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09/07/2002 | SUISSE | N°2P.177/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 juillet 2002, 2P.177/2001


{T 0/2}
2P.177/2001/elo

Arrêt du 9 juillet 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Hungerbühler, juge présidant,
Yersin, Wuilleret, juge suppléant,
greffier Addy.

Municipalité de Lausanne, 1002 Lausanne,
recourante,

contre

X.________, intimée, représentée par Me Catherine Jaccottet Tissot,
avocate,
place Pépinet 4, case postale 3309,
1002 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

Autonomie communale; procédu

re de renvoi pour justes motifs et
suspension
préventive des rapports de service

(recours de droit public contre l'ar...

{T 0/2}
2P.177/2001/elo

Arrêt du 9 juillet 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Hungerbühler, juge présidant,
Yersin, Wuilleret, juge suppléant,
greffier Addy.

Municipalité de Lausanne, 1002 Lausanne,
recourante,

contre

X.________, intimée, représentée par Me Catherine Jaccottet Tissot,
avocate,
place Pépinet 4, case postale 3309,
1002 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

Autonomie communale; procédure de renvoi pour justes motifs et
suspension
préventive des rapports de service

(recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton
de Vaud du 22 mai 2001)

Faits:

A.
Engagée en 1986 par la Municipalité de Lausanne (ci-après: la
Municipalité),
X.________ a été transférée à sa demande au Service de la
circulation, où
elle occupe un poste d'adjointe administrative depuis le 1er juin
1996.

A partir du mois de mai 1998, les relations entre X.________ et son
chef de
service se sont détériorées. Ce dernier a été sanctionné, le 27
janvier 2000,
par une mise au provisoire de deux ans avec réduction de son
traitement en
raison d'un certain nombre de manquements dénoncés par X.________ au
Directeur de la sécurité publique et des affaires sportives de la
Municipalité (ci-après: le Directeur de la sécurité publique). Pour
sa part,
X.________ a fait l'objet d'une décision du 29 juin 2000 prévoyant son
déplacement à un autre poste de l'administration avec effet immédiat.

Statuant le 24 novembre 2000 sur recours de X.________, le Tribunal
administratif du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif)
a
annulé la décision de la Municipalité du 29 juin 2000, en
considérant, en
résumé, qu'un déplacement ne pouvait pas être fondé sur des motifs
objectifs,
dès lors qu'il apparaissait que le conflit entre X.________ et son
supérieur
hiérarchique était imputable au comportement de ce dernier. Faute de
recours,
ce prononcé a acquis force de chose jugée.

B.
Le 21 décembre 2000, le Syndic de la ville de Lausanne a avisé
X.________
que, malgré l'arrêt favorable rendu par le Tribunal administratif à
son
égard, la Municipalité avait néanmoins décidé d'ouvrir contre elle une
nouvelle procédure tendant, cette fois, à son renvoi pour justes
motifs.
Cette décision était motivée par la survenance de faits nouveaux,
notamment
le dépôt par X.________ de plaintes pénales contre le Directeur de la
sécurité publique et contre l'Adjoint du chef du Service de la
circulation,
ainsi que le dépôt d'une plainte pour dénonciation calomnieuse
émanant du
directeur précité et dirigée contre X.________; le syndic invoquait
également
une lettre de soutien, publiée dans la presse locale et signée par de
nombreux collaborateurs du Service de la circulation en faveur de
leur chef
de service; il relevait encore les accusations portées contre
celui-ci par
X.________ dans une lettre adressée le 9 novembre 2000 à la Commission
permanente de gestion de la Municipalité. Enfin, le Syndic précisait
que la
nouvelle procédure ouverte contre X.________ serait suspendue jusqu'à
droit
connu sur le plan pénal et que, dans cette attente, il était fait
interdiction à l'intéressée de reprendre le travail, son salaire
continuant à
lui être versé durant l'instruction (mesure de suspension
préventive).

Par arrêt du 22 mai 2001, le Tribunal administratif a déclaré
irrecevable le
recours de X.________ en tant qu'il était dirigé contre la décision
de la
Municipalité d'ouvrir à son encontre une procédure de renvoi, car une
telle
procédure n'était pas susceptible de modifier sa situation juridique;
en
revanche, il a admis le recours dans la mesure où il portait sur la
mesure de
suspension préventive prononcée contre X.________.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, la Municipalité
conclut,
avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt du Tribunal
administratif du 22 mai 2001 et à la confirmation de l'ordre donné à
X.________ de ne pas reprendre son travail jusqu'à l'issue de la
procédure de
licenciement pour justes motifs. Invoquant la violation de son
autonomie
communale, elle reproche au Tribunal administratif d'avoir abusé de
son
pouvoir d'appréciation.

Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours. X.________
conclut,
sous suite de frais et dépens, au rejet du recours dans la mesure où
il est
recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal administratif examine d'office et librement la
recevabilité des
recours qui lui sont soumis (ATF 128 II 13 consid. 1a p. 16, 46
consid. 2a p.
47 et les arrêts cités).

1.1 Formé pour violation des droits constitutionnels contre une
décision
prise en dernière instance cantonale qui ne peut être attaquée que
par la
voie du recours de droit public, le présent recours est recevable sous
l'angle des art. 84 et 86 OJ.

1.2 Le recours de droit public n'est toutefois recevable contre les
décisions
incidentes prises séparément - autres que celles visées à l'art. 87
al. 1 OJ
-, que s'il peut en résulter un préjudice irréparable (art. 87 al. 2
OJ).

En l'espèce, l'arrêt attaqué met à néant la mesure de suspension
préventive
prononcée par la Municipalité contre X.________ en application de
l'art. 67
du règlement du 11 octobre 1997 pour le personnel de l'administration
communale de la ville de Lausanne (ci-après cité: RPAC); la teneur de
cette
disposition est la suivante:
1 Lorsque la bonne marche de l'administration l'exige, la
Municipalité peut,
par mesure préventive, ordonner à un fonctionnaire de suspendre
immédiatement
son activité.
2 Si la suspension est motivée par l'ouverture d'une enquête
disciplinaire
pour faute grave, elle peut être accompagnée de la suppression totale
ou
partielle du traitement.
3 (...)
4 (...)

Selon la jurisprudence, la suspension préventive est une mesure de
sûreté
instituée dans l'intérêt de la bonne marche de l'administration, en
vue
notamment d'une éventuelle mesure définitive de renvoi pour justes
motifs au
sens de l'art. 70 RPAC. Il s'agit d'une mesure provisoire destinée à
supprimer les dysfonctionnements de l'administration lorsque la
situation
exige une solution immédiate. Fondée sur une appréciation prima facie
des
faits, elle ne préjuge pas du sort d'une éventuelle procédure de
renvoi pour
justes motifs. Même si elle peut être ordonnée avant - ou pendant - le
déroulement d'une telle procédure, elle ne possède aucun caractère
autonome.
La suspension préventive ne constitue dès lors qu'une étape dans le
cadre
d'une procédure de renvoi. Elle revêt par conséquent un caractère
incident
(cf. arrêt non publié du 24 janvier 2000 dans la cause 1P.613/1999,
consid.
2b, au sujet de l'art. 84 de la loi vaudoise du 9 juin 1947 sur le
statut
général des fonctions publiques cantonales, dont la teneur est
quasiment
identique à celle de l'art. 67 RCAP).

L'arrêt attaqué a pour effet de priver la Municipalité de la
possibilité que
lui offre l'art. 67 RCAP de suspendre immédiatement l'activité d'un
fonctionnaire qu'elle considère comme étant de nature à troubler la
bonne
marche de l'administration communale; or, un tel trouble présente le
caractère d'un dommage qui, pour limité qu'il soit dans le temps,
doit être
qualifié d'irréparable.

1.3 Une commune a qualité pour agir par la voie du recours de droit
public en
invoquant une violation de son autonomie lorsque la décision attaquée
l'atteint en tant que détentrice de la puissance publique. La
question de
savoir si, dans un domaine juridique particulier, la commune jouit
effectivement de l'autonomie qu'elle invoque, ne se rapporte pas à la
recevabilité du recours, mais à son bien-fondé (ATF 124 I 223 consid.
1 b p.
226; 119 la 214 consid. 1c p. 216/217, 285 consid. 4a p. 294 et les
arrêts
cités).

Dans la mesure où la recourante invoque la violation de son autonomie
et
qu'elle est touchée par la décision attaquée, non comme le serait un
particulier, mais en tant que détentrice de la puissance publique, la
qualité
pour recourir au sens de l'art. 88 OJ doit lui être reconnue.

1.4 Aux termes de l'art. 89 al. 1 OJ, l'acte de recours doit être
déposé
devant le Tribunal fédéral dans les trente jours dès la
communication, selon
le droit cantonal, de la décision attaquée.

