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14/10/2024 | LUXEMBOURG | N°50794

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 octobre 2024, 50794


Tribunal administratif N° 50794 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50794 2e chambre Inscrit le 23 juillet 2024 Audience publique du 14 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50794 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 juillet 2024 par Maître Lukman ANDIC, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou

rg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Serbie), et de Madame (B), née le … à...

Tribunal administratif N° 50794 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50794 2e chambre Inscrit le 23 juillet 2024 Audience publique du 14 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50794 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 juillet 2024 par Maître Lukman ANDIC, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Serbie), et de Madame (B), née le … à … (Serbie), agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leur enfant mineur (C), né le … à … (Italie), tous les trois de nationalité serbe, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation 1) d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 5 juillet 2024 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 août 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Nazirou Mouhamad THIAM, en remplacement de Maître Lukman ANDIC, et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 septembre 2024.

Le 14 mars 2024, Monsieur (A) et Madame (B) accompagnés de leur enfant mineur (C), ci-après désignés par « les consorts (ABC) », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

1Une recherche effectuée à la même date dans la base de données EURODAC révéla que Monsieur (A) et Madame (B) avaient introduit une demande de protection internationale en France le 26 avril 2018.

Le 28 mars 2023, Monsieur (A) et Madame (B) furent entendus par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, de manière séparée, en vue de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Le 29 octobre 2023, les autorités luxembourgeoises contactèrent leurs homologues français en vue de la reprise en charge des intéressés sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III, demande qui fut refusée par lesdites autorités françaises en date du 10 avril 2024, au motif que la demande de protection internationale des intéressés avait été rejetée et qu’ils feraient l’objet d’un ordre de quitter le territoire français depuis le 25 juillet 2019, respectivement depuis le 1er novembre 2023.

En date du 7 juin 2024, Monsieur (A) et Madame (B) furent entendus, de manière séparée, par un agent du ministère sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.

Par décision du 5 juillet 2024, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié en date du 8 juillet 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à leur demande de protection internationale pour les motifs suivants :

« […] J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduites en date du 14 mars 2024 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-

après dénommée « la Loi de 2015 ») pour votre propre compte, ainsi qu'au nom et pour le compte de votre fils (C), né le … à …/Italie, de nationalité serbe.

Je suis dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il ressort du résultat des recherches effectuées dans la base de données Eurodac que vous, Madame, Monsieur, avez déjà introduit des demandes de protection internationale en France en date du 26 avril 2018.

Lors de votre entretien mené conformément aux dispositions du règlement Dublin III, vous, Monsieur, avez déclaré avoir quitté la Serbie en 2000 pour l'Italie où vous auriez vécu avec votre famille jusqu'en 2018. Vous auriez été détenteur d'un permis de séjour italien pendant quinze ans, mais comme vous auriez perdu votre emploi, vous n'auriez pas pu renouveler votre titre de séjour. Vous auriez donc quitté l'Italie pour la France où vous auriez vécu à Marseille de 2018 jusqu'au 3 mars 2024. Vous y auriez introduit une demande de 2protection internationale suite à « un malentendu » (entretien Dublin III page 5). Vous auriez quitté la France en 2024 alors que l'Etat français ne vous aurait plus financé. Vous ne voudriez en outre plus y retourner alors que vous n'y auriez pas de logement, ni de moyens pour y vivre.

Vos parents, ainsi que cinq de vos frères et sœurs vivraient en France respectivement en Italie.

Madame, lors de votre entretien Dublin III, vous faites des déclarations très vagues, affirmant ne pas vous souvenir de la date de départ de votre pays d'origine. Vous auriez vécu en Italie jusqu'en 2018 et puis en France jusqu'au 3 mars 2024. Vous y auriez été logés dans un hôtel près de la gare centrale à Marseille. Vous auriez, à l'instar de votre mari, introduit une demande de protection internationale en France par « malentendu ». Vous auriez quitté la France parce que vous n'auriez plus reçu d'aides étatiques. Vous n'auriez pas d'argent et pas de logement et il serait « très dangereux en France » (entretien Dublin III page 5). Vous auriez en outre peur pour votre fils. Vous voudriez rester au Luxembourg pour que votre fils puisse aller à l'école et que vous-même puissiez travailler. Vous déclarez encore souffrir d'une bronchite chronique et que vous prendriez des calmants.

