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14/10/2024 | LUXEMBOURG | N°50871

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 octobre 2024, 50871


Tribunal administratif N° 50871 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50871 2e chambre Inscrit le 5 août 2024 Audience publique du 14 octobre 2024 Recours formé par Madame (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50871 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 août 2024 par Maître Eric SAYS, avocat à

la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A)...

Tribunal administratif N° 50871 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50871 2e chambre Inscrit le 5 août 2024 Audience publique du 14 octobre 2024 Recours formé par Madame (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50871 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 août 2024 par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Nigéria), de nationalité nigériane, actuellement retenue au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation 1) d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 23 juillet 2024 portant refus d’un statut de protection internationale et 2) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 septembre 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en sa plaidoirie à l’audience publique du 7 octobre 2024, Maître Eric SAYS s’étant excusé et rapporté à ses écrits.

Le 1er juillet 2024, Madame (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale, au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Par un arrêté du 1er juillet 2024, notifié à l’intéressée en mains propres le même jour, le ministre ordonna la mainlevée du placement en rétention de Madame (A) décidé en date du 28 juin 2024, tout en ordonnant, dans la même décision, le placement en rétention de cette dernière sur base de l’article 22 b) et e) de la loi du 18 décembre 2015 pour une durée de trois mois à partir de la présentation de sa demande de protection internationale, à savoir jusqu’au 1er octobre 2024.

Le même jour, Madame (A) fut entendue par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il fut confirmé à cette occasion que Madame (A) était signalée dans le SIS par la Suède depuis le 9 juin 2023 pour « Ressortissant d’un pays tiers en vue d’une décision de retour ».

En date du 12 juillet 2024, Madame (A) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 23 juillet 2024, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée expédiée le lendemain, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à sa demande de protection internationale pour les motifs suivants :

« […] En date du 1er juillet 2024, vous avez introduit une demande de protection internationale au Centre de rétention sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il ressort de votre dossier administratif que vous avez été appréhendée en date du 28 juin 2024 à Foetz dans un hôtel suite à un appel téléphonique de la réceptionniste. Les agents de police se sont alors rendus sur place et vous ont emmenée au poste de police.

Le même jour, par arrêté du 28 juin 2024, pris en application des dispositions de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration (ci-après « la Loi de 2008 »), votre séjour a été déclaré comme étant irrégulier, ledit arrêté comportant dans votre chef un ordre de quitter le territoire sans délai ainsi qu’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans. Par arrêté séparé du même jour, vous avez été placé au Centre de rétention en vue de votre éloignement.

En date du 1er juillet 2024, vous avez décidé de présenter une demande de protection internationale depuis le Centre de rétention. La mainlevée de l’arrêté de placement en rétention sur le fondement des articles de la Loi de 2008 a été ordonnée et vous avez été placée au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois sur le fondement de l’article 22 de la Loi de 2015.

Le 12 juillet 2024, vous avez été entendue par un agent du Ministère concernant les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Le 18 juillet 2024, vous avez introduit par le biais de votre mandataire un recours contre la mesure de placement prise à votre égard en date du 1er juillet 2024, ledit recours étant actuellement pendant devant le Tribunal administratif.

Il ressort encore de votre dossier administratif que vous êtes signalée dans Système d’information Schengen par les autorités suédoises en vue d’une décision de retour. Par conséquent, deux demandes de renseignements des 28 juin et 4 juillet 2024 ont révélé que les autorités suédoises vous avaient accordé un titre de séjour de type étudiant valable jusqu’au 30 juin 2021. Après expiration de ce titre de séjour vous avez effectué une nouvelle demande en obtention d’un autre titre de séjour, notamment pour raisons privées/familiales, demande qui a cependant été rejetée par les autorités compétentes et une décision de retour vers votre pays d’origine a été prise. Vous auriez introduit un recours contre ladite décision, qui est finalement passée en force de chose jugée en date du 30 mai 2024. Ainsi, vous étiez dans l’obligation de quitter le territoire suédois endéans les quatre semaines suivant cette date.

