Tribunal administratif N° 46907 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46907 2e chambre Inscrit le 17 janvier 2022 Audience publique du 7 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A) et consort, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 46907 du rôle et déposée le 17 janvier 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Biélorussie), de nationalité biélorusse, et de son épouse, Madame (B), née le … à … (Ukraine), de nationalité ukrainienne, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 9 décembre 2021 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mars 2022 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 7 février 2024 autorisant Maître Louis Tinti et le délégué du gouvernement à produire chacun un mémoire supplémentaire ;
Vu le mémoire supplémentaire de Maître Louis Tinti déposé au greffe du tribunal administratif le 8 avril 2024 pour le compte de ses mandants ;
Vu le courrier du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er mars 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis Tinti et Madame le délégué du gouvernement Corinne Walch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 mai 2024.
Le 31 mars 2021, Monsieur (A) et son épouse, Madame (B), ci-après désignés par « les consorts (AB) », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
1 Leurs déclarations sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée / police des étrangers, dans un rapport du même jour.
En date des 16 juin, 9 et 14 juillet 2021, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Madame (B) fut entendue le 25 juin 2021 pour les mêmes raisons.
En date du 8 octobre 2021, Madame (B) fut à nouveau entendue dans le cadre d’un entretien supplémentaire consigné dans un rapport d’entretien complémentaire du même jour.
Par décision du 9 décembre 2021, notifiée aux intéressés par lettre recommandée expédiée le 15 décembre 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa les consorts (AB) que leurs demandes de protection internationale avaient été refusées comme non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :
« […] J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduites le 31 mars 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 31 mars 2021, votre rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes, Monsieur, du 16 juin et des 9 et 14 juillet 2021, le vôtre, Madame, du 25 juin 2021 et votre rapport d’entretien complémentaire du 8 octobre 2021, sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de vos demandes de protection internationale.
Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 31 mars 2021, que vous, Monsieur, avez disposé d’un visa émis par les autorités lituaniennes, valable du 1er septembre 2019 au 30 novembre 2019 et vous, Madame, d’un visa émis par les autorités lituaniennes, valable du 20 avril 2017 au 19 avril 2018. Vous prétendez que vos deux passeports vous auraient été confisqués par les autorités biélorusses et que vous auriez quitté la Biélorussie le 26 mars 2021, à bord d’un camion.
A noter que vous avez tous les deux initialement prétendu ne jamais avoir été en Europe, jusqu’à avoir été confrontés à vos visas respectifs. Monsieur, vous changez alors de version et prétendez avoir possédé de nombreux visas grâce auxquels vous auriez visité de nombreux pays en Europe, notamment la Lituanie, la Lettonie, la Pologne, la Grèce, la France, l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas. Convié à vous expliquer alors que vous n’avez disposé que d’un seul visa, vous vous limitez à dire que vous auriez voyagé en France pour rendre visite à des amis pendant la validité de votre visa lituanien. Suite à la vérification de vos téléphones portables, il a pu être retrouvé sur le vôtre, Madame, la réservation d’un ticket 2 d’avion pour le 5 février 2021, avec destination Amsterdam, émis à votre nom. Vous avez alors d’abord tenté de vous justifier en expliquant avoir voyagé en Thaïlande en 2020 et être retournée en Biélorussie par Amsterdam. Rendue attentive au fait que le ticket d’avion en question concerne un vol depuis Minsk en direction d’Amsterdam et que vous avez été en vacances en Thaïlande en été 2020, vous changez alors de version et prétendez que vous auriez acheté ledit ticket d’avion parce qu’on vous aurait expliqué que votre époux pourrait s’enfuir de prison et que des amis vous auraient assuré qu’ils pourraient régler le « problème » avec vos passeports.
En outre, il a pu être retrouvé sur votre portable votre demande, Madame, d’un visa adressée aux autorités polonaises dans le but de travailler en Pologne pour la société « (AA) ». Vous expliquez alors avoir effectué cette demande sur base de la copie de votre passeport et avoir essayé de travailler en Pologne pour faire sortir votre époux de prison en Biélorussie. Il ressort dans ce contexte de la réponse « Interpol » des autorités polonaises que vous avez bien bénéficié d’un visa D de longue durée pour la Pologne, valable du 26 mars 2021 au 12 septembre 2021. La Police Judiciaire conclut en outre que vous avez encore dû posséder un autre visa que vous cachez également aux autorités luxembourgeoises, au vu des derniers numéros de ce visa, visibles, respectivement, enregistrés, dans le cadre de votre achat du ticket d’avion.
Monsieur, concernant le ticket d’avion pour Amsterdam, vous expliquez que vous pourriez uniquement « angeben, dass meine Freunde hofften ich könne die Untersuchungshaft verlassen, im Februar, darum haben sie mir ein Ticket gekauft damit ich flüchten kann.
Dieselben haben bestimmt geglaubt ich, wenn ich aus dem Gefängnis komme, bekäme ich meinen Pass zurück und ich könnte ein Visum beantragen », de sorte que la Police Judiciaire a évidemment conclu que vous étiez donc aussi en possession d’un ticket d’avion en direction des Pays-Bas. Elle conclut dans ce même contexte qu’au vu de vos déclarations, «kann davon ausgegangen werden, dass er auch über ein Visum D oder einen Aufenthaltstitel verfügt ».
Monsieur, vous signalez auprès de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes être de nationalité biélorusse, de confession orthodoxe, être marié et originaire de …, où vous auriez vécu avec votre épouse dans sa maison et dernièrement travaillé dans le centre de divertissement « … ». Vous seriez un personnage connu chez vous et auriez été le propriétaire d’un club de nuit « … » et d’un café, vous auriez organisé des mariages, vous auriez mis en location un complexe de tennis et de ski nautique et vous auriez possédé plusieurs maisons ou appartements dans différentes villes que vous auriez également mis en location.
Vous seriez à la recherche d’une protection internationale parce que vous craindriez d’être condamné en Biélorussie à une peine de prison dépassant les dix ans, pour être accusé d’être le « Helfer des grössten Oppositionspolitikers » (p. 4 du rapport d’entretien).
Vous prétendez qu’en octobre 2020, après être retourné en Biélorussie de vos vacances en Thaïlande, vous auriez été en train de faire du jogging dans la forêt avec votre ami, lorsque vous auriez aperçu des personnes cagoulées et en uniforme, monter dans un minibus et partir.
Vous seriez par la suite passés à un endroit où vous auriez aperçu des centaines ou des milliers de passeports et « sonstige Dokumente » contenant le nom du Président de la Biélorussie, en train de brûler. Vous auriez continué votre exercice mais en revenant un peu plus tard au même endroit, vous auriez commencé à prendre en photo les restes des documents brûlés. A ce moment, ledit minibus serait réapparu et ses passagers auraient commencé à vous crier dessus.
Votre ami se serait alors enfui tandis que vous seriez resté immobile et auriez immédiatement été arrêté. Vous auriez été menotté, emmené dans leur véhicule et interrogé quant à l’identité 3 de votre ami joggeur. Vous auriez alors répondu que vous ne connaitriez pas cette personne.
