Tribunal administratif N° 51415 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51415 2e chambre Inscrit le 27 septembre 2024 Audience publique du 7 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A), Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 51415 du rôle et déposée le 27 septembre 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Karima HAMMOUCHE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 6 septembre 2024, erronément attribuée au « ministre de l’Immigration et de l’Asile », ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 octobre 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Karima HAMMOUCHE et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.
Il ressort d’un rapport, dit « Fremdennotiz », portant le numéro …, daté du 9 juillet 2024, de la police grand-ducale, service de police judiciaire, qu’à cette même date, Monsieur (A) fit l’objet d’un contrôle par les agents de police alors qu’il se trouvait dans une maison inhabitée.
A cette occasion, il ne put présenter de documents d’identité ou de voyage valides, autres qu’une carte d’identité belge falsifiée.
Une recherche effectuée le même jour dans la base de données du système d’information Schengen (« SIS ») révéla que Monsieur (A) y faisait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire français depuis le 7 décembre 2022 jusqu’au 7 décembre 2025.
Par arrêté du 9 juillet 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur (A) au Luxembourg, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir l’Algérie, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou à destination d’un autre pays dans 1lequel il est autorisé à séjourner et lui interdit l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans.
Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :
« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport numéro … du 9 juillet 2024 établi par la Police grand-ducale ;
Vu ma décision de retour du 9 juillet 2024, lui notifiée le même jour, assortie d’une interdiction d’entrée de 5 ans ;
Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant que l’intéressé a fait usage d’un faux document identité ;
Considérant que l’intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Une recherche effectuée dans la base de données EURODAC le 11 juillet 2024 indiqua un « No hit ».
Le recours contentieux introduit le 31 juillet 2024 contre l’arrêté, précité, du 9 juillet 2024 fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 7 août 2024, inscrit sous le numéro 50837 du rôle.
Par arrêté du 8 août 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question. Le recours contentieux introduit le 16 août 2024 contre l’arrêté, précité, du 8 août 2024 fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 22 août 2024, inscrit sous le numéro 50934 du rôle.
Par arrêté du 6 septembre 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le 9 septembre 2024, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :
« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
2Vu mes arrêtés des 9 juillet et 8 août 2024, notifiés le 9 juillet respectivement le 9 août 2024, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 9 juillet 2024 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l’éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 septembre 2024, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté, précité, du 6 septembre 2024 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, en précisant être âgé de … ans et être de nationalité algérienne.
En droit, le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir eu recours à une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention en se prévalant des articles « 22 (b) point 3 » et 22, paragraphe (2), point d) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », de l’article 28, paragraphes (1) et (2) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-
après désigné par « le règlement Dublin III », et de l’article 8 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, ci-après désignée par « la directive Accueil ».
Dans ce contexte, il conteste l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite en soutenant qu’un tel risque ne pourrait être déduit de son comportement personnel. Il estime qu’il aurait en tout état de cause appartenu au ministre de démontrer sur quels critères de risques ou sur quelle base, il a pu retenir dans son chef l’existence d’un risque de fuite, ce d’autant plus qu’il aurait collaboré pour faciliter son identification. A cela s’ajouterait qu’il apparaîtrait que les démarches accomplies par les services du ministre pour assurer son éloignement ne seraient pas suffisantes puisque lesdits services ne se seraient adressés que deux fois à l’autorité consulaire algérienne.
3Comme le ministre aurait fait une mauvaise interprétation de sa situation particulière, il devrait être admis que la mesure de placement en rétention serait disproportionnée, de sorte que la décision afférente de proroger celle-ci serait entachée d’un excès de pouvoir.
Sur ce dernier point, il souligne encore avoir été placé automatiquement en rétention dans l’attente de son éloignement vers l’Algérie et ce alors même que le ministre aurait eu la possibilité de l’inviter à repartir par ses propres moyens s’il avait estimé qu’il ne pouvait pas se maintenir sur le territoire luxembourgeois.
Le demandeur fait encore plaider que la décision déférée méconnaîtrait ses droits fondamentaux.
A cet égard, il invoque, d’abord, une atteinte à sa liberté d’aller et de venir, par référence aux articles 12 de la Constitution et 5, paragraphe (1), point f) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », en soutenant, en substance, que la mesure litigieuse aurait été prise de mauvaise foi, qu’elle ne serait pas proportionnée au but poursuivi et que la procédure ne se serait pas déroulée dans des conditions appropriées, alors que le ministre n’aurait pas pris en compte sa situation particulière.
