La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/09/2022 | LUXEMBOURG | N°44632

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 septembre 2022, 44632


Tribunal administratif N° 44632 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2020 4e chambre Audience publique du 16 septembre 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en matière de discipline

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 44632 du rôle et déposée le 8 juillet 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’O

rdre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalem...

Tribunal administratif N° 44632 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2020 4e chambre Audience publique du 16 septembre 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en matière de discipline

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 44632 du rôle et déposée le 8 juillet 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 24 mars 2020 ayant prononcé, à son égard, la sanction de la révocation prévue à l’article 47 sub 10 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 novembre 2020 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 décembre 2020 par Maître Jean-Marie Bauler, préqualifié, pour compte de son mandant ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 janvier 2021 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, et Monsieur le délégué du gouvernement Tom Kerschenmeyer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 février 2022.

___________________________________________________________________________

Par courrier du 21 décembre 2018, le directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le directeur », s’adressa au ministre des Finances, ci-après dénommé « le ministre », en les termes suivants : « (…) Conformément à l’article 9 paragraphe 3 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, je vous saisis aux fins d’ordonner l’ouverture d’une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur …, rédacteur auprès de l’administration des contributions directes, classés au grade 8, échelon 7.

En effet, le concerné est présumé avoir manqué à ses obligations statutaires pour s’être présenté à son lieu de travail entre autres en date du 17 décembre 2018 sous l’influence de l’alcool.

Ce comportement est susceptible de constituer un manquement contre les devoirs inscrits à l’article 10 alinéa 1 paragraphe 1 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat.

1 Je vous signale encore que les reproches faisant l’objet de la présente saisine sont indiqués sous réserve de tous droits, moyens et qualifications, faits nouveaux ou autres précisions à faire valoir ultérieurement. (…) » Par un courrier du 23 janvier 2019, le ministre saisit le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, dénommé ci-après « le commissaire du gouvernement », afin de procéder à une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur …, rédacteur à l’administration des contributions directes, classé au groupe de traitement B1, grade 8, échelon 7, conformément à l’article 56, paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après « le statut général ».

Par un courrier adressé au ministre en date du 28 janvier 2019, le commissaire du gouvernement adjoint accusa réception du courrier de saisine précité du 23 janvier 2019.

Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa Monsieur … qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre tout en l’invitant à se présenter au commissariat du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 12 février 2019 afin de prendre position par rapport aux faits lui reprochés, tout en lui indiquant que s’il souhaitait verser au dossier une prise de position écrite, il serait utile de la présenter avant le jour de son audition.

Par courrier du 8 février 2019, Monsieur … adressa au commissaire du gouvernement une prise de position écrite.

Par un courrier du 4 mars 2019, le directeur informa le ministre que Monsieur … se serait à nouveau présenté sous l’influence de l’alcool sur son lieu de travail en date du 25 février 2019 et sollicita l’ouverture d’une instruction pour ces faits. Par un courrier du 13 mars 2019, le ministre saisit à nouveau le commissaire du gouvernement afin de procéder à une nouvelle instruction disciplinaire, pour ces nouveaux faits, à l’encontre de Monsieur …, préqualifié, conformément à l’article 56, paragraphe 2 du statut général.

Par un courrier adressé au ministre en date du 18 mars 2019, le commissaire du gouvernement adjoint accusa réception du courrier de saisine précité du 13 mars 2019.

Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement informa Monsieur … qu’une nouvelle instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre qui ferait l’objet d’une instruction commune avec celle ouverte par courrier ministériel du 23 janvier 2019, tout en l’invitant à se présenter au commissariat du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 22 mars 2019 afin de prendre position par rapport aux faits lui reprochés, tout en l’invitant à verser au dossier une prise de position écrite qu’il serait utile de présenter avant le jour de son audition.

En date du 15 juillet 2019, le commissaire du gouvernement clôtura son instruction par l’émission d’un rapport d’instruction et, par un courrier du même jour, informa Monsieur … qu’il envisagea de transmettre le dossier au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé le « Conseil de discipline », conformément à l’article 56, paragraphe 5 du statut général, sans préjudice de son droit de prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter ses observations, respectivement de demander un complément d’instruction.

Suite à l’expiration du délai d’inspection du dossier disciplinaire, celui-ci fut transmis au Conseil de discipline en date du 2 août 2019.

Par un courrier du 25 juillet 2019, le directeur informa le ministre que Monsieur … se serait à nouveau présenté sous l’influence de l’alcool sur son lieu de travail en date du 23 juillet 2019 et sollicita l’ouverture d’une instruction pour ces faits. Par un courrier du 12 août 2019, le ministre saisit à nouveau le commissaire du gouvernement afin de procéder à une nouvelle instruction disciplinaire, pour ces nouveaux faits.

Par un courrier adressé au ministre en date du 27 août 2019, le commissaire du gouvernement adjoint accusa réception du courrier de saisine précité du 12 août 2019.

Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa Monsieur … qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre tout en l’invitant à se présenter au commissariat du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 16 septembre 2019 afin de prendre position par rapport aux faits lui reprochés.

En date du 19 septembre 2019, le commissaire du gouvernement clôtura son instruction par l’émission d’un rapport d’instruction.

Par un courrier du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa Monsieur … qu’il envisagea de transmettre le dossier au Conseil de discipline, conformément à l’article 56, paragraphe 5 du statut général, sans préjudice de son droit de prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter ses observations, respectivement de demander un complément d’instruction.

Suite à l’expiration du délai d’inspection du dossier disciplinaire, celui-ci fut transmis au Conseil de discipline en date du 7 octobre 2019.

Par des courriers du 20 et 25 septembre 2019, le directeur informa le ministre que Monsieur … se serait à nouveau présenté sous l’influence de l’alcool sur son lieu de travail le 5 septembre 2019 où il y aurait en sus insulté un collègue de travail, respectivement les 18, 19 et 20 septembre 2019, de sorte que l’ouverture d’une instruction pour ces faits fut sollicitée.

Par des courriers du 7 et 8 octobre 2019, le ministre saisit à nouveau le commissaire du gouvernement afin de procéder à une nouvelle instruction disciplinaire, pour ces nouveaux faits, à l’encontre de Monsieur ….

Par des courriers du 9 et 10 octobre 2019, le commissaire du gouvernement adjoint informa Monsieur … qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre tout en l’invitant à se présenter au commissariat du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 22 octobre 2019 afin de prendre position par rapport aux faits lui reprochés.

En date du 7 novembre 2019, le commissaire du gouvernement clôtura son instruction par l’émission d’un rapport d’instruction.

