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13/05/2002 | SUISSE | N°4C.292/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 mai 2002, 4C.292/2001


«/2»

4C.292/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

13 mai 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Favre, juge,
et Zappelli, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo.

______________

Dans la cause pendante
entre

1. A.________,
2. B.________,
demandeurs et recourants, tous deux représentés par
Me Jacques Micheli, avocat à Lausanne,

et

C.________, défendeur et intimé, représenté par Me Nicolas
Saviaux, avocat à Lausanne;>
(liquidation d'une société)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- A.________ et B.____...

«/2»

4C.292/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

13 mai 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Favre, juge,
et Zappelli, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo.

______________

Dans la cause pendante
entre

1. A.________,
2. B.________,
demandeurs et recourants, tous deux représentés par
Me Jacques Micheli, avocat à Lausanne,

et

C.________, défendeur et intimé, représenté par Me Nicolas
Saviaux, avocat à Lausanne;

(liquidation d'une société)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- A.________ et B.________ ont constitué, le 30
mai 1989, une société en nom collectif ayant pour but l'ex-
ploitation d'une carrosserie. Le 31 mai 1989, ils ont repris
l'exploitation de la Carrosserie X.________, ainsi que le
bail pour les locaux commerciaux où se trouvait l'atelier.

Par contrat du 30 janvier 1991, les prénommés ont
vendu à C.________ un tiers du capital de leur société pour
le prix de 85 000 fr. La raison sociale de la société a été
modifiée en "Carrosserie X.________ SNC".

Le 17 mars 1992, les associés ont signé une conven-
tion ainsi libellée:

"1. Messieurs A.________ - B.________ -
C.________, exploitent la Carrosserie X.________.
2. L'accord suivant est intervenu entre par-
ties:
"Les bénéfices de la Carrosserie ainsi que
l'éventuel bénéfice de la vente de la carrosserie seront
divisés en trois parts égales."
3. Le compte capital au bilan au 31.12.1991 ne
donne droit à aucune autre revendication que le tiers de
la Carrosserie."

Confrontées à des difficultés financières, les par-
ties sont convenues, le 9 septembre 1993, que A.________ et
B.________ cesseraient leur activité d'indépendants et fe-
raient radier leur inscription au registre du commerce, tout
en demeurant propriétaires de la carrosserie et titulaires
du
bail. C.________ poursuivrait seul l'exploitation de
l'atelier jusqu'à ce que celui-ci soit rentable pour trois
personnes. Le bénéfice réalisé devait être réparti en trois
parts égales. La société en nom collectif a été dissoute et
radiée du registre du commerce, C.________ continuant son

activité sous la raison individuelle "Carrosserie
C.________".

Sur le plan comptable, la séparation n'a eu lieu
que le 28 février 1994, date à laquelle les parties ont éta-
bli un bilan de liquidation. Les fonds propres des associés
se présentaient comme il suit:

- Découvert de A.________ Fr. - 31'304.95
- Découvert de B.________ Fr. - 28'372.10
- Capital de C.________ Fr. - 35'324.50
---------
Découvert au 28 février 1994 Fr. - 24'352.55
---------

Ce document n'a jamais été signé par les parties,
car la liquidation a fait l'objet d'un litige.

Sur la base de ce bilan de liquidation, les parties
ont décidé d'assumer personnellement, par une mise de fonds
complémentaire, le paiement des fournisseurs, par
91 395 fr.25, et le remboursement du compte bancaire, dont
le
solde au 28 février 1994 s'élevait à 93 109 fr.30. Après ces
opérations, les comptes "capital" des parties se
présentaient
de la façon suivante:

- A.________ Fr. - 5'868.20
- B.________ Fr. - 3'891.20
- C.________ Fr. - 92'943.30
-----------
Total au 1er mars 1994 Fr. - 102'702.70
-----------

Depuis lors, C.________ est devenu simple sous-
locataire d'une partie des locaux, qu'il a exploités sous la
raison individuelle "Carrosserie C.________".

