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14/10/2024 | LUXEMBOURG | N°48553

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 octobre 2024, 48553


Tribunal administratif N° 48553 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48553 2e chambre Inscrit le 20 février 2023 Audience publique du 14 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A) et consort, …, contre une décision du conseil communal de Lorentzweiler, et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48553 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 février 2023 par la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX SARL, inscrit

e à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ay...

Tribunal administratif N° 48553 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:48553 2e chambre Inscrit le 20 février 2023 Audience publique du 14 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A) et consort, …, contre une décision du conseil communal de Lorentzweiler, et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48553 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 février 2023 par la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX SARL, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1461 Luxembourg, 31, rue d’Eich, immatriculée au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B251584, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Serge MARX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A) et de Madame (B), demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation 1) de la délibération du conseil communal de Lorentzweiler du 8 février 2022 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune de Lorentzweiler et 2) de la décision du ministre de l’Intérieur du 21 octobre 2022 approuvant la délibération du conseil communal de Lorentzweiler du 8 février 2022 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune de Lorentzweiler ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura GEIGER, en remplacement de l’huissier de justice Martine LISE, demeurant à Luxembourg, du 23 février 2023, portant signification de ce recours à l’administration communale de Lorentzweiler, ayant sa maison communale à L-7373 Lorentzweiler, 87, route de …, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2023 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la commune de Lorentzweiler, préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2023 par la société en commandite simple KLEYR GRASSO SCS, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2361 Strassen, 7, rue des Primeurs, immatriculée au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B220509, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Mélanie TRIENBACH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse de Maître Steve HELMINGER, déposé au greffe du tribunal administratif le 19 mai 2023, au nom de la commune de Lorentzweiler, préqualifiée ;

1 Vu le mémoire en réponse de la société en commandite simple KLEYR GRASSO SCS, déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mai 2023, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique de la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX SARL, déposé au greffe du tribunal administratif le 22 juin 2023, au nom de Monsieur (A) et de Madame (B), préqualifiés ;

Vu le mémoire en duplique de Maître Steve HELMINGER, déposé au greffe du tribunal administratif le 18 septembre 2023, au nom de la commune de Lorentzweiler, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique de la société en commandite simple KLEYR GRASSO SCS, déposé au greffe du tribunal administratif le 20 septembre 2023, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Serge MARX, Maître Adrien KARIGER, en remplacement de Maître Steve HELMINGER, et Maître Mélanie TRIENBACH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mai 2024.

Lors de sa séance publique du 11 février 2020, le conseil communal de Lorentzweiler, ci-après dénommé le « conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins de la même commune, ci-après dénommé le « collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par la « loi du 19 juillet 2004 », d’un projet d’aménagement général pour la commune de Lorentzweiler qu’il mit sur orbite en conséquence à travers un vote positif, de sorte que le collège échevinal put procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.

Par courrier du 24 mars 2020, adressé au collège échevinal par l’intermédiaire de leur litismandataire, Monsieur (A) et Madame (B), ci-après désignés par « les consorts (AB) », propriétaires de cinq parcelles inscrites au cadastre de la commune de Lorentzweiler, section … de Bofferdange et de Helmdange, sous les numéros (P1), (P2), (P3), (P4) et (P5), soumirent leurs observations et objections à l’encontre du projet d’aménagement général.

Conformément aux dispositions de l’article 11 de la loi du 19 juillet 2004, la commission d’aménagement émit lors de sa séance du 22 juillet 2020 son avis quant à la conformité et la compatibilité du projet d’aménagement général avec les dispositions de ladite loi.

Lors de sa séance publique du 8 février 2022, le conseil communal décida d’adopter le projet d’aménagement général en y apportant des modifications tenant compte des avis ministériels et des objections. Pour ce qui est des objections des consorts (AB), le conseil communal décida, suivant ce qui était indiqué dans le document annexé à sa délibération et comprenant un résumé des objections présentées au collège échevinal et du sort à y réserver, ce qui suit :

2« […] Le conseil communal décide à l’unanimité de se rallier à la proposition du collège des bourgmestre et échevins :

de maintenir la zone d’urbanisation.

Un objectif du PAG est d’éviter un développement à l’extérieur de la zone urbanisée / de la localité.

de maintenir la superposition à titre indicatif du biotope protégé, le terrain est en pente et englobé par la zone de protection – en procédure. ».

