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13/08/2002 | SUISSE | N°1P.382/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 août 2002, 1P.382/2002


{T 0/2}
1P.382/2002/col

Arrêt du 13 août 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Catenazzi,
greffier Thélin.

X. ________, actuellement en détention préventive, prison du
Bois-Mermet,
Bois-Gentil 2, 1018 Lausanne,
recourant, représenté par Me Jean Lob, avocat, rue du Lion d'Or 2,
case
postale 3133, 1002 Lausanne,

contre

Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, quai

Maria-Belgia
18, case postale, 1800 Vevey,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route
du Signal...

{T 0/2}
1P.382/2002/col

Arrêt du 13 août 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Catenazzi,
greffier Thélin.

X. ________, actuellement en détention préventive, prison du
Bois-Mermet,
Bois-Gentil 2, 1018 Lausanne,
recourant, représenté par Me Jean Lob, avocat, rue du Lion d'Or 2,
case
postale 3133, 1002 Lausanne,

contre

Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, quai
Maria-Belgia
18, case postale, 1800 Vevey,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route
du Signal
8, 1014 Lausanne.

droit d'un détenu à l'emploi du téléphone

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du 8
juillet
2002.

Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:

1.
Prévenu d'escroquerie, X.________ se trouve en détention préventive
depuis le
14 novembre 2001, sous l'autorité du Juge d'instruction de
l'arrondissement
de l'Est vaudois.

Ce magistrat lui a refusé l'autorisation de téléphoner à son amie
Y.________,
résidant en Roumanie, avec qui il échange de la correspondance. Par
un arrêt
du 8 juillet 2002, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal
vaudois a
rejeté la réclamation élevée, à ce sujet, par le prévenu en
détention. Le
Tribunal d'accusation a constaté que Y.________ n'appartient pas à la
famille
de l'intéressé et que celui-ci est par ailleurs marié; il considère
que le
droit de correspondre par courrier est suffisant, en l'occurrence,
pour lui
permettre d'entretenir un contact avec son amie.

2.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation des
art. 8
Cst., 13 Cst. et 8 CEDH, X.________ requiert le Tribunal fédéral
d'annuler
l'arrêt du Tribunal d'accusation.

Invités à répondre, cette autorité et le Juge d'instruction ont
renoncé à
déposer des observations.

Une demande d'assistance judiciaire est jointe au recours.

3.
Selon la jurisprudence, l'exercice des droits constitutionnels ou
conventionnels de la personne détenue ne doit pas être restreint
au-delà de
ce qui est nécessaire au but de la détention et au fonctionnement
normal de
l'établissement (ATF 124 I 203 consid. 2b p. 204; 123 I 221 consid.
I/4c p.
228; 122 II 299 consid. 3b p. 303; 118 Ia 64 consid. 2d p. 73). Cela
concerne
notamment le maintien de contacts avec les membres de la proche
famille, tels
le conjoint et les enfants, protégé par les garanties
constitutionnelle et
conventionnelle de la liberté personnelle et du respect de la vie
privée et
familiale.

3.1 Dans ce domaine, la jurisprudence européenne relative à l'art. 8
CEDH
n'est guère détaillée; elle reconnaît une marge d'appréciation
étendue aux
autorités nationales, pour tenir compte des exigences "normales et
raisonnables" de l'incarcération (CourEDH, arrêt du 11 juillet 2000
Dikme c.
Turquie, ch. 117). Le Tribunal fédéral a jugé qu'en principe, la
personne en
détention préventive devait être autorisée à recevoir la visite de ses
proches durant une heure par semaine, au minimum, dès que la durée de
la
détention excède un mois (ATF 106 Ia 136 consid. 7a p. 140/141). Il a
aussi
jugé que les visites de personnes extérieures au cercle familial
devaient
être autorisées, dans des cas où le détenu n'avait aucun membre de sa
famille
en Suisse, ou n'avait pas de rapports étroits avec eux (arrêts
1P.376/1998 du
4 août 1998 et 1P.310/2000 du 9 juin 2000). Quant aux communications
téléphoniques, certains arrêts ont dénié à la personne détenue toute
prétention à l'emploi de ce mode de contact, fondée directement sur la
Constitution ou la Convention, en réservant l'hypothèse de situations
exceptionnelles ou d'urgence; l'accès au téléphone n'était donc
exigible, le
cas échéant, que dans la mesure prévue par le règlement de
l'établissement
concerné (arrêt 1P.197/1994 du 31 mars 1995, Pra 1996 n° 142 p. 474,
consid.
24 p. 481/482; arrêt 1P.55/1993 du 29 mars 1993, consid. 3b).