Parallèlement, A.________ et B.________ ont repris
l'exploitation de l'autre partie de la carrosserie sous la
forme d'une société simple, inscrite sous la raison indivi-

duelle "Carrosserie A.________". Les parties ont alors à
nouveau utilisé les locaux et les installations en commun.
Toutefois, les dettes et la clientèle avaient été partagées.
Les parties ont ainsi tenu des comptabilités distinctes,
chacune payant sa part de loyer directement en main du bail-
leur. Le seul capital conservé en commun consistait dans les
installations et le matériel.

Le 30 juin 1998, C.________ a cessé définitivement
son activité au sein de la Carrosserie X.________.

B.- a) A.________ et B.________ ont ouvert action
contre C.________, le 2 février 1995, devant le Président du
Tribunal civil du district de Lausanne. Ils ont conclu à ce
que la société simple formée par les parties soit dissoute
pour justes motifs, un expert étant commis à la liquidation.

Le défendeur a conclu, principalement, à ce qu'il
soit constaté qu'il n'y a pas de justes motifs de
dissolution
et qu'aucun avis de dénonciation du contrat de société
simple
n'a été donné, ainsi qu'au rejet de la demande. Subsidiaire-
ment, dans la mesure où la dissolution serait jugée valable,
il a conclu à ce qu'il soit pris acte qu'il ne s'oppose pas
à
la liquidation à opérer selon les règles du partage. Le dé-
fendeur a ensuite complété ses conclusions de manière à ce
que les demandeurs soient déclarés ses débiteurs solidaires
des sommes de 110 875 fr.73, avec intérêts à 5% l'an dès le
3 février 1995, et 15 000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le
1er septembre 1990.

Les demandeurs ont conclu au rejet de ces conclu-
sions reconventionnelles et ils ont invoqué la compensation
entre la créance éventuelle du défendeur et leur propre ré-
clamation concernant les frais et prestations non partagés.

b) En cours de procès, plusieurs expertises ont été
ordonnées.

Le premier expert, Y.________, expert comptable et
fiscal diplômé, avait pour mission de déterminer équitable-
ment le prix de la reprise par les demandeurs de la part du
défendeur. Dans son rapport complémentaire du 19 février
1997, il a fixé la part de sortie du défendeur comme il suit:

"Montant déterminé dans le rapport
d'expertise du 31 octobre 1995 118'221 fr.

- à déduire:
part à la valeur comptable des
stocks non repris par MM. A.________
et B.________ - 12'600 fr.
------------
Sous-total 105'621 fr.
------------
à ajouter:
- part à la garantie de loyer
débitée à tort pour 1/3 à
C.________ 2'333 fr. 33
- part de cotisation AVS
de C.________ que
la société aurait dû
prendre en charge lors
de sa sortie, soit un
préjudice de 2/3 des
cotisations en question 2'921 fr. 40
---------------
Part revenant à l'associé sortant 110'875 fr. 73
---------------"

Une deuxième expertise a été confiée à un notaire,
avec la mission de procéder aux opérations de partage. Dans
son rapport du 2 février 1998, l'expert a conclu que pour
déterminer la part de liquidation du défendeur, il convenait

de procéder à deux partages successifs: un premier au 28
février 1994, date à laquelle les deux comptabilités ont été
séparées; le second, ne concernant que le matériel d'exploi-
tation resté en commun, lors du départ effectif du défendeur
des locaux. Il a repris pour l'essentiel les conclusions de
l'expertise Y.________ et a arrêté la somme revenant au dé-
fendeur à 110 875 fr.73, en prenant en considération la va-
leur de la part en cas de continuation de l'entreprise, et à
99 864 fr.62 - sans la part du matériel resté en commun de-
vant être attribuée au défendeur à son départ le 30 juin
1998
- si la valeur de continuation n'était pas prise en compte.

