Tribunal administratif N° 51122 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51122 2e chambre Inscrit le 4 septembre 2024 Audience publique du 3 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 51122 du rôle et déposée le 4 septembre 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Yusuf MEYNIOGLU, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Erythrée), de nationalité érythréenne, ayant été assigné à … sise à L-…, élisant domicile en l’étude de son litismandataire, préqualifié, sise à L-1650 Luxembourg, 6, Avenue Guillaume, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 18 juillet 2024 de le transférer vers l’Espagne comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale, ainsi que de la décision confirmative de refus du 22 août 2024, prise sur recours gracieux ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 septembre 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Vyacheslav PEREDERIY en sa plaidoirie à l’audience publique du 23 septembre 2024, Maître Yusuf MEYNIOGLU s’étant excusé.
___________________________________________________________________________
Le 6 février 2024, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Il s’avéra à cette occasion, suite à une consultation dans la base de données VIS, qu’il était titulaire d’un visa courte durée délivré par les autorités espagnoles, valable du 2 janvier 2024 au 2 juillet 2024.
Le 13 février 2024, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère en vue de 1déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».
Le 19 février 2024, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues espagnols une demande de prise en charge de Monsieur (A) sur base de l’article 12, paragraphes (2) ou (3) du règlement Dublin III.
En l’absence de réponse de la part des autorités espagnoles à la susdite demande de prise en charge de Monsieur (A), les autorités luxembourgeoises informèrent ces dernières, par courrier du 22 avril 2024, qu’elles considéraient l’Espagne comme ayant tacitement accepté la prise en charge de l’intéressé en date du 20 avril 2024, en application de l’article 22, paragraphe (7) du règlement Dublin III.
Par décision du 18 juillet 2024, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 22 juillet 2024, le ministre informa Monsieur (A) du fait que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale et de le transférer dans les meilleurs délais vers l’Espagne sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions des articles 12, paragraphe (2) et 22, paragraphe (7) du règlement Dublin III, ladite décision étant libellée comme suit :
« […] Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 6 février 2024 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions des articles 12(2) et 22(7) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers l'Espagne qui est l'Etat membre responsable pour traiter cette demande.
Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s'appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.
En mains, le rapport de Police Judiciaire du 6 février 2024 et le rapport d'entretien Dublin III du 13 février 2024 établi dans le cadre de votre demande de protection internationale du 6 février 2024.
1) Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date 6 février 2024, vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.
Il résulte des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale, que l'Espagne vous a délivré un visa valable du 2 janvier 2024 au 2 juillet 2024 qui vous a permis d'entrer sur le territoire des Etats membres en Espagne.
Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, un 2entretien Dublin III a été mené en date du 13 février 2024.
Sur cette base, une demande de prise en charge en vertu de l'article 12(2) du règlement DIII a été adressée aux autorités espagnoles en date du 19 février 2024, demande qui fut tacitement acceptée par lesdites autorités espagnoles en date du 20 avril 2024 conformément à l'article 22(7) du règlement DIII.
2) Quant aux bases légales En tant qu'Etat membre de l'Union européenne, l'Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l'Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.
S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction générale de l'immigration rend une décision de transfert après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.
Aux termes de l'article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n'est pas responsable pour le traitement d'une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.
L'article 12(2) du règlement DIII dispose que, si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité au moment de l'introduction de sa demande de protection internationale dans un Etat membre, l'État membre qui a délivré le visa est responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
La responsabilité de l'Espagne est acquise suivant l'article 22(7) du règlement DIII en ce que l'absence de réponse à l'expiration d'un délai de deux mois équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée.
Un Etat n'est pas autorisé à transférer un demandeur vers l'Etat normalement responsable lorsqu'il existe des preuves ou indices avérés qu'un demandeur risquerait dans son cas particulier d'être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») ou 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après « la Charte UE »).
3) Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l'espèce, il résulte des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale, mais aussi de vos propres déclarations, que l'Espagne vous a délivré un visa avec lequel vous avez pu entrer sur le territoire des Etats membres en Espagne en date du 25 janvier 2024.
Selon vos déclarations, vous auriez quitté l'Erythrée en septembre 2016 pour vous rendre en Ethiopie. Après 4 mois, vous seriez parti au Soudan. Cinq mois plus tard, vous seriez parti au Qatar afin d'y travailler en tant que chauffeur. Le 25 janvier 2024, vous auriez accompagné votre employeur en Espagne dans le cadre d'un séjour touristique. Vous déclarez 3que c'est ce dernier qui aurait organisé vos documents de voyage, notamment votre visa espagnol. Par ailleurs, votre employeur serait encore en possession de votre passeport.
Après une semaine en Espagne, vous déclarez avoir profité de la situation pour quitter le territoire espagnol pour vous rendre en France, mais vous auriez laissé votre passeport aux mains de votre employeur. Après avoir traversé le territoire français, vous seriez arrivé au Luxembourg en train en date du 4 février 2024.
