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17/10/2024 | LUXEMBOURG | N°51250

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 octobre 2024, 51250


Tribunal administratif N° 51250 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51250 2e chambre Inscrit le 19 septembre 2024 Audience publique du 17 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 51250 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 septembre 2024 par Maître Louis TI

NTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au n...

Tribunal administratif N° 51250 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51250 2e chambre Inscrit le 19 septembre 2024 Audience publique du 17 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 51250 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 septembre 2024 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 4 septembre 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er octobre 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en sa plaidoirie à l’audience publique du 7 octobre 2024, Maître Louis TINTI s’étant excusé.

Le 29 juillet 2024, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée, dans un rapport du même jour.

En date du 2 août 2024, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 4 septembre 2024, expédié par courrier recommandé du même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à la 1demande de protection internationale de Monsieur (A) pour les motifs suivants :

« […] En date du 29 juillet 2024, vous avez introduit une deuxième demande de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Monsieur, il ressort de votre dossier administratif et notamment des rapports du Service de Police Judiciaire des 31 mai 2013 et 29 juillet 2024, qu'en date du 22 décembre 1993, vous aviez introduit une demande de protection internationale en Allemagne, demande qui a été rejetée le 26 septembre 2000. En date du 6 décembre 2000, vous avez bénéficié d'une « befristete Aufenthaltserlaubnis » en Allemagne, pays que vous avez quitté le 6 décembre 2001. Vous y êtes en outre « polizeilich bekannt wegen verschiedener Delikte ».

En date du 19 septembre 2005, vous avez introduit une demande de protection internationale en Autriche et, selon vos propres dires, vous seriez retourné au Kosovo en 2012.

Entre 2012 et 2013, vous avez à nouveau introduit des demandes de protection internationale en Belgique (22 novembre 2012 et 7 mai 2013) et en Suède (10 février 2013).

Le 31 mai 2013, vous avez introduit une première demande de protection internationale au Luxembourg. Par décision ministérielle du 3 janvier 2014, vous avez été informé que le Luxembourg se déclare non compétent pour l'analyse de votre demande de protection internationale et que vous seriez transféré en Belgique, pays responsable du traitement de celle-ci. Le 14 janvier 2014, vous avez été transféré en Belgique. Vous auriez par la suite été rapatrié au Kosovo par les autorités belges.

Le 29 juillet 2024, vous avez introduit votre deuxième demande de protection internationale au Luxembourg, demande qui fait l'objet de la présente décision.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Vous déclarez être de nationalité kosovare, d'ethnie albanaise, de confession musulmane, être célibataire et originaire de la municipalité de …, où vous auriez vécu dans votre maison. Depuis 2018, dû à des problèmes de vue, vous n'auriez plus pu travailler sur les marchés, dans la construction ou dans un bureau des paris.

Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous craindriez d'être tué par une bande de criminels dont ferait partie un de vos cousins, le dénommé Monsieur (B). Ce dernier, à une date inconnue, vous aurait proposé d'acheter votre parcelle de terrain. Comme vous auriez refusé, vous auriez été agressé à deux reprises par votre cousin ainsi qu'une autre personne. Vous auriez voulu déposer plainte mais celle-ci n'aurait pas été acceptée. Le 9 juillet 2024, trois hommes se seraient présentés chez vous, dont vous auriez reconnu un, qui vous aurait mis en garde « dass es nicht so passieren werde » (p.

23 du rapport d'entretien). Ces hommes auraient exigé 60 000.- euros pour vous laisser tranquille.

Le 14 juillet 2024, votre belle-sœur aurait aperçu trois hommes, dont un aurait été armé, qui auraient pénétré sur votre terrain. Vous précisez encore que « Sie haben zu einem Einbruch inszeniert. Sie sind Diebe » (p. 3 du rapport d'entretien). Vous leur auriez demandé ce qu'ils voudraient et on vous aurait répondu que vous le sauriez. Un de ces hommes aurait alors tiré en l'air avec son arme pour vous faire comprendre que vous devriez lesdits 60 000.-