Le fardeau de la preuve de la notification d'un acte et de sa date
incombe en
principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique
(ATF 122
I 97 consid. 3b p. 100; 114 III 51 consid. 3c et 4 p. 54; 103 V 63
consid. 2a
p. 65; 101 Ia 7 consid. 1 p. 8; 99 Ib 356 consid. 2 et 3 p. 359).
L'autorité
supporte donc les conséquences de l'absence de preuve en ce sens que
si la
notification, ou sa date, sont contestées, et qu'il existe
effectivement un
doute à ce sujet, comme
cela peut se présenter lors de la notification d'un acte sous pli
simple, il
y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi
(cf.
ATF 103 V 63 consid. 2a p. 65).

En l'espèce, du moment que l'arrêt attaqué a été notifié à la Commune
de
Lausanne sous pli simple, les déclarations de cette dernière quant à
la date
de réception de cet acte font foi - comme cela vaudrait pour un
particulier
placé dans une telle situation -, aucun indice sérieux ne permettant
de les
contredire. A cet égard, le fait que, remis à la Poste le 22 mai
2001, l'acte
n'aurait été reçu que le 28 mai suivant, selon les déclarations de la
Municipalité, ne permet pas de mettre en doute la bonne foi de la
recourante,
qui est présumée. Car un délai de six jours, même s'il est
sensiblement plus
long que le temps moyen nécessaire pour l'acheminement du courrier,
est
plausible ou, à tout le moins, n'apparaît pas exclu (cf. arrêt non
publié du
Tribunal fédéral du 28 février 1997 dans la cause 2A.500/1996,
consid. 4b).

1.5 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours
de droit
public est de nature purement cassatoire (cf. ATF 126 II 377 consid.
8c p.
395). Dans la mesure où la recourante demande autre chose que
l'annulation de
l'arrêt attaqué, soit la confirmation de sa décision du 21 décembre
2000, ses
conclusions sont dès lors irrecevables.

2.
2.1Une commune bénéficie de la protection de son autonomie, assurée
par la
voie de recours de droit public, dans les domaines que le droit
cantonal ne
règle pas de façon exhaustive, mais qu'il laisse en tout ou partie
dans la
sphère communale, conférant par là aux autorités municipales une
liberté de
décision appréciable (ATF 126 I 133 consid. 2 p. 136; 124 I 223
consid. 2b p.
226/227; 122 I 279 consid. 8b p. 290 et les arrêts cités). II suffit
que
cette liberté puisse s'exercer, non pas dans un domaine entièrement
réservé à
la commune, mais dans l'accomplissement des tâches particulières qui
sont en
cause, quelle que soit leur base juridique. L'existence et l'étendue
de
l'autonomie communale dans une matière concrète sont déterminées
essentiellement par la constitution et la législation cantonales,
voire
exceptionnellement par le droit cantonal non écrit et coutumier (cf.
ATF 122
I 279 consid. 8b p. 290; 116 la 285 consid. 3a p. 287; 115 la 42
consid. 3 p.
44; 114 la 80 consid. 2b p. 83, 168 consid. 2b p. 170). Lorsqu'elle
est
reconnue autonome dans un domaine spécifique, une commune peut se
plaindre
tant des excès de compétence d'une autorité cantonale de contrôle ou
de
recours que de la violation par celle-ci des règles du droit fédéral,
cantonal ou communal qui régissent la matière. La commune est aussi
habilitée
à se plaindre d'arbitraire, dans la mesure où ce grief est
étroitement lié à
celui de violation de son autonomie (ATF 121 I 155 consid. 4 p. 159;
116 la
221 consid. 1c p. 224).

Le Tribunal fédéral examine librement l'interprétation du droit
constitutionnel, fédéral ou cantonal; en revanche, il ne vérifie
l'application des règles de rang inférieur à la constitution fédérale
ou
cantonale que sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 122 I 279
consid.
8c p. 291; 120 Ia 203 consid. 2a p. 204 et la jurisprudence citée).

2.2 Le principe de l'autonomie des communes vaudoises découle de
l'art. 80 de
la constitution du canton de Vaud du 1er mars 1885, dont l'alinéa 3
dispose
qu'elles jouissent de toute l'indépendance compatible avec le bien de
l'Etat,
son unité et la bonne administration des communes elles-mêmes. Tout en
reconnaissant une certaine autonomie aux communes, cette disposition
n'en
délimite pas elle-même l'étendue (ATF 108 la 74 consid. 2b p. 76).
Celle-ci
est fixée par la loi vaudoise du 28 février 1956 sur les communes
(ci-après
citée: Loi cantonale sur les communes ou LC), notamment son art. 2,
qui
détermine les attributions et les tâches propres des autorités
communales, au
nombre desquelles figure l'organisation de l'administration communale
(art. 2
al. 2 lettre a LC); selon l'art. 4 chiffre 9 LC, le conseil général ou
communal délibère sur le statut des fonctionnaires communaux et la
base de
leur rémunération; d'après l'art. 42 chiffre 3 LC, entrent dans les
attributions de la municipalité, la nomination des fonctionnaires et
employés
de la commune, la fixation de leur traitement et l'exercice du pouvoir
disciplinaire.