Par un courrier du même jour, le commissaire du gouvernement informa Monsieur … qu’il envisagea de transmettre le dossier au Conseil de discipline, conformément à l’article 56, paragraphe 5 du statut général, sans préjudice de son droit de prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter ses observations, respectivement de demander un complément d’instruction.

Suite à l’expiration du délai d’inspection du dossier disciplinaire, celui-ci fut transmis au Conseil de discipline en date du 19 novembre 2019.

Par arrêté du 15 novembre 2019, le ministre a décidé de suspendre Monsieur … de l’exercice de ses fonctions pendant tout le cours des procédures disciplinaires ordonnées à son encontre jusqu’à décision définitive, et ce suite à une lettre d’intention de le suspendre du 16 octobre 2019.

Le 24 mars 2020, le Conseil de discipline prit la décision qui suit :

« (…) Vu le dossier constitué à charge de … par le commissaire du Gouvernement adjoint, ci-après le commissaire, régulièrement saisi en application de l'article 56, paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, ci-

après le Statut, par courriers du Ministre des Finances du 23 janvier 2019, du 12 août 2019, ainsi que des 7 et 8 octobre 2019 au titre de l'instruction disciplinaire à charge de … et transmis pour attribution au Conseil de discipline, ci-après le Conseil, par courriers des 2 août 2019, 7 octobre 2019 et 19 novembre 2019.

Vu les rapports d'instruction des 15 juillet 2019, 19 septembre 2019 et 7 novembre 2019.

Il est reproché à … de s'être présenté à son lieu de travail en se trouvant sous influence d'alcool en date des 17 décembre 2018 (cf rapport d'instruction du 15 juillet 2019), 25 février 2019 (cf rapport d'instruction du 15 juillet 2019), 23 juillet 2019 (cf rapport d'instruction du 19 septembre 2019), 5 septembre 2019 (cf rapport d'instruction du 7 novembre 2019), ainsi qu'en date des 18, 19 et 20 septembre 2019 (rapport d'instruction du 7 novembre 2019).

Il est encore reproché à … d'avoir insulté, en date du 5 septembre 2019, une personne se trouvant au service d'une entreprise de gardiennage (cf rapport d'instruction du 7 novembre 2019), les trois rapports d'instruction lui reprochant en outre, implicitement (?) du moins, d'avoir négligé, en raison de son état alcoolisé, les tâches lui incombant en sa qualité de rédacteur auprès de l'Administration des contributions directes.

…, régulièrement convoqué devant le Conseil de discipline, ne s'étant pas présenté à l'audience du 10 mars 2020, il y a lieu de statuer conformément à l'article 68, alinéa 2, du Statut.

A l'audience publique du Conseil du mardi 10 mars 2020, après rapport oral du membre rapporteur désigné par le Président du Conseil conformément à l'article 65, alinéa 2 du statut général, le délégué du Gouvernement a été entendu en ses conclusions.

Le délégué conclut à la jonction des différents rapports d'instruction établis à charge de … et, considérant que les faits reprochés à … sont établis et constituent des manquements 4 aux articles 9, 10, 12 et 18 du Statut, conclut à les voir sanctionner par la mise à la retraite d'office sinon par la révocation du concerné.

Les faits reprochés au concerné résultant à suffisance de droit des trois rapports d'instruction dressés par le commissaire du Gouvernement et se trouvent établis dans son chef, étant observé que les faits relatifs à la présence, sous influence d'alcool, sur le lieu de travail constituent à l'instar du fait relatif à l'insulte, des manquements à l'article 10, paragraphe 1er du Statut. Le fait que … a négligé, en raison de son état alcoolisé, les tâches lui incombant en sa qualité de rédacteur auprès de l'Administration des contributions directes constitue, par ailleurs, un manquement à l'article 9, point 2 du Statut.

Aux termes de l'article 53 du statut général, l'application des sanctions se règle notamment d'après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.

… est rédacteur à l'Administration des contributions directes, affecté au Bureau d'imposition … ; au groupe de traitement B1, il est classé au grade 8, échelon 7 ; il est entré en service le 1er novembre 2012 et tient sa nomination du 1er mars 2015. Il fait actuellement l'objet d'une procédure de suspension de l'exercice de ses fonctions et s'est vu octroyer une dispense de service en attendant l'issue de la procédure disciplinaire diligentée à son encontre.

Compte tenu de la gravité des faits et même en l'absence d'antécédent disciplinaire formel, le Conseil de discipline considère que les reproches dont la matérialité est établie sont à sanctionner, conformément au réquisitoire afférent du délégué du Gouvernement, par la révocation prévue à l'article 47, point 10 du Statut.

Par ces motifs :

le Conseil de discipline, siégeant en audience publique, statuant en l'absence de … dûment convoqué, sur le rapport oral de son membre-rapporteur, le délégué du Gouvernement en ses conclusions, se déclare régulièrement saisi, ordonne la jonction des dossiers qui ont fait l'objet des rapports d'instruction des 15 juillet 2019, 19 septembre 2019 et 7 novembre 2019 du commissaire du Gouvernement, prononce à l'égard de … la sanction disciplinaire prévue à l'article 47, point 10, du Statut, à savoir la révocation, condamne … aux frais de la procédure, ces frais étant liquidés à (26,10 +49,90 + 26,10=) 102,10 euros (…) ».

Par arrêté du 30 mars 2020, le ministre décida la révocation de Monsieur …, conformément à la décision du Conseil de discipline du 24 mars 2020.

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 juillet 2020, inscrite sous le numéro 44632 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du Conseil de discipline du 24 mars 2020.

Aux termes de l’article 54, paragraphe (2) du statut général prévoyant un recours au fond contre les décisions du Conseil de discipline prononçant une sanction disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire, sur renvoi du commissaire du gouvernement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal par Monsieur … contre la décision précitée du Conseil de discipline du 24 mars 2020.

Le recours principal en réformation est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, tout en rappelant certains des rétroactes passés en revue ci-avant, le demandeur explique être entré en fonctions le 1er novembre 2012 et avoir obtenu sa nomination définitive le 1er mars 2015 en qualité de rédacteur à l’administration des Contributions directes. Il indique que les faits lui reprochés seraient tous de même nature.

Le demandeur invoque ensuite un courriel du 6 novembre 2019 de Monsieur … de l’administration des Contributions directes informant le commissaire du gouvernement qu’il aurait été dispensé de travailler et qu’une procédure de suspension serait en cours. Or, il fait valoir qu’à ce jour, il n’aurait pas connaissance d’une procédure, respectivement d’une décision de suspension en bonne et due forme à son encontre. Il explique avoir été dispensé de travailler par décision orale du directeur, et ce en date du 10 novembre 2019.