Pour échapper à la décision de retour devenue exécutoire, vous avez alors décidé de quitter le territoire suédois en juin 2024 pour rejoindre le Luxembourg et y introduire une demande de protection internationale. Vous n’auriez pas introduit de demande de protection internationale en Suède, étant donné que vous ne vous seriez pas sentie à l’aise dans ledit pays, « I didn’t feel I would be well protected in Sweden » alors même que vous y auriez résidé depuis 2019 (p.6/12 du rapport d’entretien).

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Madame, vous déclarez vous nommer (A), être née le … à … dans … au Nigéria, être de nationalité nigériane, de confession chrétienne et avoir dernièrement vécu dans un village non loin de la capitale, …, du Nigéria (p.2/12 du rapport d’entretien).

Vous auriez quitté votre pays d’origine en date du 21 août 2019 pour vous rendre en Suède, pays par lequel vous auriez obtenu « a study visa » et où vous auriez résidé jusqu’en juin 2024. Pour ce faire, vous auriez pris un vol depuis l’aéroport international de Lagos en direction de Copenhague au Danemark. Vous auriez ensuite pris un train pour rejoindre l’université suédoise de …, « … » (p.3-5/12 du rapport d’entretien).

Sur votre fiche des motifs manuscrite vous notez en date du 1er juillet 2024 que vous ne pourriez pas retourner dans votre pays d’origine, d’une part, pour des raisons politiques et d’autre part, pour des raisons religieuses.

Le 12 juillet 2014, lors de votre entretien individuel sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, vous indiquez appartenir à une « spiritual Christian apostolic organization » et expliquez que l’association serait menacée par les groupes islamistes, sinon Boko Haram, qui attaqueraient ladite association. Vous précisez notamment que ces groupes islamistes auraient mis le feu à l’église en 2018/2019.

Pour cette raison, vous craindriez subir les « firebombs in the worship centers » (p.7/12 du rapport d’entretien), respectivement d’être « trapped in the fire » (p.8/12 du rapport d’entretien) en cas de retour dans votre pays d’origine.

Finalement, vous déclarez que vous auriez introduit votre demande de protection internationale parce que vous auriez « a difficult health situation » et que vous souhaiteriez trouver un emploi au Luxembourg (p.4/12 et 7/12 du rapport d’entretien).

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous présentez :

- un passeport nigérian expiré, n°… ;

- un passeport nigérian valable, n°….

Lors de votre appréhension par les agents de police en date du 28 juin 2024, vous avez également présenté un titre de séjour suédois expiré, une carte d’identité nigériane expirée et une carte étudiante suédoise de la « … ».

3. Quant à l’application de la procédure accélérée Je tiens tout d’abord à vous informer que conformément à l’article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée alors qu’il apparaît que vous tombez sous deux des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

« g) le demandeur ne présente une demande qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision antérieure ou imminente qui entraînerait son éloignement; » Force est de relever qu’il existe des raisons valables de penser que vous avez introduit votre demande de protection internationale dans le seul but de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour prise dans votre chef en date du 28 juin 2024 par les autorités luxembourgeoises, laquelle a été prise dans la continuité de la décision de retour suédoise qui a acquis force de chose jugée en date du 30 mai 2024.

En effet, force est de constater qu’au regard de votre vécu passé en Suède vous avez quitté le territoire suédois pour échapper à l’exécution de la décision de retour prise à votre encontre par les autorités compétentes et devenue exécutoire. Le seul fait d’affirmer finalement que vous auriez rejoint le Luxembourg parce que vous auriez souhaité y introduire une demande de protection internationale ne saurait infirmer un tel constat, étant donné que vous n’avez jamais éprouvé un besoin quelconque d’introduire une demande de protection internationale tout au long de vos cinq années passées en Suède. Dès lors, il est manifeste que vous avez quitté la Suède pour éviter votre éloignement devenu imminent.

En ce sens, vous avez également attendu votre placement au Centre de rétention pour introduire votre demande de protection internationale, lorsque votre éloignement était en cours de planification au Luxembourg.

