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08/07/2002 | SUISSE | N°1A.107/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 juillet 2002, 1A.107/2002


{T 0/2}
1A.107/2002/col

Arrêt du 8 juillet 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Catenazzi,
greffier Kurz.

Office fédéral de la justice, 3003 Berne,
recourant,

contre

la société A.________, représentée par Me Vincent Solari, avocat, rue
de
Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11,
la société R.________, représentée par MMes Alexander Troller et Marc
Henzelin, avocats, Etude L

alive & Associés, rue de l'Athénée 6, case
postale
393, 1211 Genève 12,
Juge d'instruction du canton de Genève, case posta...

{T 0/2}
1A.107/2002/col

Arrêt du 8 juillet 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Catenazzi,
greffier Kurz.

Office fédéral de la justice, 3003 Berne,
recourant,

contre

la société A.________, représentée par Me Vincent Solari, avocat, rue
de
Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11,
la société R.________, représentée par MMes Alexander Troller et Marc
Henzelin, avocats, Etude Lalive & Associés, rue de l'Athénée 6, case
postale
393, 1211 Genève 12,
Juge d'instruction du canton de Genève, case postale 3344, 1211
Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1,
case
postale 3108, 1211 Genève 3.

entraide judiciaire internationale en matière pénale à la France

recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation
du canton de Genève du 16 avril 2002.

Faits:

A.
Dans le cadre d'une procédure pénale ouverte à Genève pour blanchiment
d'argent, le juge d'instruction en charge de la cause a saisi auprès
des
banques genevoises les documents et avoirs détenus par ou pour
F.________,
citoyen français soupçonné d'avoir recyclé le produit d'abus de
confiance, de
faux dans les titres et de trafic d'armes. Ce dernier est apparu
comme ayant
droit des comptes détenus par les sociétés A.________ et R.________
auprès de
l'UBS et de la Discount Bank & Trust Company.

F. ________ fait aussi l'objet en France d'une information pour abus
de biens
sociaux, recel, abus de confiance et trafic d'influence, en rapport
avec un
trafic d'armes entre les Pays de l'Est et l'Afrique. En exécution
d'une
demande d'entraide formée par la Cour d'appel de Paris, le même juge
d'instruction genevois a transmis la documentation bancaire relative
notamment à des comptes dont F.________ était titulaire ou ayant
droit, à
l'exclusion des comptes de A.________ et R.________. Par arrêt du 21
mars
2002, le Tribunal fédéral a confirmé cette transmission.

B.
Le 21 décembre 2001, le juge d'instruction genevois a adressé au
magistrat
parisien une commission rogatoire afin d'entendre F.________ au sujet
d'opérations de restructuration de la dette de l'Angola envers la
Russie, par
le biais de la société A.________. Les avocats de F.________ ayant
réclamé
l'accès au dossier, cette partie de l'enquête a été disjointe de la
procédure
principale le 7 janvier 2002, et le nouveau dossier ainsi constitué,
contenant les documents relatifs aux comptes de A.________ et de
R.________
ainsi que des tableaux de transactions, a été transmis au juge
français.

Sur recours de F.________, A.________ et R.________, la Chambre
d'accusation
genevoise a, par ordonnance du 16 avril 2002, ordonné au juge
d'instruction
de s'assurer que les pièces transmises au juge d'instruction français
seraient restituées après exécution de la commission rogatoire du 21
décembre
2001. Cette transmission équivalait pratiquement à une ordonnance de
clôture
partielle portant sur des documents non encore remis à la France.
L'imbrication des procédures comportait un risque de confusion, les
renseignements remis à l'appui de la commission rogatoire suisse
pouvant être
utilisés directement par le juge d'instruction français.

C.
Par acte du 16 mai 2002, l'Office fédéral de la justice (OFJ) forme un
recours de droit administratif contre cette ordonnance, dont il
demande
l'annulation.

La Chambre d'accusation se réfère à son ordonnance. Le juge
d'instruction
conclut à l'admission du recours. Les sociétés A.________ et
R.________
concluent à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité du
recours
de droit administratif (ATF 128 II 66 consid. 1).