Il relate qu’en date du 15 janvier 2020, il aurait été admis au U-Center à Epen aux Pays-Bas pour y suivre une cure de désintoxication de deux mois qui se serait terminée le 4 mars 2020. Ce serait durant son absence pour se soigner qu’il aurait été convoqué à l’audience du Conseil de discipline du 10 mars 2020 par courrier du 26 février 2020.

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par le demandeur, mais détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

Le demandeur invoque d’abord différentes irrégularités au niveau de la procédure d’instruction.

A cet égard, il invoque d’abord, dans « le souci de préserver notamment les droits de la défense et plus particulièrement celui d'un éventuel recours devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme à Strasbourg », un moyen tenant à une violation du principe de légalité consacrée par l’article 14 de la Constitution luxembourgeoise et par l’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dénommée ci-après « la CEDH », le demandeur soutenant que les incriminations lui reprochées seraient trop vagues et que le fonctionnaire poursuivi ne saurait pas à quelle peine il devrait s’attendre « tant l’éventail des sanctions est important (allant de l’avertissement jusqu’à la révocation) ». Il relève, à cet égard, qu’une recherche jurisprudentielle aurait révélé que le Conseil de discipline ne prononcerait jamais la peine de la révocation pour des faits similaires.

Il cite un arrêt de la Cour administrative du 29 juin 2012, inscrit sous le numéro 30161C du rôle, dans lequel il aurait été reproché à l’intéressé, en sus d’autres manquements, d’avoir été surpris dans un état alcoolisé sur son lieu de travail et duquel il ressort que la peine disciplinaire de la rétrogradation aurait été confirmée, ainsi qu’un jugement du tribunal administratif du 10octobre 2001, inscrit sous le numéro 13266 du rôle, où on aurait reproché à l’intéressé la consommation de boissons alcooliques durant le service et des manquements dans l’accomplissement de son travail, dans le cadre duquel le Conseil de discipline aurait proposé la peine disciplinaire du déplacement. Ainsi, la versatilité des « décisions/sanctions » du Conseil de discipline serait fortement attentatoire au principe de sécurité juridique, dans la mesure où le défaut de correspondance entre les manquements et les sanctions exposerait les fonctionnaires poursuivis à une incertitude et une insécurité juridique disproportionnées et partant inacceptables.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur précise que le délégué du gouvernement aurait confondu le principe de personnalisation de la sanction avec le principe de légalité des sanctions et des manquements en invoquant l’existence d’une marge de manœuvre pour la juridiction en fonction de la gravité des faits et des circonstances atténuantes éventuelles. Selon lui, en matière disciplinaire, le Conseil de discipline disposerait de toutes les peines dans l’éventail des peines prévues par le statut général pour n’importe quel type de manquement professionnel, contrairement à la matière correctionnelle, de sorte qu’il n’y aurait pas application du principe de légalité pour les manquements et sanctions. A titre d’exemple, il se réfère à la discipline des militaires qui connaîtrait un règlement intérieur qui définirait pour chaque manquement une peine correspondante. S’il existerait une forme d’application du principe de personnalisation de la sanction prévue par l’article 53 du statut général, cette circonstance n’apporterait nullement la sécurité juridique exigée par le principe de légalité. Le demandeur donne encore à considérer que la partie étatique semblerait avoir perdu de vue que l’alcoolisme serait une maladie qui devrait être considérée comme une circonstance atténuante par rapport à une personne qui ne serait pas alcoolique et qui en toute connaissance de cause consommerait de l’alcool avant de se rendre au travail où pendant son service.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen pour être dépourvu de fondement.

En vertu de l’article 7, paragraphe 1er de la CEDH « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise ».

Ledit article consacre le principe de la légalité des peines tel que consacré également par l’article 14 de la Constitution, en vertu duquel « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi ».

Tel que cela a été retenu par la Cour Constitutionnelle à différentes occasions, en droit disciplinaire la légalité des peines suit les principes généraux du droit pénal et doit observer les mêmes exigences constitutionnelles de base. Le principe de la légalité de la peine entraîne la nécessité de définir les infractions en termes suffisamment clairs et de préciser le degré de répression pour en exclure l’arbitraire et pour permettre aux intéressés de mesurer exactement la portée de ces dispositions et le principe de la spécification de l’incrimination est le corollaire de celui de la légalité des peines. La Cour Constitutionnelle a encore retenu que le droit disciplinaire tolère dans la formulation des comportements illicites et dans l’établissement des peines à encourir une marge d’indétermination sans que le principe de la spécification de l’incrimination et de la peine n’en soit affecté, si des critères logiques, techniques etd’expérience professionnelle permettent de prévoir avec une sureté suffisante la conduite à sanctionner et la sévérité de la peine à appliquer.1 La Cour Constitutionnelle a pareillement retenu que le principe de la légalité des peines ne fait pas obstacle à ce qu’en matière disciplinaire les infractions soient définies par référence aux obligations légales et réglementaires auxquelles est soumise une personne en raison des fonctions qu’elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou de l’institution dont elle relève.2 Au regard de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, le tribunal est amené à retenir que la circonstance que le statut général prévoit un certain nombre de devoirs et d’obligations incombant notamment aux fonctionnaires et que, par ailleurs, la même loi prévoit un catalogue de sanctions disciplinaires, n’est pas contraire au principe de la légalité des peines, dans la mesure où les devoirs sont décrits avec suffisamment d’objectivité et que l’arbitraire des sanctions à appliquer est évité par le biais de l’article 53 du statut général, qui impose que l’application des sanctions disciplinaires doit se régler notamment d’après la gravité de la faute commise, le grade, la nature de l’emploi et les antécédents disciplinaires du fonctionnaire inculpé.3 Il s’ensuit que le moyen fondé sur une violation de l’article 14 de la Constitution est à rejeter pour ne pas être fondé. Il en va nécessairement de même en ce qui concerne le moyen fondé sur une violation de l’article 7 de la CEDH.

En ce qui concerne ensuite le moyen tendant à critiquer la composition du Conseil de discipline en invoquant une violation des principes d’impartialité, consacré par les droits de la défense et par l’article 6 la CEDH, ainsi que du principe d’indépendance dudit Conseil, le demandeur estime que le fait que dans un organe décisionnel siègeraient des représentants de l’Etat, qui serait lui-même partie en cause, serait pour le moins discutable, sinon critiquable par rapport à la garantie de l’indépendance.