On peut déduire de ces dispositions que les communes vaudoises
jouissent
d'autonomie pour régler sur une
base de droit public les rapports de
travail
de leurs fonctionnaires (cf. arrêt non publié du Tribunal fédéral du
29 juin
1999 dans la cause 1P.227/1999, consid. 2b, et la référence à la
décision du
Conseil d'Etat du canton de Vaud du 6 mai 1988 reproduite in RDAF
1989 p. 295
consid. la p. 298). Il reste à examiner si, au cas particulier, cette
autonomie a été violée par l'arrêt attaqué.

3. Le Tribunal administratif a considéré qu'en tant que X.________
s'en
prenait à l'ouverture de la procédure de licenciement pour justes
motifs
décidée par la Municipalité, son recours était irrecevable, car la
seule
ouverture à son encontre de cette procédure ne modifiait pas sa
situation
juridique (consid. 1 de l'arrêt attaqué). Bien que la recourante
conclue - du
moins formellement - à l'annulation de l'arrêt attaqué dans son
entier, elle
ne formule aucun grief sur ce point précis, de sorte que, dans la
mesure où
il tend à l'annulation du chiffre I du dispositif de l'arrêt attaqué,
le
recours est irrecevable (cf. art. 90 al. 1 OJ).

4.
4.1Selon le Tribunal administratif, la suspension de l'activité de
X.________
fondée sur l'art. 67 RPAC est une décision qui s'inscrit dans le
cadre de la
procédure de renvoi pour justes motifs entamée par la Municipalité.
Mais, en
ouvrant cette procédure, la Municipalité aurait en réalité, d'après
les
premiers juges, entrepris de manière déguisée le réexamen de sa
précédente
décision prévoyant le déplacement de X.________ dans une autre
fonction, sans
toutefois que des faits nouveaux ne l'autorisent à procéder à un tel
réexamen.

La recourante reproche au Tribunal administratif d'avoir excédé le
pouvoir
d'examen que lui confère la loi vaudoise du 18 décembre 1989 sur la
juridiction et la procédure administratives. Plus précisément, elle
conteste
que la procédure de renvoi qu'elle a engagée contre X.________
puisse, comme
l'ont fait les premiers juges, être assimilée à l'ouverture d'une
procédure
de réexamen de sa première décision, judiciairement annulée, qui
prévoyait le
déplacement de la prénommée dans une autre fonction. La recourante
souligne
qu'elle jouit d'un large pouvoir d'appréciation dans les questions qui
touchent à la gestion du personnel, la seule limite étant le respect
de la
loi, plus particulièrement des principes généraux tels que la
légalité,
l'égalité, l'interdiction de l'arbitraire et la proportionnalité. Or,
l'arrêt
attaqué empiéterait de manière inadmissible sur ce large pouvoir
d'appréciation.

4.2 Avec les premiers juges, il faut admettre que les motifs pouvant
justifier une mesure de licenciement peuvent, le cas échéant, se
confondre
avec ceux retenus pour déplacer un fonctionnaire à un autre poste. Il
n'en
demeure toutefois pas moins que ce sont là deux mesures parfaitement
distinctes quant à leurs effets. L'ouverture de la procédure de renvoi
immédiat n'a d'ailleurs, en l'espèce, pas remis en cause la décision
du
Tribunal administratif interdisant de déplacer l'intimée dans un autre
service. Par ailleurs, le fait que cette dernière ait été
provisoirement
suspendue dans ses fonctions emporte également des effets différents
que si
elle avait été déplacée, puisqu'elle conserve, en tout cas jusqu'à
droit
connu sur l'issue de la procédure de renvoi, son poste de travail
actuel. Les
premiers juges ne pouvaient donc assimiler ni l'ouverture de la
procédure de
renvoi, ni la suspension préventive à un réexamen de la première
décision
administrative, et se contenter de vérifier la conformité au droit de
la
décision litigieuse sous le seul angle de la survenance de faits
nouveaux
(comme cela se fait dans le cadre d'une procédure de réexamen). Ils
devaient
bien plutôt dire si, compte tenu de tous les faits entrant en ligne
de compte
- qu'ils soient nouveaux ou anciens, car la situation considérée dans
son
ensemble peut donner un autre éclairage que si les faits sont examinés
indépendamment les uns des autres -, la Municipalité pouvait se
fonder sur
l'art. 67 RCPA pour prononcer une mesure de suspension préventive
contre
l'intimée. Ne l'ayant pas fait, ils ont versé dans l'arbitraire.

