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13/05/2002 | SUISSE | N°5P.416/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 mai 2002, 5P.416/2001


«/2»
5P.416/2001

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

13 mai 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, M. Meyer et
Mme Hohl, juges. Greffier: M. Braconi.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

G.________, représenté par Me Nicolas Perret, avocat à
Carouge,

contre

l'arrêt rendu le 12 octobre 2001 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
le recourant à A.________ SA

, représentée par Me Jérôme
Bassan, avocat à Genève;

(art. 9 Cst.; poursuite en réalisation de gage,
revendication)
...

«/2»
5P.416/2001

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

13 mai 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, M. Meyer et
Mme Hohl, juges. Greffier: M. Braconi.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

G.________, représenté par Me Nicolas Perret, avocat à
Carouge,

contre

l'arrêt rendu le 12 octobre 2001 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
le recourant à A.________ SA, représentée par Me Jérôme
Bassan, avocat à Genève;

(art. 9 Cst.; poursuite en réalisation de gage,
revendication)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Le 4 avril 1989, S.________, incorporée au
Panama et dominée par O.________, a souscrit auprès de
X.________ Ltd, enregistrée à l'Ile de Man, une série de
bronzes post-mortem du sculpteur Max Ernst, portant le
numéro
4/8; les oeuvres, qui n'étaient pas encore fondues, devaient
être livrées au plus tard le 31 mai 1991. Le 23 mai 1991,
O.________ et G.________ sont convenus d'acquérir la série
de
sculptures, à raison d'une moitié chacun. En novembre 1991,
quatre statues devaient être encore livrées à S.________ par
l'entremise de A.________ SA, société genevoise qui était
intervenue à partir de juin 1989 pour le compte de
X.________. Ces oeuvres faisaient partie de la série 3/8;
parmi elles, figurait «Sphinx et Sirène».

b) Le 18 décembre 1990, A.________ SA a consenti à
X.________ un prêt de 353'100 US$ (ch. II) moyennant la remi-
se d'un billet à ordre du même montant souscrit par l'emprun-
teur et avalisé par J.________ (ch. VII/7).

A la même date, X.________ a signé, sous la plume de
J.________ et D.________, un «acte de nantissement et de ces-
sion» conférant à A.________ SA un droit de gage en garantie
de «toutes les créances et les droits de toute nature, pré-
sents ou futurs (...) relatives au capital, intérêts, commis-
sions, frais, dépenses, charges (...), redevances (...),
qu'elle est en droit de percevoir du débiteur pour n'importe
quelle raison ou résultant de n'importe quelle relation d'af-
faires (...)»; le nantissement devait rester «en vigueur
même
si les obligations du débiteur avaient été remplies temporai-
rement, en totalité ou partiellement»; le droit de gage se
rapportait, notamment, à «toutes les marchandises se
trouvant

à la disposition ou en possession de A.________ SA, présente-
ment ou dans le futur, directement ou indirectement, que ce
soit dans des entrepôts, auprès d'expéditeurs, en transport
ou en dépôt ou en cours de fabrication; ceci pour autant que
la propriété revient à A.________ SA en vertu de documents
de
tous genres (...)»; en cas d'«échanges de gages», les nou-
veaux devaient être «utilisés, sans autres formalités, en
substitution des précédents»; enfin, X.________ cédait à
A.________ SA - laquelle était en droit d'en aviser les
tiers
débiteurs - les «droits découlant d'une vente éventuelle de
marchandises, ou d'une partie de celles-ci, comme tout aussi
bien de tous les droits, directement ou indirectement, en
relation avec ces marchandises, (...)».

Par lettre du même jour, faisant «partie intégrante
de l'acte de nantissement», les intéressés ont précisé que
X.________ pouvait «disposer des sculptures en bronze mar-
quées 4/8, aux fins d'exposition et/ou de vente, sans accord
préalable de A.________ SA, mais sous avis écrit préalable»;
en cas de vente, le paiement devait obligatoirement s'opérer
en main de A.________ SA, qui «retiendra 20% du montant de
la
vente en amortissement de sa créance». Ce document a été com-
muniqué à F.________ - maison auprès de laquelle était entre-
posée «Sphinx et Sirène 3/8» -, qui l'a contresigné.