Vous auriez été amené à un commissariat de police et placé en détention préventive. Ensuite, vous auriez été interrogé quant aux raisons vous ayant poussé à prendre en photo lesdits documents, on aurait voulu savoir à qui vous les auriez envoyés et on aurait été « höchst daran interessiert, wer dieser Mann war der mich begleitete ». Vous auriez simplement répondu que vous auriez pris ces photos par curiosité, que vous ne les auriez envoyées à personne et que vous ne connaitriez pas la personne qui vous aurait accompagné. Après une semaine, vous auriez été transféré vers la prison de …, où on vous aurait tout le temps posé les mêmes questions. Vous vous seriez tenu à votre version des faits. Après un certain temps, « stellten sie alles auf den Kopf » (p. 5 du rapport d’entretien) et vous auriez été accusé d’avoir brûlé les documents en question. Vous auriez également été accusé de faire partie de l’opposition et vous auriez alors compris qu’on essayerait de faire de vous un bouc émissaire dans le cadre des élections d’été 2020 dont les résultats auraient été falsifiées. Ainsi, vous seriez d’avis que les passeports brûlés auraient appartenu à des vieilles personnes ou des personnes inexistantes et que les autorités s’en seraient servies pour falsifier les élections. A cela s’ajoute que les policiers auraient retrouvé des communications sur votre portable que vous auriez eues avec votre ami (C), qui serait le dirigeant d’un syndicat d’opposition et qui vous aurait envoyé des vidéos lorsque vous auriez été en Thaïlande, concernant les événements qui auraient eu lieu en Biélorussie en rapport avec les élections. Ainsi, les policiers vous auraient également reproché de faire partie de l’opposition, ce d’autant plus qu’ils auraient des communications que vous auriez eues avec votre ami (D) qui serait directeur adjoint de l’entreprise pétrolière « (BB) », et dans lesquelles vous auriez critiqué le manque d’aide du gouvernement biélorusse dans le cadre des retours des citoyens biélorusses partis à l’étranger pendant la pandémie liée au Covid-19. Vous prétendez avoir directement écrit à la Première Ministre KOCHANOVA à travers (D) qui lui aurait transmis vos messages dans lesquels vous auriez exigé qu’elle fasse en sorte que le gouvernement envoie l’avion présidentiel en Thaïlande pour rapatrier les gens et que ces derniers soient transférés gratuitement ou à un prix abordable. Vous prétendez en outre avoir directement négocié avec la Première Ministre les conditions de prolongation de visas des Biélorusses se trouvant à l’étranger et lui avoir signalé qu’ils devraient au moins rapatrier les enfants et les femmes. « Nach langem Schweigen », la Première Ministre vous aurait répondu qu’un avion serait envoyé à Bangkok, mais ce dernier ne serait jamais arrivé.
Ensuite, vous auriez commencé à « das Ganze öffentlich zu tragen » (p. 7 du rapport d’entretien) et vous auriez écrit une lettre pour critiquer l’inaction des autorités biélorusses dans le cadre de ces rapatriements et des visas que vous auriez envoyée à « … », un site qui ferait plutôt partie de l’opposition. Ces communications auraient elles aussi été utilisées contre vous dans le cadre desdits interrogatoires. On aurait par ailleurs retrouvé sur votre portable des échanges que vous auriez eus avec (E), un blogueur et journaliste connu et avec (F), une connaissance qui aurait par le passé travaillé comme …, qui ferait partie de l’opposition et qui vous aurait proposé de rejoindre son équipe autour du candidat BABARIKO, qui aurait par la suite été arrêté. Vous continuez vos dires en prétendant qu’un juge d’instruction vous aurait de surcroît reproché que les murs de votre club de nuit auraient été peints en blanc et en rouge, les couleurs de l’opposition, et que des drapeaux de même type auraient été dressés sur le balcon d’un appartement que vous auriez loué. Vous supposez que des agents de l’unité spéciale de la police se seraient introduits chez vous et auraient accroché ces drapeaux dans le but de de se munir de preuves permettant de vous mettre en lien avec l’opposition et de vous forcer ainsi à signer des documents concernant les accusations portées contre vous.
Vous prétendez en tout cas vous être trouvé en prison pendant six mois et qu’on vous aurait accusé d’avoir brûlé lesdits passeports, de faire partie de l’opposition en tant que membre de l’équipe de BABARIKO pour lequel vous auriez falsifié les élections, d’avoir 4 critiqué le Président et d’« unter einer Decke zu stecken » (p. 8 du rapport d’entretien) avec votre ami, le champion olympique biélorusse (G), une figure publique et ancien homme politique, qui aurait fait partie du parti du Président, mais qui aurait depuis expliqué à un journaliste qu’il serait opposé à sa politique. Vous n’auriez toutefois pas commis les faits vous reprochés et vous ne seriez aucunement lié à l’opposition en Biélorussie.
Vous prétendez ensuite qu’on vous aurait de temps en temps remis votre portable pendant votre incarcération dans l’espoir que vous appelleriez votre ami joggeur que les autorités n’auraient toujours pas réussi à identifier ou retrouver. Etant donné que vous n’auriez pas divulgué le nom dudit joggeur, vous auriez alors été soumis à la torture, les mains menottées sur votre dos avant d’être soulevé avec une corde. Vous auriez aussi été « brutal gebogen une gezerrt » (p. 8 du rapport d’entretien) au niveau des mains, jusqu’à perdre conscience. Vous prétendez par ailleurs que votre avocat commis d’office ne vous aurait pas correctement aidé et qu’il aurait travaillé pour la police ou les services secrets. Vous auriez alors appelé un collègue de travail pour qu’il vous trouve un avocat, mais ce dernier ne vous aurait jamais été présenté. A cause des mauvaises conditions d’incarcération, vous auriez plusieurs fois dû être transféré dans l’hôpital de la prison, la dernière fois en mars 2021. Cette partie aurait été surveillée par « einen Aufseher » (p. 8 du rapport d’entretien), une personne qui serait également originaire de …, qui vous aurait connu et à qui vous auriez expliqué que vous voudriez vous enfuir et qu’il devrait penser à un prix pour vous rendre cette « Dienstleistung ». Vous prétendez que votre collègue de travail lui aurait alors versé la somme de 70.000.- euros. Ce surveillant, dont vous supposez qu’il ferait parti de l’unité spéciale de la police, vous aurait alors escorté à l’extérieur où un taxi vous aurait attendu et lequel vous aurait immédiatement amené chez votre cousine à Minsk. Vous auriez initialement voulu y rejoindre votre ami (H), alors qu’« Ich ahnte, dass meine Frau sich bei ihm befindet » (p. 8 du rapport d’entretien), mais vous auriez finalement eu peur d’être suivi par les autorités. Vous auriez alors rejoint ledit (H) le lendemain pour lui demander son aide. Après deux ou trois jours, « tout » aurait été réglé et vous auriez quitté la Biélorussie à bord d’un camion. Vous ajoutez qu’après votre départ, votre voisine vous aurait informé que des personnes sonneraient de temps en temps à votre porte et vous supposez que des personnes auraient été envoyées chez vous, déguisées en travailleurs et que « mit Hilfe von Montageseilen, die am Dach befestigt waren, sich auf die Höhe meiner Fenster herabgeseilt haben » (p. 9 du rapport d’entretien). A cela s’ajoute que les directeurs de la société « (CC) » à …, que vous connaitriez aussi et auxquelles vous loueriez deux maisons pour leurs employés, auraient tous été arrêtés et se trouveraient toujours en détention. Vous supposeriez que cet incident serait lié à vos problèmes.
Contrairement à vos explications données auprès de la Police Judiciaire, vous prétendez désormais n’avoir eu aucune idée dudit ticket d’avion en direction d’Amsterdam jusqu’à ce que vous avez été confronté au Luxembourg à ce sujet. Selon cette version, comme d’habitude, votre épouse se serait occupée seule de cette histoire de ticket d’avion, probablement dans l’espoir que vous seriez libéré et que vous pourriez quitter le pays ensemble. Vous ne pourriez rien dire de plus alors que « es war ähnlich wie mit dem Visum.
Wir sind so viel gereist und einige Tickets sind auch verloren gegangen. lch kann ihnen da wirklich keine Angaben geben » (p. 4 de votre rapport d’entretien, Monsieur). Dans ce contexte, vous seriez en outre d’avis que votre épouse aurait été en possession d’un visa pour la Pologne « zwecks shopping » (p. 4 du rapport d’entretien), mais que finalement, elle n’y aurait jamais été.