Il se prévaut, dans ce contexte, de deux arrêts du Conseil constitutionnel français, le premier ayant invalidé un article du code de l’action sociale et des familles pour contrariété à la Constitution française en ce qu’il prévoyait la participation de fonctionnaires dans la composition d’une commission centrale d’aide sociale en méconnaissance du principe d’indépendance, le deuxième ayant décidé que les dispositions, prévoyant que deux fonctionnaires, représentant le ministre de la santé et le ministre de l’outre-mer, siègeant au sein du conseil national de l’ordre des pharmaciens, seraient contraires à la Constitution pour méconnaître le principe d’indépendance, alors même que celles-ci prévoyaient que lesdits représentants ministériels y siègent avec voix consultative.

Le demandeur invoque ensuite un manque d’impartialité des délégués du gouvernement représentant l’Etat devant le Conseil de discipline, alors qu’ils seraient tous fonctionnaires au ministère de la Fonction publique et qu’ils plaideraient devant le chef du cabinet du ministère, le demandeur critiquant encore le fait que tous les membres du Conseil de discipline serait nommés à l’occasion du même arrêté grand-ducal pour un terme de trois ans. Il rajoute qu’il ne verrait pas la nécessité d’avoir encore deux représentants du Gouvernement qui siègeraient 1 cf. arrêt n° 23/04 du 3 décembre 2004 de la Cour Constitutionnelle, Mém. A n° 201 du 23 décembre 2004.

2 cf. arrêt n° 41/07 du 14 décembre 2007 de la Cour Constitutionnelle, Mém. A n° 1 du 11 janvier 2008.

3 Trib. adm., 8 novembre 2012, n° 29712 du rôle, conf. Cour adm., 13 mars 2014, n° 31821aC du rôle, Pas. adm.

2021, V° Fonction publique, n° 419 (1er volet) et les autres références y citées.au sein de l’organe de jugement, dont l’un appartiendrait au même ministère que le délégué du gouvernement.

Le demandeur insiste encore sur le fait que le commissariat chargé de l’instruction, ayant instruit l’affaire et renvoyé le dossier devant le Conseil de discipline, dépendrait directement du ministère de la Fonction publique et qu’il y tiendrait ses bureaux au sein même dudit ministère, de sorte qu’à toutes les étapes de la procédure, un représentant du ministère de la Fonction publique, sinon le ministre de la Fonction publique lui-même serait impliqué.

Il soutient ensuite qu’il serait permis de douter de l’impartialité du commissaire du gouvernement du fait pour celui-ci de cumuler de facto et de iure trois fonctions incompatibles, à savoir celle de juge d’instruction (instruire à charge et à décharge), de juge (classer l’affaire, sinon de renvoyer à l’autorité, sinon au Conseil de discipline) et celle de procureur (son rapport devant être considéré comme un réquisitoire).

Dans son mémoire en réplique, le demandeur reproche au délégué du gouvernement d’avoir qualifié de lapidaire son moyen tenant à l’impartialité de la composition du Conseil de discipline et du commissaire du gouvernement, lequel se serait quant à lui borné à citer un arrêt de la Cour administrative. Il remet ensuite en cause la critique de la partie étatique selon laquelle il aurait dû user de la faculté de récuser un membre du Conseil de discipline, alors qu’en pratique les demandes de récusation n’auraient pas de chance d’aboutir, de même que cette faculté n’enlèverait en rien le constat selon lequel sa composition violerait le principe d’impartialité objective. En effet, en cas de récusation des membres représentant l’Etat et le ministère de la Fonction publique, le Conseil de discipline ne pourrait plus siéger, de sorte que la solution proposée par la partie étatique ne serait pas pertinente en pratique, la seule réparation d’un vice d’impartialité objective étant la reconnaissance dudit vice par les juridictions et une réforme structurelle à entreprendre par le législateur.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen fondé sur le principe d’impartialité et d’indépendance du Conseil de discipline pour ne pas être fondé.

L’article 6, paragraphe 1er de la CEDH dispose que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) ».

Si l’article 6, précité, impose certes des impératifs à respecter en matière de procès équitable, les garanties afférentes n’ont néanmoins pas pour autant vocation à s’appliquer au niveau d’une procédure disciplinaire purement administrative, en ce qu’elles n’entrent en ligne de compte qu’à un stade ultérieur, au niveau de l’instance juridictionnelle compétente pour connaître du recours dirigé contre la décision administrative traduisant l’aboutissement de ladite procédure disciplinaire.

Or, le Conseil de discipline critiqué en l’espèce ne constitue qu’une étape dans le processus décisionnel aboutissant à la sanction disciplinaire et ne revête pas en lui-même un caractère juridictionnel, de sorte que les moyens avancés par le demandeur, en ce qu’ils sont basés sur une violation alléguée de l’article 6 de la CEDH au niveau de la procédure disciplinaire administrative ayant précédé la décision déférée, laissent d’être fondés.

Force est néanmoins de relever que, même si l’autorité administrative en charge de la procédure disciplinaire n’est pas formellement soumise au respect de l’article 6 de la CEDH, il a été jugé qu’elle est néanmoins tenue d’observer les principes généraux de droit, tels que le principe de procédure équitable, le respect des droits de la défense ou encore le principe général d’impartialité, et ce, même en l’absence d’un texte exprès4.

A cet égard, il a été retenu qu’il échet d’une manière générale d’assurer que l’enquête disciplinaire soit conduite par une personne compétente à condition que son impartialité ne soit pas contestable. Ainsi, l’autorité amenée à prendre la décision sur la sanction à appliquer doit être impartiale d’un point de vue subjectif, en ce qu’elle ne doit pas avoir procédé à des prises de position antérieures de nature à préjuger du résultat de la procédure disciplinaire, de même qu’il est exigé que, d’un point de vue objectif, ledit organe ne puisse pas être soupçonné de partialité objective, la partialité objective pouvant découler de conditions structurelles ou organisationnelles qui autoriseraient à suspecter l’impartialité d’un organe5.

En ce qui concerne d’abord les développements du demandeur relatifs à la composition du Conseil de discipline, force est de constater que cette mise en doute de l’impartialité de cet organe se base sur le seul constat qu’il a été composé, outre de deux magistrats, d’un représentant du ministère de la Fonction publique, ainsi que d’un représentant du ministère d’Etat, ces derniers membres manquant, d’après le demandeur, d’objectivité du fait de leur pouvoir de représentation de leurs ministres respectifs dans la gestion quotidienne des affaires courantes.