Une troisième expertise a été confiée à un carros-
sier, dont l'objet était la détermination de la part au ma-
tériel d'exploitation restée en commun revenant au
défendeur.
L'expert a estimé la valeur de continuation de ces biens à
57 440 fr. Il a en outre chiffré à 891 fr. le montant que le
défendeur devait aux demandeurs au titre de frais et autres
prestations auxquels celui-là n'avait pas participé.

c) Le 18 août 2000, le premier juge a condamné les
demandeurs à payer au défendeur la somme de 110 875 fr.73
avec intérêts à 5% l'an dès le 3 février 1995, sous
déduction
de 891 fr.

Par arrêt du 28 mars 2001, la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours en
réforme des demandeurs et confirmé le jugement attaqué. Les
considérants de cet arrêt seront exposés ci-dessous en droit
en tant que de besoin.

C.- Les demandeurs interjettent un recours en ré-
forme au Tribunal fédéral. Invoquant la violation des

art. 312, 318, 549, 580, 588 CO ainsi que de l'art. 8 CC,
ils
concluent principalement au rejet des conclusions reconven-
tionnelles du défendeur et, subsidiairement, à ce que la
cause soit renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle pro-
cède à un complément d'instruction.

Les motifs invoqués par les demandeurs seront indi-
qués ci-dessous dans la mesure nécessaire.

Le défendeur propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours est recevable au regard des art. 46,
48 et 54 OJ.

2.- a) La cour cantonale a admis, en substance, que
la société en nom collectif "Carrosserie X.________ SNC",
dissoute en 1993, n'avait pas été liquidée au sens des art.
582 ss CO, car l'exploitation de la carrosserie avait
continué. Les opérations juridiques effectuées par les
parties ont donc abouti de fait à une sortie du défendeur de
la société initialement formée par les demandeurs. La cour
cantonale a dès lors fait application des art. 576 et 580 CO
qui règlent le cas de la sortie d'un associé et de la somme
qui lui est due. Appliquant, faute d'accord entre les
parties, l'alinéa 2 de cette dernière disposition, elle a
calculé cette somme en prenant en compte l'actif social de
la
société à sa valeur de continuation, la société poursuivant
son existence. Les chiffres retenus à cet égard par l'expert
Y.________ ont par ailleurs été confirmés.

b) Les demandeurs soulèvent d'abord le grief de vio-
lation de l'art. 580 CO, en relation avec les art. 549 et
588
CO. Ils soutiennent que l'actif social, en fonction duquel
doit être déterminée la somme due à l'associé sortant, n'est
que la fortune nette, après paiement des dettes sociales.
Or,
celles-ci se seraient élevées à 184 504 fr.55, alors que les
actifs figurant au bilan n'auraient totalisé que 168 157 fr.
La société était donc surendettée et aucune indemnité ne se-
rait due à l'associé sortant. Critiquant le raisonnement de
l'expert Y.________, les demandeurs allèguent que
l'indemnité
devait être calculée en fonction du capital social et non
des
apports de chaque associé. Enfin, ils soutiennent que le par-
tage s'est en réalité effectué par une entente entre les par-
ties, conforme à la convention du 17 mars 1992, complétée
par
l'accord du 9 septembre 1993, laquelle prévoyait le partage,
à raison d'un tiers par associé, du bénéfice et des pertes,
sur la base du bilan au 28 février 1994. Ce serait dès lors
l'art. 580 al. 1 CO qui s'appliquerait et l'accord passé ex-
clurait toute indemnité à l'associé sortant.

3.- a) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal
fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base
de faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des
dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été vio-
lées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations repo-
sant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou
qu'il faille compléter les constatations de l'autorité canto-
nale. Dans la mesure où un recourant présente un état de
fait
qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée sans
se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui vien-
nent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les consta-
tations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c).