« a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; » Ainsi, tel qu’il ressort de l’analyse de votre demande de protection internationale ci-

dessous développée, il s’avère que le point a) de l’article 27 se trouve également être d’application pour les raisons étayées ci-après.

4. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, il convient de relever que vous déclarez initialement ne pas vouloir retourner au Nigéria en raison de problèmes politiques et religieux. Vous complétez ces paroles en affirmant que des groupes islamistes, sinon Boko Haram, mettraient le feu aux immeubles et aux églises catholiques, notamment à celle dont vous seriez membre, la « spiritual Christian apostolic organization ».

Or, force est tout d’abord de relever que les motifs politiques dont vous faites initialement état ne sont ni développés ni détaillés par la suite, de sorte qu’ils convient de les écarter totalement. En revanche, en ce qui concerne les problèmes religieux dont vous faites état, force est de relever que lesdits problèmes ne revêtent pas un degré de gravité suffisant tels qu’ils puissent être assimilés à des actes de persécution ou à une crainte de persécution au sens des dispositions de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

En effet, vous dites que vous craindriez subir les « firebombs in the worship centers » (p.7/12 du rapport d’entretien), respectivement d’être « trapped in the fire » (p.8/12 du rapport d’entretien). Or, force est de relever que ces craintes sont purement hypothétiques.

Le seul fait que vous affirmiez que des groupes islamistes auraient déjà commis de tels actes ne saurait permettre de conclure à l’existence dans votre chef d’une réelle crainte sur le fondement de votre confession chrétienne. En effet, d’une part, il est évident que vous n’êtes pas à même de donner des explications cohérentes dans ce contexte et que vous ne savez pas vous-même expliquer ce qui se serait réellement passé dans votre pays d’origine. D’autre part, force est de constater que vous avez vécu au Nigéria, en tant que femme chrétienne, toute votre vie sans que rien ne vous arrive concrètement et individuellement. En effet, vous dites explicitement que « the Islamic group is always attacking this association », de sorte qu’il apert que les attaques n’auraient aucunement été dirigées contre vous personnellement.

Ainsi, vos craintes traduisent donc un simple sentiment d’insécurité générale, qui ne saurait pas suffire à constituer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

Ce constat est notamment soutenu par le fait que vous répondez à l’agent ministériel que le dernier incident se serait produit en 2018 (p.8/12 du rapport d’entretien). Or, vous avez quitté votre pays d’origine uniquement en août 2019, ce qui accentue le fait que votre situation dans votre pays d’origine n’était pas d’une gravité telle à y rendre votre vie intolérable, auquel cas vous ne seriez pas restée encore pendant approximativement un an au Nigéria.

Même à supposer que les incidents perpétrés par les groupes terroristes, sinon Boko Haram, seraient à qualifier d’actes de persécution motivés par un des cinq motifs de fond de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, il convient de constater que s’agissant d’actes émanant de personnes privées, ceux-ci ne pouvant être considérés comme fondant une crainte légitime uniquement qu’en cas de défaut de protection de la part des autorités nigérianes.

Or, force est de constater que les autorités nigérianes ont bel et bien connaissance du fléau en question alors qu’ils luttent activement contre les groupes islamistes, sinon Boko Haram.

En effet, selon le US - Department of State au sujet de la coopération internationale et régionale « Nigeria continued high-level participation in regional security and counterterrorism conferences. Nigeria participated in several counterterrorism training sessions sponsored by the United Nations. Nigeria is a member of the Global Counterterrorism Forum (GCTF) and co-chairs the GCTF’s Criminal Justice and Rule of Law Working Group with Italy. Nigeria also is an International Institute for Justice and the Rule of Law Board member ».

En ce sens, « the Office of the National Security Advisor is responsible for coordinating all security and enforcement agencies, including the Department of State Security (DSS), the Nigeria Security and Civil Defense Corps (NSCDC), the Ministry of Justice, and Nigeria Police Force (NPF), which has a Counterterrorism Unit and Terrorist Investigation Branch. Border security responsibilities are shared among the NPF, DSS, NSCDC, Customs, Immigration, and the Nigerian military. Coordination among agencies remained limited (…) The Nigerian government continued to participate in U.S. capacity building programs and to work with the FBI to investigate specific terrorism matters, predominantly through the DSS. The Nigerian government has cooperated with the United States and other international partners to prevent further acts of terrorism in Nigeria ».