euros avant de repartir. Vous auriez appelé la police à qui vous auriez expliqué que vous auriez uniquement des problèmes avec votre cousin. Après avoir perquisitionné votre maison à la recherche d'armes, vous et votre belle-sœur auriez été amenés au bureau de police de … pour y être interrogés. Le lendemain, les policiers seraient repassés chez vous pour vous signaler que vous auriez été victime d'une tentative de cambriolage. Vous auriez par la suite emménagé chez un membre de famille. Le 15 juillet 2024, votre frère aurait engagé un avocat qui vous aurait informé que votre interrogatoire, tout comme celui de votre belle-sœur, seraient introuvables. Il aurait par la suite recommandé à votre frère que vous quittiez le pays pour quelque temps. Le 28 juillet 2024, vous avez pris un avion à l'aéroport de Pristina à destination du Luxembourg. En cas de retour au Kosovo, vous craindriez que ce groupe d'hommes ne puisse vous tuer. Ledit groupe n'aurait pas de nom et vous ne sauriez pas combien de membres il compterait, mais les gens de votre village auraient tous peur de lui ; vous sauriez uniquement que votre cousin en ferait partie.

Ce dernier aurait d'ailleurs déjà en 2022 voulu acheter votre terrain en vous insultant et agressant. Vous l'auriez dénoncé à la police mais votre cousin aurait tout nié et cela se serait alors limité à une affaire de parole contre parole sans suites. En novembre ou décembre 2023, votre cousin serait repassé devant votre maison et aurait tenté de vous agresser mais vous vous seriez défendu avec une pelle, « Deswegen will er 60.000 €, weil ich ihn angeblich mit der Schaufel geschlagen habe » (p. 5 du rapport d'entretien). Vous n'auriez par la suite plus revu votre cousin jusqu'au 9 juillet 2024.

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous présentez votre passeport kosovar émis le 5 août 2021. […] ».

Le ministre informa ensuite Monsieur (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 paragraphe (1), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 septembre 2024, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 4 septembre 2024 d’opter pour la procédure accélérée, de celle ayant refusé de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président 3de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 4 septembre 2024, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, et après avoir rappelé les rétroactes à la base de sa demande de protection internationale, le demandeur explique avoir quitté le Kosovo en raison du fait que sa vie y serait en danger alors qu’il y serait menacé par un groupe de criminels auquel appartiendrait son cousin, le dénommé Monsieur (B).

Le demandeur affirme, dans ce contexte, que ledit groupe de criminels aurait exigé qu’il paye la somme de 60.000 euros afin qu’il soit « laissé tranquille » et ce après que son cousin ait, par le passé, tenté d’acheter un terrain dont il serait le propriétaire, mais qu’il aurait toutefois refusé de lui vendre. Il précise encore qu’en date du 14 juillet 2024 sa belle-sœur aurait aperçu trois hommes sur son terrain tout en ajoutant que l’un d’entre eux aurait été armé et aurait fait usage de son arme en « tirant en l’air ». Suite à cet incident, la police serait intervenue et l’aurait interrogé, de même que sa belle-sœur. Sa décision de quitter son pays d’origine se serait « renforcée » en raison du fait que l’avocat mandaté par son frère aurait appris qu’aucun rapport n’aurait été dressé suite audit interrogatoire, de sorte qu’il aurait été convaincu ne pas pouvoir obtenir de protection par les autorités kosovares en place.

Le demandeur donne ensuite à considérer que son entretien portant sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale se serait tenu le 2 août 2024, sans qu’il n’ait été préalablement informé que ledit entretien se tiendrait à ladite date et surtout sans que son conseil n’ait été en mesure de l’assister à l’occasion de cet entretien, malgré demande répétée en ce sens, formulée tant par lui que par son assistante sociale, présente à ses côtés en raison de la déficience visuelle dont il souffrirait. Son droit à se faire assister par un avocat lors de son entretien relatif aux motifs à la base de sa demande de protection internationale, prévu par l’article 17, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 aurait dès lors été violé, de sorte que la décision litigieuse serait à « annuler ».

Le demandeur se prévaut ensuite, sur base de l’article 37, paragraphe (3), point a), de la loi du 18 décembre 2015, en vertu duquel le ministre doit prendre en considération tous les faits pertinents concernant le pays d’origine du demandeur de protection internationale au moment de statuer sur la demande de celui-ci, d’un extrait de la « Proposition de résolution du Parlement européen sur la coopération en matière de lutte contre la criminalité organisée dans les Balkans occidentaux » du 26 octobre 2021, ainsi que d’un extrait de la « Résolution du Parlement européen du 10 mai 2023 sur les rapport 2022 de la Commission concernant le Kosovo ».