c) Le 23 avril 1992, A.________ SA et X.________ ont
passé un «projet d'accord» d'après lequel celle-là
consentait
à libérer la statue «Tête de Sphinx 4/8», pour autant
qu'elle
reçoive en gage «Sphinx et Sirène 3/8», qui se trouvait au
port-franc de Genève; en cas de livraison contre paiement de
cette dernière, A.________ SA s'obligeait à la dégager «à la
condition que le produit de la vente soit destiné en
priorité
au paiement des montants prévus pour A.________ (...), les
20% étant destinés au remboursement partiel du prêt de

A.________ à X.________». Le lendemain, le conseil de
X.________ a avisé F.________ que «Tête de Sphinx 4/8» était
libérée et que «Sphinx et Sirène 3/8» était nantie à sa pla-
ce.

d) Le 29 mars 1994, X.________, d'une part, et
O.________, L.________ et G.________, d'autre part, ont con-
clu une convention afin de «restructurer complètement la ven-
te de la série des sculptures». Celles-ci ont été vendues à
O.________ (six), L.________ (deux) et G.________ (quatre),
ce dernier étant l'acquéreur de «Sphinx et Sirène»; l'art.
3.2 du contrat indiquait que le prénommé s'était «d'ores et
déjà acquitté de la totalité du prix de vente» (i.e. 437'500
fr.), ce dont la venderesse lui donnait «expressément, irré-
vocablement et définitivement quittance». Pour sa part,
X.________ a garanti qu'aucun obstacle juridique ne s'oppo-
sait à la vente et «qu'elle [était] la légitime propriétaire
des sculptures cédées (...) et qu'elle [avait] le pouvoir
d'en disposer». Le lendemain, G.________ a remis à
J.________
trois chèques: le premier de 20'000 fr. en faveur de
F.________, le deuxième de 220'000 fr. en faveur de
X.________ et le troisième de 30'000 fr. en faveur de l'avo-
cat de cette société.

Conformément au préambule de la convention précitée,
«Sphinx et Sirène» se trouvait alors au port-franc de Genève
dans les locaux de F.________. Le 29 mars 1994, J.________ a
informé celle-ci que ladite sculpture avait été vendue à
G.________, qui avait dorénavant seul pouvoir d'en disposer.
Le 19 avril 1994, F.________ a transmis cette lettre à
A.________ SA, en ajoutant que, sauf instructions
contraires,
elle partait du principe que le bronze était la propriété de
G.________; A.________ SA a aussitôt protesté contre la te-
neur de ce courrier, faisant valoir que la statue en cause
était nantie en sa faveur en vertu de l'accord qu'elle avait
passé avec X.________ (supra, let. c).

B.- En 1995, A.________ SA a introduit une poursuite
en réalisation de gage mobilier contre X.________; elle
s'est
prévalue d'un droit de gage sur diverses sculptures, dont
«Sphinx et Sirène 3/8»; celle-ci ayant été saisie en main de
F.________, G.________ en a revendiqué la propriété le 23
juin 1995.

A la suite d'un arrêt rendu le 13 août 1997 par la
Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral
(7B.109/1997, reproduit aux ATF 123 III 367 ss), l'Autorité
de surveillance des offices de poursuites et de faillites du
canton de Genève a fixé à G.________ un délai de vingt jours
pour ouvrir action contre A.________ SA en constatation de
son droit de propriété et en contestation du droit de gage
sur la statue mise sous main de justice. La demande a été
introduite le 19 décembre 1997.

Le 25 janvier 2001, le Tribunal de première instance
de Genève a accueilli la revendication, dit que le demandeur
est propriétaire de la statue «Sphinx et Sirène 3/8», que la
défenderesse n'est au bénéfice d'aucun droit de gage et que,
partant, aucune suite ne sera donnée à la poursuite en réa-
lisation de gage quant à cet objet. Statuant le 12 octobre
suivant, la Chambre civile de la Cour de justice du canton
de
Genève a, en revanche, reconnu le droit de gage invoqué par
la défenderesse, laissant dans cette mesure libre cours à la
poursuite, et confirmé le jugement attaqué pour le surplus.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, G.________ conclut à l'annulation de
cet
arrêt.

L'intimée n'a pas été invitée à répondre.

D.- Le demandeur a exercé parallèlement un recours
en réforme, tendant, en substance, à ce que le droit de gage
de la défenderesse soit écarté (5C.315/2001).

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Il n'y a pas lieu de déroger en l'espèce au
principe général posé à l'art. 57 al. 5 OJ (à ce sujet: ATF
122 I 81 consid. 1 p. 82/83; 117 II 630 consid. 1a p. 631 et
les arrêts cités).

b) Déposé en temps utile contre une décision finale
rendue en dernière instance cantonale, le présent recours
est
ouvert du chef des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ.

