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10/07/2002 | SUISSE | N°I.691/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 juillet 2002, I.691/01


«AZA 7»
I 691/01 Mh

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Meyer et Kernen.
Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 10 juillet 2002

dans la cause

F.________ , recourant, représenté par Me Stéphanie Künzi,
avocate, Terreaux 5, 2001 Neuchâtel,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel,
Espacité 4-5, 2302 La Chaux-de-Fonds, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- F.________ exerce la profession d'Ã

©tancheur depuis
1969. Après avoir travaillé de nombreuses années à son
propre compte, il a décidé en 1993 de transformer son
entr...

«AZA 7»
I 691/01 Mh

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Meyer et Kernen.
Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 10 juillet 2002

dans la cause

F.________ , recourant, représenté par Me Stéphanie Künzi,
avocate, Terreaux 5, 2001 Neuchâtel,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel,
Espacité 4-5, 2302 La Chaux-de-Fonds, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- F.________ exerce la profession d'étancheur depuis
1969. Après avoir travaillé de nombreuses années à son
propre compte, il a décidé en 1993 de transformer son
entreprise individuelle en société anonyme à la suite de
problèmes de santé (en particulier du dos). Il a néanmoins
continué à déployer la même activité qu'auparavant au sein
de la nouvelle société. Ses douleurs dorsales devenant

toujours plus importantes, son médecin traitant, le docteur
A.________, l'a déclaré totalement incapable de travailler
du 27 novembre 1995 au 31 mai 1996, puis seulement partiel-
lement (à 50 %) dès le 1er juin 1996 pour une durée indé-
terminée. Le 5 décembre 1996, F.________ a déposé une de-
mande de prestations de l'assurance-invalidité.
Dans le cadre de l'instruction de cette demande, ont
été versés au dossier trois rapports médicaux (respective-
ment des docteurs B.________, A.________ et C.________).
Ces médecins ont, dans les grandes lignes, posé le diagnos-
tic de syndrome cervical chronique sur troubles statiques
et dégénératifs, de lombalgies chroniques mécaniques ainsi
que de déséquilibre lombo-pelvien; ils ont unanimement
estimé qu'en raison des affections précitées, la capacité
de travail de l'assuré comme étancheur ne dépassait pas les
50 % (rapports des 4 mai 1996, 14 avril et 14 novembre
1997). Au mois de décembre 1999, l'Office AI du canton de
Vaud (ci-après : l'office) a décidé de soumettre l'assuré à
un examen médical approfondi au service de rhumatologie de
l'Hôpital de X.________. L'expert mandaté, le docteur
D.________, a, pour sa part, conclu que les troubles pré-
sentés par F.________ limitaient au plus à 25 % l'aptitude
de celui-ci à exercer son métier, tandis qu'ils ne consti-
tuaient pas un obstacle à l'exercice d'une activité légère
ne nécessitant pas le port de charges supérieures à 15 kg
(rapport du 16 mars 2000).
Se fondant sur ces dernières conclusions, l'office a
rendu une décision, le 3 juillet 2000, par laquelle il a
nié le droit du prénommé à des prestations de l'assurance-
invalidité.

B.- L'assuré a recouru contre cette décision devant le
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel. A ses yeux,
l'appréciation du docteur D.________ n'était pas crédible
dès lors que trois autres médecins avaient admis l'exis-
tence, depuis le mois de novembre 1995, d'une incapa-

cité de travail définitive dans sa profession d'étancheur.
Il a également fait valoir qu'un instructeur en charge de
son dossier lui aurait laissé croire qu'il avait droit à
une demi-rente d'invalidité.
Par jugement du 9 octobre 2001, le tribunal a rejeté
le recours.

C.- F.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, dont il requiert l'annulation.
Sous suite de dépens, il conclut, principalement, à
l'octroi d'une demi-rente d'invalidité du 1er novembre 1996
au 31 mars 2000 et, subsidiairement, au renvoi du dossier à
la juridiction cantonale pour nouveau jugement au sens des
considérants. Il demande en outre l'audition de sieur
E.________, employé de l'office.
L'office conclut au rejet du recours, tandis que
l'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas
déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le jugement entrepris expose correctement les
dispositions légales et les principes jurisprudentiels
applicables au cas, notamment en ce qui concerne la notion
d'invalidité et l'appréciation des preuves, de sorte qu'il
suffit d'y renvoyer.

2.- En l'occurrence, la juridiction cantonale a accor-
dé plus de poids à l'opinion du docteur D.________ qu'à
celui des docteurs B.________ et C.________, et implicite-
ment retenu que l'assuré ne présentait aucune incapacité de
gain susceptible de lui ouvrir un droit à des prestations
de l'assurance-invalidité. Elle a également considéré que
les conditions du droit à la protection de la bonne foi
n'étaient pas remplies dans le cas particulier.

Pour l'essentiel, le recourant reprend les arguments
qu'il avait soulevés en instance précédente.

3.- S'agissant du moyen tiré du droit à la protection
de la bonne foi, il se révèle manifestement mal fondé.
Le recourant n'apporte en effet aucun élément probant
susceptible de démontrer que l'office intimé lui aurait
promis l'octroi d'une demi-rente. En tout état de cause,
l'existence au dossier d'une note interne dans laquelle un
instructeur a émis une appréciation favorable à l'assuré ne
saurait constituer une telle promesse; il n'est ainsi pas
nécessaire d'instruire ce point plus avant, en procédant à
l'audition de sieur E.________ comme le demande le recou-
rant. Quant à la longueur de l'instruction menée par
l'office avant la prise de décision définitive - circons-
tance hautement regrettable au demeurant -, on ne voit pas
en quoi elle aurait pu éveiller chez le recourant l'assu-
rance d'obtenir des prestations de l'AI, bien au contraire.