Par courrier du 11 février 2022, le collège échevinal informa le litismandataire des consorts (AB) de l’adoption par le conseil communal du projet d’aménagement général.

Par courrier de leur litismandataire du 25 février 2022, les consorts (AB) firent introduire auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », une réclamation à l’encontre de la délibération du conseil communal du 8 février 2022 portant adoption du projet d’aménagement général, en sollicitant le classement de leurs parcelles en zone d’habitation 1 [HAB-1], ci-après désignée par « zone [HAB-1] », superposée d’une zone soumise à un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », ci-après désigné par « PAP NQ », ainsi que la suppression de la zone « biotope protégé » reprise à titre indicatif.

Par décision du 21 octobre 2022, le ministre approuva la délibération du conseil communal du 8 février 2022 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général (« PAG ») et déclara recevable mais non fondée la réclamation des consorts (AB). Les passages de la décision ministérielle précitée se rapportant à cette réclamation sont libellés comme suit :

« […] Ad réclamation (AB) (rec 6) Les réclamants demandent l'intégration des parcelles cadastrales n°(P1), (P2), (P3), (P4) et (P5), sises à Lorentzweiler, actuellement classées en « zone agricole [AGR] », en zone « zone d'habitation 1 [HAB-1] », ainsi qu'en « zone soumise à un plan d'aménagement particulier "nouveau quartier" [PAP NQ] ».

Les fonds en question, qui se caractérisent par une topographie accentuée, sont exposés à la vue lointaine. Leur urbanisation aurait dès lors un impact paysager négatif certain.

Les parcelles concernées abritent encore une prairie maigre de fauche (« … »), un biotope protégé (code n°…).

L'instauration d'une zone de protection nationale à cet endroit est actuellement en cours de procédure.

Au vu de ce qui précède, il convient de maintenir le classement actuel des parcelles cadastrales en question.

Les réclamants demandent encore la suppression de la mention « biotope protégé » dont sont concernées les parcelles précitées.

3Cette mention n'est apposée au niveau de la partie graphique du PAG qu'à titre purement indicative. Il s'agit là d'un outil de simplification administrative qui ne revêt aucune force juridique, de sorte qu'aucune servitude urbanistique ne saurait en découler.

La réclamation est donc non fondée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 février 2023, les consorts (AB) ont fait introduire un recours tendant à l’annulation 1) de la délibération du conseil communal de Lorentzweiler du 8 février 2022 portant adoption du projet de refonte du PAG de la commune de Lorentzweiler et 2) de la décision du ministre du 21 octobre 2022 approuvant la délibération du conseil communal de la commune de Lorentzweiler du 8 février 2022 portant adoption du projet de refonte du PAG de la commune de Lorentzweiler.

1. Quant à la compétence et la recevabilité du recours Le tribunal relève que les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre de l’Intérieur participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant précisé qu’en ce qui concerne la procédure d’adoption du PAG, le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision ministérielle du 21 octobre 2022 ayant statué sur la réclamation introduite par les demandeurs, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.

Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

2. Quant à la loi applicable Le tribunal précise que la procédure d’adoption d’un PAG est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative 1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 59 et les autres références y citées.

4au Pacte logement 2.0, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, en application de l’article 16 et (viii) par la loi du 7 août 2023 relative au logement abordable.

Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des actes déférés et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à en apprécier la légalité en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où ils ont été pris2, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par la loi précitée du 7 août 2023, entrée en vigueur postérieurement à la délibération du conseil communal du 8 février 2022 portant adoption du projet d’aménagement général ne sont pas à prendre en considération en l’espèce, étant plus particulièrement précisé à cet égard que les actes de tutelle administrative, tels que la décision ministérielle litigieuse, rétroagissent à la date de la décision approuvée et tombent dès lors sous le champ d’application des lois en vigueur à la date de la prise de décision de l’acte initial.

Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018, 18 juillet 2018 et 30 juillet 2021.

3. Quant au fond Moyens des parties A l’appui de leur recours, tout en rappelant les faits et rétroactes à la base des décisions prémentionnées, les consorts (AB) expliquent que sous l’ancien PAG, les parcelles litigieuses auraient été classées en zone verte qui serait directement adjacente au périmètre d’agglomération. La refonte du PAG aurait maintenu le classement de leurs parcelles en zone verte tout en les superposant, à titre indicatif, d’un « biotope protégé ».