5 Madame, vous signalez être de nationalité ukrainienne et avoir vécu en Ukraine jusqu’en 2010, avant de vous marier et de vous installer en Biélorussie. Vous confirmez n’avoir connu aucun problème en Ukraine (p. 3 du rapport d’entretien complémentaire). Vous confirmez les dires de votre époux dans les grandes lignes. Vous prétendez toutefois que vous seriez partis ensemble depuis … vers Minsk (p. 4 du rapport d’entretien), tout en prétendant à la page suivante de votre entretien que vous auriez rejoint votre époux à Minsk. Vous prétendez en outre n’avoir eu aucun contact avec votre époux pendant son incarcération. Ainsi, vous auriez initialement lancé un appel de recherche auprès de la police laquelle vous aurait expliqué qu’elle ne saurait pas où il se trouverait. Vous auriez alors constamment appelé les policiers qui vous auraient finalement confirmé que votre époux se trouverait auprès d’eux. Ils vous auraient prié de leur amener toutes vos « Unterlagen » et celles de votre époux en promettant de vous envoyer une invitation pour venir lui rendre visite. Vous auriez remis les documents, respectivement, les passeports demandés, mais vous n’auriez jamais reçu d’invitation. Vous prétendez en outre que pendant cette même période, vous seriez partie vivre chez votre belle-mère et que votre voisine vous aurait informée que des policiers seraient venus chez vous à plusieurs reprises pendant votre absence. Vous supposez qu’ils vous auraient également voulu arrêter pour pouvoir exercer de la pression sur votre époux. Vous prétendez ensuite qu’en décembre 2020, vous auriez reçu une convocation pour vous présenter à la « Migrationsbehörde » et vous supposez qu’il aurait pu s’agir d’une tentative de vous éloigner du territoire biélorusse ou d’une menace alors que cette administration vous aurait déjà dans le passé mise en garde que vous risqueriez de perdre votre « nationalité » (p. 10 de votre rapport d’entretien, Madame) si vous vous rendiez coupable d’une infraction.
En janvier 2021, vous auriez quitté … et vous vous seriez installée chez des connaissances à Minsk. Le 22 mars 2021, vous y auriez rejoint votre époux qui ne vous aurait rien raconté quant aux raisons de son absence, respectivement des raisons qui l’auraient amené en prison ni quant aux circonstances de sa libération (p. 5 du rapport d’entretien). Vous changez ensuite de propos alors qu’à la page suivante de votre entretien, vous affirmez le contraire en prétendant qu’il vous aurait mise au courant de son arrestation, ainsi que de sa fuite de la prison. Votre époux se serait en outre occupé de votre départ et aurait décidé tout seul que vous viendriez introduire des demandes de protection internationale au Luxembourg.
Vous n’auriez pas demandé d’explications à ce sujet (p. 3 du rapport d’entretien complémentaire). Vous n’auriez par ailleurs pas envisagé de vous installer en Ukraine avec votre époux alors que vous auriez investi beaucoup d’argent en Biélorussie et que vous n’auriez pas tout simplement pu y abandonner toutes vos activités, alors que votre époux serait quelqu’un de connu chez lui tandis qu’il ne serait « personne » (p. 3 du rapport d’entretien complémentaire) en Ukraine. A cela s’ajoute que votre mère habiterait en « zone grise » en Ukraine et aurait été obligée pendant quelque temps d’aller vivre en Russie à cause de la « guerre », tandis que la maison de votre sœur aurait été détruite. Vous n’auriez pas pu vous installer ailleurs en Ukraine alors que vous n’y connaitriez personne. En plus, « die allgemeine Situation ist sowieso recht kompliziert » (p. 3 du rapport d’entretien complémentaire) et votre époux ne parlerait pas l’ukrainien de sorte qu’il ne s’y verrait même pas vendre du pain. Les personnes parlant le russe seraient en outre dévisagées en Ukraine et votre époux, refusant d’apprendre l’ukrainien, s’y trouverait en « Lebensgefahr » (p. 4 du rapport d’entretien complémentaire). Vous prétendez finalement ne pas avoir pu vous y réfugier avec votre époux parce qu’« Es lag an den Papieren, die wir nicht hatten » (p. 4 du rapport d’entretien complémentaire).
Vous présentez les documents suivants :
6 − Des photos qui montreraient des passeports brûlés et des documents contenant le mot « Lukaschenko ». Vous prétendez que ces photos vous auraient été envoyées par votre ami joggeur qui serait toujours en cavale et qui serait retourné sur les lieux, voire, qui y aurait envoyé ses enfants pour prendre des photos et récupérer des « preuves » ;
− des copies de deux pages de vos deux passeports. Madame, vous précisez dans ce contexte que l’idée ne vous serait jamais venue en tête de demander un nouveau passeport auprès d’une ambassade ukrainienne, après que le vôtre vous aurait été confisqué en Biélorussie alors que vous auriez espéré jusqu’à la fin de vous le voir remettre ;
− une copie de votre acte de mariage.
1. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Madame, Monsieur, je tiens à vous informer que la crédibilité de votre récit est remise en cause pour les raisons suivantes:
En effet, il s’avère que votre parcours précédant votre arrivée au Luxembourg n’est nullement établi et ne paraît manifestement pas être celui que vous voulez faire croire aux autorités luxembourgeoises. Ainsi, alors que vous prétendez avoir « fui » la Biélorussie en mars 2021, à bord d’un camion qui vous aurait directement amenés au Luxembourg, je ne peux que confirmer la conclusion de la Police Judiciaire, qui, au vu des informations retrouvées sur votre portable, combiné à vos réponses non sincères et manifestement contradictoires et au fait que vous avez caché vos visas aux autorités luxembourgeoises, a évidemment déduit que vous ne jouez pas franc jeu et que votre sincérité doit être mise en cause.
Il est ainsi évident que votre vécu précédant votre arrivée au Luxembourg n’a nullement été celui que vous voulez faire croire, au vu de vos réponses incohérentes que vous donnez dans ce contexte. Monsieur, vous confirmez initialement avoir possédé un ticket d’avion pour un vol vers Amsterdam en février 2021, alors que des amis vous l’auraient acheté « damit ich flüchten kann ». Ces amis auraient d’ailleurs été d’avis que vous pourriez entamer cette « fuite » après que les autorités biélorusses vous auraient rendu votre passeport. A part le fait qu’il ne fait évidemment aucun sens qu’on vous remette votre passeport dans le cadre d’une prétendue « fuite » de prison et puis d’une « fuite » de la Biélorussie, je constate aussi que vous changez par la suite totalement de version en prétendant n’avoir eu aucune idée de l’existence de ce ticket d’avion jusqu’à votre arrivée au Luxembourg et que ce serait votre épouse qui aurait acheté le ticket en question et non plus vos amis. Vous précisez encore que vous ne pourriez rien dire de plus alors qu’« es war ähnlich wie mit dem Visum. Wir sind so viel gereist und einige Tickets sind auch verloren gegangen. Ich kann ihnen da wirklich keine Angaben geben », une excuse qui ne permet manifestement pas de donner plus de poids à vos dires; bien au contraire, elle démontre encore davantage que vous avez manifestement entamé des voyages dans l’Union européenne avant votre arrivée au Luxembourg et que vous avez possédé des visas vous permettant de voyager, de séjourner et de travailler dans des pays européens.
Ce constat vaut d’autant plus que vous, Madame, avez également décidé de mentir par rapport à ce ticket d’avion de février 2021, en prétendant d’abord que vous avez possédé ce ticket parce que vous auriez été en vacances en Thaïlande et que vous seriez rentrée en Biélorussie via Amsterdam. Informée par la Police Judiciaire que votre version des faits était manifestement impossible alors que le vol en question reliait Minsk à Amsterdam et non pas le contraire et qu’en plus ledit vol est daté à février 2021 alors que vous auriez été en vacances 7 en été 2020, vous changez de version en prétendant alors avoir acheté ce ticket d’avion, tout en vous étant prétendument fait confisquer votre passeport et celui de votre époux, dans l’espoir que ce dernier serait jusque-là sorti de prison et que vous pourriez alors quitter le pays ensemble, une justification tout aussi peu crédible que plausible. Votre comportement et vos tentatives de justification dans ce contexte démontrent en tout cas que vous n’êtes pas sincères et que vous tentez manifestement de cacher votre véritable vécu et les lieux où vous auriez vécu et travaillé avant de vous décider à venir introduire des demandes de protection internationale au Luxembourg.
J’ajoute pour être complet à ce sujet que vos explications, Madame, concernant votre visa polonais sont également à rejeter. En effet, vous prétendez avoir demandé ce visa de travail dans l’espoir de partir travailler en Pologne et ainsi faire sortir votre époux de prison.