Au demeurant, c'est également de manière arbitraire que la Cour
cantonale a
nié l'existence de faits nouveaux, puisque les circonstances
mentionnées par
la Municipalité à l'appui de sa décision se sont produites
postérieurement à
la mesure qui tendait à déplacer l'intimée dans un autre service.
Certes les
premiers juges ont-ils considéré que la plainte déposée par l'intimée
contre
le municipal Z.________, parce qu'elle ne constituerait pas en
elle-même une
violation du devoir de fidélité, ne serait pas un "fait nouveau
important
autorisant (la Municipalité) à procéder à un réexamen de (sa première
décision)". C'est toutefois méconnaître que l'ouverture d'une
procédure de
renvoi pour justes motifs accompagnée d'une suspension préventive
n'implique
pas nécessairement - contrairement à la révocation disciplinaire -
une faute
de l'agent. II suffit que ce dernier se trouve dans une situation
telle que
la continuation des rapports de service soit préjudiciable aux
intérêts de
l'Etat ou de la commune. Cela recouvre toutes les circonstances qui,
d'après
les règles de la bonne foi, font admettre que l'autorité qui nomme ne
peut
plus continuer les rapports de service (cf. par analogie, l'art. 337
CO). Or,
des procédures pénales divisant les collaborateurs d'un même service
de
l'administration sont, par nature, susceptibles de perturber de
manière
importante le bon fonctionnement dudit service, indépendamment du
bien-fondé
des plaintes.

Pour les mêmes motifs, les premiers juges ne pouvaient nier le
caractère de
faits nouveaux à la lettre de dénonciation que l'intimée a faite
parvenir le
9 novembre 2000 à la commission de gestion: en effet, savoir si le
procédé
choisi constitue objectivement un manquement au secret de fonction ou
au
devoir de fidélité n'est pas déterminant, du moment que, selon la
décision de
la Municipalité du 21 décembre 2000, cette lettre démontrerait, "par
le ton
et les accusations" qu'elle contient, que toute collaboration entre
l'intimée
et son supérieur hiérarchique est exclue à l'avenir.

De surcroît, le raisonnement des premiers juges présupposerait, pour
être
exact, que la Municipalité ait procédé à l'ouverture d'une procédure,
non de
renvoi pour justes motifs au sens de l'art. 70 RCPA, mais de
révocation (cf.
art. 28 lettre g RCAP), soit une mesure disciplinaire qui n'est
possible
qu'en cas de faute grave ou d'infractions répétées (cf. art. 29 al. 1
RCAP);
or, la Municipalité n'a semble-t-il pas fondé sa décision sur la base
de ces
dispositions mais - et les premiers juges n'en disconviennent pas -
sur la
base de l'art. 70 RCPA, ce qui ouvrait la voie de la suspension
préventive au
sens de l'art. 67 al. 1 - et non al. 2 - RCPA.

4.3 Pour toutes ces raisons, en considérant qu'aucune des
circonstances
énumérées ci-avant n'était susceptible de constituer un fait nouveau
pouvant
justifier une mesure de suspension provisoire ensuite de l'ouverture
d'une
procédure de renvoi pour justes motifs, le Tribunal administratif est
tombé
dans l'arbitraire.

5.
Par conséquent, il convient d'annuler l'arrêt entrepris en ce qui
concerne
l'ordre signifié à X.________ de ne pas réintégrer son poste de
travail.

Vu ce qui précède, le recours est partiellement admis dans la mesure
où il
est recevable. Succombant, X.________ supportera un émolument
judiciaire
(art. 156 al. 1 OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1
OJ). II n'y
a pas lieu non plus d'allouer des dépens à la Municipalité (art. 159
al. 2 OJ
par analogie; cf. Jean-François Poudret/Suzette Sandoz-Monod,
Commentaire de
la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, Berne 1992, no 3,
p. 162,
ad art. 159).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis, dans la mesure où il est
recevable.

2.
Les chiffres II et III du dispositif de l'arrêt rendu le 22 mai 2001
par le
Tribunal administratif du canton de Vaud sont annulés.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de
X.________.

4.
II n'est pas alloué de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante, au
mandataire de
l'intimée et au Tribunal administratif du canton de Vaud.

Lausanne, le 9 juillet 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.177/2001
Date de la décision : 09/07/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-09;2p.177.2001 ?
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