2.- Le recourant reproche à l'autorité inférieure
d'avoir arbitrairement apprécié les preuves en retenant que
le rapprochement de l'acte de nantissement et de cession du
18 décembre 1990 avec le contrat de prêt conclu le même jour
par les mêmes parties permettait d'admettre que l'engagement
pris par la débitrice dans le contrat de gage était de garan-
tir l'emprunt que lui avait octroyé l'intimée; il soutient,
en bref, que les parties n'avaient nullement l'intention de
constituer une garantie supplémentaire, sous forme de gage,
à
celle qui était déjà stipulée dans le contrat de prêt
(remise
d'un billet à ordre souscrit par l'emprunteuse et avalisé
par
J.________, ce d'autant plus que ce dernier ne fait aucune
référence à l'acte de nantissement.

a) De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral
se montre réservé en matière d'appréciation des preuves, vu
le large pouvoir qu'il reconnaît dans ce domaine aux autori-
tés cantonales; aussi la décision attaquée ne doit-elle être

annulée que lorsque cette appréciation se révèle arbitraire,
c'est-à-dire manifestement insoutenable ou en contradiction
flagrante avec les pièces du dossier (ATF 127 I 38 consid.
2a
p. 41; 124 I 208 consid. 4a p. 211 et les arrêts cités); il
appartient au recourant d'en faire la démonstration par une
argumentation précise (art. 90 al. 1 let. b OJ; cf. ATF 125
I
492 consid. 1b p. 495 et la jurisprudence citée), sous peine
d'irrecevabilité - partielle ou totale - du recours (ATF 123
II 552 consid. 4d p. 558).

b) Les constatations relatives à la volonté interne
ressortissent au fait (ATF 126 III 505 consid. 5 p. 511; 123
III 129 consid. 3c p. 136), de sorte qu'elles ne peuvent
être
critiquées que par la voie du recours de droit public.
C'est,
en revanche, à l'appui d'un recours en réforme que doit être
discutée l'interprétation des manifestations de volonté
selon
le principe de la confiance, car il s'agit d'une question de
droit (ATF 126 III 25 consid. 3c p. 29, 59 consid. 5b p. 68,
375 consid. 2e/aa p. 379).

c) Se référant à la pratique récente en matière de
constitution de gage (ATF 108 II 47) et de cautionnement
(ATF
120 II 35) - en vertu de laquelle l'étendue de l'engagement
du garant peut être déterminée par le recours à des éléments
extrinsèques -, la cour cantonale a considéré que, si l'acte
de nantissement était, certes, formulé de manière
extrêmement
large - «vraisemblablement trop» - s'agissant des créances
garanties, «la mise en corrélation de cet acte avec le prêt
conclu le même jour par les mêmes parties permet de retenir
que X.________ Ltd ne pouvait ignorer que l'engagement réel
pris était destiné à garantir sa dette résultant du prêt de
353'100 US$». En affirmant que la constituante du gage «n'a
pas pu ignorer, en signant l'acte de nantissement du même
jour, la portée de l'engagement qu'elle prenait», les juges

d'appel n'ont donc pas établi sa volonté réelle, mais lui
ont
imputé sur la base des pièces produites - «qui répondent aux
exigences de la jurisprudence récente» - sa volonté
objective
d'après le principe de la confiance (cf. par exemple: ATF
106
II 369 consid. 5 p. 381/382, au sujet d'un contrat de gage
irrégulier); le poids qu'ils ont accordé à la manifestation
de volonté de cette seule partie s'explique, apparemment,
par
la nature unilatérale du contrat de gage (sur ce point:
Foëx,
Le contrat de gage mobilier, Bâle/Francfort 1997, n° 87 ss
et
les références citées). Que l'autorité inférieure ait fait
abstraction dans la détermination de la volonté objective de
la clause de garantie prévue par le contrat de prêt ne
relève
pas, en l'occurrence, de l'arbitraire dans l'établissement
de
la volonté (réelle) des parties, mais ressortit au recours
en
réforme.

3.- Vu ce qui précède, le recours doit être déclaré
irrecevable, aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ). Il
n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas
été invitée à répondre.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Déclare le recours irrecevable.

2. Met un émolument judiciaire de 5'000 fr. à la
charge du recourant.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 13 mai 2002
BRA/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.416/2001
Date de la décision : 13/05/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-13;5p.416.2001 ?
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