Or, je soulève que cette explication est non seulement dénuée de tout sens alors qu’un travail en Pologne n’est pas lié à une peine de prison en Biélorussie, mais qu’en plus, votre visa polonais était valable du 26 mars 2021 au 12 septembre 2021, c’est-à-dire, postérieur à la prétendue « fuite » de prison de votre époux. Monsieur, le fait que vous auriez dans ce contexte estimé que votre épouse aurait possédé ce visa de travail longue durée pour la Pologne « zwecks shopping » est évidemment à considérer comme une nouvelle tentative de justification manifestement non convaincante exposée dans le seul but de cacher aux autorités luxembourgeoises votre vécu avant votre arrivée au Luxembourg. Je rappelle que ce dernier constat est encore renforcé par ce visa supplémentaire découvert par la Police Judiciaire sur votre portable, Madame, et que vous avez également caché aux autorités luxembourgeoises.
Enfin, le fait que votre plan de « fuite » aurait consisté dans le fait de demander et d’avoir obtenu des visas pour ainsi traverser la frontière de manière officielle, constitue un dernier élément sans aucune logique ressortant de vos dires en rapport avec ces visas et tickets d’avion.
Madame, Monsieur, le constat que la sincérité de vos propos est à réfuter est encore consolidé par d’autres incohérences et contradictions ressortant de vos dires. Ainsi, je soulève tout d’abord, Monsieur, que vos explications selon lesquelles les autorités prisonnières vous auraient régulièrement rendu votre portable pendant votre incarcération dans l’espoir que vous appelleriez ce joggeur qui serait recherché par les autorités biélorusses frôlent le ridicule.
Il est en effet exclu que les prisonniers en Biélorussie se fassent remettre leurs portables en cellule où ils pourraient alors documenter tout ce qui leur arrive, appeler des gens à l’extérieur ou leur envoyer des images et des vidéos, ce d’autant plus quand il s’agirait, comme dans votre cas, de prisonniers accusés de faire partie de l’opposition et d’avoir des liens privilégiés avec tout un tas de personnes bien placées, bien connues et réputées pour appartenir à l’opposition.
Madame, je soulève ensuite que dans le cadre de cette prétendue incarcération de votre conjoint, vous expliquez ne pas avoir été en contact avec lui, tandis que vous, Monsieur, précisez justement avoir pu régulièrement téléphoner à votre épouse grâce à ce portable qui vous aurait été remis en cellule.
Madame, vous prétendez d’ailleurs aussi que votre époux ne vous aurait rien raconté quant aux raisons de son absence, respectivement des raisons qui l’auraient amené en prison ni quant aux circonstances de sa libération (p. 5 du rapport d’entretien). Or, je constate qu’une page plus loin dans votre entretien, vous dites le contraire, en précisant qu’il vous aurait mise au courant de son arrestation, ainsi que de sa fuite de la prison.
8 Je note en outre, Madame, qu’il n’est clairement pas possible non plus que les autorités biélorusses vous aient menacée, respectivement, mise en garde de vous enlever votre nationalité si vous vous rendiez coupable d’infractions. En effet, étant donné que vous seriez de nationalité ukrainienne, les autorités biélorusses n’ont évidemment aucune main mise sur votre nationalité, respectivement, sur la possibilité de vous déchoir de votre nationalité.
Monsieur, je soulève ensuite vos explications absolument non plausibles tournant autour du fait que les autorités biélorusses auraient absolument voulu vous relier à l’opposition biélorusse en plaçant des « preuves » chez vous. En effet, vous arguez que des prétendus agents de la police, déguisés en travailleurs, seraient descendus avec des cordes au niveau des fenêtres de votre maison et que des agents de l’unité spéciale se seraient introduits chez vous pour placer des drapeaux interdits de l’opposition sur votre balcon. Hormis le caractère rocambolesque et clairement non plausible de vos déclarations, je m’interroge surtout sur les raisons qu’auraient pu avoir les autorités biélorusses de faire tant d’efforts et se faire tant de peines dans le seul but de pouvoir vous relier, un simple citoyen sans précédents apparents, à l’opposition politique. En effet, étant donné que les autorités vous auraient de toute façon déjà arrêté et qu’il ressort des informations en mes mains qu’elles ont recours à des arrestations et condamnations d’activistes et d’opposants politiques supposés, je me demande qu’est-ce qui aurait bien pu les empêcher de tout simplement vous condamner vous aussi à une peine de prison si tel avait été leur but et ce même sans descendre avec des cordes devant la façade de votre maison ou de placer des drapeaux interdits sur votre balcon, respectivement sans posséder des preuves physiques en formes de petits drapeaux rouges et blancs.
Les autorités biélorusses, à supposer qu’elles aient vraiment voulu vous accuser de faire partie de l’opposition, vous auraient tout simplement arrêté et condamné à une peine de prison pour faire partie de l’opposition et n’auraient certainement pas eu besoin de retrouver chez vous des drapeaux interdits. Ce constat vaut d’autant plus qu’elles auraient donc trouvé sur votre portable une multitude de preuves tangibles, démontrant que vous auriez été en contact avec de nombreux personnages issus du monde de la politique, de l’opposition, des syndicats, du monde des affaires et que vous auriez même publié une lettre critique envers le gouvernement sur un site internet qui appartiendrait à l’opposition. A supposer que ces faits soient réels, ce qui n’est clairement pas le cas, les autorités biélorusses auraient en tout cas eu assez de raison de réellement vous accuser.
En outre, Monsieur, je constate que la base-même de vos prétendus problèmes en Biélorussie, à savoir le fait que vous ayez été arrêté en forêt pour avoir pris en photo des documents brûlés, n’est manifestement pas crédible non plus. En effet, je me demande tout d’abord pourquoi bien les autorités biélorusses s’amuseraient à brûler des passeports de vieilles personnes biélorusses ou de personnes inexistantes, tout comme je m’interroge sur le lien entre des passeports de vieilles personnes et des élections prétendument falsifiées. A cela s’ajoute qu’il n’est manifestement pas crédible non plus que les autorités biélorusses dans leur prétendue tentative de cacher une fraude électorale en brûlant des passeports, décident de ne pas faire cela en cachette, respectivement dans un lieu appartenant aux régime biélorusse, mais de se déplacer en cagoule, en uniforme et en camionnette avec ces documents compromettants vers un lieu public et accessible à tous pour les y brûler. De nouveau, je me demande pourquoi les autorités biélorusses auraient besoin d’organiser un tel scénario et de se faire de telles peines dans le seul but de faire disparaître des documents.
9 Les constats susmentionnés ne sauraient manifestement pas non plus être ébranlés par les copies de photos que vous avez versées. En effet, ces photos prises à une date inconnue, sur un lieu inconnu et par une personne inconnue, ne constituent en rien une preuve à vos dires, mais montrent uniquement les restes ou les cendres d’un petit feu qui aurait brûlé dans un clairière d’une forêt et les restes brûlés de documents illisibles en langue cyrillique. Il est d’ailleurs encore plus improbable de lire que vous seriez en possession de ces photos parce que votre ami joggeur vous les aurait envoyées après être retourné sur les lieux, voire, après avoir envoyé ses enfants sur les lieux. En effet, d’un côté cela voudrait donc dire que les autorités biélorusses auraient laissé toutes ces « preuves » sur place, même après avoir compris que leur prétendu lieu de destruction de preuves en rapport avec des élections falsifiées aurait été découvert par des civils, mais encore que votre ami en cavale, qui serait activement recherché par les autorités biélorusses, y serait tout simplement retourné - ou aurait jugé bon d’envoyer ses enfants au lieu même où vous auriez tous les deux été découverts, respectivement, où vous auriez été arrêté.
Je soulève encore qu’il n’est clairement pas plausible non plus que les autorités biélorusses aient voulu vous transformer en « bouc émissaire » en rapport avec les élections prétendument falsifiées de 2020. En effet, c’est bien l’opposition biélorusse qui crie au scandale et manifeste justement contre des élections falsifiées alors que les autorités biélorusses parlent évidemment d’élections justes et de résultats officiels. Il ne fait par conséquent aucun sens qu’elles aient en même temps voulu se servir de vous pour démontrer que les résultats des élections auraient effectivement été falsifiés, respectivement, que les autorités aient eu besoin d’un bouc-émissaire pour le présenter en quelque sorte au peuple et ainsi se dédouaner des résultats falsifiés des élections.
Ensuite, je soulève évidemment aussi qu’aucune crédibilité ne saurait être accordée au fait que vous auriez personnellement discuté, voire, négocié avec la Première ministre de la Biélorussie à travers des messages que vous vous seriez entre-changés par le biais d’un ami qui vous aurait mis en relation.