Par courriers séparés du 10 avril 2024, les autorités françaises ont rejeté une demande de reprise en charge leur adressée par les autorités luxembourgeoises au motif que vous feriez l'objet d'un ordre de quitter le territoire depuis le 1er novembre 2023 et que depuis, vous ne seriez plus en contact avec les autorités françaises. Il en ressort en outre que vous vous êtes présentés en France comme étant des ressortissants kosovars.

Il ressort encore du rapport de police établi à l'occasion de l'introduction de votre demande de protection internationale, Monsieur, que vous êtes connu des autorités françaises pour des faits de vol aggravé commis en octobre 2023 et maintien irrégulier sur le territoire français. Vous avez en outre fait l'objet d'un placement en rétention et êtes signalé dans le SIS (Système d'information Schengen) pour refus d'entrée et de séjour sur le territoire Schengen jusqu'en décembre 2028.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de vos demandes de protection internationale Monsieur, vous déclarez vous nommer (A), être né le … à …, et être de nationalité serbe, d'ethnie Rom. Vous seriez marié depuis 1996 ou 1997 à votre épouse (B), née le … à …, de nationalité serbe, d'ethnie Rom.

Convié à faire état de votre dernier lieu de séjour permanent dans votre pays d'origine, vous estimez « je me balade en Europe depuis 24 ans ». En 1999, après avoir effectué votre service militaire, vous vous seriez enfui et ne seriez plus jamais retourné, sinon vous y seriez retourné pour un ou deux jours pour amener des provisions à vos parents. Vous vous seriez rendu en Serbie pour la dernière fois en 2016.

Vous déclarez avoir introduit une demande de protection internationale alors que vous seriez en Europe depuis vingt-quatre années, dont quinze ans en Italie et six ans en France.

Dans la mesure où vous auriez des membres de famille qui habitent en France et en Belgique, vous seriez souvent passé par le Luxembourg et « le Luxembourg m'a attiré » (entretien page 3). La mentalité serait différente qu'en France ou en Italie où il y aurait « plein de Marocains, Algériens, Tunisiens, des Roms, des Serbes, des Albanais » (entretien page 3). Il y aurait en outre « des voleurs et tout ça » tandis qu'au Luxembourg, il y aurait des caméras de surveillance. Vous ne voudriez actuellement plus retourner en Serbie alors que vous n'y auriez 3rien. Vous ne seriez ni Serbe, ni Albanais et « ils jouent avec nous les Roms » (entretien page 4). Un retour en Serbie ne serait pas facile alors que vous n'auriez pas un nom serbe. Les Roms ne posséderaient pas leur propre pays et tous les Roms en Serbie seraient illettrés. Votre fils ne parlerait, ni le serbe, ni l'albanais et n'arriverait jamais à s'y intégrer. Vous voudriez que votre fils progresse. Il aurait 13 ans et parlerait déjà cinq langues. Vous rajoutez encore que vous et votre épouse seriez malades. Vous-même souffririez de diabète, tandis que votre épouse serait asthmatique.

Madame, il échet de relever en premier lieu que vous restez essentiellement vague dans vos déclarations. Vous déclarez à plusieurs reprises ne pas vous souvenir et que vous seriez malade. Vous confirmez néanmoins dans les grandes lignes les dires de votre mari. Avant de quitter la Serbie, vous auriez vécu à … au début de la guerre. Par la suite, vous seriez partie en Italie. Vous auriez encore fait des allers-retours entre l'Italie et la Serbie. La dernière fois que vous seriez retournée en Serbie, vous auriez été volontaire au sein de la Croix Rouge et auriez travaillé « pour l'Italie et d'autres pays » (entretien page 3). Vous ne sauriez pas combien de temps vous y seriez restée alors que vous n'auriez pas compté les jours respectivement les heures.

Vous auriez introduit une demande de protection internationale alors que le Luxembourg vous plairait beaucoup. Vous auriez souvent traversé le pays en transit et vous et votre époux vous seriez arrêtés pour boire un café. Vous seriez contente que votre fils puisse fréquenter l'école et, au Luxembourg, les gens seraient gentils « pas comme à Marseille » (entretien page 4). En cas de retour dans votre pays d'origine, la situation serait catastrophique pour votre fils. Il n'aurait pas de maison, ne connaîtrait pas la langue et vous préféreriez mourir que de retourner là-bas. Votre mari souffrirait par ailleurs de diabète et s'il devait tomber malade, ni la police, ni l'ambulance n'interviendrait. Vous, les roms, seriez considérés comme une race sale par « tout le monde » (entretien page 5) et seriez privés de droits. Vous répétez être reconnaissante que votre fils puisse fréquenter l'école au Luxembourg. En Serbie, vous n'auriez en outre pas d'endroit pour habiter.

