La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/09/2022 | LUXEMBOURG | N°47894

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 septembre 2022, 47894


Tribunal administratif Numéro 47894 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2022

JUGEMENT

du 14 septembre 2022 sur la régularité d’une décision de prolongation de rétention administrative Vu la requête du ministre de l’Immigration et de l’Asile tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté du 24 août 2022 ordonnant la prorogation du placement en rétention administrative, réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2022, enrôlée sous le numéro 47894 ;

Monsieur …, né le … à … (Turquie),

de nationalité turque, avisé par télécopie ;



_____________________________________________________...

Tribunal administratif Numéro 47894 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2022

JUGEMENT

du 14 septembre 2022 sur la régularité d’une décision de prolongation de rétention administrative Vu la requête du ministre de l’Immigration et de l’Asile tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté du 24 août 2022 ordonnant la prorogation du placement en rétention administrative, réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2022, enrôlée sous le numéro 47894 ;

Monsieur …, né le … à … (Turquie), de nationalité turque, avisé par télécopie ;

__________________________________________________________________________

Vu les articles 120, paragraphe (3) et 123, paragraphe (6) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 » ;

Vu la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », du 27 août 2018 informant Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination de la Turquie ou de tout autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner ;

Vu l’arrêt de la Cour administrative du 26 novembre 2019, inscrit sous le numéro 43606C du rôle, ayant débouté définitivement Monsieur … de sa demande de protection internationale ;

Vu la décision du ministre du 11 décembre 2019 refusant de faire droit à la demande de report à l’éloignement introduite par Monsieur … ;

Vu l’arrêté du ministre du 3 mars 2022 interdisant à Monsieur … l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans ;

Vu la décision du ministre du 25 mars 2022 ayant déclaré déclarée irrecevable au sens de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », la deuxième demande de protection internationale de Monsieur … ;

Vu l’arrêté du ministre du 29 mars 2022 ordonnant le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de ladite décision ;

Vu l’arrêté du ministre du 29 avril 2022 ordonnant la prorogation du placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 29 avril 2022 ;

1Vu le jugement du tribunal administratif du 13 mai 2022, inscrit sous le numéro 47397 du rôle, rejetant le recours contentieux introduit par Monsieur … contre la prédite décision ministérielle du 29 avril 2022 ;

Vu l’arrêté du ministre du 19 mai 2022 ordonnant la prorogation du placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 29 mai 2022 ;

Vu la décision du ministre du 27 mai 2022 ayant déclaré irrecevable au sens de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 la troisième demande de protection internationale de Monsieur … ;

Vu l’arrêté du ministre du 28 juin 2022 ordonnant la prorogation du placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 29 juin 2022 ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 1er juillet 2022, inscrit sous le numéro 47507 du rôle, rejetant le recours contentieux introduit par Monsieur … contre la prédite décision ministérielle du 27 mai 2022 ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 8 juillet 2022, inscrit sous le numéro 47618 du rôle, rejetant le recours contentieux introduit par Monsieur … contre la prédite décision ministérielle du 28 juin 2022 ;

Vu l’arrêté du ministre du 26 juillet 2022 ordonnant la prorogation du placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu le jugement du premier juge au tribunal administratif, siégeant en remplacement du président, légitimement empêché, du 12 août 2022, inscrit sous le numéro 47782 du rôle, confirmant l’arrêté ministériel du 26 juillet 2022 ;

Vu l’arrêté du ministre du 24 août 2022, notifié à l’intéressé en date du 29 août 2022, ordonnant la prorogation du placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision, ;

Vu la requête du ministre tendant à la vérification de la régularité du prédit arrêté du 24 août 2022 ordonnant la prorogation du placement en rétention, réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2022, enrôlée sous le numéro 47894 ;

Vu le dossier administratif ;

Vu la convocation du 6 septembre 2022 convoquant les parties à l’audience publique du 14 septembre 2022 à 10.00 heures, notifiée en mains propres à Monsieur … le même jour ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 septembre 2022 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ;

2Entendu Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en sa plaidoirie à l’audience publique du 14 septembre 2022.

L’affaire ayant été prise en délibéré à l’audience publique du 14 septembre 2022.

___________________________________________________________________________

Quant à la recevabilité de la requête :

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2022 et enrôlée sous le numéro 47894, le ministre a saisi le président du tribunal administratif d’une demande tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté ordonnant la 5ème prorogation du placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision.

