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13/08/2002 | SUISSE | N°1P.328/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 août 2002, 1P.328/2002


{T 0/2}
1P.328/2002/col

Arrêt du 13 août 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Catenazzi, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Charles Guerry, avocat, case postale
538, 1701
Fribourg,

contre

Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud,
ro

ute du
Signal 8, 1014 Lausanne.

procédure pénale; appréciation des preuves

recours de droit public contre l'arrêt de l...

{T 0/2}
1P.328/2002/col

Arrêt du 13 août 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Catenazzi, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Charles Guerry, avocat, case postale
538, 1701
Fribourg,

contre

Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud,
route du
Signal 8, 1014 Lausanne.

procédure pénale; appréciation des preuves

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale
du
Tribunal cantonal du canton de Vaud du 11 février 2002

Faits:

A.
Le 18 mars 1998, vers 20h30, une patrouille de la gendarmerie
vaudoise,
composée de l'appointé I.________ et du caporal C.________, a eu son
attention attirée par un véhicule circulant sur la route cantonale
Lausanne-Berne à une vitesse excessive. Après avoir rattrapé
l'automobiliste
qui le précédait, le conducteur de ce véhicule, A.________, l'a suivi
sur
quelque 2'000 mètres à une distance de l'ordre de cinq mètres,
jusqu'à la
hauteur de l'entreprise Fotolabo, à Ropraz. Lorsque celui-ci eut
quitté la
route principale, il accéléra fortement pour circuler à une vitesse
moyenne
nette de 163 km/h, selon une première mesure de vitesse effectuée par
la
gendarmerie sur une distance de 2'951 mètres au moyen d'un
tachygraphe avec
calculatrice "Multagraph T 21" dûment homologué et étalonné. Un second
contrôle de vitesse a été effectué une trentaine de secondes plus
tard, à la
hauteur de la gravière de Syens, sur une distance de 1'094 mètres.
Selon le
relevé de mesures, A.________ circulait à une vitesse moyenne de 172
km/h,
après déduction de la marge de sécurité prévue par les Instructions
concernant les contrôles de vitesse dans la circulation routière,
édictées le
15 décembre 1994 par le Département fédéral de justice et police
(ci-après:
les instructions du DFJP), lors d'un contrôle de vitesse en distance
libre.
A la suite de ces faits, le Juge d'instruction de l'arrondissement de
l'Est
vaudois a, par ordonnance du 22 juin 1998, condamné A.________ à une
peine de
dix jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et à une
amende de
800 francs, pour violation grave des règles de la circulation.
Statuant sur opposition le 9 octobre 1998, le Tribunal de police du
district
d'Oron a reconnu A.________ coupable de violation grave des règles de
la
circulation et l'a condamné à une amende de 2'500 francs avec délai
d'épreuve
et de radiation de deux ans. Il s'est déclaré convaincu que l'accusé
avait
roulé à une vitesse de 163 km/h nette sur le premier tronçon ayant
fait
l'objet d'une mesure de vitesse; il n'a cependant pas retenu la
vitesse de
172 km/h, s'agissant du second tronçon, en raison du doute qui
subsistait,
après l'audition de l'appointé I.________, sur la manière dont la
mesure de
vitesse avait été effectuée. La Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal
du canton de Vaud (ci-après: la Cour de cassation pénale ou la cour
cantonale) a confirmé ce jugement par arrêt du 26 novembre 1998.
Au terme d'un arrêt rendu le 30 juin 1999, le Tribunal fédéral a
admis le
recours de droit public de A.________ et annulé cet arrêt. Il a
considéré que
la cour cantonale avait versé dans l'arbitraire en confirmant le
jugement du
Tribunal de police du district d'Oron du 9 octobre 1998 sans
expliquer les
raisons pour lesquelles la divergence constatée entre la distance
séparant
les deux points de mesure calculée par la gendarmerie et celle
déduite de la
lecture d'une carte de la région au 1:25'000 ne faisaient naître un
doute sur
le respect des instructions du DFJP qu'à l'égard de la seconde mesure
de
vitesse, alors même que cette divergence concernait aussi le tronçon
ayant
servi à la réalisation de la première mesure de vitesse.
Par arrêt du 27 septembre 1999, la Cour de cassation pénale a annulé
le
jugement rendu le 9 octobre 1998 par le Tribunal de police du
district d'Oron