Il critique, après avoir cité les articles 27, paragraphe (1), points a) et b) et 30, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, la décision du ministre de faire application de la procédure accélérée en faisant valoir que le Kosovo ne saurait être considéré comme étant un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015, eu égard à sa situation personnelle, à savoir son extrême vulnérabilité tenant au fait que sa maladie le rendrait pratiquement aveugle et donc incapable de pouvoir se défendre utilement contre ses agresseurs qui ne seraient, par ailleurs, nullement inquiétés par les autorités en place étant donné qu’ils tyranniseraient « depuis une longue date » les membres de son village. Il ajoute, dans ce contexte, que la preuve contraire ne serait pas rapportée par l’autorité ministérielle qui en aurait cependant la charge.

4 Le demandeur estime également, en se basant sur un jugement du 19 février 2019, inscrit sous le numéro 42252 du rôle, que ce serait à tort que le ministre a retenu que ses déclarations ne soulèveraient que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale. Il donne, dans ce contexte, à considérer qu’il pourrait se prévaloir du champ d’application visé à l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2016, relatif au statut octroyé par la protection subsidiaire. Il en conclut que son recours ne saurait être considéré comme étant manifestement infondé et que le renvoi de l’affaire devant une composition collégiale du tribunal administratif s’imposerait conformément à l’article 35, paragraphe (2), alinéa 2 de la loi du 18 décembre 2015.

Quant au refus du ministre de lui octroyer l’un des statuts de la protection internationale, le demandeur précise renoncer explicitement à sa demande de bénéficier du statut de réfugié.

Concernant sa demande de protection subsidiaire, le demandeur affirme que les faits d’espèce permettraient de retenir qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait de subir des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015. Le demandeur invoque encore dans ce cadre, l’« affaire Grecque » dans laquelle la « Commission européenne » aurait retenu que les traitements considérés comme dégradants seraient ceux qui humilient gravement la personne aux yeux d’autrui ou l’incitent à agir contre sa volonté ou sa conscience. Dans l’affaire Irlande c. Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », aurait retenu qu’un traitement infligé devrait, pour pouvoir être qualifié de torture, causer de « forts graves et cruelles souffrances » au sens de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dénommée ci-après « la CEDH ».

Dans une affaire Selmouni c. France, de 1999, la CourEDH se serait réservée une certaine souplesse dans l’examen des actes illicites en fonction du niveau d’exigence croissant en matière de protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Le demandeur renvoie encore aux affaires Selçuk et Asker c. Turquie du 24 avril 1998, Dulas c. Turquie du 30 janvier 2001 et Bilgin c. Turquie du 16 novembre 2000, dans le cadre desquelles il aurait été retenu que la destruction de maisons constituerait un acte de violence et de destruction délibéré constitutif d’une violation de l’article 3 de la CEDH, au mépris de la sécurité et du bien-être des requérants qui se seraient retrouvés sans abri, dans des circonstances causant angoisse et souffrances. Pour déterminer si un traitement serait dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH, le demandeur se réfère à l’affaire Ranien c. Finlande du 16 décembre 1997, selon laquelle il faudrait analyser si le traitement a pour objet d’humilier et d’avilir la personne concernée et si, en termes de conséquences, ce traitement aurait négativement affecté la personnalité de cette dernière d’une manière incompatible avec l’article 3 de la CEDH.

Il soutient qu’en cas de retour dans son pays d’origine il serait confronté aux menaces dont il aurait déjà été victime par le passé, à savoir les menaces émises par une bande de criminels qui chercheraient à s’accaparer violemment de son bien immobilier sinon de son argent. Etant donné que lesdites menaces persisteraient depuis plusieurs années, elles relèveraient, en raison de son état de santé, d’un traitement inhumain.