4.- a) F.________ souffre indéniablement de troubles
dorsaux d'origine dégénérative.
Selon les docteurs B.________ et C.________ les dou-
leurs dont il se plaint s'expliquent par une surcharge
mécanique et une sollicitation constante des muscles
dorsaux dans sa profession d'étancheur, activité qui impose
régulièrement des positions contraignantes pour le rachis
(se pencher en avant, se mettre à genoux, se baisser,
porter des charges). A leurs yeux, cette situation engendre
un mal chronique peu susceptible d'amélioration justifiant
la reconnaissance dès le 1er mai 1996 d'une capacité de
travail n'excédant pas 50 % (rapports des 4 mai 1996 et
14 novembre 1997). Ces médecins ont par ailleurs confirmé
la légitimité de l'arrêt de travail de 100 % prescrit par
le docteur A.________ du mois de novembre 1995 au mois juin
1996. En revanche, le docteur D.________ estime que les
altérations mises en évidence chez l'assuré sont plutôt
modestes. Constatant d'autre part plusieurs signes de

non-organicité et une résistance exagérée de la part de
l'expertisé à toute manipulation du dos, il en déduit une
incapacité de travail de tout au plus 25 % comme étancheur;
dans une activité légère sans port régulier de charges de
plus de 15 kg, aucune (rapport du 16 mars 2000).

b) S'agissant de l'évaluation de la capacité de tra-
vail de l'assuré dans sa profession, on ne voit aucun motif
sérieux d'écarter les rapports des docteurs B.________ et
C.________ au profit de celui de l'expert commis par l'of-
fice. En effet, les conclusions des médecins prénommés se
fondent sur une étude circonstanciée de la situation médi-
cale de l'assuré et sont dûment motivées; par ailleurs,
l'expert y substitue sa propre appréciation du cas sans
toutefois exposer en quoi l'estimation de ses confrères
serait trop généreuse. Sur ce point, on doit convenir avec
le recourant que l'expertise du docteur D.________ ne
convainc pas.
Pour déterminer le degré d'invalidité de F.________,
on ne saurait toutefois s'en tenir aux seuls avis des
docteurs B.________ et C.________. Mandatés par l'assureur
perte de gain de l'employeur, ces derniers se sont limités
à apprécier la capacité de travail de l'assuré dans sa pro-
fession actuelle. Or, conformément à son obligation de
diminuer le dommage, l'assuré est tenu d'atténuer par tous
les moyens les effets de son invalidité, en tirant partie
de sa capacité de travail résiduelle, au besoin en chan-
geant de profession (ATF 123 V 96 consid. 4c, 113 V 28
consid. 4a; Meyer-Blaser, Bundesgesetz über die Invaliden-
versicherung (IVG), 1997, ad. art. 28 LAI p. 221). A cet
égard, les conclusions auxquelles est parvenu l'expert com-
mis par l'AI sont suffisamment crédibles. Les docteurs
B.________ et C.________ ont en effet souligné que c'est
avant tout en raison des mouvements exigés par son activité
d'étancheur que F.________ rencontre des difficultés à

assumer un travail à plein temps. On peut dès lors admettre
que sa capacité de travail résiduelle reste entière dans
une activité adaptée ne nécessitant pas le port de charges
de plus de 15 kg, ni de sollicitations importantes et
répétées au niveau du dos.

c) Cela étant, tant l'office intimé que les premiers
juges ne pouvaient retenir, comme ils l'ont fait - c'est-à-
dire sans même procéder à une évaluation chiffrée de l'in-
validité de l'assuré -, que celui-ci ne subissait, vu la
mesure de sa capacité de travail résiduelle, aucune incapa-
cité de gain et, partant, n'était pas invalide. C'est mé-
connaître la notion légale de l'invalidité qui est avant
tout économique (art. 28 al. 2 LAI). Quand bien même un
assuré jouit-il d'une capacité de travail totale dans une
activité adaptée à son atteinte à la santé, cela ne signi-
fie pas encore qu'il ne subit aucune diminution de sa ca-
pacité de gain. Dans tous les cas, les éléments particu-
liers déterminants pour la fixation du degré d'invalidité
(comme les revenus hypothétiques sans invalidité ou d'inva-
lide ainsi que les limitations dans les différents domaines
d'activité) doivent être établis très soigneusement (ATF
127 V 129). Rien de tel ne figure pourtant au dossier de
l'office. En l'absence de toute enquête économique documen-
tée, il n'est ainsi pas possible de déterminer si le degré
d'invalidité du recourant atteint en l'espèce le seuil ou-
vrant droit à des prestations de l'AI (le cas échéant des
mesures de réadaptation, voire une rente d'invalidité).
Dans ces conditions, il s'impose d'annuler le jugement
entrepris et de renvoyer la cause à l'office pour qu'il
complète l'instruction sur le plan économique; après quoi,
ledit office statuera à nouveau sur le droit aux presta-
tions de l'assuré. En ce sens, le recours se révèle bien
fondé.

5.- Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à
une indemnité de dépens à charge de l'office intimé
(art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal
administratif du canton de Neuchâtel du 9 octobre
2001, ainsi que la décision de l'Office AI du canton
de Neuchâtel du 3 juillet 2000 sont annulés.

II. La cause est renvoyée audit office pour complément
d'instruction et nouvelle décision au sens des motifs.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

IV. L'intimé versera au recourant une indemnité de dépens
(y compris la taxe à la valeur ajoutée) de 1500 fr.
pour l'instance fédérale.

V. Le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel
statuera sur les dépens pour la procédure de première
instance, au regard de l'issue du procès de dernière
instance.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 10 juillet 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.691/01
Date de la décision : 10/07/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-10;i.691.01 ?
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