Ensuite, le demandeur soutient que la décision déférée méconnaîtrait le principe du contradictoire, en se prévalant des articles 6 et 13 de la CEDH, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », 121, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, 1er de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, ci-après désignée par la « loi du 1er décembre 1978 », et 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ».
A cet égard, il affirme avoir dû être entendu préalablement à la prise de l’arrêté déféré et avoir accès aux éléments ayant conduit à son placement en rétention. Il souligne encore qu’il appartiendrait à l’autorité ministérielle de fournir les raisons à la base du placement en rétention et de permettre à la personne concernée d’avoir accès à un contrôle juridictionnel accéléré, le demandeur renvoyant, à cet égard, aux articles 8 à 11 de la directive Accueil et 15 à 17 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive Retour ».
En se prévalant des articles 8 de la directive Accueil, 28, paragraphe (3) du règlement Dublin III et 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur soutient encore que les démarches entreprises par le ministre seraient insuffisantes pour écourter au maximum sa privation de liberté qui aurait commencé avec son placement en rétention le 9 juillet 2024. A cet égard, il reproche au ministre de s’être limité à contacter à deux reprises seulement les autorités consulaires algériennes à Bruxelles, le dernier contact ayant eu lieu le 2 août 2024.
Finalement, il soutient que la durée de son placement en rétention serait anormalement longue, en se prévalant d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par la « CJUE », du 13 septembre 2017, affaire Mohammad Khir Amayry contre Migrationsverket, C-60/16, dans lequel la Cour aurait retenu que la rétention devrait être aussi brève que possible, qu’elle ne devrait pas s’étendre au-delà du temps nécessaire et qu’elle ne 4saurait excéder « largement une durée de six semaines pendant lesquelles le transfert aurait valablement pu être effectué ».
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
A titre liminaire, il convient de préciser que le tribunal n’est pas lié par l’ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis et qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
En ce qui concerne tout d’abord le moyen tiré d’une violation du principe du contradictoire, le tribunal rappelle qu’à cet égard, le demandeur se prévaut des articles 1er de la loi du 1er décembre 1978 et 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 (droit à la communication de l’intégralité du dossier administratif), de l’article 6 de la CEDH (droit à un procès équitable), des articles 13 de la CEDH et 47 de la Charte (droit à un recours effectif), ainsi que de l’article 121, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 (notification de la décision de placement en rétention dans une langue dont il est raisonnable de supposer que l’intéressé la comprend).
Outre le fait que le demandeur reste en défaut de mettre en relation ces différents articles avec sa situation personnelle, il y a lieu de constater que, concrètement, les reproches de Monsieur (A) reposent, en substance et de l’entendement du tribunal, sur les considérations selon lesquelles, d’une part, il n’aurait pas été entendu préalablement à la prise de l’arrêté litigieux et, d’autre part, il n’aurait pas pu accéder aux éléments ayant conduit à la prise dudit arrêté.
Or, il ne ressort d’aucune des dispositions invoquées par le demandeur qu’un administré devrait être entendu préalablement à la prise d’une décision ordonnant son placement au Centre de rétention ou la prorogation de celui-ci, ni que, dans pareille hypothèse, l’administration serait tenue de lui communiquer spontanément, sans demande de sa part, les éléments d’information sur lesquels elle s’est basée ou entend se baser, étant précisé que les informations visées par l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sont quérables par l’administré et non point portables par l’administration1.
Par ailleurs, le tribunal constate, d’une part, qu’au cours de la procédure précontentieuse, le litismandataire du demandeur a sollicité et obtenu la communication du dossier administratif de son mandant et, d’autre part, que le demandeur n’a pas autrement remis en question le caractère complet du dossier lui ainsi communiqué.
Au vu de ces considérations, et à défaut d’autres éléments, le tribunal retient que le moyen tiré d’une violation du principe du contradictoire est à rejeter pour ne pas être fondé.
Cette conclusion n’est pas énervée par les développements du demandeur selon lesquels il appartiendrait à l’administration de fournir les raisons de la rétention et de permettre à la personne concernée d’avoir accès à un contrôle juridictionnel accéléré.
1 Sur ce dernier point, voir, par analogie : Cour adm., 21 février 2013, n° 29466aC du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 126 et les autres références y citées.