Le demandeur considère dès lors que toutes les conditions seraient remplies pour se voir octroyer le statut relatif à la protection subsidiaire, tout en précisant, concernant la seconde condition sous-tendant l’octroi dudit statut, à savoir que les auteurs des actes précités puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, que 5les autorités kosovares ne prendraient pas de mesures suffisantes pour éradiquer le crime organisé, de sorte que les personnes privées à l’origine des menaces émises à son égard seraient à considérer comme revêtant la qualité d’acteurs d’atteintes graves au sens de la loi.

Le demandeur avance encore que le bien-fondé de sa demande en obtention du statut conféré par la protection subsidiaire se trouverait encore et pour autant que de besoin renforcé par la présomption prévue à l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015. Dans ce contexte, le demandeur souligne qu’il n’existerait aucune « bonne raison » de penser que les faits qu’il aurait subis ne se reproduiraient pas en cas de retour au Kosovo, dès lors que, depuis son départ dudit pays, la situation n’aurait pas pu raisonnablement avoir évolué de manière suffisamment favorable pour conclure en sens contraire.

En s’appuyant sur l’article 33, paragraphe (1) de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 et en se référant à la réunion spéciale de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 du Conseil européen, le demandeur souligne que le respect du principe de non-refoulement serait repris en droit interne luxembourgeois à travers l’article 54, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015. Le demandeur considère, qu’il y aurait lieu de réformer la décision du ministre portant sur l’ordre de quitter le territoire, comme conséquence de la reconnaissance, dans son chef, du statut conféré par la protection subsidiaire.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer. », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35, paragraphe 6(2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.

Concernant la violation de l’article 17, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, invoquée par le demandeur, la soussignée relève que cette disposition légale prévoit que « Dans le cadre des procédures visées au chapitre 2, section 2 et des procédures de recours prévues au chapitre 2, section 4, ainsi que dans le cadre des recours contre le placement en rétention visés à l’article 22, paragraphe (6), le demandeur a le droit de se faire assister sur demande, et dans les procédures de recours de se faire représenter, à titre gratuit par un avocat désigné par le Bâtonnier de l’Ordre des avocats dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article 37-1 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, sauf si le recours du demandeur est considéré comme n’ayant pas de perspectives tangibles de succès. ».

L’article 18, alinéa 1er de la loi du 18 décembre 2015, quant à lui, énonce que « Le ministre veille à ce que l’avocat qui assiste et représente le demandeur ait accès aux informations versées au dossier du demandeur sur la base duquel une décision est prise ou le sera. ».

Force est de constater qu’il ne ressort pas du dossier administratif ou d’un autre document versé en cause que le demandeur se soit vu confronté à un refus de la part du ministre de se faire assister d’un avocat, de sorte que les droits du demandeur ont été respectés et que, dès lors, le moyen sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondés.

En ce qui concerne encore le moyen tiré de la violation de l’article 37, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, la soussignée précise que cette disposition prévoit ce qui suit :

« Le ministre procède à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants:

a) tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués;

b) les informations et documents pertinents présentés par le demandeur, y compris les informations permettant de déterminer si le demandeur a fait ou pourrait faire l’objet de persécution ou d’atteintes graves;

c) le statut individuel et la situation personnelle du demandeur, y compris des facteurs comme son passé, son sexe et son âge, pour déterminer si, compte tenu de la situation personnelle du demandeur, les actes auxquels le demandeur a été ou risque d’être exposé pourraient être considérés comme une persécution ou une atteinte grave;

d) le fait que, depuis qu’il a quitté son pays d’origine, le demandeur a ou non exercé des activités dont le seul but ou le but principal était de créer les conditions nécessaires pour présenter une demande de protection internationale, pour déterminer si ces activités l’exposeraient à une persécution ou à une atteinte grave s’il retournait dans ce pays;

e) le fait qu’il est raisonnable de penser que le demandeur pourrait se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il pourrait revendiquer la citoyenneté. ».

7Etant donné qu’il ressort de la décision ministérielle déférée, qui contient un résumé des déclarations du demandeur et indique de manière détaillée les raisons ayant amené le ministre à refuser la demande de l’intéressé dans le cadre d’une procédure accélérée, que le ministre a bien procédé à une évaluation individuelle de la demande de Monsieur (A), le moyen tiré d’une violation de l’article 37, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015 est à rejeter.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée S’agissant en premier lieu du recours dirigé contre la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, la soussignée relève que la décision du 4 septembre 2024 est en l’espèce fondée sur les dispositions des points a) et b) de l’article 27, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquels « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1) sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 27, paragraphe (1) précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes :

« (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des 8informations émanant d’autres Etats membres du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.

Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr:

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre. ».

Il est constant en cause que le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », a désigné le Kosovo comme pays d’origine sûr et il se dégage en l’espèce des éléments du dossier que Monsieur (A) a la nationalité kosovare.

Au vu du libellé de l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Pour l’examen de la question de savoir si un pays est à considérer comme pays d’origine sûr pour un demandeur compte tenu de sa situation personnelle, s’il fait, comme en l’espèce, état de faits subis par des personnes non étatiques, le demandeur invoquant, en substance, une crainte d’être exposé, en cas de retour au Kosovo, à des menaces et des actes de violences de la part d’un groupe criminel, non autrement identifié, auquel appartiendrait son cousin, seule la condition - commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire -

tenant à l’absence de protection dans le pays d’origine au sens de l’article 391 de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 402 de la même loi est susceptible d’être pertinente, de sorte que 1 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

2 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou 9l’examen de la situation individuelle doit être fait par rapport aux moyens présentés par le demandeur tendant à établir que cette condition requise pour prétendre à une protection internationale est remplie dans son chef.

L’une des conditions d’octroi d’une protection internationale est, en effet, celle de la preuve, à fournir par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.

En l’espèce, l’analyse de la situation décrite par le demandeur lors de son audition, ainsi qu’au cours de la présente instance, ne permet cependant pas à la soussignée d’en dégager des éléments convaincants pour renverser la présomption se dégageant de l’inscription de son pays d’origine sur la liste des pays sûrs et pour pouvoir conclure en conséquence à l’illégalité de la décision déférée.

En effet, il ne ressort pas des développements du concerné que les autorités kosovares n’auraient pas pu ou pas voulu lui venir en aide, voire lui offrir une protection ou lui permettre de faire valoir ses droits à l’égard de son cousin, respectivement du groupe criminel auquel celui-ci appartiendrait.

A cet égard, il convient de relever que pour qu’un défaut de protection dans le pays d’origine puisse être retenu, il faut en toute hypothèse, que l’intéressé ait tenté d’obtenir cette protection pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut.

L’essentiel est, en effet, d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. C’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution ou de l’atteinte grave infligée.

Il y a encore lieu de souligner qu’une protection n’est considérée comme suffisante que si, d’une part, les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou atteinte grave, et, d’autre part, lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée – ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » 10qui sont à l’origine des persécutions ou atteintes graves –, cette exigence n’imposant pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux. En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

A cet égard, il convient encore de souligner l’importance de rechercher la protection des autorités du pays d’origine, puisqu’à défaut d’avoir au moins tenté de solliciter une forme quelconque d’aide, les demandeurs de protection internationale ne sauraient reprocher aux autorités étatiques une inaction volontaire ou un refus de les aider.

En l’espèce, force est à la soussignée de constater que le demandeur indique, dans le cadre de son entretien ministériel relatif à sa demande de protection internationale, avoir fait appel à la police après la survenance de menaces émises par son cousin et par le groupe criminel auquel ce dernier appartient, et que celle-ci s’est ensuite déplacée chez lui. Il ressort encore des explications du demandeur que la police (i) une fois sur place, a appelé du renfort et a, par la suite, visité les lieux sur lesquels lesdites menaces s’étaient produites, (ii) a emmené le demandeur au commissariat pour l’entendre sur les évènements pour lesquels il avait fait appel à eux et (iii) s’est, le lendemain de la survenance des faits, à nouveau rendue chez le demandeur pour lui faire savoir que les actes et les menaces dont il s’est plaint seraient qualifiés de tentative de cambriolage et qu’elle allait faire le nécessaire à cet égard. Il ne saurait, dès lors, être reproché à la police d’être restée inactive.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par la seule affirmation, non autrement étayée, du demandeur selon laquelle son frère aurait fait appel à un avocat qui n’aurait pas trouvé son rapport d’audition, fait au commissariat le jour de la survenance des faits.