et renvoyé la cause devant le Tribunal de police du district
d'Yverdon,
devenu par la suite le Tribunal de police de l'arrondissement de La
Broye et
du Nord vaudois, pour nouvelle instruction et nouveau jugement.
Statuant le 27 novembre 2000, cette autorité a condamné A.________,
pour
violation grave des règles de la circulation, à dix jours
d'emprisonnement,
avec sursis pendant deux ans, et à une amende de 800 francs. Se
fondant
notamment sur les constatations retenues dans le rapport de
gendarmerie
confrontées aux explications claires et cohérentes du caporal
C.________, qui
conduisait le véhicule de gendarmerie, elle s'est déclarée convaincue
que
l'accusé avait effectivement roulé aux vitesses mesurées par les
gendarmes et
dépassé la vitesse maximale prescrite de 83 km/h, puis de 92 km/h.
Saisie d'un recours en nullité du condamné, la Cour de cassation
pénale a
confirmé ce jugement par arrêt du 25 janvier 2001. Elle a retenu en
substance
que le conducteur du véhicule suiveur avait expliqué de façon claire
et
cohérente que les deux mesures de vitesse avaient été relevées
conformément
aux instructions du DFJP, de sorte qu'il n'existait aucun doute
sérieux quant
aux dépassements de vitesse reprochés à l'accusé.
Statuant le 30 octobre 2001, le Tribunal fédéral a admis le recours
de droit
public formé par A.________ contre cet arrêt qu'il a annulé. Il a
considéré
que la cour cantonale avait versé dans l'arbitraire en ne
sanctionnant pas le
jugement de première instance en tant qu'il tenait la culpabilité de
l'accusé
pour établie sur la base des déclarations du caporal C.________,
entendu à
l'audience, sans se prononcer sur les contradictions qu'elles
renfermaient
avec celles de l'appointé I.________, faites six mois après les faits.
Au terme d'un nouvel arrêt rendu le 11 février 2002, la Cour de
cassation
pénale a admis le recours formé par A.________ contre le jugement du
Tribunal
de police de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois du 27
novembre
2000; elle a réformé ce jugement en ce sens que l'accusé est condamné
pour
violation grave des règles de la circulation à la peine de huit jours
d'emprisonnement, ainsi qu'à une amende de 800 fr., et l'a confirmé
pour le
surplus. Elle a considéré que les hésitations de l'appointé
I.________ quant
au respect des instructions du DFJP portaient sur la seconde mesure de
vitesse, que les déclarations du caporal C.________ selon lesquelles
la
distance avec le véhicule de l'accusé avait été relativement constante
pendant la mesure, et surtout plus longue à la fin qu'au début de
celle-ci,
étaient dignes de foi en ce qui concerne le premier tronçon, au
regard du
déroulement des faits tel qu'il résultait des déclarations
concordantes des
gendarmes et du rapport de police, et a retenu la vitesse nette de
163 km/h
révélée par le tachygraphe; en l'absence d'une mesure valable de la
vitesse
sur le second tronçon, permettant d'exclure que le véhicule de la
gendarmerie
se soit rapproché du véhicule suivi, elle a admis que A.________
avait roulé
à la même vitesse que celle enregistrée avant son accélération, soit
163
km/h. Compte tenu de ces circonstances, elle a estimé inutile de
procéder à
une nouvelle audition de l'appointé I.________. Elle a fixé la peine
en
tenant compte de la légère réduction de l'excès de vitesse finalement
retenu
sur le second tronçon par rapport à celui admis par le jugement
entrepris et
de l'écoulement du temps intervenu depuis les faits incriminés.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Invoquant les art. 9, 32 al. 1
Cst. et
6 § 2 CEDH, il reproche à la Cour de cassation pénale d'avoir procédé
à une
appréciation arbitraire des faits et violé la maxime "in dubio pro
reo" en
tenant pour établi un dépassement de la vitesse sur le premier
tronçon de 163
km/h alors qu'il subsisterait un doute sérieux sur le respect des
instructions du DFJP, qui aurait dû lui profiter. Il lui fait en
outre grief
d'avoir violé son droit d'être entendu ancré à l'art. 29 al. 2 Cst.
et son
droit à un procès équitable garanti à l'art. 6 § 1 CEDH en refusant de
renvoyer la cause à un autre tribunal de première instance aux fins de
procéder à l'audition de l'appointé I.________, alors qu'il
s'agissait d'une
mesure d'instruction indispensable à l'établissement des faits
pertinents.
Le Procureur général du canton de Vaud conclut au rejet du recours.
La Cour
de cassation pénale se réfère aux considérants de son arrêt.