En droit, les demandeurs critiquent le refus des autorités administratives de classer leurs parcelles en zone de base [HAB-1] et sollicitent l’annulation des décisions déférées pour violation des formes destinées à protéger les intérêts privés, pour détournement de pouvoir, excès de pouvoir et violation de la loi.

En ce qui concerne, en premier lieu, l’affirmation du ministre selon laquelle le classement des parcelles litigieuses en zone destinée à être urbanisée aurait un impact négatif sur le paysage de la localité de Bofferdange-Helmdange, les consorts (AB) donnent à considérer qu’à travers l’article 2, point e) de la loi du 19 juillet 2004, visant notamment la protection du paysage, le législateur n’aurait pas entendu préserver le paysage de toute atteinte quelconque, alors qu’objectivement, toute urbanisation aurait un impact sur le paysage existant.

Cette disposition légale ne devrait, dès lors, pas être interprétée comme interdisant ipso facto tout classement en zone urbanisée, mais devrait être appliquée en fonction des caractéristiques propres à chaque cas d’espèce sous peine de paralyser toute activité humaine.

Ils reprochent, dans ce contexte, à la partie étatique de se borner à avancer de manière essentiellement théorique et abstraite que le classement des parcelles litigieuses en zone urbanisée porterait préjudice au paysage. En effet, une telle motivation serait insuffisante pour justifier le refus du classement litigieux, les demandeurs insistant, à cet égard, sur le fait que 2 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 22 et les autres références y citées.

5comme leurs parcelles seraient situées entre deux rues et entre deux tissus urbanisés existants, leur urbanisation ne serait pas de nature à porter préjudice au paysage mais contribuerait, au contraire, à arrondir harmonieusement la localité sur cette partie du territoire communal.

Concernant la présence d’un biotope protégé sur les parcelles litigieuses, les demandeurs font valoir, tout en citant un extrait d’un arrêt de la Cour administrative du 27 février 2020 inscrit sous le numéro 43709C du rôle, que ledit biotope ne figurerait sur la partie graphique du PAG qu’à titre purement indicatif et n’aurait aucune existence ni valeur légale.

Ils ajoutent que dans le cas où les autorités administratives entendraient néanmoins se prévaloir de l’existence d’un biotope sur les parcelles litigieuses, la charge de la preuve relative à un tel biotope leur incomberait, tel que cela aurait été décidé par le tribunal administratif dans son jugement du 28 mars 2018 inscrit sous le numéro 38859 du rôle, confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 13 décembre 2018 inscrit sous le numéro 41111C du rôle. Etant donné que la preuve de l’existence d’un biotope ferait défaut en l’espèce, l’argument y relatif ne saurait servir de moyen pour justifier le refus d’un classement de leurs parcelles en zone [HAB-1].

Les consorts (AB) reprochent ensuite aux autorités administratives de se prévaloir de la mise en place d’une zone de protection nationale qui serait en cours de procédure, alors même qu’une telle zone, revêtant une existence légale, n’aurait, au moment de l’adoption du PAG, pas été prévue sur les parcelles litigieuses. Lesdites autorités resteraient, par ailleurs, en défaut d’indiquer la nature de la zone de protection nationale dont il s’agirait. En outre, aucune servitude au sens de l’article 45 de la loi modifiée 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ne leur aurait été notifiée.

Les demandeurs donnent encore à considérer que le maintien du classement des parcelles litigieuses en zone verte ne serait pas justifié par des considérations urbanistiques répondant à une finalité d’intérêt général.

Ils expliquent que leurs parcelles seraient situées entre la rue … et la rue … et seraient directement adjacentes au tissu construit existant. Comme la proximité de la route de … et de la rue … permettrait une connexion facile des parcelles litigieuses au réseau routier, de nombreuses possibilités d’accès existeraient. Lesdites parcelles seraient d’ailleurs connectées au réseau d’eau communal « depuis des temps immémoriaux » et pourraient, par conséquent, être facilement rattachées aux autres infrastructures publiques, telles que la canalisation et l’électricité.

