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12/05/1998 | SUISSE | N°2A.294/1997

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 mai 1998, 2A.294/1997


124 II 265

30. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 12 mai
1998 dans la cause X. contre Autorité indépendante d'examen des
plaintes en matière de radio-télévision (recours de droit
administratif)
A.- Le 23 octobre 1996, la Télévision suisse alémanique a diffusé
une émission intitulée "Y.", qui présentait de manière critique
plusieurs acteurs du monde agricole.
Une dizaine de jours plus tard, lors d'une réunion d'une
association professionnelle, X. a appris que l'émission précitée
donnait de lui une image

très négative. Selon ses propres dires, il a
rencontré peu après et par hasard le Président de l...

124 II 265

30. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 12 mai
1998 dans la cause X. contre Autorité indépendante d'examen des
plaintes en matière de radio-télévision (recours de droit
administratif)
A.- Le 23 octobre 1996, la Télévision suisse alémanique a diffusé
une émission intitulée "Y.", qui présentait de manière critique
plusieurs acteurs du monde agricole.
Une dizaine de jours plus tard, lors d'une réunion d'une
association professionnelle, X. a appris que l'émission précitée
donnait de lui une image très négative. Selon ses propres dires, il a
rencontré peu après et par hasard le Président de la Société suisse
de radiodiffusion et télévision (ci-après: SSR), auquel il s'est
ouvert à ce sujet. Le Président de la SSR lui a alors conseillé de
joindre le Directeur général de cette société afin de recueillir les
informations nécessaires. Toujours selon ses déclarations, X. n'a
toutefois pu atteindre que le secrétariat de celui-ci et, n'ayant pas
été rappelé, a retéléphoné quelques jours plus tard pour apprendre
que le rédacteur en chef de l'émission litigieuse allait le contacter.
Par courrier daté du 21 novembre 1996, posté le lendemain, le
rédacteur en chef a transmis à X. une vidéocassette de l'émission
litigieuse, exposant à l'intéressé qu'il avait vainement tenté de
l'atteindre téléphoniquement. En particulier, il s'était heurté à
chaque fois au "rappelez plus tard" de son téléphone portable et
avait laissé un message à son numéro genevois sans obtenir de réponse.
Preuves à l'appui, le conseil de X. s'est alors élevé par lettre du
27 novembre 1996, télécopiée au médiateur, contre les affirmations
erronées contenues dans l'émission. Le 13 décembre 1996, le médiateur
a refusé d'entrer en matière sur cette réclamation en raison de la
tardiveté de celle-ci.
Statuant le 7 mars 1997 sur plainte de X., l'Autorité indépendante
d'examen des plaintes en matière de radio-télévision (ci-après:
Extrait des considérants:
2.- Conformément à l'art. 60 al. 1 de la loi fédérale du 21 juin
1991 sur la radio et la télévision (LRTV; RS 784.40), une réclamation
peut être déposée auprès de l'organe de médiation du diffuseur dans
un délai de vingt jours à compter de la diffusion de l'émission. Si
la réclamation se rapporte à plusieurs émissions, le délai court à
compter de la dernière émission contestée; la première des émissions
mises en cause ne doit pas remonter à plus de trois mois avant la
dernière. En outre, aux termes de l'art. 60 al. 2 LRTV, la
réclamation doit être adressée par écrit et son auteur doit indiquer
brièvement ses griefs à l'égard de l'émission.
Selon la doctrine, ces délais sont des délais de péremption, qui ne
peuvent être prolongés (cf., quant à l'art. 15 al. 1 de l'Arrêté
fédéral sur l'autorité indépendante d'examen des plaintes en matière
de radio-télévision [RO 1984 153] remplacé le 1er avril 1992 par la
loi sur la radio et la télévision, MARTIN DUMERMUTH, Die
Programmaufsicht bei Radio und Fernsehen in der Schweiz, Bâle et
Francfort-sur-le-Main 1992, p. 176).
En revanche, les exigences de motivation de la réclamation sont peu
élevées. Il suffit en effet que le réclamant indique, même très
sommairement, ce qu'il reproche à l'émission (GABRIEL BOINAY, La
contestation des émissions de la radio et de la télévision,
Porrentruy 1996, n. 358 p. 139).
En l'espèce, l'émission litigieuse ayant été diffusée le 23 octobre
1996, le délai de vingt jours a expiré le 12 novembre 1996, de sorte
que la première intervention écrite du recourant du 27 novembre 1996