Aux termes de l’article 59 du statut général « Le Conseil de discipline est composé de deux magistrats de l'ordre judiciaire, d'un délégué du ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative, d'un délégué du ministre d'Etat et d'un représentant à désigner par la Chambre des Fonctionnaires et Employés Publics, ainsi que d'un nombre double de suppléants choisis selon les mêmes critères. (…). » Il a été retenu que la seule présence au sein du Conseil de discipline d’un fonctionnaire du ministère de la Fonction publique et d’un représentant du ministère d’Etat ne permet pas de conclure à une appréhension raisonnable de préjugé lorsque ces fonctionnaires n’ont pas manifesté d’une quelconque manière un comportement caractérisé permettant de conclure à une appréhension raisonnable de préjugé et notamment lorsque ceux-ci n’ont pas été appelés à prendre précédemment une décision ou à effectuer une intervention qui les auraient conduits à prendre position ou à émettre une appréciation pouvant constituer un préjugé sur le litige leur soumis en tant que membres du conseil de discipline.6 Le demandeur restant en défaut de rapporter des éléments de preuve concrets à cet égard, le moyen tiré d’une absence d’impartialité objective dans le chef du Conseil de discipline est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé. A titre superfétatoire, en ce qui concerne une éventuelle impartialité subjective dans le chef des membres dudit organe, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement a relevé que Monsieur … aurait eu la possibilité de solliciter, sur le fondement de l’article 60 du statut général, la récusation desdits membres, ce qu’il est 4 Trib. adm.. 12 mars 2008, n° 21852a du rôle, Pas. adm. 2021, V° Fonction publique, n° 268 (1er volet) et autres références y citées.

5 Trib. adm., 8 juillet 2015, n°34312 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Fonction publique, n° 268 (2e volet) et les autres références y citées.

6 Trib. adm.. 12 mars 2008, n° 21852a du rôle, Pas. adm. 2021, V° Fonction publique, n° 286 (1er volet) et les autres références y citées.cependant resté en défaut de faire, constat qui n’est pas énervé par les allégations du demandeur selon lesquelles une telle procédure de révocation n’aurait pas de chance d’aboutir, voire que la conséquence d’une telle procédure serait que le Conseil de discipline ne pourrait plus siéger utilement.

Il en va de même du reproche de partialité dans le chef du commissaire du gouvernement, alors que d’un point de vue objectif, il convient de relever qu’il a été jugé que du seul fait qu’il soit appelé, en fonction des résultats de l’enquête, soit à classer l’affaire, soit à transmettre le dossier à l’autorité administrative ou encore au Conseil de discipline aux fins de décision, le commissaire du gouvernement ne peut pas être soupçonné de partialité objective au cours de l’enquête, la partialité ne pouvant être déduite ex post du seul résultat de l’enquête.

En effet, la possibilité du commissaire du gouvernement aux termes d’une instruction à charge et à décharge, à décider du sort de l’affaire, n’a par ailleurs que la qualité d’un acte préparatoire, le Conseil de discipline demeurant souverain dans son appréciation7. La seule circonstance que le commissaire du gouvernement soit administrativement lié au ministère dont relève le demandeur ne révèle pas une partialité objective, le demandeur n’avançant par ailleurs pas le moindre élément de nature à établir une partialité subjective dans le chef de ce dernier.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur une prétendue impartialité du commissaire du gouvernement et du Conseil de discipline est à rejeter pour manquer en fait.

Le demandeur se prévaut ensuite d’une violation du principe de non bis in idem en ce qu’il aurait fait l’objet d’une dispense de travail illégale qui serait à requalifier de sanction disciplinaire déguisée. Il explique, à cet égard, que le statut général ne connaîtrait pas de dispense de travail, seule la suspension, dans l’intérêt du service et dans l’intérêt du fonctionnaire en cause, serait prévue, d’autant plus que ladite dispense de travail n’aurait pas été prise par le ministre compétent ni par le commissaire du gouvernement, de sorte qu’elle ne saurait être qualifiée de suspension au sens de l’article 48 du statut général. Le demandeur insiste sur le fait que le courrier électronique du 6 novembre 2019 de Monsieur … confirmerait que « la deuxième lettre prévue par la PANC et fixant la date de la suspension [serait] en signature chez Monsieur le Ministre des Finances », de sorte qu’il ne saurait s’agir d’une suspension conservatoire, mais que d’une exclusion temporaire des fonctions au sens de l’article 47, paragraphe (8) du statut général, ce qui prouverait une violation du principe non bis in idem, le demandeur estimant manifestement être sanctionné deux fois pour les mêmes faits, ou du moins, que cette première sanction devant tempérer la sanction prononcée par le Conseil de discipline.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur argue qu’il n’aurait pas connaissance d’un courrier du 16 octobre 2019 l’informant de l’intention du ministre de procéder à sa suspension, ni d’une suspension de l’exercice de ses fonctions datée au 15 novembre 2019, de sorte qu’il y aurait lieu de lui donner acte qu’il n’aurait pas connaissance d’une procédure, respectivement d’une décision de suspension à son encontre en bonne et due forme. Il souligne qu’en tout état de cause, le statut général ne connaitrait pas de dispense de travail pour une cause disciplinaire.

Le demandeur critique ensuite le fait pour la partie étatique d’avoir tenté de régulariser ex post la décision de suspension illégale en la qualifiant à tort de dispense de service exceptionnelle sur le fondement des articles 19quater, point 7° et 32 du statut général. Il se prévaut, à cet égard, d’extraits de l’avis du Conseil d’Etat du 15 décembre 2017 et de l’avis complémentaire 7 En ce sens : trib. adm., 12 mars 2008, n° 21852a du rôle, Pas. adm. 2021, V° Fonction publique, n° 282 (1er volet) et les autres références y citées.du Conseil d’Etat du 29 mai 2018 concernant le projet de loi n°71713/02 portant fixation des conditions et modalités d’un compte épargne-temps dans la Fonction publique donnant des précisions sur les dispenses de services pouvant être accordées par le chef d’administration pour conclure qu’il ne résulterait ni de l’article 19quater, point 7°, ni des travaux parlementaires relatifs à ce dernier que le législateur aurait voulu prévoir une dispense de service comme mesure conservatoire dans l’attente d’une autre mesure conservatoire, en l’occurrence la suspension durant la procédure disciplinaire, de sorte que le directeur aurait commis une violation de la loi, un excès de pouvoir, voire un détournement de pouvoir manifeste. Le demandeur invoque en sus une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en ce qu’il n’aurait jamais été informé de l’intention de le faire bénéficier d’une dispense de service à titre exceptionnel et n’aurait dès lors pas eu le droit de prendre position à ce sujet. Cette décision violerait en outre l’article 6 dudit règlement grand-ducal, d’autant plus qu’en principe et selon la loi, une telle dispense exceptionnelle ne pourrait être donnée que pour des raisons dûment justifiées. Enfin, le demandeur conclut que le fait que la dispense de service aurait eu lieu durant la procédure disciplinaire, pour les mêmes motifs que ceux faisant l’objet de l’instruction disciplinaire et avant une éventuelle mesure de suspension conservatoire, celle-ci aurait été prise non seulement pour pallier l’impossibilité de prendre une mesure de suspension, prévue à l’article 48, paragraphe (1) du statut général, mais surtout qu’elle aurait été prise dans un contexte disciplinaire. Dans tous les cas les deux procédures se trouveraient intimement liées.

