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12/07/2002 | SUISSE | N°5P.49/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 juillet 2002, 5P.49/2002


{T 0/2}
5P.49/2002 /svc

Arrêt du 12 juillet 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann et Hohl.
greffière Revey.

A. ________,
recourant, représenté par Me Efstratios Sideris, avocat, 8, place des
Philosophes, 1205 Genève,

contre

B.________,
intimée, représentée par Me Suzanne Cassanelli, avocate, rue de la
Terrassière 41, 1207 Genève.

art. 9 Cst. etc.; mesures provisoires

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de lar> Cour de
justice du canton de Genève du 14 décembre 2001).

Faits:

A.
A. ________ et B.________, de nationalité es...

{T 0/2}
5P.49/2002 /svc

Arrêt du 12 juillet 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann et Hohl.
greffière Revey.

A. ________,
recourant, représenté par Me Efstratios Sideris, avocat, 8, place des
Philosophes, 1205 Genève,

contre

B.________,
intimée, représentée par Me Suzanne Cassanelli, avocate, rue de la
Terrassière 41, 1207 Genève.

art. 9 Cst. etc.; mesures provisoires

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du 14 décembre 2001).

Faits:

A.
A. ________ et B.________, de nationalité estonienne, se sont mariés
le 20
septembre 1986. Deux enfants sont issus de leur union, K.________, né
en
1987, et T.________, né en 1994. En août 1996, l'époux, employé à
Genève, a
quitté le domicile conjugal pour vivre avec sa nouvelle compagne.

Statuant le 14 mars 2000, le Tribunal de première instance du canton
de
Genève a prononcé des mesures protectrices de l'union conjugale. Le 13
février 2001, l'époux a ouvert action en divorce.

B.
Par jugement du 22 juin 2001 sur mesures provisoires, le Tribunal de
première
instance a attribué à l'épouse la jouissance exclusive du domicile
conjugal
ainsi que la garde des deux enfants, un très large droit de visite
étant
réservé au père, et a condamné l'époux à verser, par mois et d'avance,
allocations familiales non comprises, une contribution d'entretien
pour la
famille de 2'700 fr. De plus, il a donné acte à l'époux de son
engagement de
participer pour moitié aux frais d'écolage de ses enfants, qui
demeurent
après déduction des prestations perçues par son employeur, et de son
engagement de continuer à contribuer à l'assurance médicale de ses
enfants
jusqu'à leur majorité, en cas d'études sérieuses et régulières.

Statuant sur appels des époux le 14 décembre 2001, la Cour de justice
a
réformé ce jugement en ce qui concernait la pension due par l'époux et
condamné celui-ci à verser par mois et d'avance, dès le 13 février
2001,
allocations familiales non comprises, une contribution d'entretien de
la
famille de 3'650 fr.

C.
Contre cet arrêt, l'époux forme un recours de droit public devant le
Tribunal
fédéral. En substance, il conclut principalement à ce que le ch. 1 du
dispositif de l'arrêt attaqué concernant la contribution d'entretien
soit
annulé, à ce qu'il soit condamné à verser par mois et d'avance, dès
le 13
février 2001, allocations familiales non comprises, une contribution
d'entretien de la famille de 2'700 fr., à ce que le jugement attaqué
soit
confirmé pour le surplus et à ce que l'épouse soit condamnée en tous
dépens,
frais et émoluments des instances cantonales et fédérales.
Subsidiairement,
il requiert l'annulation du jugement entrepris, le renvoi du dossier
à la
Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants
et la
condamnation de l'épouse en tous dépens, frais et émoluments des
instances
cantonales et fédérales.

D.
Le recourant a sollicité l'effet suspensif au recours. Invitées à
s'exprimer
à cet égard, l'intimée a conclu au rejet de la demande, tandis que la
Cour de
justice s'en est rapportée à la justice. Par décision du 22 février
2002, le
Président de la Cour de céans a rejeté la demande s'agissant des
contributions d'entretien dues dès le 1er février 2002 et l'a admise
quant à
la période antérieure.

Il n'a pas été requis d'observations sur le recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La voie du recours de droit public est ouverte contre les décisions
prononcées en matière de mesures provisoires prises dans une
procédure de
divorce (ATF 126 III 261 consid. 1 et les arrêts cités). Formé en
temps utile
contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale, le présent
recours est
également recevable au regard des art. 86 al. 1 et 89 OJ.

Hormis certaines exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de
droit
public n'a qu'un caractère cassatoire et ne peut tendre qu'à
l'annulation de
la décision attaquée, sous suite de frais et dépens (ATF 127 III 279
consid.
1b; 126 III 524 consid. 1b). Les conclusions du recourant qui
excèdent ce
cadre sont dès lors irrecevables.