A l'appui de votre demande, vous remettez les documents suivants :

- vos passeports serbes expirés en 2020, respectivement 2021;

- un extrait de votre acte de naissance, Monsieur, établi en 1999, en langue serbe ;

- un extrait de votre acte de naissance, Madame, établi en 2006, en langue serbe et française ;

- un extrait de l'acte de naissance de votre fils, établi en 2019, en langue serbe. […] ».

Le ministre informa ensuite les consorts (ABC) qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2024, Monsieur (A) et Madame (B), agissant en leur nom personnel ainsi qu’au nom et pour le compte de leur fils mineur (C), ont fait introduire un recours tendant à la réformation (i) de la décision du ministre du 5 juillet 2024 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, (ii) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale et (iii) de l’ordre de quitter le territoire 4contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 5 juillet 2024, telles que déférées.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs reprennent les rétroactes tels que présentés ci-avant.

En droit, et s’agissant de la décision du ministre de statuer sur leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, ils reprochent à celui-ci d’avoir appliqué le point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 au motif qu’ils seraient originaires d’un pays d’origine sûre au sens de l’article 30 de la même loi, de sorte à avoir méconnu l’article 4 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, ci-après désignée par « la directive 2011/95 ».

Ils ajoutent, dans ce contexte, que la « Fédération Internationale pour les Droits Humains » aurait signalé qu’aucun pays ne pourrait être présumé comme étant sûr, de sorte que chaque demande d’asile devrait être examinée de façon individuelle au vu du fait que chaque situation personnelle varierait.

Les demandeurs expliquent, dans ce contexte, que Madame (B) aurait été traumatisée par les événements qu’elle aurait vécus, qu’elle aurait « craqué » en faisant le récit des événements qui auraient été à l’origine de leur départ de la Serbie durant son entretien relatif à sa demande de protection internationale et que l’interprète aurait, lors dudit entretien, souligné à deux reprises que Madame (B) serait « déstructurée », de sorte qu’il aurait appartenu au ministre d’examiner leur demande de protection internationale en tenant compte de la situation personnelle de Madame (B), conformément à l’article 4 de la directive 2011/95, prémentionnée.

Ils reprochent plus particulièrement au ministre d’avoir cherché à « classifier » leur demande de protection internationale dans l’unique but de la rejeter « de manière systématique » au lieu d’évaluer les informations pertinentes qui lui auraient été soumises.

Les consorts (ABC) concluent de ce qui précède que leur demande de protection internationale serait fondée en raison de la persécution que subirait leur ethnie, qui serait minoritaire en Serbie. Ce serait, dès lors, à tort que le ministre se serait basé sur l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 pour examiner leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.

5 Quant au refus du ministre de leur octroyer le statut de réfugié, les demandeurs, après avoir cité les articles 2, point f), et 42 de la loi du 18 décembre 2015, font valoir que les actes de persécution dont ils feraient état seraient suffisamment graves du fait de leur nature et de leur caractère pour constituer une violation du droit à la vie privée et à l’intégrité physique et morale qui pourrait les affecter gravement dans leur vie quotidienne.

Ils expliquent qu’en Serbie, ils auraient été persécutés en raison de leur appartenance à une communauté qui serait minoritaire dans ledit pays. Ils donnent à considérer que dans son entretien relatif à sa demande de protection internationale, Madame (B) aurait expliqué que « nous nous sommes enfui[s] dans une calèche j'ai vécu la misère pendant la guerre (…) à …, il y a eu un bombardement et toutes les maisons ont été incendiées. Tout le monde a fui sauf nous les Roms, on nous a placé dans un hall sportif (…) » et que « j’étais enceinte de 3 mois mon mari faisait le service militaire. Lors de notre départ on m’a frappé (…) j'ai avorté à cause du coup et je suis parti[e] sans [m]on enfant ».