3.2 Le règlement de la prison du Bois-Mermet à Lausanne, du 9
septembre 1977,
autorise les prévenus en détention préventive à recevoir des visites
(art.
210) et à expédier ou recevoir de la correspondance (art. 226); il ne
contient, pour le surplus, aucune disposition relative à l'usage du
téléphone.

A ce sujet, le recourant fait valoir que les règlements des
établissements de
détention doivent satisfaire à des exigences minimum de clarté et de
précision, afin d'assurer aux détenus une protection suffisante contre
l'arbitraire ou d'autres violations de leurs droits fondamentaux (ATF
123 I
221 consid. 4a p. 226; voir aussi ATF 124 I 203 consid. 2b p. 205).
Il n'est
cependant pas nécessaire d'examiner si l'emploi du téléphone par un
détenu
doit être autorisé pour cette seule raison que le règlement
applicable ne
l'exclut pas. En effet, dans la présente espèce, le recours de droit
public
doit de toute façon être admis pour un autre motif.

3.3 Envers d'autres détenus incarcérés à la prison du Bois-Mermet et,
donc,
soumis au même règlement, l'emploi du téléphone a pu être refusé dans
un cas
où le correspondant résidait en Suisse et devait être autorisé à
rendre
visite à l'intéressé (arrêt précité 1P.310/2000); dans une autre
affaire, le
Tribunal fédéral a jugé inadmissible de limiter à une seule fois par
mois la
possibilité d'appeler les membres de la famille habitant un pays
lointain,
compte tenu que des appels plus fréquents semblaient ne poser aucun
problème
pratique et que le Juge d'instruction avait déjà autorisé des
communications
non surveillées (arrêt 1P.666/2000 du 23 novembre 2000). Ces
précédents
montrent qu'un droit à l'utilisation du téléphone est éventuellement
reconnu
non seulement dans les hypothétiques cas exceptionnels ou d'urgence,
mais
aussi lorsque le détenu demande à communiquer avec des proches dont
on ne
peut pas attendre, notamment en raison de l'éloignement, qu'ils se
rendent à
la prison pour lui rendre visite. Le droit de téléphoner est alors
reconnu
comme un substitut de celui de recevoir des visites.

En l'occurrence, le recourant explique sans être contredit qu'il vit
séparé
de son épouse depuis deux ans, qu'il a une amie en la personne de
Y.________,
en Roumanie, et qu'il ne reçoit que rarement des visites. Pour
déterminer
quelles sont les personnes à considérer comme les proches du détenu,
avec qui
celui-ci doit pouvoir maintenir les contacts les plus étroits, il faut
notamment tenir compte de son opinion et de ses motifs; par
conséquent, le
fait que le recourant soit marié ne constitue pas un motif pertinent
de lui
refuser l'autorisation de téléphoner à son amie. Par ailleurs, les
autorités
intimées ne redoutent aucune collusion qui puisse nuire à l'enquête
pénale
actuellement en cours, et il est constant qu'à la prison du
Bois-Mermet, les
communications téléphoniques des détenus peuvent éventuellement être
enregistrées et surveillées pour les besoins de la sécurité (arrêt
précité
1P.666/2000, consid. 2b). Dans ces conditions, le recourant est fondé
à se
plaindre d'une atteinte disproportionnée à l'exercice de ses droits
constitutionnels, ce qui entraîne l'annulation de l'arrêt attaqué.

4.
Le recourant qui obtient gain de cause a droit à des dépens, de sorte
qu'il
n'est pas nécessaire de statuer sur sa demande d'assistance
judiciaire.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Le canton de Vaud versera une indemnité de 800 fr. au recourant à
titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au Juge
d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois et au Tribunal
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 13 août 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.382/2002
Date de la décision : 13/08/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-08-13;1p.382.2002 ?
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