2.
Le recourant s'en prend au montant de 3'650 fr. retenu au titre de
contribution mensuelle à l'entretien de la famille. Il ne conteste
pas la
méthode de calcul, mais l'estimation de certains postes des revenus et
charges des époux. A cet égard, il dénonce une constatation
arbitraire des
faits (art. 9 Cst.), ainsi qu'une application arbitraire des règles
sur le
fardeau de la preuve (art. 8 CC et 9 Cst.).
2.1
2.1.1Selon l'art. 9 Cst., toute personne a le droit d'être traitée
par les
organes de l'Etat sans arbitraire. D'après la jurisprudence,
l'arbitraire ne
résulte pas du seul fait qu'une autre solution que celle retenue par
l'autorité cantonale pourrait entrer en considération ou même qu'elle
serait
préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée
que
lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en
contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole
gravement une
norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte
de
manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; pour
qu'une
décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la
motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision
apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 54 consid. 2b, 60
consid.
5a; 125 I 166 consid. 2a; 125 II 129 consid. 5b).

2.1.2 Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le
contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son
droit. Pour
toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral, l'art. 8 CC
répartit
le fardeau de la preuve (ATF 126 III 315 consid. 4a; 122 III 219
consid. 3c)
- en l'absence de disposition spéciale contraire - et détermine, sur
cette
base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec
de la
preuve (ATF 127 III 519 consid. 2a et les arrêts cités). Cette
disposition
interdit notamment au juge de considérer comme établi un fait
pertinent
allégué par une partie pour en déduire son droit, alors que ce fait,
contesté
par la partie adverse, n'a pas reçu un commencement de preuve (ATF
114 II 289
consid. 2a). La jurisprudence a en outre déduit de l'art. 8 CC le
droit de la
partie à qui incombe le fardeau de la preuve de prouver, à certaines
conditions, la réalité de ses allégations (ATF 126 III 315 consid.
4a).
Enfin, l'art. 8 CC confère de même le droit à la contre-preuve,
c'est-à-dire
la faculté, pour la partie opposée au plaideur chargé du fardeau de la
preuve, d'établir l'existence de circonstances qui sont de nature à
engendrer
le doute sur l'exactitude des allégations formant l'objet de la preuve
principale (ATF 120 II 393 consid. 4a; 115 II 305).

En revanche, l'art. 8 CC ne régit pas l'appréciation des preuves (ATF
120 II
128 consid. 3a); il ne prescrit donc pas sur quelles bases et comment
le juge
doit former sa conviction (ATF 128 III 22 consid. 2d; 127 III 248
consid.
3a), pas davantage qu'il ne dicte quelles sont les mesures
probatoires qui
doivent être ordonnées (ATF 127 III 519 consid. 2a et les arrêts
cités). Il
n'empêche donc pas le juge de refuser une mesure probatoire par une
appréciation anticipée des preuves (ATF 127 III 519 consid. 2a; 126
III 315
consid. 4a; 121 V 150 consid. 5a). Enfin, lorsque l'appréciation des
preuves
convainc le juge de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la
répartition
du fardeau de la preuve n'a plus d'objet; seul le moyen tiré d'une
appréciation arbitraire des preuves, à invoquer impérativement dans un
recours de droit public, est alors recevable (ATF 122 III 219 consid.
3c; 119
II 114 consid. 4c; 117 II 387 consid. 2e).

2.2 Pour déterminer la contribution litigieuse, la Cour de justice a
appliqué
la méthode dite du minimum vital élargi avec répartition de
l'excédent. Il
résultait de ce calcul une contribution due par l'époux de 3'745.40
fr.,
arrondis à 3'750 fr.; les conclusions de l'intimée portant toutefois
sur
3'650 fr. seulement, c'est ce dernier montant qui a été retenu.

3.
3.1Dénonçant une application arbitraire de l'art. 8 CC, le recourant
reproche
à l'arrêt entrepris de ne pas avoir admis au titre de revenu de
l'épouse un
montant de 400 fr. à 700 fr. tiré d'appartements que celle-ci admet
posséder
en Estonie, sous prétexte qu'il n'a lui-même pas produit de documents
probants à ce sujet. A ses yeux, seule l'épouse pourrait déposer de
telles
pièces, ce qu'elle a toujours refusé de faire, si bien que l'absence
de
documents devait être retenue à l'encontre de l'intéressée.
Le recourant n'expose pas de manière suffisante en quoi l'arrêt
attaqué
aurait arbitrairement appliqué l'art. 8 CC en refusant d'attribuer à
l'épouse le revenu - net - de 400 à 700 fr. qu'il évoque lui-même,
au motif
que celle-ci n'aurait pas déposé de documents à cet égard. Dans ces
conditions, ce moyen est irrecevable au regard de l'art. 90 al. 1
let. b OJ.

3.2 Selon le recourant, la cour cantonale aurait encore appliqué
l'art. 8 CC
de manière arbitraire en ne retenant au titre de minimum de base que
1'015
fr. pour personnes vivant chez des proches au lieu du montant prévu
pour
personnes seules, en estimant son loyer à 1'000 fr. au lieu de 1'400
fr., en
évaluant le poste "assurances diverses" à 234 fr. au lieu de 431 fr.,
en
refusant, faute de documents, de prendre en compte une somme de 300
fr.
relative à diverses contributions pour les enfants, et en lui
imputant un
salaire de 9'184 fr., qui serait un salaire brut, au lieu de se
fonder sur le
salaire net.