Les demandeurs, en s’appuyant sur un rapport du Comité des droits de l’Homme du 15 mars 2024 intitulé « Examen de la Serbie au Comité des droits de l'homme : les experts se penchent notamment sur la situation des femmes, des Roms, des migrants et de la société civile ainsi que sur la question des personnes disparues », avancent ne pas pouvoir recourir à une protection des autorités serbes, tout en ajoutant que Monsieur (A) aurait expliqué, dans l’entretien relatif à sa demande de protection internationale, que selon les affirmations de sa belle-mère, la police n’interviendrait pas en cas de besoin d’aide, notamment lorsque leur quartier serait mentionné.

Concernant ensuite le refus du ministre de leur octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire, les demandeurs font valoir qu’en leur refusant ledit statut sur base de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre aurait procédé à une analyse manifestement erronée de leur situation.

Ils estiment, en se basant sur un rapport rendu le 4 décembre 2023 par l’organisation non gouvernementale « Amnesty international » intitulé « Pris au piège de l'automatisation:

pauvreté et discrimination dans l’État-providence en Serbie » ainsi que sur un article publié le 27 mai 2020 par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (« UNHCR ») intitulé « Les groupes vulnérables face à une plus grande discrimination due à la COVID-19 en Serbie » que le risque d’être exposés, en cas de retour en Serbie, à des atteintes graves au sens de l’article 48, point b) sinon point c) de la loi du 18 décembre 2015, ne pourrait pas être écarté avec certitude, de sorte qu’il y aurait lieu de leur octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire.

Enfin, tout en relevant qu’il serait constant en cause que l’ordre de quitter le territoire n’est que la conséquence directe de la décision de refus d’une demande de protection internationale, les demandeurs insistent cependant sur le fait que le Grand-Duché de Luxembourg aurait ratifié un certain nombre d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme pour en tirer la conclusion que s’ils se voyaient refuser tant le statut de réfugié que le statut conféré par la protection subsidiaire, ils devraient néanmoins pouvoir bénéficier de la protection contre l’éloignement vers la Serbie, pays dans lequel ils encourraient un risque réel et suffisamment grave pour leurs vies et intégrités physiques et morales sous la forme de traitements inhumains et dégradants.

6Ils expliquent, dans ce contexte, qu’ils vivraient en Europe depuis 24 ans, comme la majorité de leurs familles qui seraient installées entre la Belgique et la France, de sorte qu’en cas de renvoi vers la Serbie, ils seraient « perdus », alors qu’ils n’y auraient « d’attaches que de nationalité ».

Ils estiment encore qu’un renvoi vers la Serbie serait contraire aux intérêts de l’enfant (C) qui serait né en Europe et qui y vivrait depuis 13 ans, de sorte que l’ordre de quitter le territoire pris à leur encontre violerait l’article 3 de la Convention de New York sur les droits de l’enfant, signée le 20 novembre 1989, ci-après désignée par « la Convention relative aux droits de l’enfant ».

Les demandeurs affirment que le principe de non-refoulement, tel que prévu à l’article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève » serait, d’ailleurs, un « principe de protection cardinal (…) ne tolérant aucune réserve. ». Ils estiment que l’application de la procédure accélérée pour traiter une demande de protection internationale ne dispenserait pas un Etat membre de ses obligations lui incombant en vertu de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », tel que cela ressortirait d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (« CourEDH »), T.I. c.

Royaume-Uni. Ainsi, la mise à exécution de l’ordre de quitter le territoire pris à leur encontre emporterait une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », respectivement du principe de non-

refoulement.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.

Aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.

Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé et, dans la négative de renvoyer le recours devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir 7cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.

Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et b) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, qui dispose que « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance.

La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par les demandeurs à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les 8critiques avancées par eux ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27 paragraphe (1), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Concernant plus particulièrement le point a) du paragraphe (1) de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015, il échet de relever qu’afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 948 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, point g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

La soussignée constate que les seuls éléments invoqués à la base de la demande de protection internationale des consorts (ABC) sont des prétendues discriminations en raison de leur appartenance à une minorité ethnique en Serbie, en l’occurrence la population rom, et le fait que la majorité de leur famille vivrait en Europe.

Force est tout d’abord de relever que le fait pour les demandeurs de vouloir rejoindre leur famille qui serait proche du Luxembourg ne permet pas de justifier l’octroi dans leur chef d’une protection internationale, dans la mesure où de tels motifs d’ordre purement familial, respectivement de pure convenance personnelle ne rentrent manifestement pas dans le champ d’application ni de la Convention de Genève, ni de la loi du 18 décembre de 2015.