Conformément à l’article 123, paragraphe (6) de la loi du 29 août 2008, « Lorsque le ministre décide de prolonger la durée de rétention en vertu de l’article 120, paragraphe (3), alinéa 2, il doit saisir d’office, par requête introduite dans les cinq jours ouvrables de la notification de la décision, le président du Tribunal administratif qui statue d’urgence comme juge du fond et en tout cas dans les dix jours du dépôt de la requête, la personne retenue dûment convoquée par les soins du greffe ».

Il résulte du dossier administratif et des pièces versées en cause que Monsieur … s’est vu notifier en date du 29 août 2022 un arrêté du ministre daté du 24 août 2022 ordonnant la prorogation de son placement en rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification.

La requête, introduite le 5 septembre 2022, est partant à déclarer recevable pour avoir été introduite endéans cinq jours ouvrables conformément aux dispositions de l’article 123, paragraphe (6) de la loi du 29 août 2008.

Quant à la procédure :

Conformément à l’article 121, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, « La notification des décisions visées à l’article 120 est effectuée par un membre de la Police grand-

ducale qui a la qualité d’officier de police judiciaire. La notification est faite par écrit et contre récépissé, dans la langue dont il est raisonnable de supposer que l’étranger la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés », ladite notification devant faire l’objet, conformément au paragraphe (2) de cette même disposition, d’un procès-verbal dressé par l’officier de police judiciaire qui y a procédé, mentionnant la date de la notification de la décision, la déclaration de la personne retenue qu’elle a été informée de ses droits mentionnés, ainsi que toute autre déclaration qu’elle désire faire acter, la langue dans laquelle la personne retenue fait ses déclarations, ledit procès-verbal devant soit être signé par la personne retenue, soit, en cas de refus de signature, devant mentionner le refus et les motifs du refus.

Conformément à l’article 122, paragraphes (2) et (3) de la loi du 29 août 2008, « (2) La personne retenue est immédiatement informée, par écrit et contre récépissé, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’elle la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés, de son droit de prévenir sa famille ou toute personne de son choix. Un téléphone est mis à sa disposition à titre gratuit à cet effet. (3) La personne retenue est immédiatement informée, par écrit et contre récépissé, dans une langue dont il est raisonnable 3de supposer qu’elle la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés, de son droit de se faire examiner dans les vingt-quatre heures de son placement en rétention, par un médecin et de choisir un avocat à la Cour d’un des barreaux établis au Grand-Duché de Luxembourg ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Luxembourg. Le mineur non accompagné d’un représentant légal se voit désigner, dans les meilleurs délais, un administrateur ad hoc ».

Il résulte du dossier administratif et des pièces versées en cause que la notification opérée en date du 29 août 2022 l’a été conformément aux prescriptions légales, la personne retenue ayant signé le procès-verbal de notification. Il résulte encore du dossier administratif que la personne retenue s’est régulièrement vue rappeler les droits qui lui sont reconnus pendant la période de rétention.

L’article 123, paragraphe (6) de la loi du 29 août 2008 prévoit que le président s’assure que la personne retenue a été touchée par la convocation.

Il résulte à cet égard des pièces versées en cause que Monsieur … s’est bien vu notifier en mains propres la convocation du 6 septembre 2022 pour l’audience du 14 septembre 2022.

Quant au fond :

Il échet de relever que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi 4et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme1, il faut que l’éloignement de la personne retenue soit une perspective réaliste.

Enfin, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), in fine, de la même loi, si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut encore être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire.

En l’espèce, il résulte des éléments de la cause que la personne retenue se trouve toujours actuellement en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

En effet, comme indiqué ci-avant, par décision du 27 août 2018, confirmée définitivement par un arrêt de la Cour administrative du 26 novembre 2019, inscrit sous le numéro 43606C du rôle, le ministre refusa de faire droit à la demande de protection internationale de Monsieur …, constata que le séjour de l’intéressé sur le territoire luxembourgeois était illégal et lui enjoignit de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par arrêté du 3 mars 2022, coulé en autorité de chose décidée, le ministre interdit encore à Monsieur … l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans.

Il est partant constant en cause, pour avoir par ailleurs été retenu par les jugements précités du tribunal administratif, que la personne retenue est en situation irrégulière au Luxembourg, de sorte que l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite est présumée en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite est présumé (…) si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision 1 CourEDH, 25 juin 2019, Al Husin c. Bosnie-Herzégovine (n° 2), req. n° 10112/16.