Selon l'art. 55 al. 1 let. c OJ, le recours doit
contenir les motifs à l'appui des conclusions. Ceux-ci doi-
vent indiquer succinctement quelles sont les règles de droit
fédéral violées par la décision attaquée et en quoi consiste
cette violation. Il faut que le recourant examine la
décision
attaquée et montre quel principe a été violé et pourquoi;
des
critiques générales sans rapport avec un considérant dûment
cité ne suffisent pas (ATF 121 III 397 consid. 2a; 116 II
745
consid. 3 p. 749). La sanction du non-respect de ces exigen-
ces est l'irrecevabilité, partielle ou totale, du recours.
Ce
n'est que dès l'instant où une conclusion est motivée de fa-
çon satisfaisante au regard de l'art. 55 al. 1 let. c OJ que
la règle selon laquelle le Tribunal fédéral applique
d'office
le droit intervient (art. 63 al. 3 OJ; arrêt 4C.271/1995 du
22 février 1996, consid. 6).

b) En l'occurrence, les demandeurs ne précisent en
rien quelle est la partie du raisonnement tenu par la cour
cantonale qu'ils contestent. Cela rend douteuse la recevabi-
lité de leur recours pour ce motif déjà.

Ils prétendent en outre que le simple constat qu'au
28 février 1994 les dettes de la société, se montant selon
eux à 184 504 fr.55, étaient supérieures à l'actif qui tota-
lisait 168 152 fr., excluait en soi toute répartition d'un
actif net. Or, si le chiffre de 184 504 fr.55 fr. avancé par
eux peut être déduit des faits relevés par la cour
cantonale,
en page 5 de son exposé des faits (paiement des
fournisseurs:
91 395 fr.25, compte bancaire: 93 109 fr.30), le montant al-
légué des actifs sociaux ne ressort pas de l'arrêt attaqué
et
le Tribunal fédéral ne peut en tenir compte en instance de
réforme.

Au demeurant,
les demandeurs ne remettent pas en
cause le fait que la société en nom collectif n'a pas été

dissoute, ni que la part du défendeur, associé sortant, de-
vait être calculée selon l'art. 580 CO.

Aux termes de cette disposition, la somme qui re-
vient à l'associé sortant est fixée d'un commun accord
(al. 1). Si le contrat de société ne prévoit rien à cet
égard
et si les parties ne peuvent s'entendre, le juge détermine
cette somme en tenant compte de l'état de l'actif social
lors
de la sortie et, le cas échéant, de la faute de l'associé
sortant (al. 2).

Selon la jurisprudence, les règles fixées à
l'art. 580 al. 2 CO s'appliquent également à la sortie d'un
associé d'une société simple (arrêt 4C.455/1993 du 24 mai
1994, consid. 3). L'actif social sur la base duquel se cal-
cule la part de l'associé sortant ne se détermine pas selon
un bilan de liquidation mais selon la valeur d'exploitation
que l'affaire représente pour ceux qui continuent l'exploita-
tion. L'indemnité correspond à la participation de l'associé
sortant à l'actif social (cf. ATF 100 II 376 consid. 2b
p. 379; 93 II 247 consid. 2b et c).

Les demandeurs invoquent notamment la violation des
art. 580, 549 et 588 CO, mais ils ne démontrent nullement en
quoi ces dispositions auraient été violées. Ils oublient en
outre que ce n'est pas le raisonnement de l'expert qui est
susceptible de recours en réforme, mais bien celui de la
cour
cantonale, même s'il est vrai que celle-ci s'est fondée sur
les calculs de celui-là. Leur critique n'est au demeurant
pas
pertinente. Il est exact que, à l'époque de l'établissement
du bilan du 28 février 1994, les comptes de la société en
nom
collectif comportaient des dettes auprès des fournisseurs et
de la banque. Les fonds propres des recourants présentaient
alors des soldes négatifs. Ainsi que le constate l'arrêt at-
taqué, avant de quitter la société, le défendeur de même que

ses associés ont assumé, par une mise de fonds complémen-
taire, le paiement des fournisseurs et de la banque, de
sorte
que tous les comptes de capital des parties ont dès lors pré-
senté des soldes positifs.

Cela ne serait pas déterminant selon les demandeurs,
car les parties avaient prévu une telle répartition des det-
tes ou du bénéfice par parts égales en 1992 et 1993 et elles
auraient exclu entre elles le paiement de toute indemnité en
faveur de l'associé sortant.