Les consorts (AB) font, dans ce contexte, valoir que comme la localité de Bofferdange-

Helmdange présenterait le long de la rue …, située en face des parcelles litigieuses, un tentacule, un développement de leurs parcelles permettrait d’éradiquer cette situation « peu heureuse du passé », alors qu’une urbanisation - du moins partielle des parcelles inscrites au cadastre sous les numéros (P1), (P2), (P3) et (P4) - contribuerait à arrondir harmonieusement le tissu construit à cet endroit de la localité. Ils font, à cet égard, valoir qu’une « photo aérienne » démontrerait que leurs parcelles seraient idéalement situées entre des tissus urbanisés existants et reliées à deux routes, de sorte à pouvoir être développées afin d’accueillir entre deux et quatre maisons.

Ils concluent de ce qui précède que le classement des parcelles litigieuses en zone destinée à être urbanisée serait justifié par des considérations urbanistiques répondant à une finalité d’intérêt général.

6Les demandeurs donnent, finalement, à considérer que comme les parcelles en cause, ayant une contenance de 1,73 ha, représenteraient un potentiel de développement important, leur maintien en zone verte à un endroit qui se prêterait « particulièrement bien » à l’urbanisation serait « un anachronisme contraire à l’intérêt général ».

Ils insistent, dans ce contexte, sur le fait que le Luxembourg afficherait un retard historique d’environ 32.000 logements sur la période de 1985 à 2014 et aurait, sans prendre en considération ce retard historique, un besoin actuel d’au moins 6.500 logements par année en présence d’un accroissement de la population de 1% par an. Cette croissance se situerait actuellement toutefois à plus de 2% par an. Ils font encore valoir que suivant l’Observatoire de l’Habitat, l’offre de logements ne se chiffrerait en moyenne qu’à environ 2.700 logements par an, de sorte que la destruction de logements potentiels qu’engendreraient les décisions querellées serait difficilement justifiable compte tenu de la pénurie de logements qui sévirait au Luxembourg. Les consorts (AB) ajoutent, en s’appuyant sur divers articles de presse, que le manque de logements disponibles serait confirmé par l’augmentation alarmante du prix de l’immobilier au Luxembourg résultant d’une demande largement supérieure à l’offre de logements et serait la preuve de l’existence d’une insuffisance de terrains à construire.

Les demandeurs estiment que nombreux seraient les propriétaires privés qui voudraient, comme eux, développer leurs terrains mais qui, « pour des raisons inexplicables » et sans motif valable, seraient bloqués par les autorités. Ils donnent, dans ce contexte, à considérer que le « discours politique » serait ambigu, alors qu’il ferait porter la responsabilité de la crise du logement sur les propriétaires privés « restant prétendument inactifs », tout en refusant le classement de terrains se prêtant parfaitement au développement. Face à une telle situation, l’intérêt général commanderait à ce que tout site se prêtant à une urbanisation soit rendu constructible.

Dans leur mémoire en réplique, les consorts (AB) font valoir que contrairement à ce qu’affirmerait la partie étatique, ils auraient expliqué dans leur requête introductive d’instance que les motifs avancés par les parties communale et étatique pour justifier leur refus de classer les parcelles litigieuses en zone constructible ne correspondraient pas à la réalité, seraient contraires au principe de proportionnalité et découleraient d’une erreur d’appréciation.

Concernant l’argument de la partie étatique selon lequel le contrôle de la légalité exclurait le contrôle des considérations d’opportunité et qu’une erreur d’appréciation ne pourrait être sanctionnée qu’en présence d’une erreur manifeste d’appréciation, les demandeurs font valoir que la Cour administrative, dans un arrêt du 9 novembre 2010 inscrit sous le numéro 26886C du rôle, aurait abandonné l’exigence selon laquelle une erreur d’appréciation devrait être manifeste pour entraîner une illégalité de l’acte administratif soumis au contrôle du juge de l’annulation.

En s’appuyant sur un arrêt rendu par la Cour administrative le 17 mai 2022 inscrit sous le numéro 46811C du rôle, les demandeurs font valoir qu’un aspect fondamental du contrôle de la légalité d’un acte administratif consisterait à vérifier si l’administration « n’a pas été victime d’une erreur d’appréciation », respectivement si elle n’a pas dépassé sa marge d’appréciation. En raison de l’abandon de l’exigence d’une erreur manifeste d’appréciation, le juge administratif pourrait dorénavant effectuer un contrôle effectif et efficace des appréciations de l’administration et sanctionner des classements qui relèveraient d’une simple erreur d’appréciation.

