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07/10/2024 | LUXEMBOURG | N°47701

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 octobre 2024, 47701


Tribunal administratif N° 47701 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47701 2e chambre Inscrit le 15 juillet 2022 Audience publique du 7 octobre 2024 Recours formé par Madame (A) et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47701 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2022 par Maître David Yurtman, avocat à Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) Madame (A), de

meurant à L-… ;

2) Madame (B), demeurant à L-… ;

3) Madame (C), demeurant à L-… ;

tendan...

Tribunal administratif N° 47701 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47701 2e chambre Inscrit le 15 juillet 2022 Audience publique du 7 octobre 2024 Recours formé par Madame (A) et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47701 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2022 par Maître David Yurtman, avocat à Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) Madame (A), demeurant à L-… ;

2) Madame (B), demeurant à L-… ;

3) Madame (C), demeurant à L-… ;

tendant à l’annulation de la « […] décision prise par Madame le Ministre de l’Intérieur datée du 16 décembre 2021 […] portant approbation partielle de la délibération du Conseil Communal du 18 février 2021 portant adoption de la refonte du plan d’aménagement général […] présentée par les autorités communales de la commune de HABSCHT […] » ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2022 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B186371, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Christian Point, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2022 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2023 par Maître David Yurtman, au nom de ses mandantes, préqualifiées ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 février 2023 par la société anonyme Arendt & Medernach SA, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que l’acte critiqué ;

1 Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Choubeila Laib, en remplacement de Maître David Yurtman, et Maître Martial Barbian, en remplacement de Maître Christian Point, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 avril 2024.

Lors de sa séance publique du 11 juillet 2019, le conseil communal de Habscht, ci-après désigné par le « conseil communal », émit un vote favorable, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », sur le projet d’aménagement général et chargea le collège des bourgmestre et échevins, ci-après désigné par « le collège échevinal », de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.

Lors de sa séance publique du 18 février 2021, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du projet d’aménagement général et, d’autre part, adopta ledit projet.

Par décision du 16 décembre 2021, le ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre » approuva partiellement la délibération du conseil communal du 18 février 2021 portant adoption du projet d’aménagement général, en refusant d’approuver une série d’extensions du périmètre d’agglomération qui avaient été votées par le conseil communal lors de sa séance du 18 février 2021, tout en statuant pour le surplus sur les réclamations lui soumises.

Par avis au public du 28 décembre 2021, la décision ministérielle du 16 décembre 2021 approuvant partiellement la délibération du conseil communal du 18 février 2021 portant adoption du projet d’aménagement général fut affichée et publiée.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 13 juillet 2022, Madame (A), Madame (B) et Madame (C), ci-après désignées par « les consorts (ABC) », agissant en leur qualité de propriétaires d’une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Habscht, Section … de Hobscheid, portant le numéro (P1), ci-après désignée par « la parcelle (P1) », soumirent, par l’intermédiaire de leur litismandataire, au ministre leurs contestations relatives à la décision de celui-ci du 16 décembre 2021, de refuser d’inclure une partie de la parcelle (P1) dans le périmètre d’agglomération.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2022, les consorts (ABC) ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la […] décision prise par Madame le Ministre de l’Intérieur datée du 16 décembre 2021 […] portant approbation partielle de la délibération du Conseil Communal du 18 février 2021 portant adoption de la refonte du plan d’aménagement général […] présentée par les autorités communales de la commune de HABSCHT […] ».

I. Quant à la compétence du tribunal Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le 2 régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1.

Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation sous examen.

II. Quant à la recevabilité du recours Dans le cadre de son mémoire en réponse, la partie étatique soulève, tout d’abord, l’irrecevabilité du recours introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 16 décembre 2021, pour cause de tardivité. Elle soutient, à cet égard, qu’il serait de jurisprudence constante que la décision ministérielle portant approbation d’un plan d’aménagement général (« PAG »), respectivement refusant d’approuver un PAG, constituerait par essence même un acte à caractère réglementaire, ce qu’admettraient d’ailleurs, elles-mêmes, les parties demanderesses dans leur requête introductive d’instance.

En se référant à l’article 16 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », elle fait valoir que le délai d’introduction d’un recours contre un acte administratif à caractère réglementaire serait de trois mois à partir de la publication de l’acte attaqué ou, à défaut de publication, à partir de la notification de l’acte attaqué ou du jour où le requérant en aurait eu connaissance.

La partie étatique fait valoir qu’en l’espèce, la décision ministérielle déférée aurait été publiée et affichée dans la commune de Habscht à compter du 28 décembre 2021, conformément à l’article 82 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988. En outre, l’adoption et l’approbation du PAG refondu, ainsi que sa publication dans la commune, auraient fait l’objet d’une publication au journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, Mémorial B, sous le numéro 143 du 20 janvier 2022. Il s’ensuivrait que le délai légal de recours contentieux de trois mois, fixé par l’article 16 de la loi du 21 juin 1999, prémentionné, aurait expiré le 28 mars 2022, sinon le 20 avril 2022. La partie étatique en conclut que le recours en annulation, ayant été introduit par les parties demanderesses en date du 15 juillet 2022, serait à déclarer irrecevable pour cause de tardivité.

Dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses indiquent n’avoir eu connaissance de l’entrée en vigueur du PAG refondu que dans le cadre d’une entrevue avec le service technique de la commune s’étant tenue en date du 6 mai 2022, de sorte que le délai de recours de trois mois n’aurait commencé à courir qu’à compter de cette date. Elles se rapportent, pour le surplus, à prudence de justice.