C.
Le Président de la Ire Cour de droit public a accordé l'effet
suspensif au
recours par ordonnance du 15 juillet 2002.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance
cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du recours de
droit
public en raison des griefs soulevés, et qui touche le recourant dans
ses
intérêts juridiquement protégés, le recours est recevable au regard
des art.
84 ss OJ (cf. arrêts du Tribunal fédéral des 30 juin 1999 et 30
octobre 2001
entre les mêmes parties, consid. 1).

2.
Invoquant les art. 9 Cst. et 6 § 2 CEDH, le recourant reproche à la
Cour de
cassation pénale d'avoir versé dans l'arbitraire et violé la maxime
"in dubio
pro reo" en considérant que les instructions du DFJP avaient été
respectées
s'agissant de la première mesure de vitesse.

2.1 Saisi d'un recours de droit public dirigé contre une condamnation
pénale,
le Tribunal fédéral ne revoit la constatation des faits et
l'appréciation des
preuves qu'avec un pouvoir d'examen limité à l'arbitraire, car il ne
lui
appartient pas de substituer sa propre appréciation à celle du juge
de la
cause. A cet égard, la présomption d'innocence garantie par les art.
32 al. 1
Cst. et 6 § 2 CEDH n'offre pas de protection plus étendue que celle
contre
l'arbitraire conférée par l'art. 9 Cst. Elle n'est invoquée avec
succès que
si le recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte
d'arbitraire
de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes
sérieux et
irréductibles sur la culpabilité du prévenu (ATF 127 I 38 consid. 2
p. 40;
124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38, consid. 4b
p. 40).
L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle contredit d'une
manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal
fédéral
n'invalide la solution retenue par le juge de la cause que si elle
apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective
ou
adoptée sans motifs objectifs. Il ne suffit pas que les motifs du
verdict
soient insoutenables; il faut en outre que l'appréciation soit
arbitraire
dans son résultat. Il ne suffit pas non plus qu'une solution
différente
puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même
préférable
(ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40; 126 I 168 consid. 3a p. 170; 125 I 166
consid.
2a p. 168).
Les instructions du DFJP sont de simples recommandations, qui n'ont
pas force
de loi et ne lient ni le juge, ni les autorités administratives ou de
police
elles-mêmes (ATF 123 II 106 consid. 2e p. 113; 121 IV 64 consid. 3 p.
66; 102
IV 271). Le juge pénal n'est donc en principe pas restreint dans son
pouvoir
de libre appréciation des preuves et peut aussi parvenir à la
conclusion que
le prévenu a circulé à la vitesse indiquée dans le rapport de
contravention
alors même qu'elle n'aurait pas été mesurée selon les recommandations
émises
dans ces instructions, sur la base d'une appréciation non arbitraire
de
l'ensemble des éléments à sa disposition (cf. arrêt du Tribunal
fédéral
1P.678/1990 du 17 avril 1991, cité in Blättern für Zürcherische
Rechtsprechung 1994, p. 88).