Dans ce contexte, il convient d’ailleurs également de rappeler que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d’actes de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’une infraction, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée.

Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

Il s’ensuit que vous n’établissez pas que les autorités de votre pays d’origine ne seraient pas en mesure de vous accorder une protection.

De plus, force est de constater sur la situation sécuritaire au Nigéria que les activités du groupe islamiste, sinon Boko Haram, se situent principalement dans le nord de votre pays, de sorte que vous pourriez, si besoin, vous établir dans une autre partie du pays ou encore une autre région, respectivement ville, telle que Lagos. Vous pourriez également retourner vivre dans votre région de provenance, à savoir …, qui se situe dans … - … - et où votre mère et fratrie vivent encore toujours, d’une part, et où les incidents sécuritaires liés à Boko Haram sont très faibles, d’autre part.

Finalement, force est de constater que vous affirmez également clairement avoir introduit votre demande de protection internationale pour des raisons économiques et médicales.

En effet, lorsque l’agent ministériel vous interroge au sujet de votre fratrie et plus précisément « How do they manage to live their day-to-day life if none is working ?» vous répondez « This is one of the reasons of my asylum » (p.4/12 du rapport d’entretien). Vous expliquez encore « I have a difficult health situation (…) I have this terrible headaches. You do not have the possibility to diagnose my health situation in Nigeria (…) The health care systems are not too strong, they are not too much sophisticated» (p.7-8/12 du rapport d’entretien).

Or, ces problèmes ne rentrent pas dans le champ d’application de la Convention de Genève ou de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée dans son pays d’origine en raison de sa race, sa nationalité, sa religion, ses opinions politiques ou son appartenance à un groupe social.

A toutes fins utiles, il y a lieu de rappeler que le comportement que vous avez adopté depuis votre arrivée en Europe est totalement incompatible avec celui d’une personne réellement persécutée dans son pays d’origine.

En effet, force est de rappeler que vous n’avez pas fui votre pays d’origine en août 2019 alors que votre vie y aurait été en danger ou parce que vous y auriez été victime de persécutions, mais, au contraire, pour faire des études universitaires en Suède, pays où vous avez ensuite résidé pendant approximativement cinq ans sans jamais éprouver un besoin quelconque d’y introduire une demande de protection internationale. Par conséquent, vous avez vous-même considéré que votre situation dans votre pays d’origine n’était pas à tel point grave à nécessiter une protection de la part des autorités suédoises, auquel cas vous auriez introduit une demande de protection internationale au courant des cinq années passées sur le territoire suédois. Votre explication selon laquelle « I didn’t feel I would be well protected in Sweden » (p.6/12 du rapport d’entretien) étant également non convaincante. Quand bien même, si jamais votre vie devait réellement être en danger au Nigéria, vous auriez, au plus tard, fait part de votre besoin allégué en protection aux autorités suédoises lorsque ces dernières vous ont notifié la décision de retour, ce que vous n’avez cependant pas fait.

Ainsi, Madame, il est clair que vous tentez de vous construire des motifs de fuite pour augmenter vos chances de vous voir accorder une protection internationale sinon pour essayer de régulariser votre séjour désormais au Luxembourg après que votre tentative ait échoué en Suède.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi. Or, en l’espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

En l’espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous fondez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié.

En effet, et tout en renvoyant aux arguments développés ci-dessus, il échet de relever que vous omettez d’établir qu’en cas de retour au Nigéria, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution. Vous laissez également de prouver que vous risqueriez d’être exposée à des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumaines ou dégradantes.

