rente ou une allocation pour impotent a
été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffi-
sant ou parce qu'il n'y avait pas d'impotence, une nouvelle
demande ne peut être examinée que si l'assuré rend plau-
sible que son invalidité ou son impotence s'est modifiée de
manière à influencer ses droits (art. 87 al. 3 et 4 RAI).

Quand l'administration entre en matière sur la nou-
velle demande, elle doit examiner l'affaire au fond, et
vérifier que la modification du degré d'invalidité ou de
l'impotence rendue plausible par l'assuré est réellement
intervenue. Elle doit par conséquent procéder de la même
manière qu'en cas de révision au sens de l'art. 41 LAI. Si
elle constate que l'invalidité ou l'impotence ne s'est pas
modifiée depuis la décision précédente, passée en force,
elle rejette la demande. Sinon, elle doit encore examiner
si la modification constatée suffit à fonder une invalidité
ou une impotence donnant droit à prestations et statuer en
conséquence. En cas de recours, le même devoir de contrôle
quant au fond incombe au juge (ATF 117 V 198 consid. 3a et
la référence).

2.- En l'espèce, l'office AI est entré en matière sur
la nouvelle demande déposée le 22 mars 2000. Cela étant, il
lui appartenait d'instruire la cause d'office (art. 69
RAI), dans le respect des droits procéduraux de l'assurée.
Les premiers juges ont considéré que tel avait bien été le
cas, le rapport du docteur U.________ produit par l'assurée
postérieurement à la décision entreprise ne permettant au
demeurant pas de retenir l'existence d'une atteinte durable
à sa santé psychique.

a) aa) La jurisprudence, rendue sous l'empire de
l'art. 4 aCst. et qui s'applique également à l'art. 29
al. 2 Cst. (ATF 127 I 56 consid. 2b, 12 III 578 consid. 2c,
126 V 130 consid. 2a), a déduit du droit d'être entendu, en
particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer
avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui
de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer
sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier,
celui de participer à l'administration des preuves, d'en
prendre connaissance et de se déterminer à leur propos
(ATF 126 I 16 consid. 2a/aa, 124 V 181 consid. 1a, 375 con-
sid. 3b et les références).

En règle générale, les renseignements relatifs aux
faits déterminants en droit entrent en ligne de compte
comme moyens de preuve seulement s'ils ont été demandés et
fournis par écrit. Lorsqu'un renseignement est sollicité
oralement, il y a lieu de procéder à une audition verba-
lisée. Conformément à son droit d'être entendu, le justi-
ciable doit alors être invité à prendre position sur le
renseignement écrit, voire sur le procès-verbal d'audition
(ATF 124 V 94 consid. 4b, 119 V 213 sv. consid. 4b sv.,
117 V 283 ss consid. 4b sv.).

bb) Les services médicaux des offices de l'assurance-
invalidité (médecins-conseils) ont en principe pour fonc-
tion d'examiner les demandes de prestations et de guider
les collaborateurs et les conseillers de ces offices en ce
qui concerne les questions médicales. En particulier, ils
contrôlent, lors de l'évaluation de l'invalidité d'un
assuré, si toutes les bases de décision nécessaires sont à
disposition. Si tel n'est pas le cas, ils apportent leur
aide pour le choix des mesures d'instruction à mettre en
oeuvre et y participent parfois, par exemple en formulant
les questions à soumettre à un expert (cf. Interface,
Institut für Politikstudien, Die ärztliche Beurteilung und
ihre Bedeutung im Entscheidverfahren über einen Rentenan-
spruch in der Eidg. Invalidenversicherung, in : Beiträge
zur sozialen Sicherheit no 6/99, p. 43). Il ne leur appar-
tient pas de procéder eux-mêmes à un examen médical de la
personne assurée (art. 69 al. 4 RAI), mais d'aider les
services des offices de l'assurance-invalidité à réunir les
rapports médicaux et les expertises nécessaires, puis à les
interpréter correctement. Dans ce cadre, ils peuvent si
nécessaire prendre contact par téléphone avec l'auteur d'un
rapport médical ou d'une expertise pour clarifier un point
de détail, mais veilleront alors à consigner par écrit le
résultat de cette mesure d'instruction, sur laquelle
l'assuré doit avoir la possibilité de se déterminer.

