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30/07/2002 | SUISSE | N°4P.92/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 juillet 2002, 4P.92/2002


{T 0/2}
4P.92/2002 /ech

Arrêt du 30 juillet 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz et Favre,
greffier Ramelet.

G. ________,
recourant, représenté par Me Edmond Perruchoud, Avocat, Avenue du
Général-Guisan 19, Case postale 700, 3960 Sierre,

contre

S.________,
intimé, représenté par Me Jocelyn Ostertag, Avocat, Avenue des Alpes
6, Case
postale 236, 3960 Sierre,
Ire Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais, avenue
Mathieu-Schine

r 1, 1950 Sion 2.

droit d'être entendu

(recours de droit public contre le jugement de la Ire Cour civile du
T...

{T 0/2}
4P.92/2002 /ech

Arrêt du 30 juillet 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz et Favre,
greffier Ramelet.

G. ________,
recourant, représenté par Me Edmond Perruchoud, Avocat, Avenue du
Général-Guisan 19, Case postale 700, 3960 Sierre,

contre

S.________,
intimé, représenté par Me Jocelyn Ostertag, Avocat, Avenue des Alpes
6, Case
postale 236, 3960 Sierre,
Ire Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais, avenue
Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion 2.

droit d'être entendu

(recours de droit public contre le jugement de la Ire Cour civile du
Tribunal
cantonal du canton du Valais du 27 février 2002)

Faits:

A.
Par contrat du 13 octobre 1987 intégrant la norme SIA N° 118,
S.________ a
confié à G.________ les travaux d'électricité de "trois chalets
contigus avec
discothèque et un chalet individuel" à A.________ (complexe
Z.________),
pour une valeur approximative de 180 000 fr. Sous le titre "art. 7
Arrangements spéciaux", le contrat prévoyait ce qui suit :
"L'ensemble de ces travaux sera payé exclusivement par les
contre-prestations
suivantes sans intérêt jusqu'au 31 décembre 1992 dans l'ordre de
priorité :

Mandat d'ing. civil complet pour l'ensemble des constructions
G.________ et &
(sic), prévues à l'entrée de C.________ aux conditions suivantes : B
sur b.a
terrassements, charpentes et structures porteuses avec coéff. de
difficulté
n=0.53. Prestations q=0.1.Pourcentage p selon B,n et SIA en cours.
Frais non
compris selon SIA en cours.

Autres mandats d'ingénieurs civils.

Travaux d'isolation de bâtiments intérieure ou extérieure par
l'entreprise
X.________ SA à N.________".
En 1988, des tensions ont surgi entre les parties, essentiellement à
propos
de la campagne aux élections communales valaisannes.

Les travaux d'électricité ont duré de 1987 jusqu'au début 1994. Suite
à
diverses procédures et à une transaction judiciaire du 19 mai 1999,
les
prestations de G.________ ont été fixées à 220 000 fr., alors que
l'expert
judiciaire a estimé à 78 784 fr. les prestations d'ingénieur
effectuées par
S.________ en faveur de l'entrepreneur précité. En effet, G.________
n'avait
pas confié à S.________ le mandat d'ingénieur civil complet de la
promotion
"D.________" à C.________, mais seulement à concurrence de ce dernier
montant. Par la suite, en raison de la dégradation des affaires dans
le
bâtiment, G.________ a déclaré qu'il ne lui avait pas été possible de
confier
d'autres mandats d'ingénieur civil à S.________, comme le prévoyait
l'art. 7
al. 3 du contrat du 13 octobre 1987. Quant aux prestations, à titre de
paiement, que devait exécuter X.________ SA, S.________ a indiqué à
G.________ qu'il continuait de commercialiser le procédé d'isolation
extérieure X.________, indépendamment de la mise en liquidation de
cette
société, le 4 décembre 1992.

Le 24 janvier 1994, les deux intéressés ont eu un entretien
téléphonique dont
S.________ a confirmé le lendemain le contenu par fax à G.________, en
insistant sur le paiement de la créance de ce dernier par "la
compensation
intégrale par des contre-prestations" et en l'invitant à "proposer,
le plus
rapidement possible d'autres contre-prestations contractuelles", dans
le
désir de "régler à l'amiable ce problème, mais selon nos engagements
contractuels".

A réception de cette télécopie, G.________ a demandé à S.________ de
lui
faire une offre pour la livraison de différents systèmes d'isolation
des
bâtiments; cette invitation est demeurée sans suite.