Enfin, vous restez également en défaut d’établir qu’il existerait dans votre chef un risque réel d’être la victime sur le fondement de l’article 48, point c) de la Loi de 2015 conférant à la protection subsidiaire en cas des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

En effet, tel que relevé ci-avant, vous vous limitez à invoquer un manque de sécurité dans votre pays d’origine qui résulte des groupes islamistes, sinon Boko Haram. Or, il convient de souligner concernant la situation sécuritaire dans votre pays d’origine, que le seul fait d’être originaire du Nigéria n’est pas suffisant pour se voir octroyer une protection internationale sur ce fondement alors que la situation n’est pas d’une gravité telle que chaque individu y risquerait sa vie, voire risquerait d’y subir des atteintes graves du fait de sa seule présence sur ledit territoire.

D’ailleurs, selon la « Country Guidance Nigeria » publiée par l’Agence de l’Union européenne pour l’asile en octobre 2021, les incidents sécuritaires dans l’Etat d’…, qui correspond à votre dernier lieu de séjour, sont très faibles alors que « Looking at the indicators, it can be concluded that in the state of the Federal Capital Territory of … there is, in general, no real risk for a civilian to be personally affected within the meaning of Article 15(c) QD ». Pareil constat s’impose selon les mêmes sources pour …, qui correspond à votre région de provenance, de sorte que vous ne craignez manifestement rien en cas de retour dans votre pays d’origine et cela d’autant plus que vous ne rapportez aucun élément individuel qui permettrait d’infirmer les constats effectués ci-avant.

De plus, il convient de rappeler que vous pourriez aisément vous établir dans une autre partie, telle que le sud, de votre pays d’origine, respectivement dans une autre région ou ville, alors que la présence des groupes islamistes, sinon Boko Haram, se limite essentiellement au Nord du Nigéria.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée dans le cadre d’une procédure accélérée.

Une décision de retour vous ayant déjà été notifiée en date du 28 juin 2024 en vertu de l’article 111 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, vous êtes, conformément à l’article 34 (2) de la Loi de 2015, dans l’obligation de quitter le territoire sans délai à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Nigéria, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. […] ».

Il convient de prime abord de relever qu’encore que le courrier ministériel du 23 juillet 2024 contienne trois volets décisionnels et que suivant l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, Madame (A) n’a pas dirigé son recours contre la décision du ministre de statuer sur le bien-

fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que la soussignée n’a pas à statuer sur le bien-fondé de ce volet de la décision du 23 juillet 2024, la soussignée s’abstenant, par ailleurs, de soulever les conséquences à tirer de cette omission par rapport au volet de la décision ministérielle ayant notamment dénié toute pertinence aux questions soulevées par l’intéressée au regard de l’examen visant à déterminer si elle remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Quant au recours dirigé contre la décision ministérielle refusant la protection internationale et l’ordre de quitter le territoire, étant donné que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prise dans le cadre d’une procédure accélérée et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les deux décisions du ministre du 23 juillet 2024, telles que déférées, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui des deux volets de son recours et en fait, la demanderesse explique qu’elle aurait quitté le Nigéria grâce à un titre de séjour « de type étudiant », lui accordé par les autorités suédoises. Suite à l’expiration de ce titre de séjour, elle aurait déposé une demande en obtention d’un titre de séjour « pour raisons privées/familiales » auprès des autorités suédoises, demande qui aurait cependant été rejetée par ces dernières. La décision de refus en question serait coulée en force de chose jugée depuis le 30 mai 2024. Elle précise encore qu’elle n’aurait pas déposé de demande de protection internationale auprès des autorités suédoises puisque son titre de séjour « de type étudiant » lui aurait permis de séjourner de manière légale en Suède.

La demanderesse continue en expliquant qu’après avoir quitté la Suède en juin 2024, elle aurait rejoint le Luxembourg afin d’y introduire une demande de protection internationale pour des raisons politiques et religieuses. Elle ajoute, dans ce contexte, qu’avant son placement au Centre de rétention, elle aurait déjà essayé à plusieurs reprises de déposer une demande de protection internationale au Luxembourg, mais que les autorités luxembourgeoises auraient cependant « refusé de prendre acte de [s]a demande de protection internationale ».

