Tribunal administratif N° 51442 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51442 2e chambre Inscrit le 4 octobre 2024 Audience publique du 14 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A), Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 51442 du rôle et déposée le 4 octobre 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … en Algérie et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 27 septembre 2024 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de ladite décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 octobre 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour, Maître Philippe STROESSER s’étant excusé.
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Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, région …, Commissariat …, daté du 1er août 2024, référencé sous le numéro …, que le même jour, Monsieur (A) fit l’objet d’un contrôle policier lors duquel il ne put présenter de documents d’identité ou de voyage valables.
Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé également à la même date, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à son égard à partir de la sortie de l’Espace Schengen.
Par arrêté séparé du 1er août 2024, notifié à l’intéressé également le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, laquelle est basée sur les motifs et les considérations suivants :
« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport numéro … du 1er août 2024 établi par la Police grand-ducale, région …, … ;
Vu ma décision de retour du 1er août 2024, lui notifiée le même jour, assortie d’une interdiction d’entrée de 5 ans ;
Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant que l’intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Par arrêté du 29 août 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre prorogea le placement au Centre de rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois avec effet au 1er septembre 2024. Le recours contentieux introduit le 5 septembre 2024 par Monsieur (A) contre l’arrêté ministériel de placement en rétention, prévisé, fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 11 septembre 2024, inscrit sous le numéro 51128 du rôle.
Par arrêté du 27 septembre 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le 1er octobre 2024, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :
« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mes arrêtés des 1er août et 29 août 2024, notifiés le 1er août respectivement le 30 août avec effet au 1er septembre 2024, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 1er août 2024 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l’éloignement de l’intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2024, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 27 septembre 2024 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté ministériel.
Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et avoir cité l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008, souligne, de manière générale, que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique.
Or, cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en espèce.
Il indique également qu’en vertu de l’article 120 (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Il reproche au ministre qu’aucune perspective d’éloignement n’existerait à l’heure actuelle, de sorte qu’il y aurait lieu de s’interroger sur les chances de succès de la mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et, en toute circonstance, avant l’écoulement de la durée maximale de la mesure de sa rétention.
Le demandeur ajoute que son maintien au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté qui devrait être réduite au strict minimum et qu’il ne devrait pas être retenu au Centre de rétention en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement.
Le demandeur conteste également l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite en soutenant qu’il disposerait d’« attaches suffisamment stables ». A l’appui de son argumentation, il avance, en premier lieu, avoir obtenu une carte d’identification professionnelle en France en date du 24 mars 2021. En second lieu, il invoque un contrat de travail à durée indéterminée qu’il aurait conclu avec la société « (AA) » depuis le 9 novembre 2023. En troisième lieu, le demandeur affirme résider en France à l’adresse F-… et disposer de ressources financières suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance de la vie courante. Il ajoute qu’il pourrait encore loger chez Monsieur (B), lequel résiderait au Luxembourg à l’adresse L-…. Enfin, en quatrième lieu, le demandeur donne à considérer qu’il s’engagerait à déposer une garantie financière de 5.000 euros.
Au vu des circonstances de l’espèce, le demandeur estime que son placement au Centre de rétention serait disproportionné et que des mesures moins coercitives, telles qu’une assignation à résidence assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère, auraient pu être prises à son égard sur le fondement de l’article 125 de la loi du 29 août 2008.
Il en conclut à l’absence du caractère justifié de son maintien au Centre de rétention et à la réformation en découlant de l’arrêté ministériel du 27 septembre 2024 dans le sens d’une assignation à résidence dans un lieu à fixer par le ministre.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention – l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision –, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.
Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […]. ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120 (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
En l’espèce, et tel que cela avait déjà été retenu par le tribunal administratif dans son jugement du 11 septembre 2024, prémentionné, il est constant en cause que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, pour avoir fait l’objet d’une décision de retour ainsi que d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans en date du 1er août 2024 – décision dont la légalité et le bien-fondé ne font pas l’objet du présent recours – , et qu’à ce jour, le demandeur est toujours démuni de tout document d’identité et de voyage valable.
Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111 (3) c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.
Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur (A) de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, ce qu’il est, toutefois, resté en défaut de faire. Au contraire, l’argumentation du demandeur selon laquelle il pourrait, dès sa libération, résider en France – à l’adresse …, F-… ou, à défaut, à Luxembourg chez Monsieur (B) à l’adresse L-… – où il bénéficierait d’une situation stable et selon laquelle il travaillerait auprès de la société « (AA) » en vertu d’un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 9 novembre 2023 et disposerait d’une carte professionnelle française émise en date du 24 mars 2021, est tout au plus de nature à corroborer une volonté affichée du demandeur de quitter le territoire luxembourgeois et ainsi l’existence d’un risque de fuite dans son chef, alors que le risque de fuite visé à l’article 120 de la loi du 29 août 2008 n’est pas à considérer comme le risque qu’un étranger quitte le territoire luxembourgeois pour un autre pays, mais comme le risque de se soustraire à sa mesure d’éloignement, soit en l’occurrence à la mainmise des autorités luxembourgeoises.
Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement placer et maintenir l’intéressé en rétention sur base de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008, afin d’organiser son éloignement.
S’agissant, ensuite, de l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment d’une assignation à résidence, assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le tribunal est amené à constater que le demandeur ne lui a pas fourni le moindre élément de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite pesant sur lui. Plus particulièrement, le demandeur, dont il est constant en cause qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg ni d’une quelconque attache stable au Luxembourg, reste en défaut de soumettre des éléments concluants quant à une possibilité concrète de résidence ou d’hébergement au Luxembourg, de sorte à ne présenter aucun élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.
Ce constat n’est pas ébranlé par l’attestation du 19 septembre 2024 établie par Monsieur (B) suivant laquelle celui-ci serait disposé à héberger le demandeur à son domicile, étant donné qu’en l’absence du moindre élément visant à établir l’existence d’attaches particulières au Luxembourg, cette seule attestation émanant d’une personne dont les liens avec le demandeur ne se dégagent d’aucun élément dossier est insuffisante pour établir dans le chef d’un étranger, par ailleurs démuni de documents d’identité et de voyage en cours de validité, l’existence de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite pesant sur lui2.
C’est dès lors à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.
En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue d’écourter au maximum sa privation de liberté, le tribunal relève que dans son jugement prémentionné du 11 septembre 2024, il a été retenu qu’au moment où il était amené à statuer, le dispositif d’éloignement était toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise.
Pour ce qui est des démarches entreprises depuis le jugement du 11 septembre 2024, respectivement la notification de la décision de prorogation actuellement litigieuse, il se dégage du dossier administratif que suite à une demande relative à l’état d’avancement du dossier de Monsieur (A) adressée par l’autorité ministérielle luxembourgeoise aux autorités françaises par courrier électronique du 12 septembre 2024, ces dernières ont répondu le même jour que le dossier est encore en cours d’instruction. Suite à une nouvelle relance de l’autorité ministérielle luxembourgeoise en date du 26 septembre 2024, les autorités françaises ont encore une fois 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.
2 Cour adm., 16 avril 2020, n° 44352C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 954 et l’autre référence y citée.
répondu le même jour que le dossier est toujours en cours d’instruction, tout en ajoutant que des informations relatives audit dossier seraient transmises aux autorités luxembourgeoises très prochainement.
Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire de la collaboration des autorités françaises, le tribunal conclut que c’est à tort que le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de procéder à son éloignement, de sorte que ses contestations afférentes sont à rejeter pour ne pas être fondées.
Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de perspective d’éloignement, étant donné qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle luxembourgeoise seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien. Le moyen sous analyse est par conséquent à rejeter.
Eu égard aux développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et à défaut d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 14 octobre 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 8