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique reprend, pour l’essentiel, les développements contenus dans son mémoire en réponse tout en précisant que les parties demanderesses n’apporteraient aucun élément concret et probant permettant de retenir qu’elles 1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 59 et les autres références y citées.

3 n’auraient eu connaissance de la décision ministérielle déférée et de ses implications pour la parcelle litigieuse qu’en date du 6 mai 2022. Elle ajoute que selon les dispositions de l’article 16 de la loi du 21 juin 1999, ce ne serait qu’à titre subsidiaire et uniquement dans le cas où un acte administratif à caractère réglementaire n’aurait pas été publié, que le délai de recours contentieux contre un tel acte commencerait à courir soit à compter du jour de sa notification au requérant, soit à compter du jour où ce dernier en aurait eu connaissance de manière effective.

Il convient de prime abord de rappeler que les décisions d’approbation ou de refus d’approbation d’un PAG sont de nature réglementaire2.

En ce qui concerne le délai de recours contre les actes administratifs à caractère réglementaire, celui-ci est réglementé par l’article 16 de la loi du 21 juin 1999, article aux termes duquel : « Le délai d’introduction [du recours] est de trois mois à partir de la publication de l’acte attaqué ou, à défaut de publication, de la notification ou du jour où le requérant en a eu connaissance ».

Il ressort du libellé clair et précis de ladite disposition légale que le point de départ du délai pour introduire un recours contentieux contre un acte administratif à caractère réglementaire est en principe le jour de la publication de l’acte en question et à défaut de publication, le jour de la notification ou encore, faute de notification, le jour ou l’administré a eu connaissance dudit acte.

Le tribunal relève ensuite que si les dispositions de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 ne comportent aucune précision quant aux formes imposées pour la publicité ou la communication des décisions ministérielles d’approbation ou de refus d’approbation de projets d’aménagement, ni d’ailleurs les dispositions de l’article 19 de la même loi, qui ne se réfèrent que de manière générale au « PAG », sans viser concrètement la décision d’approbation du ministre, force est néanmoins de retenir qu’au niveau de l’adoption d’un projet d’aménagement par le conseil communal, il est prévu à l’article 15 de la loi du 19 juillet 2004 que la décision du conseil communal est notifiée par lettre recommandée avec avis de réception aux personnes ayant introduit des objections et observations écrites auprès du collège échevinal.

Il est encore de jurisprudence constante que, dans la mesure où une décision ministérielle est à qualifier d’approbation tutélaire qui confirme ex post la validité de la délibération communale d’adoption d’un projet d’aménagement général et qu’elle se greffe partant sur cette dernière, elle doit suivre le même régime de publicité et de notification que la délibération communale en cause.

Il n’en reste pas moins que la situation de l’espèce est particulière en ce sens que la décision du conseil communal du 18 février 2021 n’a jamais été notifiée individuellement aux parties demanderesses, tel que prévu à l’article 15 de la loi du 19 juillet 2004, prémentionné, alors qu’elles n’ont pas présenté au collège échevinal d’observations écrites à l’égard du projet d’aménagement général en raison du fait que leur situation personnelle ne s’est pas trouvée affectée négativement par ledit projet.

2 Voir en ce sens : Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 59 et les autres références y citées.

4 Si certes leur situation administrative s’est par la suite trouvée affectée négativement par la décision ministérielle d’approbation partielle du projet de PAG en raison du refus ministériel d’inclure une partie de leurs parcelle dans le périmètre d’agglomération, il n’en reste pas moins qu’à défaut d’avoir eu la qualité de réclamants contre la délibération du conseil communal portant adoption du projet de PAG, une notification individuelle de la décision ministérielle d’approbation partielle de la délibération du conseil communal aux parties demanderesses ne s’imposait pas. La publication du 28 décembre 2021 par voie d’affichage de la décision ministérielle du 16 décembre 2021 a, dès lors, en l’espèce été suffisante pour déclencher utilement le délai de recours à leur égard.

Selon l’article 3, paragraphe (1) de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle, le 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984, ci-après désignée par « la Convention de Bâle », les délais exprimés en jours, semaines, mois ou années courent à partir du dies a quo, minuit, jusqu’au dies ad quem, minuit, les termes dies a quo désignant le jour à partir duquel le délai commence à courir et les termes dies ad quem désignant le jour où le délai expire.

L’article 4, paragraphe (2) de la Convention de Bâle prévoit encore que lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, le dies ad quem est le jour du dernier mois ou de la dernière année dont la date correspond à celle du dies a quo ou, faute d’une date correspondante, le denier jour du dernier mois.

Or, comme il est constant en cause que la décision ministérielle du 16 décembre 2021 approuvant partiellement la délibération du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général du 18 février 2021 a été publiée le 28 décembre 2021 par voie d’affiches dans la commune de Habscht, le délai pour agir à l’encontre de ladite décision ministérielle du 16 décembre 2021 a expiré trois mois après sa publication, à savoir le lundi 28 mars 2022 à minuit.

Dès lors, et dans la mesure où la requête introductive d’instance n’a été déposée au greffe du tribunal administratif qu’en date du 15 juillet 2022, le recours introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 16 décembre 2021 approuvant partiellement la délibération du conseil communal du 18 février 2021 portant adoption du projet d’aménagement général de la commune de Habscht est à déclarer irrecevable pour cause de tardivité.

III. Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure Au vu de l’issue du litige, les consorts (ABC) sont à débouter de leur demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 2.000 EUR sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000 EUR, telle que formulée par les demanderesses ;

5 condamne les demanderesses aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 7 octobre 2024 par le vice-président Alexandra Castegnaro, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castgenaro 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 47701
Date de la décision : 07/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-10-07;47701 ?

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