Le délégué du gouvernement estime qu’aucune violation du principe non bis in idem ne serait vérifiée en l’espèce.

Le principe non bis in idem a été repris tant par l’article 4 du Protocole n° 7 à la CEDH, dénommé ci-après « le Protocole n° 7 », dont le paragraphe (1) est libellé comme suit : « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat » que par l’article 14-7 du Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, dénommé ci-après « le Pacte », en vertu duquel « Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays ».

Il échet de conclure de ces textes de droit international qu’il s’agit d’un principe consacré dans les grands systèmes internationaux de protection des droits de l’homme. Ce principe répond à une exigence de justice et de sécurité juridique et fait obstacle à ce que l’administration puisse sanctionner deux fois la même personne en raison des mêmes faits. Il s’ensuit qu’en matière de contentieux disciplinaire, une même faute commise par un fonctionnaire ne peut être sanctionnée qu’une seule fois sur le plan disciplinaire.

En l’espèce, il échet tout d’abord de relever que le demandeur estime qu’il aurait fait l’objet d’une dispense de travail illégale, non prévue par le statut général, à requalifier comme une exclusion temporaire de ses fonctions au sens de l’article 47, paragraphe (8) du statut général, de sorte qu’il se serait, d’ores et déjà, vu infliger une sanction disciplinaire déguisée pour les mêmes faits, violant le principe non bis in idem.

Or, s’il n’est pas contesté que le demandeur a bénéficié d’une dispense de travail prononcée par voie orale par le directeur le 5 novembre 2019, force est cependant de constater que le demandeur n’a subi aucun préjudice à la suite de cette invitation de rester chez lui pour se soigner sans conséquence aucune sur ses droits statutaires et qu’il ressort du dossier administratif qu’il a, par ailleurs, fait l’objet d’une décision de suspension de travail le 15 novembre 2019, suite au courrier d’intention du 16 octobre 2019.

Comme le principe non bis in idem ne peut trouver application qu’au cas où il existe deux ou plusieurs sanctions disciplinaires définitives, le tribunal est amené à constater que ce principe ne saurait trouver application en l’espèce, étant donné qu’une décision de suspension de travail, telle que prévue par l’article 48 du statut général, prise à l’encontre d’un fonctionnaire constitue une décision conservatoire et en tout état de cause temporaire, ordonnée pendant tout le cours de la procédure disciplinaire jusqu’à la décision définitive.

D’ailleurs, en ce qui concerne la question de la qualification où la légalité de la dispense de travail, respectivement de la suspension de Monsieur …, force est de constater que le tribunal n’est pas saisi, dans le cadre de la présente instance, de l’examen de la légalité de la décision de dispense du 5 novembre 2019, voire de suspension de l’exercice de ses fonctions du 15 novembre 2019 pris à l’encontre de Monsieur …, de sorte qu’il ne lui appartient pas d’examiner ou de qualifier, dans le cadre de la présente instance, ces décisions au regard d’une éventuelle sanction disciplinaire déguisée, respectivement d’analyser les prétendues violations par ces dernières du règlement grand-ducal du 8 juin 1979. Par ailleurs, il échet de souligner que ces décisions, comme toute décision administrative individuelle, bénéficient d’une présomption de légalité. Force est en outre de constater que le demandeur reste d’ailleurs en défaut de faire valoir un quelconque indice susceptible de mener à la conclusion que la dispense de travail dont il a bénéficié, voire la suspension de travail constitueraient une sanction disciplinaire déguisée.

Au vu des conclusions qui précèdent, et à défaut d’éléments permettant de retenir que le demandeur ait déjà fait l’objet d’une sanction disciplinaire auparavant pour les mêmes faits, le moyen fondé sur une violation du principe non bis in idem est à rejeter comme étant non fondé.

Le demandeur conclut ensuite à une violation de l’article 1bis du statut général, interdisant toute discrimination directe ou indirecte fondée notamment sur le handicap. Il estime que son alcoolisme serait sans conteste à qualifier de maladie nécessitant des soins.

Dans ce contexte, le demandeur rappelle avoir fait une cure de désintoxication de deux mois aux Pays-Bas, au cours des mois de juin et juillet 2019 et souligne qu’il serait actuellement en thérapie auprès du Dr. B., médecin addictologue. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaîtrait depuis 1978 l’alcoolisme comme une maladie et la définirait comme des « troubles mentaux et troubles du comportement » liés à l’ingestion fréquente d’alcool éthylique. Tout en citant un arrêt du 11 avril 2013 de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après dénommée « la CJUE », dans les affaires C-335/11 et C-337/11, ainsi qu’un arrêt de la Cour de cassation française du 11 juillet 2012, le demandeur conclut que le fait de sanctionner de la révocation un fonctionnaire manifestement malade, au seul motif qu’il serait malade, constituerait une violation du principe de non-discrimination en raison de l’état de santé.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur reproche au délégué du gouvernement d’avoir qualifié sa cure de désintoxication de « petite cure », au motif que des rechutes seraient fréquentes dans le cadre de sa pathologie.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen pour manquer de fondement.

Aux termes de l’article 1bis, paragraphe 1er du statut général : « Dans l’application des dispositions de la présente loi, toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge, l’orientation sexuelle, l’appartenance ou non-

appartenance, vraie ou supposée, à une race ou ethnie est interdite ».

Quant à une discrimination du demandeur en raison d’un prétendu handicap dans son chef, force est de retenir qu’outre le fait que les allégations du demandeur relatives à une infirmité pouvant être considérée comme un handicap ne sont établies par aucun élément, le demandeur reste en défaut d’établir dans quelle mesure un statut de travailleur handicapé dans son chef le mettrait à l’abri d’une procédure disciplinaire, respectivement dans quelle mesure la décision déférée constituerait une discrimination au sens de l’article 1bis du statut général, le tribunal n’étant pas censé pallier la carence des parties dans la présentation de leurs moyens.