Or, la cour cantonale a expliqué pourquoi la conven-
tion conclue entre les parties en 1992 ne pouvait pas s'ap-
pliquer à l'indemnité due à l'associé sortant en 1994, cela
avec des arguments circonstanciés.

Les demandeurs se bornent, contrairement aux exigen-
ces de l'art. 55 al. 1 let. c OJ, à réaffirmer leur point de
vue sans tenter de démontrer la fausseté de l'arrêt attaqué
sur ce point. Leur recours est irrecevable à cet égard.

Au demeurant, s'il était recevable, le recours se-
rait mal fondé. Avant de quitter la société et avant que cel-
le-ci ne continue avec les demandeurs, le défendeur a contri-
bué à son assainissement. Les demandeurs n'expliquent pas en
quoi ils seraient en droit de conserver seuls, sans indemni-
té, la valeur entière de la société, considérablement accrue
grâce aux versements de leur ancien associé.

Dans la mesure où il est recevable, le recours doit
être rejeté sur ce point.

4.- Dans un deuxième grief, les demandeurs repro-
chent à la cour cantonale d'avoir refusé d'ordonner une ex-
pertise comptable complémentaire tendant à établir la situa-

tion financière réelle de la société au 28 février 1994. Par
là, les juges cantonaux auraient enfreint le droit à la
preuve déduit de l'art. 8 CC.

a) Cette disposition règle, pour tout le domaine du
droit civil fédéral, la répartition du fardeau de la preuve
et, partant, les conséquences de l'absence de preuve. Elle
confère en outre à la partie chargée du fardeau de la preuve
la faculté de prouver ses allégations dans les contestations
relevant de ce domaine, pour autant que les faits allégués
soient juridiquement pertinents et que l'offre de preuve cor-
respondante satisfasse, quant à sa forme et à son contenu,
aux exigences du droit cantonal. Le juge cantonal enfreint
cette règle générale du droit fédéral en matière de preuve
s'il tient pour exactes les allégations non prouvées d'une
partie, nonobstant leur contestation par la partie adverse,
ou s'il refuse toute administration de preuve sur des faits
pertinents en droit. L'art. 8 CC est également violé par le
juge qui n'administre pas, sur des faits juridiquement perti-
nents, des preuves idoines offertes régulièrement, alors
qu'il considère que les faits en question n'ont été ni éta-
blis ni réfutés, ou qu'il refuse à la partie libérée du far-
deau de la preuve le droit de rapporter une contre-preuve
concrète. En revanche, lorsque l'appréciation des preuves
convainc le juge qu'une allégation de fait a été prouvée ou
réfutée, la répartition du fardeau de la preuve devient sans
objet. Le Tribunal fédéral, statuant dans le cadre de la pro-
cédure du recours en réforme, ne peut revoir cette apprécia-
tion des preuves qui ressortit au juge du fait. Au
demeurant,
l'art. 8 CC n'exclut ni l'appréciation anticipée des preuves
ni la preuve par indices (ATF 122 III 219 consid. 3c et les
arrêts cités).

En l'espèce, la cour cantonale a considéré que l'ex-
pertise Y.________ permettait de se faire une idée de la si-
tuation de la société au 28 février 1994, dès lors que l'ex-

pert avait mentionné les bénéfices réalisés de 1991 à 1993,
examiné les divers actifs et, dans un complément
d'expertise,
arrêté l'état des dettes. Les juges cantonaux ont donc rete-
nu, par une appréciation anticipée des preuves, que l'admi-
nistration d'une nouvelle expertise était superflue. Ils ont
en outre relevé que l'ensemble des expertises étaient
claires
et ne révélaient aucune partialité.

Il ne suffit pas, dans ces conditions, de soutenir
que l'expert Y.________ n'avait pas établi le capital
social,
que le montant des actifs n'était en réalité que de
70 000 fr. alors que les dettes s'élevaient à 184 000 fr. et
que, partant, la cour cantonale aurait dû ordonner une con-
tre-expertise. Il s'agit là d'un moyen que les demandeurs au-
raient dû faire valoir par la voie du recours de droit pu-
blic.