Enfin, je note que votre version, Monsieur, concernant votre prétendue fuite de la prison n’est clairement pas crédible non plus, alors que selon vos dires, une seule garde serait apparemment en charge de surveiller l’ensemble des prisonniers qui auraient été placés dans l’hôpital de la prison. Or, sur base de considérations évidentes concernant la sécurité de tous les employés et personnes présentes dans cet hôpital, il semble évident qu’un nombre beaucoup plus important de gardes serait utilisé. Comme par pur hasard, cet unique gardien présent dans l’hôpital de la prison vous aurait directement reconnu alors qu’il serait lui aussi originaire de …, une ville de quelques cent-mille habitants et aurait même tout de suite été prêt à vous aider en vous permettant de « fuir » la prison en taxi, en s’en moquant apparemment des risques encourus et des peines auxquelles il risquerait forcément d’être condamné pour avoir facilité la fuite d’un « Helfer des grössten Oppositionspolitikers ». Vous n’êtes d’ailleurs pas non plus en mesure d’expliquer comment le transfert d’une telle somme d’argent aurait été organisé à part de parler d’une tierce personne qui aurait été impliquée, mais « Die Einzelheiten sind mir allerdings nicht bekannt » (p. 14 de votre rapport d’entretien, Monsieur).
Au vu de tout ce qui précède, il est évident que votre sincérité et par conséquent aussi l’ensemble de vos prétendus problèmes en Biélorussie doivent être réfutés. En effet, il en est déduit que vous n’avez nullement vécu les problèmes mentionnés en Biélorussie, qu’il n’est nullement retenu que vous ayez même vécu en Biélorussie avant votre arrivée au Luxembourg et que vous avez clairement fait état d’un récit inventé de toutes pièces, en tentant de manière 10 manifestement pas convaincante de vous servir des récents événements politiques et de la répression étatique en Biélorussie envers des vrais activistes et opposants politiques, dans le but évident d’augmenter les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale.
Ce constat est d’ailleurs confirmé par le fait que vous n’êtes pas en mesure de fournir la moindre preuve pour corroborer ne serait-ce qu’une partie de vos dires. En effet, à part les photos susmentionnées qui ne sauraient manifestement pas valoir comme preuve pour ne rien montrer de concret et pour pouvoir avoir été prises à n’importe quel endroit, n’importe quel moment et par n’importe quelle personne, vous êtes étonnement restés en défaut de fournir des preuves quelconques à vos dires, ni même à votre seul prétendu séjour en Biélorussie fin 2020 ou début 2021.
Je soutiens toutefois qu’une personne est normalement en mesure de présenter des preuves démontrant un lien avec son pays d’origine et sa vie quotidienne, sa vie familiale, sa vie professionnelle, ses prétendus problèmes avec la police ou la justice ou ne serait-ce que des pièces susceptibles de démonter le seul fait que vous auriez effectivement vécu en Biélorussie depuis vos vacances en Thaïlande en été 2020. Vous n’êtes par ailleurs même pas en mesure de prouver votre identité par une quelconque pièce, ni même votre nationalité. Or, Monsieur, dans la mesure où votre mère, votre sœur, votre ami à Minsk et d’autres connaissances bien placées et connues séjourneraient toujours en Biélorussie, et que vous seriez carrément en lien avec la Première Ministre, il ne devrait pas constituer dans votre chef une impossibilité insurmontable de soumettre aux autorités des pièces probantes sur votre identité, votre vie professionnelle, voire simplement votre vie au quotidien dans votre pays d’origine depuis l’automne 2020.
Ce constat vaut d’autant plus, Monsieur, que vous prétendez avoir été un homme très connu dans votre ville en tant que propriétaire d’un club de nuit et d’un café, organisateur de mariages, propriétaire de résidences dans différentes villes mises en location à des grandes entreprises pour leurs employés ou encore propriétaire d’un complexe de tennis et de ski nautique que vous auriez mis en location, de sorte que vous devriez être en mesure de verser des quelconques pièces pour soutenir vos dires. Vous prétendez par ailleurs avoir décidé de « das Ganze öffentlich zu tragen » (p. 7 du rapport d’entretien) en prétendant avoir publiquement critiqué le gouvernement, respectivement d’avoir publié un texte critique envers le gouvernement sur un site internet qui appartiendrait à l’opposition après vos prétendues négociations infructueuses, mais là encore vous restez en défaut de corroborer ces allégations par une quelconque preuve. Vous restez pareillement en défaut de prouver un quelconque lien personnel que vous auriez partagé avec un dénommé, (E), qui serait un blogueur et journaliste connu, avec (F), une connaissance qui aurait par le passé travaillé comme …, qui ferait partie de l’opposition et qui vous aurait proposé de rejoindre son équipe autour du candidat BABARIKO, le champion olympique (G) ou toute autre personne nommée dans cette panoplies de personnes biélorusses que vous citez dans le but de rendre votre récit plus authentique, respectivement, de le relier à des événements et des personnes réels pour le rendre plus important et dramatique.
Au vu de votre prétendu vécu, de votre prétendu standing en Biélorussie et de vos prétendues connaissances, il est en effet impossible que vous ne soyez pas en mesure d’en corroborer la moindre infime partie de vos dires. Ce dernier constat vaut aussi pour la prétendue torture à laquelle vous auriez été exposée pendant votre prétendue incarcération. A supposer que vous ayez effectivement vécu les actes de torture mentionnés, ce qui n’est pas le cas, votre corps devrait manifestement en porter des séquelles et vous seriez clairement en 11 mesure de faire certifier ces actes de torture et les blessures subies, ce d’autant plus que vous seriez donc immédiatement arrivé au Luxembourg après votre prétendu transfert dans l’hôpital de la prison.
Dans la mesure où votre sincérité est irrémédiablement compromise, aucune suite favorable à vos demandes de protection internationale ne saurait être envisagée.
Je soulève que cette conclusion se réfère clairement aussi par rapport au pays dont vous, Madame, possédez la nationalité et qui est l’Ukraine.
En effet, hormis le fait que vous confirmez ne pas avoir connu le moindre problème en Ukraine, je soulève surtout que vos réponses censées expliquer votre choix de ne pas vous installer dans votre pays d’origine à un quelconque moment, ni même après votre départ de la Biélorussie, n’emportent, elles non plus, pas conviction. Ainsi, vous justifiez d’abord votre choix de ne pas vous installer avec votre époux en Ukraine par le fait que vous auriez trop investi d’argent en Biélorussie. Or, en même temps, vous avez pourtant pris le choix de venir introduire des demandes de protection internationale au Luxembourg, en abandonnant pareillement tout dans lequel vous auriez investi en Biélorussie. Vous prétendez en outre, Madame, que vous n’auriez pas tout simplement pu abandonner toutes vos activités en Biélorussie puisque votre époux y serait quelqu’un de « connu », tandis qu’il ne serait « personne » en Ukraine. C’est pourtant exactement ce que vous avez fait en venant au Luxembourg, où votre époux n’est pas quelqu’un de connu non plus. Enfin, vous prétendez que vous n’auriez pas pu vous installer en Ukraine avec votre époux par manque de papiers, une excuse qui doit manifestement de nouveau être réfutée au vu de toutes les informations et constats susmentionnés faisant clairement état de voyages et de demandes de visas que vous auriez uniquement pu entreprendre et effectuer moyennant des pièces d’identité. A cela s’ajoute, Madame, que vous seriez donc à tout moment libre de signaler la prétendue perte de votre passeport aux autorités ukrainiennes et de vous faire remettre des nouvelles pièces d’identité.
Quoi qu’il en soit, il est établi que vous n’auriez pas connu le moindre souci en Ukraine et vous ne faites pas état du moindre risque d’y être persécutée, voire d’y subir une atteinte grave, de sorte que l’octroi d’une protection internationale ne saurait manifestement pas non plus être justifié dans votre chef. Ce constat ne saurait pas être ébranlé par le fait, Madame, que vous ne pourriez plus vous installer dans la maison de votre mère ou de votre soeur à cause de la « guerre », que vous ne connaitriez personne ailleurs en Ukraine, que la situation générale serait « sowieso recht kompliziert » ou que votre époux ne parlerait pas l’ukrainien de sorte qu’il serait dévisagé en Ukraine et s’y trouverait en « Lebensgefahr ». En effet, vous ne mentionnez pas le moindre problème ou ne serait-ce que souci personnel que vous auriez connu en Ukraine dans le cadre de cette situation générale compliquée et vos prétendues craintes concernant l’utilisation du russe par votre époux sont à définir comme étant totalement non fondées et exagérées, voire, inventées.