5d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), numéro 3. de la disposition légale en question.

Il s’ensuit que les conditions initiales ayant justifié que le ministre ait placé l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement perdurent actuellement.

Concernant ensuite la possibilité d’application de mesures moins coercitives, les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), à savoir l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement auprès des services ministériels après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ou encore l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros, sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1), pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi, tout en relevant qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’au vu de la présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du concerné, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment des garanties de représentation suffisantes.

En l’espèce, il se dégage du dossier administratif que les raisons avancées par la partie étatique pour justifier le recours à la mesure de rétention résident plus particulièrement dans le risque de fuite dans le chef de Monsieur …, risque qui n’est pas seulement présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. précité de la loi du 29 août 2008, mais qui est encore corroboré, tel que relevé tant par le jugement précité du 13 mai 2022, que par celui, également précité, du 8 juillet 2022, par la circonstance que le concerné ne cesse de déclarer qu’il ne compte en aucun cas retourner en Turquie, cette intention étant corroborée par le fait qu’il ne s’est pas présenté au ministère en date des 11 décembre 2019 et 11 novembre 2021 en vue d’un retour volontaire et par son comportement non coopératif lors du rendez-vous auprès de l’ambassade de Turquie lors duquel il a affirmé ne pas être turque et refusé de signer le laissez-passer lui présenté. Il s’ensuit, tel que cela a déjà été retenu dans les jugements du tribunal administratif, précités, que Monsieur … essaie par tout moyen d’éviter ou d’empêcher la préparation de son retour ou de sa procédure d’éloignement. Il a également été retenu par les jugements précités que le risque de fuite est encore conforté par l’affirmation de Monsieur … suivant laquelle il souhaite retourner en Allemagne chez sa fiancée, une dénommée …, et qu’un retour en Turquie l’empêcherait de se marier avec celle-ci, cette affirmation dégageant en effet également une volonté de l’intéressé de se soustraire à son éloignement vers la Turquie, tel que projeté par les autorités luxembourgeoises, étant à cet égard encore rappelé que le risque de fuite se définit avant tout comme risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, de sorte que l’intention de Monsieur … de ne pas vouloir retourner en Turquie, soulignant le risque dans 6le chef de celui-ci de se soustraire à son éloignement, met en échec toute mesure moins coercitive, mêmes combinées entre elles.

Au vu de toutes ces considérations, il y a lieu de retenir que l’intéressé, lequel ne dispose ni d’une adresse légale ni d’une quelconque autre attache au Luxembourg, ni de documents d’identité et de voyage valables, ne présente toujours pas de garanties suffisantes de représentation et ne remplit donc pas les conditions préalables afin de bénéficier d’une mesure moins coercitive.

En ce qui concerne enfin les diligences effectuées en vue de l’éloignement de la personne retenue, la soussignée relève tout d’abord qu’elle est uniquement saisie d’une requête tendant au contrôle d’office de la décision du ministre de proroger une 5ème fois la mesure de rétention de Monsieur …, de sorte qu’il lui appartient seulement d’examiner le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire et que les conditions spécifiques à une telle 5ème prorogation, à savoir qu’il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, sont données.

Il échet de prime abord de constater que dans le cadre du jugement précité du 13 mai 2022, le tribunal administratif a retenu que les démarches entreprises accomplies par les autorités luxembourgeoises devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, tout en précisant que si le transfert n’avait pas encore pu être mené à bien, ce n’était pas imputable à un manque de diligences suffisantes de la part des autorités luxembourgeoises mais principalement à cause du comportement adopté par le demandeur au cours de la procédure d’éloignement, ce dernier ne s’étant, en effet, pas montré coopératif au jour de sa présentation auprès de l’ambassade de son pays d’origine pour avoir refusé de signer le laissez-passer que ladite ambassade était disposée à lui délivrer.

Dans le jugement précité du 8 juillet 2022, le tribunal administratif a encore relevé qu’il se dégage du dossier administratif que les 27 mai et 17 juin 2022, l’agent en charge du dossier a relancé l’ambassade de Turquie et que le 30 mai et 22 juin 2022, les autorités turques ont informé le ministre que la demande de réadmission était encore en cours de traitement, de sorte à conclure que la procédure d’éloignement de Monsieur … était à ce moment toujours en cours et que les démarches entreprises à cet égard par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées, à ce stade, comme suffisantes pour justifier le maintien du placement en rétention.