Concernant ensuite la crainte de subir des prétendues discriminations et représailles en Serbie en raison de leur appartenance à la minorité ethnique des Roms, il échet tout d’abord de relever (i) que Monsieur (A) a expliqué, lors de son entretien relatif à sa demande de protection internationale, qu’il aurait quitté la Serbie en 1999, après son service militaire, qu’il aurait vécu 15 ans en Italie et 6 ans en France et qu’il ne serait plus retourné en Serbie depuis 24 ans et (ii) qu’il ressort de la requête introductive d’instance que Madame (B) a également quitté la Serbie en 1999.

Force est ensuite de constater que les demandeurs se sont contentés d’exposer les prétendues difficultés auxquelles seraient confrontés, de manière générale, les Roms en Serbie, en affirmant que la population rom ne bénéficierait pas d’une protection effective octroyée par les autorités serbes et que les autorités, respectivement les secours, n’interviendraient pas en cas de besoin, sans toutefois faire état d’un seul incident concret qu’ils auraient personnellement vécu en raison de leur appartenance ethnique, étant précisé, tel que relevé ci-

avant, que les demandeurs n’ont plus séjourné en Serbie depuis leur départ dudit pays en 1999.

10 Ledit constat n’est pas énervé par l’affirmation vague et non autrement circonstanciée faite par Madame (B) dans le cadre de son entretien relatif à sa demande de protection internationale et selon laquelle elle aurait vécu « la misère pendant la guerre » et selon laquelle « […] Il y a eu un bombardement et toutes les maisons ont été incendiée, tout le monde s’est enfui sauf nous les Roms. Ils nous ont placé dans un hall sportif […] »1, alors qu’outre le fait qu’il ne ressort pas des déclarations de Madame (B) que le groupe ethnique des Roms aurait été particulièrement visé lors de la situation de guerre en Serbie, force est encore de relever que ladite situation de guerre remonte à plus de 20 ans, de sorte à ne plus être d’actualité.

Il y a, dès lors, lieu de constater que les allégations superficielles et vagues émises par les consorts (ABC) ne permettent manifestement pas de retenir qu’ils auraient déjà été persécutés ou qu’ils auraient subi des atteintes graves, ni qu’ils risqueraient d’être persécutés ou de subir des atteintes graves en cas de retour dans leur pays d’origine en raison de leur appartenance à la population rom, étant relevé que le seul fait d’appartenir à une minorité ethnique n’est pas suffisant pour prétendre à l’un des statuts de la protection internationale, et qu’une crainte de persécution ou d’atteinte grave doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des traitements discriminatoires2, ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce.

Si les demandeurs se prévalent certes, dans ce contexte, du rapport rendu le 4 décembre 2023 par l’organisation non gouvernementale « Amnesty international », intitulé « Pris au piège de l'automatisation: pauvreté et discrimination dans l’État-providence en Serbie » et du rapport du Comité des droits de l’homme du 15 mars 2024 intitulé « Examen de la Serbie au Comité des droits de l’homme : les experts se penchent notamment sur la situation des femmes, des Roms, des migrants et de la société civile ainsi que sur la situation des personnes disparues », prémentionnés, desquels il ressort notamment que les Roms seraient victimes de plus de discriminations et de marginalisation que tout autre groupe minoritaire en raison du fait qu’ils manqueraient d’informations sur leurs droits et sur les mécanismes dont ils disposent pour lutter contre la discrimination, la soussignée constate toutefois qu’il ressort des explications de la partie étatique, pièces internationales à l’appui, qu’il existe en Serbie des programmes d’intégration mis en place par le gouvernement serbe en vue de promouvoir l’intégration de la minorité des Roms, l’instrument principal consistant dans la mise en place de la « Strategy for Social Inclusion of Roma men and women in the Republic of Serbia for the period from 2016 to 2025 » supervisée par le « Coordination Body for monitoring the implementation of the strategy for social inclusion of Roma men and women » travaillant dans ce contexte en collaboration avec l’Union européenne.

Quant à l’article publié le 27 mai 2020 par l’UNHCR, intitulé « Les groupes vulnérables face à une plus grande discrimination due à la Covid-19 en Serbie », prémentionné, force est de relever que les demandeurs se limitent à citer de façon théorique un extrait dudit article, sans le mettre en relation avec leur situation particulière. Cette observation étant faite, il importe encore de souligner que le prédit rapport manque manifestement de pertinence alors qu’il vise uniquement la période liée au confinement dans le cadre de la pandémie de la Covid-19.