Quant à ses craintes à la base de sa demande de protection internationale, la demanderesse fait valoir que si elle avait dû quitter le Nigéria, ce serait parce qu’un groupe islamique, portant des dénominations différentes, telles que « Boco Haram » ou encore « Islamic Terrorists », attaquerait fréquemment l’église – en l’ayant incendiée à plusieurs reprises – dans laquelle elle se serait rassemblée chaque semaine avec les autres membres de l’association spirituelle et religieuse « … », association qui promouvrait la religion catholique dans la région de …, de sorte que sa vie serait en danger dans son pays d’origine. Elle indique, à cet égard, qu’elle-même aurait réussi à échapper aux attaques fréquentes du groupe islamique, tout en insistant sur le fait que ces attaques seraient toujours d’actualité, de sorte qu’elle risquerait d’être soumise à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d’origine. Madame (A) donne encore à considérer que la situation actuelle au Nigéria serait alarmante en raison des conditions de sécurité imprévisibles qui régneraient sur l’ensemble du territoire et de « l’important risque d’actes terroristes et criminels, d’affrontements intercommunautaires, d’attaques à main armée et d’enlèvements ». A cela viendraient s’ajouter « des conflits ethniques et régionaux entre des groupes militants et [qui auraient] entraîné un accroissement des troubles et des actes de violence par le passé ». Ainsi, le niveau de criminalité serait élevé dans l’ensemble du Nigéria.

En droit, s’agissant du recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant refus de lui octroyer le statut de réfugié, la demanderesse conteste que les faits qu’elle a exposés à la base de sa demande de protection internationale puissent être considérés comme ne pouvant, à eux seuls, pas établir dans son chef une crainte fondée d’être persécutée dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses convictions politiques, tout en reprochant au ministre de n’avoir fondé son appréciation à ce sujet sur aucun élément objectif. Elle conteste, par ailleurs, le reproche ministériel suivant lequel ses motifs politiques ne revêtiraient pas un degré de gravité suffisant pour être assimilés à des actes de persécution ou à une crainte de persécution au sens des dispositions de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, ci-

après désignée par « la Convention de Genève », et de la loi du 18 décembre 2015, de même que le reproche selon lequel elle tenterait de « se construire des motifs de fuite » pour augmenter ses chances de se voir accorder une protection internationale, sinon pour essayer de régulariser son séjour au Luxembourg. Elle aurait, ainsi, clairement expliqué les faits l’ayant conduite à fuir le Nigéria et notamment sa crainte de faire l’objet de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans ce pays du fait qu’elle serait membre de l’association « … ».

Elle aurait également expliqué qu’un groupe islamique attaquerait fréquemment l’église dans laquelle elle se serait rassemblée chaque semaine avec les autres membres de cette association et qu’elle aurait pris la décision de partir du Nigéria « avant que ce ne soit trop tard ». Au vu de ces considérations, ce serait à tort que le bénéfice du statut de réfugié lui a été refusé.

La demanderesse ajoute que même à admettre qu’elle ne remplisse pas les conditions pour se voir octroyer le statut de réfugié, elle devrait à tout le moins se voir reconnaître le statut conféré par la protection subsidiaire, en raison du fait que les craintes qu’elle aurait décrites ci-

avant, constitueraient un traitement inhumain et dégradant.

Finalement, la demanderesse conclut à la réformation de l’ordre de quitter le territoire, et ce, au motif qu’au vu des développements qui précèdent, il devrait être admis qu’elle ne se trouve pas en séjour illégal sur le territoire luxembourgeois, puisqu’elle aurait, au contraire, le droit de bénéficier de l’un des statuts conférés par la protection internationale.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.

Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé et, dans la négative de renvoyer le recours devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’accorder une protection internationale La soussignée relève qu’aux termes de l’article 2 b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

Force est à la soussignée de constater que la notion de « réfugié » implique nécessairement des persécutions ou à tout le moins un risque de persécution dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse de la soussignée devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de son audition, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène la soussignée à conclure que l’intéressée reste manifestement en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015.

En effet, pour ce qui est de la crainte de la demanderesse de faire l’objet de persécutions dans son pays d’origine en raison de sa qualité de membre de l’association « … », donc en raison de ses convictions religieuses chrétiennes, la soussignée est amenée à rejoindre le ministre dans son constat selon lequel ladite crainte doit à l’évidence s’analyser comme étant purement hypothétique pour n’être sous-tendue par aucun élément tangible.