B.
Le 22 juin 1995, G.________ a ouvert action contre S.________ devant
le
Tribunal cantonal valaisan. En dernier lieu, le demandeur a conclu au
paiement en capital de 141 216 fr. (ch. 1) et à l'inscription
définitive
d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs pour le même
montant
(ch. 2). Le défendeur a conclu au rejet des deux actions.

Par jugement du 27 février 2002, la Ire Cour civile du Tribunal
cantonal a
rejeté l'action en paiement, mais ordonné l'inscription à titre
définitif de
l'hypothèque légale pour 141 216 fr., devant grever en faveur du
demandeur la
parcelle N° ..., MC sur la commune de A.________, propriété du
défendeur. En
substance, la juridiction cantonale a retenu que les parties avaient
convenu
que le demandeur serait payé par les travaux d'ingénieur civil qu'il
s'engageait à confier au défendeur, les prestations de celui-ci devant
éteindre par compensation celles de celui-là. Une fois les travaux
d'électricité accomplis, G.________ devenait créancier d'une
prestation en
nature dont il devait rendre l'exécution possible en confiant des
mandats à
S.________. Or, le demandeur n'a satisfait que partiellement à cette
obligation. G.________ n'a pas prouvé que les conditions de
l'impossibilité
subséquente au sens de l'art. 119 CO étaient réalisées. En effet, le
renoncement à bâtir d'autres immeubles lui était imputable; en outre,
malgré
la liquidation de l'entreprise X.________ SA, le défendeur pouvait
encore
fournir des prestations en vue de travaux d'isolation selon le procédé
utilisé par cette ancienne entreprise. Le demandeur ne disposait en
conséquence pas d'une créance en espèces exigible contre le
défendeur, de
sorte que son action en paiement devait être rejetée. Par contre,
l'autorité
cantonale a ordonné l'inscription définitive de l'hypothèque légale à
concurrence de 141 216 fr., les conditions des art. 837 ch. 3 et 839
CC étant
réalisées, malgré l'inexigibilité de la créance garantie.

C.
Parallèlement à un recours en réforme, le demandeur forme un recours
de droit
public au Tribunal fédéral, dans lequel il reproche à la cour
cantonale un
déni de justice formel et la violation de son droit d'être entendu,
en raison
de l'absence de toute motivation quant à l'application de l'art. 404
CO,
point qui revêtirait une "acuité centrale" pour juger de l'action en
paiement.

L'intimé conclut au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable,
alors que l'autorité cantonale se réfère à son jugement.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, il y a
lieu de
statuer d'abord sur le recours de droit public.

1.2 Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité
des
recours qui lui sont soumis (ATF 128 II 13 consid. 1 p. 16, 46
consid. 2a p.
47 et les arrêts cités).

Le recours de droit public n'est pas recevable si le grief peut être
soumis
par un autre moyen de droit au Tribunal fédéral ou à une autre
autorité
fédérale (art. 84 al. 2 OJ). En l'occurrence, le grief de déni de
justice
formel et de violation du droit d'être entendu en raison de
l'insuffisance de
la motivation se rapporte à la non-application de l'art. 404 CO à la
relation
contractuelle litigieuse, qu'il a également invoquée dans le recours
en
réforme sous l'angle de la violation du droit fédéral. Cependant,
comme il se
prévaut expressément de l'art. 29 Cst. en se plaignant que la cour
cantonale
n'a pas expressément répondu à son argumentation fondée sur l'art.
404 CO, il
sied de retenir qu'il avance la violation d'un droit constitutionnel,
ce qui
rend le présent recours de droit public recevable. Celui-ci répond de
plus
aux exigences formelles des art. 86 al. 1, 89 al. 1 et 90 al. 1 OJ
(ATF 127
III 279 consid. 1c p. 282; 126 III 534 consid. 1b p. 536), malgré le
caractère succinct de la motivation présentée. Comme les art. 6 CEDH
et 14
Pacte ONU II ont matériellement le même contenu que l'art. 29 Cst.,
et en
conséquence pas de portée propre par rapport à cette disposition
constitutionnelle, il n'est pas nécessaire d'examiner si leur brève
citation
satisfait aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, telles que les
a fixées
la jurisprudence rappelée ci-dessus.