Vos demandes de protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens des articles 26 et 34 de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à 12 destination de la Biélorussie, de l’Ukraine ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2022, les consorts (AB) ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 9 décembre 2021 portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
A titre liminaire, il convient de statuer sur l’admissibilité du mémoire supplémentaire déposé par le litismandataire des consorts (AB) le 8 avril 2024, question soulevée d’office par le tribunal à l’audience publique des plaidoiries du 23 mai 2024.
Maître Louis Tinti, face à cette question de l’admissibilité de son mémoire supplémentaire, s’est rapporté à prudence de justice.
Le tribunal précise que la possibilité offerte aux parties de déposer un mémoire supplémentaire en application de l’article 7, alinéa 3 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives constituant une dérogation par rapport aux règles ordinaires de la procédure notamment quant au nombre de mémoires admissibles et quant aux délais endéans lesquels ceux-ci doivent être déposés, les mémoires supplémentaires autorisés sont nécessairement circonscrits, quant à leur objet, à la seule question visée par le tribunal et, quant à leur nombre, à celui expressément autorisé, et les délais fixés par le tribunal sont à respecter sous peine de forclusion, à l’instar des délais ordinaires d’instruction inscrits à l’article 5 de la loi du 21 juin 19991.
Il se dégage de l’avis communiqué aux parties en date du 7 février 2024 que celles-ci ont été autorisées par le tribunal à déposer chacune un mémoire supplémentaire et que le délai accordé à cette fin au litismandataire des consorts (AB) était fixé au 5 avril 2024, à 17:00 heures, sous peine de forclusion. Ainsi, le mémoire déposé par Maître Louis Tinti en date du 8 avril 2024, l’a été en dehors du délai accordé par le tribunal et est à écarter des débats.
Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale et contre celles portant ordre de quitter le territoire prononcées subséquemment, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 9 décembre 2021, prise dans son double volet, telle que déférée.
Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.
Le tribunal constate encore qu’à l’audience publique des plaidoiries du 23 mai 2024 et sur question afférente du tribunal, Maître Louis Tinti a demandé acte du désistement de Madame (B) du prédit recours la concernant, dans la mesure où elle s’est vu octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire en date du 29 février 2024, de sorte qu’il y a lieu de lui en donner acte.
1) Quant au recours contre la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale 1 Trib. adm., 7 octobre 2015, n° 34718 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 932.
13 A l’appui de son recours, le demandeur expose être de nationalité biélorusse et de confession orthodoxe. Il aurait vécu ensemble avec son épouse en Biélorussie où il aurait exploité plusieurs « activités de divertissement », à savoir un club de nuit, un café, de même qu’un complexe de tennis et de ski nautique, qu’il louerait, ainsi que plusieurs propriétés mises en location. Il n’aurait dès lors eu aucun souci financier dans son pays d’origine. Il ajoute qu’il aurait entrepris de nombreux voyages à l’étranger pour lesquels il aurait obtenu des visas. En date du 26 mars 2021, il aurait cependant clandestinement quitté son pays d’origine, ensemble avec son épouse, après s’être échappé de la prison où il aurait été enfermé pendant six mois. Il aurait réussi à s’enfuir de cette prison avec l’aide d’un gardien, auquel il aurait payé, par l’intermédiaire d’un ami, la somme de 70.000 euros. Il explique avoir été emprisonné au motif que lors de son jogging matinal, il aurait été témoin, ensemble avec un ami, « d’une scène au cours de laquelle il [aurait été] arrêté par des hommes cagoulés et en uniforme ». Ces derniers auraient été en train de brûler en pleine forêt des documents, qui se seraient révélés être des passeports de personnes âgées, tel que cela ressortirait des photos qu’il aurait versées en cause.
Ces documents auraient été utilisés par les autorités biélorusses pour frauder les élections présidentielles du 9 août 2020 afin de permettre au président Loukachenko de les remporter.
Lors de son incarcération, il aurait été torturé et les autorités biélorusses auraient préparé un dossier à charge pour lui reprocher (i) d’avoir été l’auteur de la destruction desdits passeports utilisés pour falsifier le résultat des élections présidentielles, (ii) de faire partie de l’opposition en tant que membre de l’équipe de Babariko – « connu pour son opposition » et avec lequel il aurait été en relation – et (iii) d’avoir critiqué le président avec l’assistance du champion olympique biélorusse (G), qui aurait également fait partie de l’opposition.
En droit, le demandeur rappelle les termes de l’article 37 (3) a) de la loi du 18 décembre 2015 et donne à considérer que tant sa situation individuelle que la situation générale en Biélorussie devraient être prises en considération dans le cadre de l’appréciation de la crédibilité de son récit. Il se prévaut, à ce sujet, de divers rapports et articles de presse desquels il déduit que de graves violations des droits de l’Homme, notamment par une répression violente des opposants au régime en place, seraient commises en Biélorussie.
Quant à la crédibilité de son récit, le demandeur s’empare de l’article 37 (5) e) de la loi du 18 décembre 2015 pour soutenir que le doute devrait profiter au demandeur de protection internationale, si le récit général de celui-ci pouvait être considéré comme crédible.
En ce qui concerne le billet d’avion « émis » en date du 5 février 2021 à destination d’Amsterdam depuis Minsk, le demandeur admet que son épouse n’aurait pas dit la vérité en le rattachant à ses vacances en Thaïlande. Ce mensonge s’expliquerait par le fait qu’elle ne connaîtrait pas le détail de ses problèmes et qu’elle aurait essayé de le protéger en évitant de reconnaître, dans un premier temps, que le billet d’avion aurait été directement lié à sa fuite de son pays d’origine. Ce billet n’aurait finalement pas été utilisé, alors que sa fuite n’aurait pu se réaliser qu’au cours du mois de mars 2021. Il reproche au ministre d’avoir déduit des déclarations de son épouse qu’il ne serait pas sincère quant à son véritable vécu avant son arrivée au Luxembourg. Tout en admettant que le billet d’avion en question aurait, certes, pu leur permettre de séjourner en Europe avant de déposer une demande de protection internationale au Luxembourg, il donne toutefois à considérer que pour pouvoir entrer dans l’espace Schengen, ils auraient nécessité un visa, dont ils n’auraient cependant pas disposé.
Ensuite, concernant la remise de son téléphone par les autorités biélorusses pendant sa détention, il estime qu’il ne pourrait pas être « totalement exclu que la tactique […] déployée » 14 par lesdites autorités aurait été celle de localiser le joggeur qui aurait découvert ensemble avec lui la destruction des documents par les militaires biélorusses, dans la mesure où elles auraient absolument voulu l’appréhender.
En ce qui concerne ses contacts lors de son incarcération, il ne constaterait aucune contradiction entre son propre récit et celui de son épouse, dans la mesure où cette dernière aurait fait référence à des contacts physiques entre eux, tandis que lui-même aurait fait référence à des contacts téléphoniques.
Le demandeur considère encore qu’il serait plausible qu’en plaçant des drapeaux interdits à son domicile, les autorités biélorusses auraient essayé, par tous les moyens, de le faire passer pour un opposant politique et auraient voulu décrédibiliser les faits susceptibles d’être dénoncés par lui, en apportant « une preuve tangible au caractère frauduleux des dernières élections présidentielles qui [auraient] permis la réélection du Président sortant ».
La communauté internationale serait, d’ailleurs, unanime pour reconnaître le caractère frauduleux aux dernières élections présidentielles. Il ne saurait, dès lors, pas être exclu que les passeports détruits aient été utilisés afin de « faire voter » des personnes qui, en réalité, seraient décédées, et ce, « dans un sens favorable aux autorités en place ». Quant au lieu choisi pour la destruction des passeports, le demandeur précise qu’il s’agirait d’une forêt avec peu de passage, tout en pointant le fait qu’il existerait en Biélorussie une telle impunité à l’égard des fonctionnaires servant le régime en place qu’un tel comportement de leur part ne serait pas surprenant.