7Ils donnent, en outre, à considérer que toute autre solution serait contraire à l’exigence de l’effectivité du recours prévue par la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (ci-après désignée par « la CEDH ») et ajoutent, en s’appuyant sur divers arrêts de la Cour administrative, qu’après la consécration par la Cour constitutionnelle des principes à valeur constitutionnelle de l’Etat de droit et de proportionnalité, lesdits principes se seraient ajoutés aux exigences prévues par la CEDH pour justifier l’abandon de la doctrine de l’erreur manifeste d’appréciation.

Quant à l’argumentaire des parties communale et étatique relatif au fait que la topographie du terrain en pente ainsi que l’exposition des constructions à y ériger à la vue lointaine entraîneraient un impact négatif sur le paysage à tel point important qu’elles justifieraient le refus du classement des parcelles litigieuses ou d’une partie de celles-ci en zone constructible, les demandeurs réitèrent qu’il serait indéniable que toute activité humaine aurait un impact sur le paysage. Ils font, à cet égard, valoir que la véritable question qui se poserait ne serait pas celle de savoir si un classement des parcelles litigieuses en zone constructible impacterait le paysage, mais celle de savoir si une urbanisation à cet endroit précis du territoire communal n’aurait pas un impact disproportionné sur le paysage. Les demandeurs estiment qu’en l’espèce, l’impact paysager resterait tout à fait limité, dans la mesure où une intégration des parcelles litigieuses dans le périmètre d’agglomération permettrait la création d’un « tampon d’espace vert important » entre la limite du périmètre d’agglomération et la forêt montant vers le plateau du Grès de Luxembourg.

Concernant ensuite l’affirmation de la commune selon laquelle l’accès sur les parcelles litigieuses pourrait uniquement se faire par la rue … et qu’une extension du périmètre de construction à cet endroit créerait, d’un point de vue urbanistique, un nouveau tentacule incohérent et ne permettrait pas un arrondissement harmonieux de la localité de Bofferdange-

Helmdange, les consorts (AB) donnent à considérer que l’existence d’une pente au niveau de la rue … pour accéder aux parcelles en question ne saurait nullement exclure la possibilité d’y construire un ou deux immeubles le long de la rue, alors que la topographie, telle qu’elle se présenterait à de nombreux endroits sur le territoire luxembourgeois, ne constituerait pas un obstacle interdisant toute urbanisation.

Bien qu’ils admettent comprendre le souhait de la commune de vouloir privilégier une densification du centre des villages afin d’éviter des extensions du périmètre aux extrémités des zones constructibles, ils font à nouveau valoir que la localité de Bofferdange-Helmdange présenterait d’ores et déjà un tentacule, aussi bien au niveau de la rue … qu’au niveau de la rue …. Le fait qu’un espace vert - faisant office d’un petit parc de village - se trouverait entre les maisons le long de la rue … et les parcelles litigieuses ne saurait changer cette réalité, les demandeurs réitérant qu’un développement des parcelles litigeuses ou d’une partie de celles-ci permettrait justement d’arrondir harmonieusement la localité sur cette partie du territoire, de sorte qu’il ne s’agirait pas d’une densification déraisonnable à l’extrémité du périmètre de construction mais de l’éradication d’une erreur urbanistique du passé.

Les consorts (AB) reprochent ensuite aux parties étatique et communale d’insinuer qu’ils critiqueraient l’indication informative contenue dans le PAG, relative à la présence d’un biotope protégé sur les parcelles litigieuses, alors que tel ne serait pas le cas. Ils auraient, en réalité, contesté, dans leur requête introductive d’instance, le fait que les parties communale et étatique puissent se prévaloir de la prétendue présence d’un biotope sur base d’une indication - n’ayant aucune valeur légale dans le PAG - pour refuser concrètement leur demande de classer les parcelles litigieuses dans le périmètre d’agglomération.

8Ils estiment que la jurisprudence citée, dans ce contexte, par la partie étatique dans son mémoire en réponse serait tout à fait pertinente et s’appliquerait par analogie à leur situation et qu’aucun élément concret prouvant l’existence d’un biotope n’aurait été invoqué par les parties communale et étatique pour justifier le refus du classement des parcelles litigieuses en zone constructible. Ils ajoutent, en s’appuyant sur un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 3 février 2016 et inscrit sous le numéro 35314 du rôle, ainsi que sur un arrêt rendu par la Cour administrative le 16 février 2017 et inscrit sous les numéros 38206C et 38207C du rôle, que le cadastre des biotopes serait dépourvu de toute valeur légale. Les demandeurs concluent de ce qui précède que les parties communale et étatique ne pourraient pas se prévaloir du cadastre des biotopes et de la mention en découlant, contenue dans le PAG, pour justifier un refus du classement des parcelles litigieuses en zone constructible.