Ainsi, si la demanderesse affirme être un membre actif de l’association « … », une association spirituelle et religieuse promouvant la religion catholique dans la région de …, elle n’a toutefois soumis ni au ministre ni à la soussignée un quelconque élément concret permettant de sous-tendre sa crainte de subir de mauvais traitements de la part d’un groupe islamique – portant, selon elle, plusieurs dénominations différentes, telles que Boko Haram ou « Islamic Terrorists » –, voire même d’être tuée en raison de cette affiliation. La soussignée se doit d’ailleurs, à cet égard, de relever qu’alors même que le ministre a (i) clairement réfuté la gravité de sa situation dans son pays d’origine, respectivement le caractère réel et sérieux des craintes mises en avant à ce sujet par la demanderesse faute pour celle-ci d’avoir été capable de fournir des explications cohérentes à ce sujet, et en raison du fait que la dernière fois où l’église à …, dans laquelle l’association se rassemblerait, aurait pris feu, aurait été en 2018, et (ii) retenu qu’elle a vécu jusqu’à son départ en 2019 au Nigéria en tant que femme chrétienne sans qu’un quelconque acte ait été commis concrètement et individuellement contre elle, l’intéressée n’a pas jugé utile de soumettre à l’appui du recours sous analyse des éléments susceptibles d’éclairer la soussignée au sujet des craintes mises en avant par elle, notamment en versant de la documentation venant appuyer ses craintes en relation avec les attaques commises sur l’église à …, ou bien dont il se dégagerait que tout membre de l’association « … » doit craindre de subir, au Nigéria, des persécutions au sens de la Convention de Genève en raison de sa seule appartenance à cette association. Le constat de l’absence de caractère réel et sérieux des craintes mises en avant par la demanderesse s’impose d’autant plus à la soussignée que l’intéressée a décidé de quitter le Nigéria en 2019 lorsqu’elle a obtenu son visa de la part des autorités suédoises1 – se rendant ainsi en Suède pour y faire des études universitaires et où elle a résidé pendant environ cinq ans sans y introduire une demande de protection internationale pour la simple raison que « I didn’t feel I would be well protected in Sweden »2 –, et ce alors même que la dernière attaque sur l’église, dans laquelle l’association se rassemblerait, aurait été en 2018. Cette attitude de la demanderesse n’est à l’évidence, tel que l’ont mis à bon droit en exergue le ministre et le délégué du gouvernement, pas en concordance avec le comportement d’une personne se disant être à risque de subir des traitements inhumains et dégradants par un groupe islamique, voir même d’être tuée par les membres de ce groupe.

En tout état de cause et en l’absence d’autres explications et précisions, les déclarations vagues et non autrement étayées de la demanderesse suivant lesquelles elle ne pourrait pas retourner au Nigéria au risque d’y subir des persécutions en raison d’attaques de la part d’un groupe islamique en raison de son appartenance à une association religieuse ne sauraient à l’évidence justifier dans son chef une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève, respectivement de la loi du 18 décembre 2015.

En ce qui concerne encore la crainte de la demanderesse de faire l’objet de persécutions dans son pays d’origine en raison de problèmes politiques, la soussignée est amenée à rejoindre le ministre dans son constat selon lequel la demanderesse reste en défaut de développer ces problèmes politiques dont elle fait état uniquement dans la fiche des motifs remplie lors de l’introduction de sa demande de protection internationale, sans prendre plus amplement position par après, que ce soit dans le cadre de son audition ministérielle ou dans le cadre de sa requête introductive d’instance. Cette crainte est, dès lors, manifestement non fondée.

1 Page 9 du rapport d’audition.

2 Page 6 du rapport d’audition.

Au vu des considérations qui précèdent, la soussignée est amenée à conclure que les éléments mis en avant par la demanderesse à la base de sa demande de protection internationale ne sauraient manifestement justifier dans son chef l’octroi du statut de réfugié.