b) En l'occurrence, le médecin-conseil de l'office AI
n'a pas demandé de rapport médical écrit aux docteurs
X.________ et U.________, mais s'est borné à les interroger
par téléphone. Or, d'une part, les renseignements demandés
ne portaient pas sur des points secondaires, autant que
cela ressorte des notes intitulées «appréciations du
médecin de l'OAI»; d'autre part, et quoi qu'il en soit, il
lui appartenait de consigner par écrit les renseignements
médicaux obtenus par téléphone. A cet égard, le peu que
l'on puisse déduire des appréciations du médecin-conseil de
l'office AI est manifestement insuffisant et semble, du
reste, partiellement contredit par le rapport du docteur
U.________ produit devant la juridiction cantonale. Il
s'ensuit que le droit d'être entendu dont bénéficiait
l'assurée a été violé lors de la procédure dirigée par
l'intimé, ce que les premiers juges devaient constater
d'office.

3.- a) Le droit d'être entendu est une garantie
constitutionnelle de caractère formel, dont la violation
doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indé-
pendamment des chances de succès du recourant sur le fond
(ATF 126 V 132 consid. 2b et les arrêts cités).
Néanmoins, selon la jurisprudence, une telle violation
- pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particu-
lière - est réparée lorsque la partie lésée a la possibi-
lité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant
d'un plein pouvoir d'examen. Au demeurant, la réparation
d'un vice éventuel ne doit avoir lieu qu'exceptionnellement
(ATF 126 I 72, 126 V 132 consid. 2b et les références).

b) En l'espèce, la violation du droit d'être entendu a
porté sur deux mesures probatoires distinctes, dont aucune
n'était dépourvue d'importance. Elle entache la régularité
de la procédure menée devant l'office AI d'un vice grave.
S'y ajoute le fait que B.________ avait expressément dé-
ploré qu'aucun rapport médical n'ait été demandé à ses

médecins traitants, de sorte que l'expert mandaté par
l'intimé ne s'était pas déterminé sur leurs observations;
elle avait par conséquent demandé la mise en oeuvre d'une
instruction complémentaire. Or, après avoir omis de deman-
der des rapports écrits ou de consigner au dossier les
renseignements médicaux obtenus par téléphone - dont une
partie aurait ainsi pu être portée à la connaissance de
l'expert -, l'office AI devait accéder à cette demande, qui
pouvait être satisfaite de manière relativement simple.
Dans ces conditions, la production par l'assurée de rap-
ports médicaux établis par les docteurs X.________ et
U.________, ainsi que les procédures judiciaires succes-
sives, n'ont pas permis de réparer le vice de procédure.
L'intimé devra reprendre l'examen de la cause après avoir
complété le dossier. A cet égard, il pourra, par exemple,
soumettre au docteur V.________ les rapports médicaux pro-
duits par l'assurée pour qu'il indique s'ils contiennent
des éléments susceptibles d'influencer son analyse, avant,
le cas échéant, de mettre en oeuvre d'autres mesures d'ins-
truction.

4.- La recourante obtient gain de cause, de sorte
qu'elle peut prétendre des dépens à charge de l'intimé
(art. 159 al. 1 OJ). Par ailleurs, la procédure est gra-
tuite, dès lors qu'elle porte sur l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du 3 septembre
2001 du Tribunal administratif du canton de
Neuchâtel, ainsi que la décision du 19 septembre 2000
de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton
de Neuchâtel sont annulés, la cause étant renvoyée à

cet office pour instruction complémentaire et nouvelle
décision au sens des considérants.

II. L'intimé versera à la recourante la somme de 2500 fr.
(y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de
dépens pour l'instance fédérale.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Neuchâtel et à l'Of-
fice fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 13 août 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.604/01
Date de la décision : 13/08/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-08-13;i.604.01 ?
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