Concernant la mise en place d’une zone de protection nationale, les demandeurs font valoir que bien que la commune concèderait que la mise en procédure d’une zone protégée d’intérêt national n’aurait aucun effet légal, elle affirmerait cependant, en même temps, ne pas pouvoir ignorer l’objectif d’un potentiel classement des parcelles litigieuses en zone protégée d’intérêt national.

Ils donnent, à cet égard, à considérer qu’au moment de la mise sur orbite et de l’approbation du PAG, il aurait été impossible pour la commune de savoir si cette zone de protection d’intérêt national serait adoptée à l’avenir et, dans l’affirmative, quelle envergure elle prendrait. Etant donné que la mise en place d’une telle zone serait toujours en cours et ne serait pas définitivement arrêtée à l’heure actuelle, elle resterait susceptible de faire l’objet d’adaptations, notamment pour tenir compte d’un éventuel classement entier ou partiel des parcelles litigieuses dans le périmètre de construction.

En dernier lieu, les demandeurs affirment que bien que les parties communale et étatique ne contesteraient pas l’existence d’une pénurie de logements au Luxembourg, la commune aurait cité la jurisprudence du tribunal administratif ayant retenu qu’une pénurie de logements ne saurait justifier une urbanisation désordonnée, incohérente et irrationnelle sur le territoire de toutes les communes du pays. Ils estiment que cette jurisprudence ne serait pas transposable en l’espèce dans la mesure où le classement des parcelles litigieuses en zone constructible n’aboutirait pas à une urbanisation désordonnée ou incohérente du territoire communal.

La commune, de même que la partie étatique, concluent, quant à elles, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Appréciation du tribunal Le tribunal relève tout d’abord qu’il n’est pas lié par l’ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis et qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile qui s’en dégagent.

Le tribunal relève que les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations3.

3 Trib. adm., 20 octobre 2004, n° 17604 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 217 et les autres références y citées.

9 Dans ce contexte, il y a lieu d’insister sur le fait que, saisi d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge est dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité4.

S’il est certes vrai que le choix d’entériner ou de ne pas entériner la modification d’un plan d’aménagement relève d’une dimension politique et échappe comme tel au contrôle des juridictions de l’ordre administratif saisies d’un recours en annulation, il n’en demeure pas moins que tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir et cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidées dans leur décision, le contrôle exercé par le juge de l’annulation ne portant dès lors pas sur l’opportunité, mais sur la réalité et la légalité des motifs avancés5.

Quant aux objectifs devant guider les autorités communales lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, ainsi que l’autorité ministérielle, dans le cadre de l’exercice de son contrôle tutélaire, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel : « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:

(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux ;

(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire ;

(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables ;

(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités ;

(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus ;

(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».

4 Cour adm., 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 40 et les autres références y citées.

5 Trib. adm., 23 mars 2005, n° 18463 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 35 et les autres références y citées.

10 L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit, quant à lui, que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».

Il convient encore de noter que la décision d’adopter, respectivement de procéder à la refonte d’un PAG est, dans son essence même, prise dans l’intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu’à preuve du contraire6.

Par ailleurs, il échet de rappeler que la mutabilité des PAG relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné7. Il s’ensuit qu’en se fondant sur des considérations d’ordre urbanistique correspondant à une finalité d’intérêt général, les autorités communales peuvent procéder à des modifications de leur règlementation urbanistique, pourvu toutefois que la décision soit proportionnelle à son objectif et qu’elle soit dépourvue d’un dépassement dans le chef des autorités compétentes de leur marge d’appréciation, analyse qui sera effectuée ci-

après.

En l’espèce, il est constant en cause que sous l’empire de l’ancien PAG, les parcelles litigieuses étaient classées en zone agricole [AGR], désignée ci-après par « zone [AGR] », et que, dans le cadre de la refonte du PAG, il a été décidé de maintenir le classement desdites parcelles en zone [AGR] et de superposer, à titre indicatif, « un biotope protégé ». Les consorts (AB) contestent le maintien de leurs parcelles en zone [AGR] et sollicitent le classement de leurs parcelles en zone [HAB-1], superposée d’une zone soumise à un PAP NQ.