Quant au refus ministériel d’octroyer à la demanderesse le statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 précités de la même loi, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de la protection subsidiaire.

La soussignée constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, la demanderesse invoque en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Pour ce qui est des craintes de la demanderesse de retourner dans son pays d’origine en raison d’attaques de la part d’un groupe islamique dues à son appartenance à l’association religieuse « … », et étant donné que la soussignée a retenu dans le cadre de l’analyse de motifs invoqués à la base de la demande d’octroi du statut de réfugié que les déclarations y relatives sont vagues et non-autrement sous-tendues, ces mêmes déclarations vagues et non autrement sous-tendues de la demanderesse doivent donc également être considérées comme n’étant manifestement pas de nature à justifier dans son chef une crainte fondée de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 a) et b) de la loi du 18 décembre 2015.

La même conclusion est à retenir concernant la crainte de la demanderesse fondée sur des raisons politiques, alors qu’elle reste en défaut de développer ladite crainte, respectivement de la détailler après en avoir fait état dans sa fiche des motifs remplie lors de l’introduction de sa demande de protection internationale, de sorte que ses considérations politiques ne sont manifestement pas de nature à justifier dans son chef une crainte fondée de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 a) et b) de la loi du 18 décembre 2015.

En ce qui concerne enfin la situation sécuritaire générale au Nigéria telle qu’également évoquée par la demanderesse, il ne ressort manifestement pas des éléments soumis à l’appréciation de la soussignée – éléments se résumant à des données issues de recherches effectuées sur la page internet du gouvernement du Canada contenant des conseils aux voyageurs canadiens pour le Nigéria – que toute personne, du seul fait de sa présence sur le territoire nigérian, court un risque réel et sérieux d’y subir des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une situation correspondant à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit interne ou international au sens de l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015. Ce constat s’impose d’autant plus qu’il se dégage de la décision ministérielle, sources internationales à l’appui, que les incidents sécuritaires dans l’Etat d’…, dont est originaire la demanderesse, sont très faibles, sans que cette dernière, à laquelle il appartient d’étayer ses dires, n’ait apporté le moindre élément individuel permettant d’infirmer ce constat. En effet, le renvoi sans autre précision ni explication à un lien vers un article publié en ligne par BBC News Afrique le 10 janvier 2023, intitulé « La quête du Biafra alimente le conflit au Nigeria : Trop peur pour se marier et enterrer les corps », n’est à l’évidence pas suffisant à cet égard, étant relevé qu’il n’appartient certainement pas à la soussignée d’analyser de son propre chef des documents ou articles pour y déceler d’éventuels éléments susceptibles de plaider en faveur de la thèse de la demanderesse. En effet, il convient de manière générale de relever que, conformément à la jurisprudence, le renvoi, sans autre précision, à des documents, sans indication des passages pertinents, sans adaptation du contenu de ces documents à la situation particulière du demandeur et sans aucune discussion de leur contenu, n’est pas à prendre en considération, étant donné qu’il n’appartient pas à la soussignée de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher elle-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, en procédant indépendamment des moyens effectivement soutenus par la partie demanderesse à un réexamen général et global de la situation de la partie demanderesse3.

Au vu des considérations qui précèdent, la soussignée est amenée à retenir que les éléments mis en avant par la demanderesse à la base de sa demande de protection internationale ne sauraient manifestement pas non plus justifier l’octroi dans son chef du statut conféré par la protection subsidiaire.

Dans ces circonstances et au vu des faits et moyens invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de son audition ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, la soussignée est amenée à conclure que l’intéressée ne remplit manifestement pas les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, de sorte que le recours contre la décision ministérielle de refus d’un statut de protection internationale est à déclarer comme manifestement infondé et que la demanderesse est à débouter de sa demande de protection internationale.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire 3 Trib. adm., 11 février 2015, n° 35704 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, la soussignée relève qu’aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 23 juillet 2024 portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces deux décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute la demanderesse de sa demande de protection internationale ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 octobre 2024, par la soussignée, Annemarie Theis, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Annemarie Theis 17


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50871
Date de la décision : 14/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-10-14;50871 ?

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