1.1 La cour cantonale a considéré que l'envoi d'une commission
rogatoire par
le juge d'instruction genevois, comportant en annexe toute une série
de
documents bancaires susceptibles d'intéresser le juge d'instruction
français
en charge d'une information pour des faits semblables, était
assimilable à
une décision de clôture. L'admission des recours cantonaux a eu lieu
en
application des art. 80e ss de la loi fédérale sur l'entraide
internationale
en matière pénale (EIMP, RS 351.1), et l'OFJ en déduit que
l'ordonnance
attaquée constituerait une décision de l'autorité cantonale de
dernière
instance visée à l'art. 25 al. 3 EIMP; sa qualité pour recourir
découlerait
de l'art. 80h let. a EIMP, ainsi que de sa qualité d'autorité de
surveillance
(art. 3 OEIMP).

1.2 Selon la jurisprudence, le recours de droit administratif est
ouvert
lorsque, dans une procédure pénale suisse étroitement connexe avec une
procédure d'entraide judiciaire, l'autorité suisse prend une décision
(envoi
de renseignements, accès au dossier) équivalant à une décision de
clôture et
de transmission de renseignements à l'autorité étrangère, en violation
alléguée des règles de l'EIMP (ATF 127 II 198 consid. 2a p. 201; SJ
1997 193
consid. 3b). La qualité pour agir est reconnue à celui qui est
personnellement et directement touché par la transmission,
conformément à
l'art. 80h let. b EIMP. Il s'agit toutefois d'une exception au
principe selon
lequel il n'y a pas de recours contre l'envoi, par le juge suisse,
d'une
commission rogatoire à l'étranger (art. 25 al. 2 EIMP). Cet envoi a
pour
cadre une procédure pénale régie par le droit de procédure cantonal
et ne
peut en principe être remis en cause (sous réserve de l'art. 87 OJ)
que par
la voie du recours de droit public, qu'une autorité comme l'OFJ n'a
pas
qualité pour former.

1.3 Cette jurisprudence, développée pour prévenir les cas d'entraide
déguisée, ne s'applique pas lorsque, comme en l'espèce, l'autorité de
dernière instance cantonale a pris les mesures propres à prévenir les
risques
inhérents à une transmission prématurée de renseignements. En
l'espèce, l'OFJ
prétend intervenir à titre d'autorité de surveillance, afin de
supprimer la
clause d'utilisation restreinte dont l'ajout a été ordonné par la
Chambre
d'accusation. Ce faisant, l'OFJ intervient dans une procédure pénale
cantonale, ce qu'il n'a manifestement pas qualité pour faire. Il
prétend
certes requérir le respect du droit international, soit la CEEJ, qui
ne
prévoirait pas la possibilité de poser des restrictions quant à
l'utilisation
des renseignements transmis par voie de commission rogatoire (cf.
arrêt X. du
7 novembre 2000, SJ 2001 I 173). L'arrêt attaqué ne pose toutefois
pas de
telles conditions: il impose simplement à l'autorité requise de
restituer les
pièces jointes après l'exécution de la commission rogatoire, ce qui ne
l'empêchera notamment pas, si ces documents l'intéressent, de se les
procurer
en demandant à son tour l'entraide judiciaire de la Suisse. Si la
condition
posée par la Chambre d'accusation devait être jugée inacceptable par
les
autorités françaises, ces dernières refuseront simplement d'exécuter
la
commission rogatoire. Il n'y a pas à craindre une violation du droit
conventionnel sur ce point.

Rien ne justifie donc, à ce stade, l'intervention de l'OFJ dans un
acte
d'enquête ordonné par l'autorité cantonale.

2.
Le recours est par conséquent irrecevable. Conformément à l'art. 156
al. 2
OJ, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, mais l'OFJ versera une
indemnité de dépens aux sociétés intimées, qui ont procédé avec
succès (art.
159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Une indemnité de dépens de 1500 fr. est allouée à chacune des
intimées,
A.________ et R.________, à la charge de l'OFJ.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à l'Office fédéral de la
justice (B
122 240), aux mandataires des sociétés intimées, au Juge
d'instruction et à
la Chambre d'accusation du canton de Genève.

Lausanne, le 8 juillet 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.107/2002
Date de la décision : 08/07/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-07-08;1a.107.2002 ?
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