1 Page 2 du rapport d’entretien de Madame (B).

2 En ce sens : Trib. adm. 13 février 2006, n° 20134 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 151 et l’autre référence y citée.

11En ce qui concerne la crainte des demandeurs de ne pas pouvoir obtenir une protection effective dans leur pays d’origine - crainte émise notamment à travers l’affirmation non autrement étayée, faite par Monsieur (A) dans son entretien relatif à sa demande de protection internationale et reproduite dans leur requête introductive d’instance, selon laquelle « [m]a belle-mère […] a 70 ans. […] Dès qu’elle mentionne notre quartier la police n’intervient pas »3 - force est tout d’abord de relever que celle-ci reste à l’état de pure allégation alors que les demandeurs n’ont pas fait état d’une absence d’aide de la part des autorités serbes qu’ils auraient subie dans le contexte d’un dépôt de plainte ou lors d’une demande de protection auprès de la police serbe, étant relevé, tel que retenu ci-avant, qu’ils ont quitté la Serbie en 1999 et ne s’y sont plus rendus depuis lors. Par ailleurs, les demandeurs restent en défaut de démontrer que, de manière générale, les autorités serbes n’accordent aucune protection aux minorités ethniques de leur pays et plus particulièrement à l’ethnie rom à laquelle ils appartiennent, de sorte qu’il n’est en tout état de cause pas établi que celles-ci ne pourraient ou ne voudraient pas les aider dans le cadre des prétendues discriminations auxquelles ils craignent de faire face en cas de retour dans leur pays d’origine.

Au des développements faits ci-avant, la soussignée arrive à la conclusion que les demandeurs n’ont manifestement pas fait état d’une crainte fondée d’être persécutés en Serbie, ni d’un risque réel d’y subir des atteintes graves.

Au vu de tout ce qui précède, la soussignée est dès lors amenée à conclure que c’est manifestement à juste titre que le ministre a retenu que les demandeurs n’ont fait état que de faits sans pertinence au regard de l’examen de leur demande de protection internationale, de sorte que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à déclarer manifestement infondé, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens fondés sur l’article 27, paragraphe (1), point b) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.

2) Quant au recours en réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale S’agissant ensuite du recours dirigé contre la décision du ministre portant rejet de la demande de protection internationale des demandeurs, dans la mesure où la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que les faits présentés par les demandeurs sont manifestement sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions d’une protection internationale, et où dans le cadre du présent recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de refus d’octroi d’un statut de protection internationale, la soussignée ne s’est pas vue soumettre d’éléments permettant d’énerver cette conclusion, il convient de retenir que les faits avancés par les demandeurs ne peuvent manifestement justifier ni l’octroi du statut de réfugié, ni l’octroi de la protection subsidiaire.

3 Page 4 du rapport d’entretien de Monsieur (A).

12Dans ces circonstances, la soussignée conclut que le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que les demandeurs sont à débouter de leur demande de protection internationale.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Quant à la décision portant ordre de quitter le territoire, il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, et que c’est partant à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale des demandeurs, impliquant qu’il a, à bon droit, pu retenir que le retour de ceux-ci en Serbie ne les exposerait pas à des conséquences graves, il a également, sans violer l’article 33 de la Convention de Genève, ni l’article 3 de la CEDH ou l’article 4 de la Charte, valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

La même conclusion s’impose en ce qui concerne le moyen des demandeurs selon lequel l’ordre de quitter le territoire dans le chef de l’enfant (C) serait contraire à l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant, établissant l’intérêt supérieur de l’enfant comme une considération primordiale dans tous les actes qui le concerne, étant plus particulièrement relevé que les demandeurs restent en défaut d’établir et de mettre en avant des éléments concrets permettant de retenir qu’il serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant (C) de vivre séparé de ses parents, sans que la simple invocation par les demandeurs du fait qu’il serait né en Europe ne saurait être suffisante pour retenir le contraire.

Au vu de ce qui précède, le moyen fondé sur une violation de l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 5 juillet 2024 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

13 au fond, déclare le recours en réformation contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute les demandeurs de leur demande de protection internationale ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 octobre 2024, par la soussignée, Caroline Weyland, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Caroline Weyland 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50794
Date de la décision : 14/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-10-14;50794 ?

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