est tardive. Par ailleurs, l'art. 60 al. 2 LRTV exigeant expressément
qu'une réclamation soit déposée sous forme écrite, les contacts oraux
que le recourant a établis auparavant ne sauraient normalement
suffire à sauvegarder le délai.
3.- Le recourant affirme que l'art. 60 al. 1 LRTV doit être
interprété au sens où le délai de vingt jours ne débuterait pas lors
de la diffusion de l'émission, mais quand la personne touchée a eu
concrètement connaissance du contenu de l'émission, pour le moins
lorsqu'elle a appris l'existence de celle-ci. Il devrait en tout cas
en aller ainsi lorsqu'il s'agit d'une émission d'un diffuseur d'une
autre région linguistique que celle de l'usager concerné. En effet,
le législateur a voulu instaurer une procédure de réclamation simple
et accessible afin de contrebalancer les pouvoirs de la SSR. Il ne
peut dès lors avoir entendu exclure de la sphère de protection de la
loi sur la radio et la télévision les usagers qui découvrent
l'existence et le contenu d'une émission après l'écoulement du délai
de vingt jours, en tout cas pour des motifs tels qu'une absence de
Suisse ou le domicile dans une autre région linguistique que celle du
diffuseur. Par ailleurs, toujours selon le recourant, s'il fallait
exiger des usagers qu'ils saisissent le médiateur à la moindre rumeur
d'une émission en leur défaveur, celui-ci serait inondé de plaintes,
souvent sans fondement.
a) Selon la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu
d'après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n'est
pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont
possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme, en la
dégageant de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son
contexte (interprétation systématique), du but poursuivi,
singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique),
ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort
notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF
123 III 280 consid. 2b/bb p. 285 et les arrêts cités). Si le texte
est clair, l'autorité qui applique le droit ne peut s'en écarter que
s'il existe des motifs sérieux de penser que ce texte ne correspond
pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels
motifs peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du
but de la prescription en cause, ainsi que de sa relation avec
d'autres dispositions (ATF 121 III 460 consid. 4a/bb p. 465 et les
arrêts cités).
b) En l'espèce, l'art. 60 al. 1 LRTV mentionne clairement que le
départ du délai de vingt jours est la diffusion de l'émission. Dès
lors, seules des raisons sérieuses pourraient permettre de s'écarter
de ce texte.
Il ressort toutefois des travaux préparatoires une volonté certaine
de soumettre la réclamation de l'art. 60 LRTV à un délai court. En
effet, lors des débats aux Chambres (BO 1989 CN 1674/1675), il a été
relevé qu'un délai étendu impliquerait une augmentation du
4.- En second lieu, le recourant se plaint d'une violation du
principe de la bonne foi, soutenant que l'attitude des organes de la
SSR l'a dissuadé d'entreprendre d'autres démarches ou de se
renseigner auprès d'un juriste.
a) Le principe de la bonne foi entre administration et administré,
déduit de l'art. 4 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent
réciproquement


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.294/1997
Date de la décision : 12/05/1998
2e cour de droit public

Analyses

Art. 60 LRTV; délai de réclamation; interprétation des lois; bonne foi et interdiction du formalisme excessif. Le délai de vingt jours fixé par l'art. 60 al. 1 LRTV pour déposer une réclamation à l'encontre d'une émission de radio ou de télévision est un délai de péremption qui ne peut être prolongé (consid. 2). Ce délai doit être compté dès la diffusion de l'émission, conformément au texte de l'art. 60 al. 1 LRTV, même si le réclamant n'apprend l'existence ou le contenu de celle-ci qu'après l'échéance de ce délai (consid. 3). En l'espèce, la Société suisse de radiodiffusion (SSR) n'était pas tenue de rendre le recourant d'emblée attentif aux exigences formelles des art. 60 ss LRTV. On ne peut davantage retenir que l'attitude de cette société ait fait croire au recourant qu'il n'était pas nécessaire d'agir (consid. 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;1998-05-12;2a.294.1997 ?
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