2.
2.1La juridiction cantonale a écarté l'application de l'art. 404 CO,
que le
recourant avait amplement développée, tacitement et sans indication de
motifs, mais en fondant sa décision sur d'autres dispositions du code
des
obligations. En cela, le Tribunal cantonal n'a pas refusé de se
prononcer, ni
n'a restreint arbitrairement son pouvoir d'examen (ATF 120 Ib 27
consid.
3c/aa, p. 34/35; 115 Ia 5 consid. 2b, p. 6), ni n'a abusivement
prononcé
l'irrecevabilité d'un moyen (ATF 117 Ia 116 consid. 3a, p. 117/118).
Le seul
grief d'ordre constitutionnel qui peut être discerné en l'espèce est
celui de
la violation du droit d'être entendu en raison d'une motivation
insuffisante
ou inexistante, constitutive d'une éventuelle violation de l'art. 29
al. 2
Cst.
Au demeurant, l'application - ou non - de l'art. 404 CO est une
question de
droit de fond qui ne peut être soulevée dans le cadre du présent
recours de
droit public, et que le recourant a d'ailleurs régulièrement invoquée
dans le
recours en réforme qu'il a déposé parallèlement.

2.2
2.2.1La jurisprudence, rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. et qui
s'applique également à l'art. 29 al. 2 Cst., a déduit du droit d'être
entendu
le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le
destinataire
puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que
l'autorité de
recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences,
il suffit
que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont
guidé et sur
lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé
puisse se
rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance
de cause
(ATF 126 I 15 consid. 2a/aa, 97 consid. 2b; 125 II 369 consid. 2c;
124 II 146
consid. 2a). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter
tous
les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais
elle
peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui
apparaissent
pertinents (ATF 126 I 97 consid. 2b; 121 I 54 consid. 2c p. 57 et les
arrêts
cités). Le devoir de motivation sera d'autant plus élevé si le juge
jouit
d'une grande liberté d'appréciation et si sa décision peut avoir de
graves
conséquences pour le justiciable (ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 110).

De plus, il y a violation du droit d'être entendu si l'autorité ne
satisfait
pas à son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes
pertinents
(ATF 126 I 97 consid. 2b; 124 II 146 consid. 2a; 122 IV 8 consid. 2c
p. 15).

2.2.2 En l'espèce, la cour cantonale, qui a consacré certains
développements
à l'exécution du contrat, à l'impossibilité subséquente et au
problème de
l'hypothèque légale, a traité de la manière la plus succincte la
définition
de la relation contractuelle existant entre les parties. Il résulte
toutefois
de deux brèves mentions, en p. 10 du jugement attaqué, que les
plaideurs
étaient liés par un "contrat d'entreprise (art. 171 SIA 118 et 368
CO)", et
que "l'ouvrage devait être payé exclusivement par des prestations en
nature
confiées par le demandeur au défendeur". La cour cantonale est
parvenue à
cette conclusion en procédant à l'analyse du contrat conclu entre les
intéressés et en estimant que la volonté de s'engager par un contrat
d'entreprise résultait du texte clair de l'acte passé le 13 octobre
1987, qui
décrivait également de manière univoque le mode de paiement de
l'ouvrage.

Dans ces conditions, la juridiction intimée a fait porter son
raisonnement
sur l'interprétation du contrat d'entreprise et les circonstances de
son
inexécution, ce qui excluait implicitement toute référence au contrat
de
mandat et notamment à l'art. 404 CO invoqué devant elle par le
demandeur et
recourant. Dans ce sens, elle a mentionné les motifs qui l'ont guidée
pour
asseoir son jugement, ce que le recourant a parfaitement compris
puisqu'il a
contesté de manière détaillée cette opinion dans le cadre de son
recours en
réforme. Bien que succincte et implicite, la motivation sur la
définition du
contrat liant les parties est suffisante au regard de l'art. 29 al. 2
Cst.
L'autorité cantonale s'est en effet prononcée sur la question,
pertinente
pour le sort de la cause, qui lui était soumise, dont le recourant a
compris
la portée, comme le démontre le moyen qu'il a soulevé en instance de
réforme.

En conséquence le recours de droit public doit être rejeté.

3.
Vu l'issue de la procédure, les frais seront mis à la charge du
recourant qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ). Celui-ci devra également payer une
indemnité de
dépens en faveur de l'intimé (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 5500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de parties
et à la
Ire Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 30 juillet 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.92/2002
Date de la décision : 30/07/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-30;4p.92.2002 ?
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