Dans le jugement précité du 12 août 2022, le premier juge au tribunal administratif a constaté que par courrier du 14 juillet 2022, les autorités luxembourgeoises ont recontacté les services de l’ambassade de Turquie qui ont répondu, le même jour, par téléphone, qu’ils seraient toujours en l’attente d’un retour de la part de leur ministère, tel que cela ressort d’une note au dossier du même jour. En date du 15 juillet 2022, les services consulaires turques ont confirmé que le formulaire de demande de réadmission a bien été envoyé à leur ministère duquel ils n’auraient cependant pas encore eu de retour. Il a encore constaté que par un courrier du 26 juillet 2022, les autorités luxembourgeoises ont encore adressé un rappel à l’ambassade de Turquie pour s’enquérir sur l’état d’avancement de la demande de réadmission de Monsieur …. Au vu de ces éléments et notamment du fait que les autorités luxembourgeoises sont en l’espèce tributaires de la collaboration et de l’efficacité des autorités turques jouant un rôle primordial dans l’organisation de l’éloignement de Monsieur …, en raison du refus de ce dernier de signer le laissez-passer lui présenté par ces derniers, le premier juge au tribunal administratif 7a confirmé l’arrêté ministériel du 26 juillet 2022 ordonnant la prorogation de la mesure de placement du concerné au Centre de rétention.

En ce qui concerne ensuite les diligences accomplies depuis lors, il ressort du dossier administratif qu’en date du 11 août 2022, l’assistante de l’Ambassadeur auprès de l’ambassade de Turquie a informé l’autorité ministérielle luxembourgeoise que sa demande de réadmission de Monsieur … avait été approuvée. Par transmis du 16 août 2022, le ministre a prié la police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, d’organiser le départ de l’intéressé. Le 31 août 2022, un plan de vol pour le retour de Monsieur … vers la Turquie a été établi, prévoyant son départ pour le 28 septembre 2022.

Au vu de ces éléments, la soussignée est amenée à conclure que les diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, couronnées a priori de succès dans la mesure où le rapatriement de la personne intéressée a pu être organisé, doivent être considérées comme suffisantes, de manière que dans ces conditions la nécessité requise au sens de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention est vérifiée en l’espèce, sans que l’incident au Centre de rétention le 3 septembre 2022 dont fait état le litismandataire de Monsieur … dans son courrier électronique du 13 septembre 2022 et le constat de coups et blessures afférent établi par le docteur … le même jour, respectivement l’éventuel droit du concerné à la réparation de son préjudice, éléments non pertinents au regard de la prorogation d’une mesure de rétention administrative, ne permettent de retenir le contraire.

Il convient encore de relever que la prorogation sous analyse s’inscrit plus particulièrement dans les hypothèses prévues à l’article 120, paragraphe (3), in fine, de la même loi, à savoir lorsque « malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires », étant patent en cause que le retard actuel est causé par le refus de Monsieur … de signer son laissez-passer et partant par la nécessité pour les autorités luxembourgeoises de s’adresser aux autorités turques en vue de la réadmission de ce dernier par son pays d’origine.

Il s’ensuit que la perspective d’éloigner l’intéressé demeure à ce stade évidemment raisonnable, alors que les autorités turques ont accepté la réadmission et que l’éloignement est prévu pour le 28 septembre 2022.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’arrêté ministériel du 24 août 2022 ordonnant la prorogation de la mesure de placement en rétention de Monsieur … est à confirmer.

Par ces motifs, la soussignée, juge au tribunal administratif, siégeant en remplacement des président et magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique ;

déclare recevable la requête du ministre de l’Immigration et de l’Asile tendant à la vérification de la régularité de la décision de prolongation de la rétention administrative ;

quant au fond, confirme l’arrêté ministériel du 24 août 2022 ordonnant la prorogation 8de la mesure de placement en rétention de Monsieur … ;

Ainsi jugé et prononcé au tribunal administratif, date qu’en tête, par Alexandra BOCHET, juge au tribunal administratif, en présence de Lejila ADROVIC, greffier.

s.Lejila ADROVIC s.Alexandra BOCHET Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 septembre 2022 Le greffier du tribunal administratif 9



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 14/09/2022
Date de l'import : 18/09/2022

Numérotation
Numéro d'arrêt : 47894
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-09-14;47894 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award