5En effet, outre le fait qu’à travers le recours sous examen, le demandeur a bien eu accès à un tel contrôle juridictionnel accéléré, la directive Accueil, dont Monsieur (A) se prévaut dans ce contexte, n’est pas pertinente en l’espèce, alors qu’elle s’applique, conformément à son article 3, aux demandeurs de protection internationale, qualité que le demandeur n’a pas.
Si, dans ce même contexte, le demandeur se prévaut encore des articles 15 à 17 de la directive Retour, le tribunal relève que celle-ci a été transposée en droit luxembourgeois par le biais de la loi du 1er juillet 2011 modifiant la loi du 29 août 2008 et la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015.
Or, les directives ne peuvent être directement applicables et invoquées par les seuls justiciables que si leurs dispositions sont inconditionnelles et suffisamment précises et que l’Etat n’a pas transposé dans les délais ladite directive ou s’il en a fait une transposition incorrecte2.
Etant donné qu’en l’espèce, le demandeur n’allègue, ni a fortiori ne prouve que l’Etat luxembourgeois serait resté en défaut de transposer ladite directive dans les délais impartis ou en aurait fait une transposition incorrecte, il y a lieu de retenir qu’il n’est pas fondé à se prévaloir directement des dispositions communautaires invoquées, mais qu’il lui aurait appartenu d’invoquer à la base de ses prétentions les dispositions de la loi du 29 août 2008, applicable à la décision déférée.
Pour autant qu’à travers son affirmation selon laquelle il appartiendrait à l’administration de fournir les raisons de la rétention, le demandeur ait entendu soulever un défaut de motivation de la décision déférée, le tribunal relève qu’il n’existe aucun texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée. L’argumentation afférente doit, dès lors, être rejetée pour ne pas être fondée.
S’agissant ensuite de l’argumentaire du demandeur ayant trait au défaut de recours à une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, à l’absence, dans son chef, d’un risque de fuite et au caractère disproportionné de la mesure litigieuse, le tribunal relève qu’à cet égard, Monsieur (A) se prévaut des dispositions des articles « 22 (b) point 3 » et 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, 28, paragraphes (1) et (2) du règlement Dublin III, et 8 de la directive Accueil.
Or, les différentes dispositions ainsi invoquées ne trouvent pas application en l’espèce, étant donné que l’arrêté ministériel déféré a été pris sur base de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, et non pas de la loi du 18 décembre 2015, ni du règlement Dublin III, ni de la directive Accueil, textes qui concernent plus particulièrement les demandeurs de protection internationale, catégorie à laquelle Monsieur (A) n’appartient pas.
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a, en réalité, été pris, prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du 2 Trib. adm., 9 octobre 2003, n°15375 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et règlements, n° 97 et les autres références y citées.
6ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
7En l’espèce, et tel que cela avait déjà été retenu par le tribunal administratif dans ses jugements des 7 et 22 août 2024, prémentionnés, il est constant en cause que le demandeur, qui a fait l’objet d’une décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans, en date du 9 juillet 2024, se trouve en situation de séjour irrégulier au Luxembourg.
Il s’ensuit qu’il existe dans son chef un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.
A l’instar de ce qui a été retenu dans les jugements prévisés des 7 et 22 août 2024, le tribunal se doit de relever que cette conclusion n’est pas énervée par les contestations du demandeur quant à l’existence d’un tel risque de fuite dans son chef, le demandeur restant toujours en défaut de fournir le moindre élément permettant de renverser la présomption de risque de fuite existant dans son chef.
Dans ces circonstances, le tribunal retient que les contestations du demandeur quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite sont à rejeter.
Pour les mêmes motifs, et au-delà de toute autre considération, la même conclusion s’impose en ce qui concerne l’argumentation du demandeur selon laquelle il aurait appartenu au ministre, au lieu de le placer au Centre de rétention, de l’inviter à quitter le territoire luxembourgeois par ses propres moyens.
Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.
S’agissant, ensuite, de l’argumentation de Monsieur (A) ayant trait à l’application d’une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit :
« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
8b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes3.
En l’espèce, comme retenu ci-avant, le tribunal ne s’est toujours pas vu soumettre par le demandeur de quelconques éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef. Le tribunal en déduit qu’à défaut d’autres éléments, le demandeur, qui ne dispose ni d’attaches, ni d’un domicile fixe déclaré au Luxembourg, n’a pas présenté d’éléments permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes y visées s’impose.