Il explique encore qu’il se serait mal exprimé en indiquant qu’il n’y aurait eu qu’un seul gardien à l’hôpital. Il aurait, en effet, voulu dire qu’un seul gardien par étage y aurait été présent, en précisant que les quelques imprécisions dans son récit seraient justifiées par la durée de son entretien.
Quant au reproche du ministre relatif à l’absence d’éléments de preuve venant corroborer son récit, le demandeur, en se référant à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 22 novembre 2012, M.M. contre Minister for Justice, Equality and Law Reform, C-277/11, soutient que s’il est de principe que la charge de la preuve incombe au demandeur de protection internationale, l’Etat membre en charge de l’examen de la demande de protection internationale devrait néanmoins activement coopérer avec le demandeur de protection internationale pour permettre la réunion de l’ensemble des éléments de nature à étayer sa demande. A ce sujet, la CJUE renverrait à l’article 8 (2) b) de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, selon lequel les Etats membres devraient veiller à ce que des informations précises et actualisées soient obtenues sur la situation générale existante dans les pays d’origine des demandeurs de protection internationale et dans les pays par lesquels ils auraient transité, le tout dans un souci de préserver le principe de l’égalité des armes, les droits de la défense et le droit à une protection effective.
Il faudrait également tenir compte de la vulnérabilité du demandeur de protection internationale et des difficultés pratiques et psychologiques auxquelles il pourrait être confronté lorsqu’il s’agit d’établir un risque et de réunir des preuves. Or, dans ce contexte, la vulnérabilité inhérente au statut de demandeur de protection internationale aurait été mise en exergue par la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après dénommée « la CourEDH », dans deux arrêts 15 relatifs à l’accès effectif des demandeurs de protection internationale aux procédures de détermination, à savoir les affaires M.S.S. c/ Belgique ou encore l’arrêt Hirsi c/ Italie.
A cet égard, le demandeur soutient qu’au vu de la situation actuelle en Biélorussie, et plus particulièrement de l’emprisonnement de nombreuses personnes soupçonnées d’appartenir à l’opposition, il serait tout à fait compréhensible qu’il ne puisse pas produire d’autres éléments de preuves que ceux versés en cause. Ce serait, dès lors, à tort que le ministre aurait retenu qu’il serait resté en défaut de prouver son lien personnel avec les différentes personnalités qu’il connaîtrait.
De toutes ces explications le demandeur déduit que son récit devrait être considéré comme étant globalement crédible, et ce, malgré « quelques incohérences sinon approximations attachées [à ses] déclarations », qui seraient, globalement, corroborées par les pièces versées en cause et portant sur la situation générale en Biélorussie.
Il se réfère finalement à un jugement du tribunal administratif du 17 septembre 2019, portant le numéro 41029 du rôle, pour soutenir que la décision déférée, par laquelle le ministre a rejeté la demande de protection internationale sans procéder à une analyse au fond des conditions d’octroi d’une protection internationale, heurterait l’article 37 (3) de la loi du 18 décembre 2015 et devrait encourir l’annulation dans le cadre du recours en réformation ainsi formé.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Le tribunal relève qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 g) de la même loi comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphe (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié » que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.
16 Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :
« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :
« […] a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».
Aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la 17 persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
Il convient ensuite de rappeler que le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.
En l’espèce, il se dégage à ce propos du libellé de la décision déférée que le ministre est arrivé à la conclusion que le récit de Monsieur (A) n’était pas crédible dans son ensemble.
A cet égard, il y a lieu de rappeler que si, comme en l’espèce, des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37 (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de 18 leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves2.
En l’espèce, le tribunal partage néanmoins les doutes du ministre et du délégué du gouvernement concernant la crédibilité du récit du demandeur relatif aux prétendues opinions politiques que les autorités biélorusses lui auraient imputées.
En effet, le tribunal rejoint le ministre dans son constat selon lequel il n’est pas crédible, que les autorités biélorusses – après avoir prétendument manipulé les élections présidentielles de 2020 à l’aide de passeports de personnes âgées ou de personnes qui n’auraient pas existé – auraient ensuite brûlé les preuves de cette fraude électorale dans un lieu public.
L’argumentation fournie par le demandeur à ce propos est peu convaincante dans la mesure où il se limite à expliquer que la forêt où les autorités biélorusses auraient agi ne serait que peu fréquentée. Il ne prend, ainsi, pas position par rapport à la question essentielle consistant à savoir pourquoi les autorités biélorusses auraient pris le risque d’être surprises pendant la destruction des preuves de leur manipulation des élections présidentielles. La seule explication fournie par le demandeur selon laquelle une telle manière de procéder ne serait pas surprenante au vu de l’impunité des fonctionnaires servant le régime en place, sans pour autant entrer plus dans les détails pour sous-tendre une telle accusation, n’est pas suffisante à cet égard. La manière de faire des autorités biélorusses, telle que relatée par le demandeur, ne s’explique pas non plus par le fait que les auteurs auraient été masqués, alors que le demandeur déclare qu’il n’y avait aucun doute qu’il s’agissait de « Mitarbeiter der Spezialeinheiten »3. Il est d’autant plus improbable qu’une fois surprises par le demandeur et le joggeur, lequel aurait réussi à s’enfuir, lesdites autorités n’auraient pas immédiatement rassemblé le restant des documents brûlés avant de quitter la forêt pour éviter que quelqu’un d’autre ne puisse se les procurer, au lieu de les abandonner sur place, tel qu’elles l’auraient fait selon le demandeur, ce dernier indiquant, en effet, que les photos transmises par lui au ministre, lui auraient été envoyées par le joggeur qui se serait rendu une nouvelle fois sur les lieux pour s’en emparer. Le demandeur est resté, dans ce contexte, à nouveau muet face à l’étonnement du ministre quant au fait que le joggeur, bien que recherché par les autorités biélorusses, serait retourné sur les lieux, respectivement y aurait même envoyé ses enfants pour photographier le reste des documents brûlés se trouvant toujours dans la forêt, tout en devant être conscient du risque encouru de se faire attraper par les autorités biélorusses.
Le tribunal rejoint encore le ministre dans son constat selon lequel les copies des photos figurant dans le dossier administratif, et dont le demandeur prétend qu’elles représenteraient le reste des documents brûlés par les autorités biélorusses, ne constituent pas une preuve suffisante pour rendre le récit du demandeur crédible, dans la mesure où les écritures qui ressortent desdits documents sont soit illisibles, soit en langue cyrillique. Par ailleurs, les simples copies de ces photos ne permettent pas d’en déduire qu’elles ont été prises sur le lieu en cause et à la date que le demandeur fait valoir.
Les doutes quant à la crédibilité du récit de Monsieur (A) sont encore davantage confortés par le fait, tel que soulevé par le ministre et par rapport auquel le demandeur n’a pas pris position dans le cadre de son recours, suivant lequel le régime en place n’aurait eu aucun intérêt à prétendre que les élections présidentielles de 2020 auraient été fraudées, alors qu’il est constant en cause que ces élections ont été remportées par le parti au pouvoir auquel lesdites 2 Trib. adm., 16 avril 2008, n° 23855 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 140 et les autres références y citées.
3 Page 5 du rapport d’entretien.
19 autorités répondent. Il n’est, dès lors, pas crédible que les autorités biélorusses, soumises au régime ayant emporté les élections, aient été à la recherche d’une personne qu’elles auraient pu accuser d’avoir manipulé lesdites élections.