Lors de votre entretien DIII, vous avez mentionné avoir des douleurs à la tête suite à un accident de la circulation lors de votre service militaire en Erythrée. Cependant, force est de constater que vous n'avez fourni aucun élément concret sur votre état de santé ou fait état d'autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l'Espagne qui est l'Etat membre responsable de l'examen de votre demande de protection internationale.
Rappelons à cet égard que l'Espagne est liée à la Charte UE, et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).
Il y a également lieu de soulever que l'Espagne est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).
Soulignons en outre que l'Espagne profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu'elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière.
Par conséquent, l'Espagne est présumée respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l'article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l'interdiction des mauvais traitements ancrée à l'article 3 CEDH et à l'article 3 Conv. torture.
Par ailleurs, il n'existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu'il n'existe aucune recommandation de l'UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers l'Espagne sur base du règlement (UE) n° 604/2013.
Monsieur, vous n'avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d'existence en Espagne revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu'elles seraient constitutives d'un traitement contraire à l'article 3 CEDH ou encore à l'article 3 Conv.
torture.
Relevons dans ce contexte que vous avez la possibilité, dès votre arrivée en Espagne, d'introduire une demande de protection internationale et si vous deviez estimer que les autorités espagnoles ne respectent pas vos droits élémentaires, il vous appartient de saisir les autorités espagnoles compétentes, notamment judiciaires.
Les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l'application des articles 48, 9, 10 et 11 du règlement DIII.
Il n'existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l'article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l'examen au fond de votre demande de protection internationale.
Il convient encore de souligner qu'en vertu de l'article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l'application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.
Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l'article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.
Pour l'exécution du transfert vers l'Espagne, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l'objet d'une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.
Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l'exécution de votre renvoi vers l'Espagne, l'exécution du transfert serait suspendue jusqu'à ce que vous seriez à nouveau apte à être transféré. Par ailleurs, si cela s'avère nécessaire, la Direction générale de l'immigration prendra en compte votre état de santé lors de l'organisation du transfert vers l'Espagne en informant les autorités espagnoles conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.
D'autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités espagnoles n'ont pas été constatées. […] ».
Par courrier électronique du 22 juillet 2024, les autorités espagnoles informèrent les autorités luxembourgeoises qu’elles avaient tacitement accepté la demande de prise en charge de l’intéressé sur base de l’article 12, paragraphe (2) du règlement Dublin III.
Par courrier de son litismandataire du 23 juillet 2024, Monsieur (A) fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle du 18 juillet 2024, précitée, et demanda, plus particulièrement, au ministre de se déclarer compétent pour connaître de l’examen de sa demande de protection internationale, sur base des dispositions de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III.
Par courrier du 22 août 2024, le ministre confirma sa décision précitée du 18 juillet 2024 dans les termes suivants :
« […] J’accuse bonne réception de votre recours gracieux envoyé en date du 23 juillet 2024 et par lequel vous demandez la suspension du transfert de votre mandant vers l’Espagne 5et l’application de l’article 17§1 du règlement (UE) n°604/2013 (ci-après « Règlement Dublin III »).
Après avoir procédé au réexamen du dossier, je suis toutefois au regret de vous informer que nous ne saurions réserver une suite favorable à votre demande et nous ne pouvons que confirmer la décision de transfert du 18 juillet 2024 dans son intégralité. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 septembre 2024, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions ministérielles, précitées, des 18 juillet et 22 août 2024.
Etant donné que l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours au fond contre les décisions de transfert visées à l’article 28, paragraphe (1) de la même loi, telles que les décisions litigieuses, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours principal en réformation introduit en l’espèce.
Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Le litismandataire du requérant a conclu à la recevabilité ratione temporis du recours, en affirmant que « la décision querellée » lui aurait été notifiée uniquement par courrier électronique le 26 août 2024, de sorte qu’en application de l’« article 35 (3) » de la loi du 18 décembre 2015, le délai d’introduction du recours de quinze jours aurait couru jusqu’au 10 septembre 2024 inclus.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement a conclu à l’irrecevabilité ratione temporis du recours sous analyse.
Le tribunal relève qu’aux termes de l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 : « Contre la décision de transfert visée à l’article 28, paragraphe (1), un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. ».
Conformément à l’article 10, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », dans l’hypothèse où l’administré a désigné un mandataire, l’autorité adresse ses communications à celui-ci, mais doit, en outre, notifier la décision finale à la partie elle-même.
Il ressort ensuite de l’article 12, paragraphe (3), alinéa 3 de la loi du 18 décembre 2015, que « […] Le demandeur devra accepter de recevoir toute communication au lieu de sa résidence habituelle ou, le cas échéant, au domicile élu. Sans préjudice d’une notification à personne, toute notification est réputée valablement faite trois jours après l’envoi sous pli recommandé à la poste soit au lieu de la résidence habituelle soit au domicile élu. […] ».