Ceci est d’autant plus vrai que c’est à bon droit que le délégué du gouvernement a souligné que le demandeur n’a pas été sanctionné à cause de sa maladie, mais pour des faits qu’il a commis à son lieu de travail, son comportement inacceptable en venant travailler en état d’ébriété avancé et son refus de se faire soigner adéquatement, de sorte que le moyen relatif à une discrimination encourt d’ores et déjà le rejet.

Enfin, le demandeur conclut à une disproportion de la sanction en expliquant avoir effectué une recherche jurisprudentielle de laquelle serait ressortie que pour des faits similaires, il n’y aurait jamais eu la sanction de la révocation, de sorte qu’il lui serait incompréhensible d’être le seul fonctionnaire depuis 2001 pour lequel le Conseil de discipline aurait retenu ladite sanction de la révocation.

Il donne à considérer qu’il serait un fonctionnaire compétent et irréprochable dans l’accomplissement de ses tâches, d’autant plus que les faits lui reprochés ne seraient pas en relation directe avec son aptitude professionnelle ou sa qualification morale et ne sauraient dès lors corroborer une quelconque disqualification morale ou inaptitude professionnelle tel que le suggérerait la sanction de la révocation ou celle de la mise à la retraite d’office. Le demandeur précise encore que son dossier personnel ne ferait pas état de reproches professionnels, de sorte que s’il était accepté qu’il serait atteint d’une maladie curable et que son travail ne ferait l’objet d’aucune critique, il y aurait lieu de conclure que la révocation des fonctions serait nécessairement disproportionnée.

Le demandeur fait encore répliquer à ce sujet qu’il ne contesterait pas sa dépendance à l’alcool, mais la proportionnalité de la sanction de la révocation par rapport aux manquements lui reprochés, à savoir d’être en fait victime d’alcoolisme. Il estime qu’à chaque fois qu’il ferait l’objet d’une dispense de service illégale, il serait déjà sanctionné, tout en donnant à considérer qu’il existerait des sanctions plus adaptées consistant à conserver les fonctionnaires malades, voire handicapées en raison de l’alcoolisme. S’il considère que tant qu’il ne serait pas guéri, il serait nécessaire qu’il ne soit pas en contact avec les contribuables, il critique néanmoins le fait qu’un tel poste n’existerait pas au sein de l’administration des Contributions directes. Ainsi, un simple déplacement aurait suffi et aurait surtout permis d’éviter qu’il perde définitivement son emploi, alors que son diagnostic d’alcoolique devrait être considéré comme une circonstanceatténuante, du fait d’être une maladie reconnue et médicalement constatée de laquelle il serait victime.

Si le délégué du gouvernement prétendrait qu’il ferait preuve de mauvaise volonté, le demandeur fait valoir qu’il n’en serait rien, se prévalant d’une définition de l’alcoolodépendance de l’Association de malades dépendants à l’alcool et aux médicaments (AMA), selon laquelle l’alcoolisme, à l’instar des autres addictions, ne connaîtrait pas de traitement médicamenteux efficace, le traitement reposant essentiellement sur une prise en charge d’ordre psychologique et des sevrages via des cures. Le demandeur donne à considérer qu’un tel traitement supposerait une prise de conscience de son état de santé, ainsi qu’une volonté personnelle de guérir de l’addiction. Or, ce serait toute la difficulté de la prise en charge, alors que par définition l’alcoolisme altérerait l’état de conscience du malade et le priverait du volontarisme nécessaire au traitement, de sorte qu’il remet en cause les affirmations du délégué du gouvernement sur son absence à l’audience disciplinaire et sur le fait que consommer de l’alcool sur le lieu de travail constituerait une faute grave dans le secteur privé pouvant justifier le licenciement avec effet immédiat du salarié en question. Le demandeur considère, à cet égard, que le secteur privé et public ne seraient pas comparables pour avoir des règles et des principes différents. Dans le secteur privé, l’employeur bénéficierait de la liberté contractuelle, ainsi lors de la rupture de cette relation contractuelle, l’alcoolisme n’étant pas considéré par les juridictions sociales comme un « handicap », un licenciement pour une telle cause ne serait pas protégé par le principe de non-discrimination.

Dans le secteur public, par contre, l’Etat employeur ne disposerait pas de cette liberté contractuelle et se devant de s’astreindre à des règles contraignantes tendant à protéger les personnes dont l’état de santé serait défaillant.

Il conteste les reproches selon lesquels son rendement aurait chuté dramatiquement, alors qu’ils resteraient à l’état de pure allégation.

Le délégué du gouvernement rejette le moyen tendant à une disproportion de la sanction par rapport aux faits reprochés au demandeur. En citant des extraits du dossier administratif, le délégué du gouvernement indique que le demandeur se serait régulièrement présenté sur son lieu de travail en état d’ivresse aigue et conclut au fait qu’il ne ferait rien pour sortir de son état de dépendance.

Il souligne que les nombreux faits reprochés au demandeur seraient d’une gravité certaine et que ceux-ci, combinés à son refus de se faire soigner sérieusement, justifieraient la mesure entreprise, d’autant plus que le même constat serait retenu dans le secteur privé, où ce comportement serait qualifié de faute grave justifiant un licenciement avec effet immédiat.

Le délégué du gouvernement souligne le fait que l’état d’ivresse du demandeur ne ferait qu’empirer et que les conseils donnés par ses supérieurs et collègues de se faire aider auraient été ignorés par lui, tout en précisant que son état représenterait un danger pour lui-même et autrui.

Concernant ses capacités professionnelles, celles-ci seraient de plus en plus médiocres, ce qui aurait suscité de l’agacement auprès des collègues de travail devant remédier sa carence dans le traitement de ses dossiers. Le délégué du gouvernement reproche encore au demandeur de ne pas avoir saisi les opportunités lui proposées de se soigner, ainsi que son comportement à l’égard de la procédure disciplinaire, alors qu’il ne se serait pas présenté à l’audience du Conseil de discipline et n’aurait pas récupéré le courrier contenant le prononcé de sa sanctiondisciplinaire retourné à l’expéditeur. Il insiste encore sur le fait qu’aucun pièce démontrant le suivi d’un traitement avec succès n’aurait été versée, de sorte que sa réintégration dans le service serait impossible, une telle dépendance étant incompatible avec l’exercice d’un service public.

Le délégué du gouvernement fait enfin répliquer que l’alcoolisme ne serait pas incurable et que les multiples faits reprochés au demandeur seraient d’une gravité certaine, de sorte à avoir ébranlé la confiance de ses supérieurs d’une manière telle que le maintien des relations de travail serait devenu impossible. Tant qu’il n’aurait pas suivi un traitement couronné de succès, le demandeur ne serait tout simplement pas apte au travail.