En effet, si Monsieur (A) avait eu le sentiment que ses doléances n’avaient pas été accueillies avec le sérieux nécessaire par les policiers locaux, il lui aurait été possible de protester contre le comportement des policiers auprès d’une autorité supérieure ou de porter sa plainte par-devant d’autres policiers, ce qu’il n’a toutefois pas fait.

Dès lors, et à défaut pour Monsieur (A) d’avoir épuisé toutes les possibilités qui lui étaient accessibles pour solliciter une protection de la part des autorités de son pays d’origine et à défaut d’explications justifiant ce défaut, ce dernier n’est pas fondé à soutenir que ledit pays ne puisse pas être qualifié de pays d’origine sûr.

Si le demandeur s’appuie encore sur un extrait de la « Proposition de résolution du Parlement européen sur la coopération en matière de lutte contre la criminalité organisée dans les Balkans occidentaux » du 26 octobre 2021, respectivement sur un extrait de la « Résolution du Parlement européen du 10 mai 2023 sur le rapport 2022 de la Commission concernant le Kosovo », extraits non autrement discutés ni mis en relation avec sa propre situation, la soussignée relève, à cet égard, qu’il ressort des explications du délégué du gouvernement, pièces à l’appui, que le cadre légal en matière de protection des droits humains et droits fondamentaux au Kosovo correspond de manière générale aux standards européens.

11Il ressort encore des explications du délégué du gouvernement qu’il existe des instances supérieures auxquelles la population peut s’adresser dans l’hypothèse où la police ne montre pas la réactivité escomptée, et plus particulièrement l’Inspectorat de la police du Kosovo s’occupant de plaintes en raison de mauvais comportements de la police, ainsi que l’Ombudsman.

Dans ces conditions et dans la mesure où le demandeur n’a, au vu des considérations qui précèdent, pas fourni des éléments suffisants permettant de conclure que de manière générale, la police kosovare serait impuissante ou non disposée à lui offrir une protection contre les craintes dont il fait état, il n’est manifestement pas fondé à soutenir qu’il n’aurait aucune possibilité de requérir une aide contre ses craintes dans son pays d’origine. C’est partant à tort que le demandeur conclut que le Kosovo ne serait pas à considérer comme un pays d’origine sûr compte tenu de sa situation particulière.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours du demandeur, dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande d’octroi d’une protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’il a présentés pour établir que le Kosovo ne serait pas à considérer comme pays sûr dans son chef sont visiblement dénués de tout fondement.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé, sans qu’il ne soit nécessaire de procéder à l’analyse du point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

2) Quant au recours en réformation de la décision du ministre portant refus de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire La soussignée donne acte au demandeur de sa renonciation au statut de réfugié.

S’agissant ensuite du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder à Monsieur (A) le statut conféré par la protection subsidiaire, la soussignée relève qu’aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-

avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses 12envisagées aux points a), b) et c), précités, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier dudit statut.

A cet égard, la soussignée relève que l’une de ces conditions cumulatives est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.

Or, la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, qu’il n’est manifestement pas établi en l’espèce que les autorités kosovares seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas fournir au demandeur une protection appropriée par rapport aux agissements dont il a été et craint d’être victime de la part d’un groupe criminel auquel appartient son cousin. Dès lors, dans la mesure où, dans le cadre du présent recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de refus d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, la soussignée ne s’est pas vue soumettre d’éléments permettant d’énerver cette conclusion -l’affirmation du demandeur non autrement soutenue selon laquelle « les autorités ne prennent pas de mesures suffisantes pour éradiquer le crime organisé », étant, en tout état de cause, insuffisante à cet égard- les agissements en question ne sauraient manifestement justifier l’octroi dudit statut.

Dans ces circonstances, la soussignée retient que le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que le demandeur est à débouter de sa demande de protection subsidiaire.

3) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire sans violer le principe de non-

refoulement invoqué par le demandeur.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, 13 le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 4 septembre 2024 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’octroi de la protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

donne acte au demandeur de ce qu’il renonce à sa demande tendant à l’octroi du statut de réfugié ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection subsidiaire ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 octobre 2024, par la soussignée, Caroline Weyland, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Caroline Weyland 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 51250
Date de la décision : 17/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-10-17;51250 ?

Source

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