2.2 En l'occurrence, la Cour de cassation pénale a tenu pour établi
que le
recourant avait circulé à 163 km/h sur le premier tronçon ayant fait
l'objet
d'une mesure de vitesse; elle s'est déclarée convaincue que les
instructions
du DFJP avaient été respectées sur la base des déclarations du caporal
C.________ selon lesquelles la distance séparant le véhicule suiveur
du
véhicule suivi avait été relativement constante et surtout plus
longue à la
fin qu'au début; elle a vu un indice de la crédibilité de ces propos
dans le
fait que la première mesure de vitesse avait été opérée entre deux
accélérations du recourant, ce qui impliquait que la distance entre
les deux
véhicules avait tendance à augmenter plutôt qu'à diminuer. A.________
ne
critique nullement ce raisonnement, mais il prétend qu'il pouvait
également
être appliqué à la seconde mesure de vitesse, de sorte que le doute
éprouvé
sur le respect des instructions du DFJP à cet égard aurait également
dû lui
profiter en ce qui concerne la première mesure de vitesse. Ce
faisant, il
perd de vue que le doute nourri par la Cour de cassation pénale ne se
fonde
pas seulement sur les déclarations de l'appointé I.________, lequel
n'a pas
pu certifier que la distance séparant les deux véhicules avait été
constante
tout au long de la mesure, mais également sur l'impossibilité de
chiffrer
précisément l'accélération des gendarmes durant le laps de temps
séparant les
deux mesures de vitesse et, par conséquent, de vérifier que ces
derniers
avaient rattrapé le recourant et stabilisé
leur vitesse et leur
distance avec
le véhicule suivi lorsque la seconde mesure de vitesse a débuté. Or,
le
recourant n'émet aucune critique en relation avec cette dernière
motivation,
mais se borne à contester le fait que les hésitations manifestées par
l'appointé I.________ sur la distance entre le véhicule suiveur et le
véhicule suivi auraient uniquement trait à la seconde mesure de
vitesse. La
recevabilité du recours au regard des exigences de l'art. 90 al. 1
let. b OJ
(ATF 121 I 1 consid. 5a p. 10; 121 IV 94 consid. 1b p. 95 et les
arrêts
cités; cf. Jean-François Poudret, La pluralité de motivations,
condition de
recevabilité des recours au Tribunal fédéral?, in: Le droit pénal et
ses
liens avec les autres branches du droit, Mélanges en l'honneur du
Professeur
Jean Gauthier, RDS 114/1996 p. 205 et les références citées) peut
demeurer
indécise, car cette dernière appréciation repose sur une
interprétation
encore soutenable et, partant, non arbitraire du jugement du Tribunal
de
police d'Oron du 9 octobre 1998, à laquelle le recourant peut être
renvoyé
(cf. art. 36a al. 3 OJ), conforme de surcroît à l'arrêt du Tribunal
fédéral
du 30 octobre 2001 qui relevait une contradiction uniquement quant à
la
seconde mesure de vitesse. Pour le surplus, le recourant ne prétend
pas que
la Cour de cassation pénale aurait fait preuve d'arbitraire en
retenant qu'il
avait circulé sur le second tronçon à la même vitesse que sur le
premier.
Cela étant, la Cour de cassation pénale n'a pas violé le droit d'être
entendu
du recourant ou le droit de tout accusé à un procès équitable en
considérant
qu'une audition de l'appointé I.________ ne se justifiait pas et en
statuant
elle-même sur l'action pénale, conformément à l'art. 444 al. 2 CPP
vaud.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est
recevable, aux frais du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ).
Il n'y a
pas lieu d'octroyer des dépens (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant
ainsi
qu'au Procureur général et à la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal
du canton de Vaud.

Lausanne, le 13 août 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.328/2002
Date de la décision : 13/08/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-08-13;1p.328.2002 ?
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