Au demeurant, les demandeurs ne démontrent en rien
les prétendues lacunes de l'expertise Y.________. Au contrai-
re, il était raisonnable d'estimer que l'administration
d'une
nouvelle expertise était superflue, dès lors que l'expert
avait été appelé à déposer un rapport ainsi qu'un complément
d'expertise, au cours duquel les parties avaient eu tout loi-
sir de poser les questions qu'elles jugeaient pertinentes,
alors également que deux autres experts avaient par la
suite,
pour l'essentiel, partagé le point de vue du premier expert.

Dans la mesure où il est recevable, ce grief doit
également être rejeté.

5.- La cour cantonale a fait droit à la conclusion
du défendeur tendant au remboursement d'un prêt de 15 000
fr.
accordé au demandeur A.________. Elle a retenu que ce
dernier
avait admis devant l'expert Y.________ avoir reçu cette
somme
du défendeur et l'avoir utilisée à des fins privées. L'inté-

ressé n'ayant pas prétendu qu'il s'agissait d'un don, il de-
vait dès lors rembourser ladite somme.

a) Selon le demandeur A.________, l'état de fait
retenu par la cour cantonale ne suffirait pas pour admettre
l'existence d'un prêt. Il manquerait les éléments essentiels
d'un tel contrat, à savoir la date du transfert de cette
somme d'argent, le titre de ce transfert, ainsi que
l'existence d'un engagement de restituer l'argent, de même
que la date et l'échéance de ce remboursement.

Cette critique n'est pas fondée. La cour cantonale
s'est basée sur la circonstance que A.________ avait admis
avoir reçu une somme de 15 000 fr. du défendeur et qu'il
n'avait pas allégué qu'il se fût agi d'un don. Elle s'est ré-
férée aux déclarations faites par le demandeur A.________ à
l'expert Y.________, rapportées par celui-ci, ladite circons-
tance étant également retenue par le notaire, ainsi que le
rappelle la Chambre des recours.

Ces circonstances suffisaient pour admettre l'exis-
tence d'un prêt. Le demandeur n'est au demeurant pas admis à
contester, devant la juridiction fédérale de réforme, les
faits retenus par la cour cantonale (art. 63 al. 2 OJ), de
sorte que le recours doit être rejeté sur ce point en tant
qu'il est recevable.

b) La cour cantonale a pour le reste confirmé le ju-
gement de première instance, lequel avait accordé au défen-
deur des intérêts à 5% l'an dès le 1er septembre 1990, date
du prêt.

Pour le demandeur A.________, si l'existence d'un
prêt de consommation était retenue, il s'agirait d'un prêt
privé, les deux parties en cause n'ayant pas agi en tant que
commerçants. En conséquence, le prêt privé ne porterait

intérêt que 6 semaines après la demande de remboursement,
soit dès le 7 octobre 1998.

Par là, le demandeur allègue, de façon inadmissible
en instance de réforme, des éléments de fait non retenus par
les autorités cantonales. Rien, en effet, n'établit que le
prêt accordé par le défendeur au demandeur A.________ l'ait
été à titre privé.

Le recours est donc irrecevable à cet égard.

6.- Cela étant, le présent recours doit être rejeté,
dans la mesure où il est recevable. Les frais de la
procédure
fédérale ainsi qu'une indemnité à verser au défendeur pour
ses dépens seront dès lors mis à la charge des auteurs de ce
recours, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable et confirme l'arrêt attaqué.

2. Met un émolument judiciaire de 5'000 fr. à la
charge des recourants, solidairement entre eux.

3. Condamne les recourants solidairement à verser à
l'intimé une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

____________

Lausanne, le 13 mai 2002
CAR/dxc

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.292/2001
Date de la décision : 13/05/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-05-13;4c.292.2001 ?
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