Le tribunal relève, en premier lieu, que la commune, dans sa décision du 8 février 2022, a justifié le maintien du classement des parcelles des demandeurs en zone [AGR] par le souci d’éviter un développement tentaculaire à l’extérieur de la zone urbanisée, respectivement à l’extrémité de la localité de Bofferdange-Helmdange. Le ministre a confirmé le choix communal de maintenir les parcelles litigieuses en zone [AGR] en mettant encore en avant que lesdites parcelles seraient exposées à la vue lointaine, de sorte que leur urbanisation aurait un impact paysager négatif certain, tout en ajoutant qu’elles abriteraient un biotope protégé et que l’instauration d’une zone de protection nationale à cet endroit serait actuellement en cours de procédure.

En ce qui concerne les considérations urbanistiques mises en avant par la commune pour refuser de faire droit à la demande de reclassement des parcelles litigieuses en zone constructible formulée par les consorts (AB), le tribunal relève que l’accent mis sur un développement concentrique d’une agglomération par exclusion, dans la mesure du possible, de toute excroissance d’ordre tentaculaire ou désordonnée répond à des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations de nature à tendre à confluer de manière utile avec l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné et est de nature à tendre à une finalité d’intérêt général8.

6 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 10 et les autres références y citées.

7 Trib. adm., 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm., 20 décembre 2001, n° 13291C du rôle, Pas.

adm. 2023, V° Urbanisme, n° 231 (1er volet) et les autres références y citées.

8 Trib. adm., 4 décembre 2002, n° 14923 du rôle, confirmé par Cour adm., 1er juillet 2003, n° 15879C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 186 et les autres références y citées.

11 Il y a, à cet égard, tout d’abord, lieu de constater que les parcelles litigieuses sont situées à l’extrémité de la localité de Bofferdange-Helmdange. S’il ressort certes de la partie graphique du PAG que les parcelles inscrites au cadastre sous les numéros (P2) et (P1) sont, pour partie et à leur extrémité nord et nord-est, attenantes à une zone d’habitation, il n’en reste pas moins que lesdites parcelles sont, pour le surplus, de même que les autres parcelles litigieuses, entourées de verdure et de forêt - tel qu’en témoignent les photos reproduites dans les mémoires en réponse respectifs des parties communale et étatique - pour être adjacentes à une zone forestière [FOR], ci-après désignée par « zone [FOR] », et une zone [AGR].

Il échet ensuite de relever que la zone d’habitation située en face des parcelles des demandeurs le long de la rue … se caractérise d’ores et déjà par un développement tentaculaire manifeste, situation regrettable résultant, suivant les explications de la partie communale, d’un régime urbanistique antérieur. Le tribunal se doit de rejoindre, à cet égard, la partie communale dans son constat suivant lequel un possible arrondissement harmonieux de ladite zone urbanisée aux fins d’éradiquer le tentacule existant prémentionné ne saurait s’opérer à travers le classement des parcelles litigieuses en zone constructible, tel que le font plaider les demandeurs. En effet, comme il ressort tant des explications fournies par la partie communale que de la partie graphique du PAG, que les parcelles litigieuses sont séparées de la zone d’habitation située le long de la rue … par une zone verte, constituée de parcelles classées en zone [AGR] et en zone [FOR], leur classement en zone constructible ne permettrait - en raison de l’interstice que constitue ladite zone verte - pas de relier celle-ci à la zone d’habitation située dans la rue ….

Force est dès lors de constater qu’un classement des parcelles litigieuses en zone [HAB-1] superposée d’une zone soumise à un PAP NQ, tel que sollicité par les demandeurs, n’aurait pas comme conséquence une urbanisation harmonieuse du territoire communal, en raison du fait qu’il n’engendrerait pas la suppression du tentacule d’ores et déjà existant situé à la hauteur de la rue …, mais provoquerait, au contraire, le développement d’une extension tentaculaire à la hauteur des parcelles litigieuses, alors que celles-ci sont, tel que retenu ci-

avant, situées à l’extrémité de la localité de Bofferdange-Helmdange et, pour la plupart, entièrement entourées d’une zone verte.