En ce qui concerne d’abord la matérialité des faits reprochés, force est au tribunal de constater que le demandeur ne conteste pas les faits lui reprochés, ni devant le Conseil de discipline, ni dans le cadre de sa requête introductive d’instance, de sorte que les faits sont à considérer comme avérés.

Le demandeur ne conteste pas non plus la qualification disciplinaire de ces faits telle que retenue par le Conseil de discipline, à savoir une violation de l’article 10, paragraphe 1er du statut général aux termes duquel « Le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public. Il est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu’il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination. » et de l’article 9, paragraphe 2 dudit statut qui dispose que « Il est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées; il doit prêter aide à ses collègues dans la mesure où l’intérêt du service l’exige; la responsabilité de ses subordonnés ne le dégage d’aucune des responsabilités qui lui incombent. » En ce qui concerne la proportionnalité de la décision déférée et partant l’adéquation de la sanction à appliquer par rapports aux faits retenus, l’article 53 du statut général prévoit que « L’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. », impliquant, d’après la jurisprudence en la matière selon laquelle les critères d’appréciation de l’adéquation de la sanction prévus légalement sont énoncés de manière non limitative, que le tribunal est susceptible de prendre en considération tous les éléments de fait lui soumis qui permettent de juger de la proportionnalité de la sanction à prononcer, à savoir, entre autres, l’attitude générale du fonctionnaire.8 Il a également été jugé que, dans le cadre du recours en réformation exercé contre une sanction disciplinaire, le tribunal est amené à apprécier les faits commis par le fonctionnaire en vue de déterminer si la sanction prononcée par l'autorité compétente a un caractère proportionné et juste, en prenant notamment en considération la situation personnelle et les antécédents éventuels du fonctionnaire.9 8 Trib. adm. 12 juillet 2019, nos 40837 et 41256 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Fonction Publique, n° 341 et les autres références y citées.

9 Trib. adm. 1er juillet 1999, n° 10936 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Fonction Publique, n° 378 et les autres références y citées.En ce qui concerne l’attitude du demandeur, s’il a certes reconnu les faits et a tenté, sans le succès escompté, de se faire soigner contre son alcoolisme, il continue néanmoins à essayer de se délier de sa responsabilité en poussant la faute sur son état de santé.

Or, ni son état de santé, ni le fait qu’il a participé à une cure de désintoxication ne sont de nature à minimiser les faits, respectivement à excuser son comportement inapproprié sur son lieu de travail, tel que décrit dans la décision déférée, étant relevé que le demandeur laisse d’établir qu’il aurait mis en œuvre tous les efforts pour améliorer son comportement, alors qu’au contraire, il ressort des éléments de la cause que ses supérieurs hiérarchiques ont, dans l’intérêt tant du service que du demandeur, souvent fait preuve de beaucoup de patience et d’indulgence envers ce dernier en évitant qu’il soit en contact avec le public, alors même qu’il continuait à avoir des écarts de conduite. Ainsi, Monsieur …, chef de division adjoint de la Direction – Division Affaires générales de l’administration des Contributions directes, relève dans un courriel du 11 juillet 2019 que « Nous estimions lors du retour de Monsieur … que la cure avait été couronnée de succès. Malheureusement les dernières rumeurs que nous avons eu sont moins bonnes. Plusieurs personnes nous ont rapporté que Monsieur … a succombé de nouveau à ses anciens démons alcooliques. (…) Une personne a observé Monsieur … titubant en sortant de sa voiture. (…) je suis d’avis que le problème d’alcool de Monsieur … est loin d’être résolu ». Il ressort même d’une note au dossier du commissaire au gouvernement adjoint qu’en date du 12 juillet 2019, à l’occasion de la remise de documents par le demandeur, « Monsieur …, qui dégageait une odeur d’alcool, a reconnu avoir fait une rechute, en précisant que ce serait fréquent après une première cure ». Par ailleurs, son supérieur hiérarchique Monsieur … fait remarquer dans son attestation testimoniale du 23 septembre 2019 que « Monsieur … s’est présenté au bureau dans un état d’ivresse considérable. Il était absolument inapte au travail. (…) Après avoir fait remarquer que son manque de discipline pourra voir des conséquences néfastes tant pour sa carrières que pour sa santé, il m’a répliqué que c’est seulement à cause de mon intervention auprès de la division des affaires générales qu’il se trouve actuellement confronté à beaucoup de problèmes. Il m’a reproché un comportement injuste, lui faisant une mauvaise réputation. Au cours de la discussion sa conduite devenait de plus en plus agressive et offensante (…) ».

Au vu de l’absence d’antécédents disciplinaires, mais également de la gravité avérée des faits, le tribunal est amené à remplacer la sanction de la révocation par la sanction, moins sévère, de la mise à la retraite d’office cette dernière sanction étant particulièrement justifié par les circonstances de l’espèce, notamment par la rupture de la relation de confiance engendrée par le comportement du demandeur et par le fait que le maintien de ce dernier au sein de la Fonction publique est irrémédiablement compromis. Le recours est partant à accueillir partiellement et la décision du Conseil de discipline est à réformer en ce sens.

Quant à la demande de Monsieur …, formulée au dispositif de sa requête introductive d’instance d’ordonner à l’Etat de communiquer le dossier administratif conformément à l’article 8, paragraphe (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, dénommée ci-après « la loi du 21 juin 1999 », demande formulée sans une quelconque précision à ce sujet dans son recours, il y a lieu de relever, outre le fait que le dépôt du dossier administratif constitue une obligation spontanée pour l’administration dont émane la décision déférée, que le délégué du gouvernement a versé au tribunal, ensemble avec son mémoire en réponse, une farde contenant plusieurs documents permettant de retracer les principaux rétroactes à la base de la décision déférée, de sorte qu’à défaut, pour le demandeur, d’avoir, par la suite, contesté le caractère complet du dossier administratif ainsi versé, la demande y relative encourt le rejet.

Quant à sa demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000 euros au sens de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, le demandeur n’ayant pas établi en quelle mesure il serait inéquitable qu’il supporte seul les sommes exposées et non comprises dans les dépens, celle-ci encourt également le rejet.

Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et de les imposer pour moitié à chaque partie.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision du Conseil de discipline du 24 mars 2020 ;

au fond, le déclare partiellement justifiée, partant, par réformation de la décision déférée du 24 mars 2020, inflige à Monsieur … la sanction de la mise à la retraite d’office prévue à l’article 47 sub 9 du statut général ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande de Monsieur … sollicitant le dépôt du dossier administratif ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur ;

partage les frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 septembre 2022 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 septembre 2022 Le greffier du tribunal administratif 18


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 44632
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-09-16;44632 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award