Le tribunal relève enfin que l’article 34, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que : « Les recours gracieux n’interrompent pas les délais de recours prévus à l’article 35. ».
6Ainsi, au vu de cette disposition spéciale, les dispositions générales de l’article 13, paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », aux termes duquel « […] si la partie intéressée a adressé un recours gracieux à l’autorité compétente avant l’expiration du délai de recours fixé par la disposition qui précède ou d’autres dispositions législatives ou réglementaires, le délai du recours contentieux est suspendu et un nouveau délai commence à courir à partir de la notification de la nouvelle décision qui intervient à la suite de ce recours gracieux […] », ne sont pas applicables en la présente matière.
Force est donc de constater que, d’une part, le délai du recours de 15 jours prévu par l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 commence à courir à partir de la date la plus récente de notification, en présence d’une décision notifiée tant à l’administré qu’à son mandataire désigné1, telle que la décision du 18 juillet 2024, telle que déférée et, d’autre part, que ce délai ne peut être interrompu par l’introduction d’un recours gracieux.
En l’espèce, le litismandataire du demandeur semble, de l’entendement du tribunal, affirmer dans la requête introductive d’instance que le délai de recours aurait commencé à courir à partir de la notification à son attention, par courrier électronique du 26 août 2024, de la décision ministérielle confirmative sur recours gracieux du 22 août 2024.
A cet égard, le tribunal relève que, dans la mesure où une décision purement et simplement confirmative d’une décision antérieure tire son existence de cette dernière, c’est uniquement la décision initiale qui s’analyse en une véritable décision ouvrant la voie de recours et dont la notification fait commencer à courir le délai pour agir2.
Il s’ensuit que, pour les besoins du calcul du délai de recours, c’est à la seule décision du 18 juillet 2024 qu’il y a lieu de se référer, de sorte qu’il y a lieu de faire abstraction, d’une part, du recours gracieux du 23 juillet 2024 et, d’autre part, de la décision confirmative sur recours gracieux du 22 août 2024, et ce conformément aux dispositions de l’article 34, paragraphe (3), précité, de la loi du 18 décembre 2015, rendant inapplicables les dispositions de l’article 13, paragraphe (2) de la loi du 21 juin 1999, tel que précisé ci-avant.
Selon l’article 3, paragraphe (1) de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle, le 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984, les délais exprimés en jours, semaines, mois ou années courent à partir du dies a quo, minuit, jusqu’au dies ad quem, minuit, les termes dies a quo désignant le jour à partir duquel le délai commence à courir et les termes dies ad quem désignant le jour où le délai expire.
Le tribunal est amené à constater en l’espèce que la notification de la décision ministérielle du 18 juillet 2024 a été valablement faite à personne en date du 23 juillet 2024, alors qu’il se dégage d’un relevé établi par l’entreprise des Postes et Télécommunications, « Track and Trace », figurant au dossier administratif, que le courrier recommandé portant notification de la décision du 18 juillet 2024 a été mis à la poste en date du 22 juillet 2024 et que l’envoi a effectivement été remis à l’intéressé le 23 juillet 2024, ledit relevé « Track and Trace » ne faisant en outre pas état d’un quelconque obstacle rencontré à cette dernière date par l’agent des postes pour la remise du courrier recommandé.
1 Trib. adm., 18 février 2021, n° 45532 du rôle ; voir également, en ce sens : trib. adm., 5 avril 2019, n° 42389 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.
2 Trib. adm., 18 décembre 2019, n°41841 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
7Dès lors, au vu de cette mention et à défaut d’un quelconque élément de preuve contraire, il est établi à suffisance de droit que le courrier litigieux, prémentionné, a été remis au demandeur en date du 23 juillet 2024, de sorte que – tel que retenu ci-avant – la notification litigieuse a été valablement accomplie à cette même date à l’égard de celui-ci.
Le tribunal constate ensuite qu’il ressort du dossier administratif et qu’il n’est pas contesté que par courrier électronique du 19 juillet 2024, le ministère a envoyé au litismandataire du demandeur un courriel électronique contenant, en annexe, la décision ministérielle du 18 juillet 2024 et que celui-ci a, par ailleurs, introduit un recours gracieux daté du 23 juillet 2024, de sorte que ledit litismandataire a eu connaissance de la décision du 18 juillet 2024 au plus tard à la date de son recours gracieux, à savoir également le 23 juillet 2024.
Dès lors et dans la mesure où la notification la plus récente a eu lieu au plus tard le 23 juillet 2024, tel que cela se dégage des considérations qui précèdent, le délai du recours de 15 jours prévu par l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 a commencé à courir au plus tard à cette date, à minuit, pour expirer le 7 août 2024, à minuit.
Il s’ensuit que le recours principal en réformation sous examen, introduit le 4 septembre 2024, soit après l’expiration du délai susmentionné, est à déclarer irrecevable pour cause de tardiveté.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours principal en réformation irrecevable pour cause de tardiveté ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 3 octobre 2024 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 octobre 2024 Le greffier du tribunal administratif 8