En réalité, le recourant s'en prend pour l'essentiel à l'appréciation
des
preuves, de sorte que le grief d'application arbitraire de l'art. 8
CC doit
être rejeté en tant que recevable au regard des exigences de
motivation
posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

4.
4.1Se plaignant d'une constatation arbitraire des faits, le recourant
reproche à la Cour de justice de lui avoir imputé un revenu de 9'184
fr. au
lieu de 8'243.76 fr. A cet égard, le recourant se réfère d'une part à
son
attestation de salaire 2000 (pièce 10), qui indique une rétribution
de 9'184
fr. réduite à 8'043.76 fr. après déduction de 327.70 fr. au titre
d'"insurance premium" et de 812.50 fr. au titre de "pension
contribution"
(soit, selon le recourant, les caisses maladie et de pension
respectivement).
D'autre part, le recourant précise que sa rétribution a été augmentée
de 200
fr. en 2001, si bien que son salaire net à prendre en compte s'élève à
8'243.76 fr.

Ces griefs sont recevables et bien fondés, dès lors que les déductions
relatives aux caisses maladie et de pension ne sauraient être
retenues au
titre de revenu et que l'augmentation alléguée - défavorable au
recourant - a
été invoquée en appel. Seul un montant de 8'243.76 fr. doit dès lors
être en
principe pris en considération. Encore faut-il toutefois que les
déductions
en cause ne soient pas simultanément prises en compte au titre de
charges.
Or, si les primes dues à la caisse de pension ne figurent pas dans le
minimum
vital élargi du recourant, tel est bien le cas de celles dues à la
caisse-maladie, à hauteur de 114.95 fr. (jugement p. 13), si bien que
ce
dernier montant devra être soustrait de ce minimum. Encore faut-il
préciser
que, dans ces conditions, les autres arguments du recourant relatifs
au
montant de ses primes de caisse-maladie deviennent sans objet.

4.2 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de modifier
partiellement les
montants retenus par la Cour de justice, soit de retenir un revenu à
charge
du recourant de 8'243.76 fr. à la place de 9'184 fr. et de supprimer
de son
minimum vital le montant de 114.95 fr. correspondant aux primes de
caisse-maladie.

Ainsi, le total des revenus des deux époux s'élève à 12'576.76 fr.
(8'243.76
fr. + 4'333 fr.) et celui de leurs charges à 7'573.85 fr. (2'409.55
fr. 5'164.30 fr.), ce qui leur laisse un montant disponible global de
5'002.91
fr. La Cour de justice ayant déterminé la contribution d'entretien
due à
l'épouse en ajoutant à la moitié du solde disponible les charges de
l'épouse
puis en déduisant du résultat obtenu les revenus de celle-ci, ce même
calcul
donnerait, compte tenu des corrections précitées, une contribution
d'entretien de 3'332.75 fr. ([5'002.91 fr. / 2] + 5'164.30 fr. -
4'333 fr.).
Cette rente ayant été arrêtée par l'autorité cantonale à 3'650 fr., la
différence s'élève ainsi à 317 fr. environ.

4.3 Le Tribunal fédéral peut renoncer à annuler la décision attaquée
lorsque
son résultat peut se justifier sans autre au regard d'une autre
motivation
qui lui est substituée, à savoir si la décision peut se fonder sur une
motivation que l'autorité cantonale aurait pu retenir de manière
plausible et
qu'elle n'a pas expressément écartée (ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb).
Il ne
fait toutefois usage de cette possibilité que si la situation
juridique est
claire (ATF 112 Ia 129 consid. 3c; cf. aussi ATF 120 Ia 220 consid.
3d, 120
Ib 390 consid. 8).

En l'occurrence, la Cour de justice a attribué à chaque époux la
moitié du
solde disponible, alors que cette clé de répartition n'est applicable
qu'en
présence de deux ménages d'une personne. Lorsque, comme en l'espèce,
les

revenus d'un époux sont destinés non seulement à son propre
entretien, mais
aussi, contrairement à l'autre conjoint, à celui d'un ou plusieurs
enfants
dont il a la garde, il se justifie d'attribuer à l'époux gardien plus
que la
moitié du solde disponible (ATF 126 III 8 consid. 3c). En
conséquence, les
317 fr. de différence doivent être considérés comme une partie du
solde
disponible revenant à l'intimée au-delà de ce 50%. Cette substitution
de
motifs révélant que l'arrêt attaqué n'apparaît pas arbitraire dans son
résultat, le grief de violation de l'art. 9 Cst. doit finalement être
rejeté.

5.
Vu ce qui précède, le recours de droit public est mal fondé en tant
que
recevable. Succombant, le recourant doit supporter les frais
judiciaires,
ainsi qu'une indemnité pour les dépens en faveur de l'intimée, dans
la mesure
où celle-ci a déposé une réponse à la requête d'effet suspensif (art.
156 al.
1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté en tant que recevable.

2.
Il est mis à la charge du recourant:
2.1 un émolument judiciaire de 2'000 fr.

2.2 une indemnité de 500 fr. à verser à l'intimée pour les dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 12 juillet 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.49/2002
Date de la décision : 12/07/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-12;5p.49.2002 ?
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