Le demandeur n’explique pas non plus, dans le cadre de son recours, la raison pour laquelle les autorités biélorusses auraient pris le risque d’être aperçues en escaladant la façade de son immeuble pour déposer un drapeau interdit sur son balcon afin de l’inculper, étant donné qu’elles auraient disposé d’autres preuves de son soi-disant activisme politique, telles que des correspondances sur son portable, suivant lesquelles il aurait été en contact avec des personnes de l’opposition ou d’autres personnes du monde politique, de même qu’une lettre à travers laquelle il aurait publiquement critiqué le gouvernement et qu’il aurait envoyée à une des plus grandes agences de presse de son pays d’origine. L’affirmation du demandeur selon laquelle il paraîtrait plausible que les autorités biélorusses aient, par tout moyen, cherché à le faire passer pour un opposant politique n’est, dès lors, pas suffisante pour rendre cette partie de son récit plausible. Le tribunal rejoint, en effet, le ministre – lequel s’est référé dans la décision déférée à des sources internationales, non contestées, selon lesquelles les autorités biélorusses avaient déjà procédé à des arrestations et des condamnations de personnes supposées d’être des activistes et des opposants politiques – dans son constat que si les autorités biélorusses disposaient d’ores et déjà d’autant de preuves à l’égard du demandeur, relatives à son prétendu activisme politique, elles n’auraient pas escaladé sa façade pour y installer un drapeau interdit dans l’unique but de pouvoir le condamner à une peine d’emprisonnement.
Le tribunal relève encore d’autres incohérences et contradictions soulevées à juste titre par le ministre et sur lesquelles le demandeur ne prend soit pas du tout position, soit à l’égard desquelles il émet des affirmations hypothétiques. Ces incohérences et contradictions se rapportent au fait (i) que pendant son incarcération les autorités biélorusses lui auraient, de temps en temps, donné un téléphone portable dans l’espoir qu’il contacte le joggeur qui aurait découvert avec lui les documents qu’elles auraient détruits dans la forêt, tout en courant ainsi le risque que le demandeur documente tout ce qui lui arrive pendant son incarcération ou contacte des personnes à l’extérieur, et (ii) qu’un gardien l’aurait reconnu comme étant un des habitants de son village qui compte tout de même à peu près 100.000 habitants, chiffre non contesté de la part du demandeur, de sorte à ne pas être un petit village tel que le prétend le demandeur, et aurait accepté de l’aider à s’évader de prison tout en risquant lui-même une condamnation pour avoir aidé un détenu, considéré comme étant un opposant politique, respectivement comme « Helfer des grössten Oppositionspolitikers », à s’échapper.
Le tribunal se doit de constater qu’alors même que le ministre a remis en cause la crédibilité du récit du demandeur dans son ensemble, la requête introductive d’instance ne fournit aucune véritable explication de nature à permettre de mettre de la lumière sur les différentes incohérences et imprécisions décrites ci-avant et valablement relevées par le ministre dans la décision déférée, dont le demandeur confirme, d’ailleurs, lui-même l’existence dans le cadre de son recours en les justifiant uniquement par la durée de son entretien et en se référant à ses pièces relatives à la situation générale en Biélorussie, sans pour autant rapporter la moindre preuve en lien avec son prétendu vécu personnel, étant rappelé, tel que retenu ci-
dessus, que les seuls documents transmis et consistant dans des copies de prétendues photos de documents brûlés ne constituent pas une preuve suffisante pour rendre le récit du demandeur crédible.
Ce constat s’impose d’autant plus que selon ses propres déclarations, le demandeur devrait être en mesure de fournir au moins un début de preuve quant aux différentes 20 correspondances qu’il aurait prétendument entretenues avec des personnes appartenant à l’opposition et qui auraient été utilisées à sa charge par les autorités biélorusses puisqu’il affirme, dans le cadre de son entretien, qu’une partie des échanges qu’il aurait eus sur les réseaux sociaux, tels que « VKontakte » et « Telegram », seraient encore disponibles sur ces sites, de même que la vidéo avec le dénommé (C), « Voristzender einer unabhängigen Berufsgewerkschaft […], die offiziell der Opposition angehörte »4, que ce dernier lui aurait envoyée. Par ailleurs, encore que le demandeur ait indiqué à l’agent ministériel qu’il essayerait de lui transmettre les passages les plus importants de ces messages, il n’a versé aucune pièce à ce propos, ni au ministre, ni au tribunal dans le cadre de la procédure contentieuse, ni ne fournit-
il les raisons l’ayant empêché de se procurer au moins une partie de ces correspondances et à l’aide desquelles, il aurait au moins pu tenter de corroborer certains éléments de son récit.
Les conclusions qui précèdent ne sont pas ébranlées par l’ordonnance de mise en examen versée par le demandeur en date du 19 septembre 2022 et dont il se dégage qu’il serait mis en examen et inculpé du crime prévu « par le p.1 de l’art. 357 du Code pénal de la République du Bélarus ». En effet, comme le demandeur ne s’y est aucunement référé ni dans le cadre de sa demande de protection internationale ni dans le cadre de son recours, et ce, alors même qu’elle aurait été transmise à son avocat biélorusse en date du 14 novembre 2021, soit avant le dépôt du présent recours, il n’appartient, en tout état de cause, pas au tribunal d’analyser de son propre chef des documents ou articles, pour y déceler d’éventuels éléments susceptibles de plaider en faveur de la thèse du demandeur, en suppléant ainsi à la carence de la partie demanderesse.
Enfin, l’unique argumentation du demandeur avancée face à la critique du ministre relative à l’absence de preuves à l’appui de son récit et consistant à affirmer qu’en principe l’Etat devrait faire l’évaluation de la demande de protection internationale en collaboration avec le demandeur et que la charge de la preuve devrait se faire en tenant compte de la vulnérabilité du demandeur et des difficultés pratiques et psychologiques, laisse encore de convaincre le tribunal, dans la mesure où le demandeur ne fait valoir, à cet égard, aucune vulnérabilité dans son chef à part celle relative à la durée de son entretien ministériel.
Or, tel que relevé ci-dessus, en application de l’article 37 (5) de la loi du 18 décembre 2015, un demandeur de protection internationale bénéficie du doute si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible et s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, en livrant tous les éléments dont il disposait, ce qui n’est cependant pas le cas en l’espèce.
Partant, il ressort de ces considérations que la crédibilité de l’élément essentiel du récit du demandeur sur lequel il base sa demande de protection internationale, à savoir les prétendues opinions politiques que les autorités biélorusses lui auraient imputées, est compromise.
Le manque de crédibilité du récit du demandeur est d’ailleurs encore conforté par le fait que le demandeur, au vu des constatations faites par la police judiciaire sur l’invraisemblance des explications fournies quant à son itinéraire pour venir en Europe, ne fournit toujours pas de justifications plausibles à ce sujet. En effet, il se contredit quant à l’origine du billet d’avion à destination d’Amsterdam, trouvé sur le téléphone portable de l’épouse du demandeur au nom de ce dernier, en indiquant d’abord qu’il lui aurait été offert par des amis pour qu’il puisse fuir son pays d’origine, pour ensuite prétendre qu’en réalité, il aurait été acheté par son épouse, 4 Page 5 du rapport d’entretien.
21 sans donner de plus amples explications quant à l’origine dudit billet d’avion dans le cadre de son recours.
Enfin, le tribunal constate que le demandeur, face à la remise en cause par le ministre de son identité, s’est abstenu de verser une quelconque pièce y relative dans le cadre de son recours sous analyse, et ce, alors même que d’après ses propres déclarations, sa mère, sa sœur et des amis se trouveraient toujours en Biélorussie, de sorte qu’au moins une de ces personnes aurait pu l’aider, par quelque moyen que ce soit, à établir son identité.
Eu égard à tout ce qui précède, le tribunal conclut que c’est à juste titre que le ministre a retenu que la crédibilité du récit du demandeur est ébranlée dans son ensemble et qu’il ne saurait, dès lors, bénéficier ni du statut de réfugié ni du statut conféré par la protection subsidiaire.
Il s’ensuit que ce volet du recours en réformation encourt le rejet pour ne pas être fondé.
2) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Le demandeur estime que ce volet de la décision ministérielle encourrait la réformation en conséquence de la réformation du premier volet de la décision portant refus de l’octroi d’une protection internationale dans son chef.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2) précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter pour être également non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
écarte des débats le mémoire supplémentaire de Maître Louis Tinti du 8 avril 2024 ;
22 reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 9 décembre 2021 portant refus d’une protection internationale ;
donne acte à Madame (B) de ce qu’elle se désiste du volet du recours la concernant ;
pour le surplus, déclare ledit recours en réformation non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 9 décembre 2021 portant ordre de quitter le territoire ;
donne acte à Madame (B) de ce qu’elle se désiste du volet du recours la concernant ;
pour le surplus, déclare ledit recours en réformation non justifié et en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 7 octobre 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 23