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18/05/1998 | SUISSE | N°6S.197/1998

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 mai 1998, 6S.197/1998


124 IV 149

27. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 18 mai
1998 dans la cause Z. contre L. et Procureur général du canton de
Genève (pourvoi en nullité)
Dans une émission diffusée par la chaîne de télévision «Suisse 4»
le 4 mars 1996, Z., parente d'élève, a déclaré dans une interview au
sujet d'un instituteur de l'école de T. que l'on ferait peut-être
mieux de s'occuper aussi des enfants qui sont laissés «à leur
bourreau en attendant que celui-ci aille mieux».
Le 24 mai 1996, L., qui est le seul enseignan

t masculin de l'école
de T., a déposé plainte pour diffamation contre Z.
Par jugement du 25 févr...

124 IV 149

27. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 18 mai
1998 dans la cause Z. contre L. et Procureur général du canton de
Genève (pourvoi en nullité)
Dans une émission diffusée par la chaîne de télévision «Suisse 4»
le 4 mars 1996, Z., parente d'élève, a déclaré dans une interview au
sujet d'un instituteur de l'école de T. que l'on ferait peut-être
mieux de s'occuper aussi des enfants qui sont laissés «à leur
bourreau en attendant que celui-ci aille mieux».
Le 24 mai 1996, L., qui est le seul enseignant masculin de l'école
de T., a déposé plainte pour diffamation contre Z.
Par jugement du 25 février 1997, le Tribunal de police de Genève a
considéré que l'enseignant L. était aisément reconnaissable et que
l'expression de bourreau d'enfants, employée à son égard en
s'adressant à des tiers, était attentatoire à son honneur.
Le tribunal a admis Z. à faire la preuve de la vérité ou de sa
bonne foi.
Par jugement du 11 novembre 1997, le Tribunal de police a condamné
Z., pour diffamation, à une amende de 400 fr., mettant à sa charge
les frais de la procédure et les dépens de la partie civile.
Statuant sur appel de la condamnée le 16 février 1998, la Chambre
pénale de la Cour de justice genevoise a confirmé le jugement attaqué
avec suite de frais; elle a estimé que le qualificatif de bourreau
d'enfants était dénué de fondement objectif.
Z. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt.
Elle conclut à l'annulation de la décision attaquée avec suite de
frais et dépens.
Considérant en droit:
3.- La recourante conteste sa condamnation pour diffamation (art.
173 CP), en faisant valoir que la cour cantonale aurait dû retenir
qu'elle avait apporté la preuve de sa bonne foi.
a) En s'adressant à des tiers par le moyen de la télévision, la
recourante a qualifié volontairement de bourreau un instituteur de
l'école de T. Ce dernier était aisément reconnaissable puisqu'il
s'agissait du seul enseignant masculin de cet établissement. Dire
d'un maître qu'il est un bourreau, c'est-à-dire l'accuser de
martyriser des enfants sans défense, est de nature à le rendre
méprisable en tant qu'être humain. Les faits retenus - qui lient la
Cour de cassation (art. 277bis al. 1 PPF) - doivent donc être
qualifiés de diffamation au sens de l'art. 173 ch. 1 al. 1 CP (sur
les éléments de cette infraction, cf. ATF 119 IV 44 consid. 2a p. 46
s.; 117 IV 27 consid. 2c p. 28 s.).
L'autorité cantonale a constaté que la recourante ne s'était pas
exprimée sans égard à l'intérêt public ou sans autre motif suffisant,
de sorte qu'elle l'a admise, en faisant application de l'art. 173 ch.
3 CP, à apporter les preuves libératoires prévues par l'art. 173 ch.
2 CP.
Selon cette disposition, «l'inculpé n'encourra aucune peine s'il
prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont
conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les
tenir de bonne foi pour vraies». La recourante pouvait donc apporter
soit la preuve de la véracité de son propos, soit la preuve qu'elle
avait des raisons sérieuses de le tenir de bonne foi pour vrai.
Un accusé apporte la preuve de la vérité s'il établit que ce qu'il
a dit est vrai; il peut apporter même des éléments de preuve qui lui
étaient inconnus au moment où il s'est exprimé, car la seule question
pertinente est celle de la véracité du propos (ATF 122 IV 311 consid.
2c p. 316 et 2e p. 318; 106 IV 115 consid. 2a p. 116). Le terme de
bourreau est un jugement de valeur mixte, puisqu'il contient à la
fois un jugement de valeur et une allégation de fait; dans un tel
cas, la preuve de la vérité a pour objet les faits qui fondent le
jugement de valeur (cf. ATF 121 IV 76 consid. 2a/bb p. 83). Les
collègues de l'instituteur l'ont en général décrit comme un maître
sévère, mais compétent; des parents se sont déclarés satisfaits de
ses prestations, tandis que d'autres l'ont trouvé trop exigeant,
surtout en ce


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.197/1998
Date de la décision : 18/05/1998
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 173 ch. 2 CP; preuve de la bonne foi. Il résulte de l'art. 173 ch. 2 CP que la bonne foi ne suffit pas; il faut encore que l'accusé ait eu des raisons sérieuses de croire à la véracité de ses allégations. Conditions d'application de cette disposition (consid. 3b et 3c).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1998-05-18;6s.197.1998 ?
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