Le même constat s’impose concernant le classement de la seule parcelle inscrite au cadastre sous le numéro (P2) en zone constructible, dans la mesure où un tel classement ne permettrait pas de combler de manière cohérente et harmonieuse le territoire communal entre la rue … et la rue …, contrairement à ce que font plaider les demandeurs, mais engendrerait, tel que relevé à juste titre par la partie communale, une densification des constructions à l’extrémité de la localité de Bofferdange-Helmdange. S’il est vrai qu’il ressort de la partie graphique du PAG, tel que retenu ci-avant, que certaines des parcelles avoisinantes, en l’occurrence celles se trouvant au nord et à l’est de la parcelle litigieuse en question, sont situées en zone urbanisée, cette circonstance ne saurait à elle seule justifier, indépendamment de toute autre considération urbanistique, et eu égard notamment à la situation déconnectée de ladite parcelle litigieuse par rapport à la localité de Bofferdange-Helmdange, un classement de celle-

ci en zone constructible, alors qu’une densification des constructions à cet endroit ne ferait qu’accentuer le développement d’une extension tentaculaire entre la rue … et la rue ….

Partant, l’inclusion des parcelles litigieuses, respectivement l’inclusion de la seule parcelle litigieuse inscrite au cadastre sous le numéro (P2) dans le périmètre d’agglomération ne serait pas conforme à une urbanisation cohérente de la localité de Bofferdange-Helmdange dans la mesure où lesdites inclusions favoriseraient, tel que constaté ci-avant, nécessairement 12le développement d’une extension tentaculaire et désordonnée aux abords de ladite localité, de sorte que le choix opéré par l’autorité communale et entériné par l’autorité de tutelle de maintenir lesdites parcelles en zone [AGR] se justifie par des arguments vérifiés quant à leur matérialité et tirés d’une saine urbanisation, tendant à une finalité d’intérêt général, à savoir une utilisation rationnelle du sol et de l’espace urbain ainsi qu’un développement harmonieux du territoire de la commune de Lorentzweiler, conformément aux objectifs inscrits aux points a) et b) de l’article 2, précité, de la loi du 19 juillet 2004. Les développements des consorts (AB) tendant à voir intégrer leurs parcelles dans le périmètre d’agglomération laissent dès lors d’être fondés.

Etant donné que ce seul constat suffit pour permettre au tribunal de retenir que le maintien du classement des parcelles des consorts (AB) en zone non aedificandi est légalement justifié, il devient surabondant de prendre position quant aux contestations des demandeurs ayant trait à l’argumentaire supplémentaire du ministre relatif à la mise en place projetée d’une zone de protection nationale à l’endroit des parcelles litigieuses. Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation des demandeurs selon laquelle (i) l’urbanisation, même partielle, de leurs parcelles n’engendrerait pas un impact négatif certain sur le paysage de la localité de Bofferdange-Helmdange et ii) la présence d’un biotope protégé ne pourrait, en raison du caractère indicatif de cette mention dans le PAG, pas être invoquée par les autorités communale et étatique pour justifier le maintien de leurs parcelles en zone verte.

La conclusion du tribunal suivant laquelle le choix des autorités compétentes de maintenir les parcelles litigieuses en zone [AGR] n’encourt pas de critique pour tendre à une finalité d’intérêt général n’est pas ébranlée par l’argumentation des demandeurs relative à une pénurie de terrains à bâtir au Luxembourg, ni par celle ayant trait à la nécessité de réaliser de nouveaux logements, alors que de telles argumentations ne justifient pas le classement de toute parcelle non construite en zone constructible. En effet, le développement de l’urbanisation doit se faire dans le respect des objectifs de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 et ne saurait aboutir à un développement désordonné et incohérent des localités. En l’espèce, le tribunal vient précisément de retenir que les décisions déférées ayant classé les parcelles litigieuses en zone [AGR] répondent aux exigences de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 en s’inscrivant dans le contexte d’une utilisation rationnelle du sol et de l’espace urbain ainsi que d’un développement harmonieux des structures urbaines et rurales de la localité de Bofferdange-

Helmdange.

Au vu des conclusions qui précèdent et à défaut d’autres moyens, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

13Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 14 octobre 2024 par le vice-président Alexandra Castegnaro, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castgenaro 14


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 48553
Date de la décision : 14/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-10-14;48553 ?

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