C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
3 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.
9 En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue d’écourter au maximum sa privation de liberté, le tribunal relève que dans ses jugements prémentionnés des 7 et 22 août 2024, il a été retenu qu’au moment où il était amené à statuer, le dispositif d’éloignement était toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise.
Pour ce qui est des démarches entreprises depuis le jugement du 22 août 2024, respectivement depuis la prise de l’arrêté ministériel de prorogation du placement en rétention du 6 septembre 2024, il se dégage du dossier administratif qu’après que l’Unité de Garde et d’Appui opérationnel (« UGAO ») ait été chargée en date du 9 août 2024 d’organiser l’éloignement du demandeur vers l’Algérie, celle-ci a été relancée le 3 septembre 2024 et qu’en date du 11 septembre 2024, l’UGAO a fait parvenir aux services du ministre un plan de vol vers Alger dont il se dégage que l’éloignement du demandeur est prévu pour le 11 octobre 2024. Il ressort encore du dossier administratif que le 17 septembre 2024, les autorités consulaires algériennes ont informé le ministre qu’elles étaient disposées à délivrer un laissez-
passer dans le chef du demandeur.
Au vu de ce qui précède et plus particulièrement compte tenu du fait que la date pour le vol du retour du demandeur est déjà connue à ce jour, le tribunal est amené à constater qu’au moment où il statue le ministre a non seulement à suffisance documenté les démarches entreprises pour écourter au maximum le placement de Monsieur (A) en rétention, mais que, par ailleurs, ces démarches témoignent du fait que le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise. Les reproches tenant à une prétendue absence de diligences du ministre en vue d’organiser l’éloignement rapide du demandeur, ainsi que ceux tenant à une prétendue impossibilité de procéder à son éloignement, sont dès lors à rejeter pour ne pas être fondés.
Au vu des considérations qui précèdent et compte tenu du fait que la durée maximale de rétention, fixée à six mois par l’article 120, paragraphe (3), n’a pas été dépassée en l’espèce, c’est encore à tort que le demandeur soutient que son placement en rétention serait d’une durée anormalement longue, étant précisé que l’arrêt, précité, de la CJUE du 13 septembre 2017, dont il se prévaut dans ce contexte, n’est pas pertinent dans le cadre du présent litige, étant donné qu’il concerne l’hypothèse, non vérifiée en l’espèce, d’un placement en rétention en vertu des dispositions de l’article 28 du règlement Dublin III.
Enfin, quant à l’invocation par le demandeur d’une violation de ses libertés fondamentales, à savoir son droit à la liberté consacré par l’article 5 de la CEDH et par l’ancien article 12 de la Constitution, devenu l’article 17 de la Constitution révisée, entrée en vigueur le 1er juillet 2023, il y a lieu de rappeler qu’aux termes dudit article 5 de la CEDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : […] f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».
Il ressort ainsi du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f), précité, de la CEDH que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu 10dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays4.
Etant donné que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour en date du 9 juillet 2024, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et qu’une procédure d’éloignement à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement, sans violer l’article 5 de la CEDH.
L’article 17 de la Constitution prévoit, quant à lui, ce qui suit : « (1) La liberté individuelle est garantie.
(2) Nul ne peut être poursuivi, arrêté ou privé de sa liberté que dans les cas prévus et dans la forme déterminée par la loi. […] ».
Or, cet article permet la privation de liberté pour autant qu’elle soit prévue par la loi, condition qui est remplie en l’espèce, étant donné que le placement au Centre de rétention est prévu par l’article 120 de la loi du 29 août 2008 sur base duquel l’arrêté litigieux a été pris.
Il s’ensuit que l’argumentation du demandeur ayant trait à une violation des articles 5 de la CEDH et 17 de la Constitution est à rejeter pour ne pas être fondée.
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal arrive à la conclusion que contrairement à l’argumentation du demandeur, la prorogation de la mesure de placement en rétention litigieuse n’est ni arbitraire, ni disproportionnée et qu’aucun excès de pouvoir ne peut être reproché au ministre.
Il suit de tout ce qui précède qu’en l’état actuel du dossier et à défaut d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
4 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 812 et les autres références y citées.
11Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 7 octobre 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 12