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24/08/2022 | LUXEMBOURG | N°45954

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 août 2022, 45954


Tribunal administratif N° 45954 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 avril 2021 1re chambre Audience publique de vacation du 24 août 2022 Recours formé par Monsieur A, …, contre des décisions du Directeur des études juridiques et du stage judiciaire en matière de stage judiciaire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 45954 et déposée le 27 avril 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Feyereisen, avocat à la Cour, inscrit au table

au de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, demeurant à L-…, tendan...

Tribunal administratif N° 45954 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 avril 2021 1re chambre Audience publique de vacation du 24 août 2022 Recours formé par Monsieur A, …, contre des décisions du Directeur des études juridiques et du stage judiciaire en matière de stage judiciaire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 45954 et déposée le 27 avril 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Feyereisen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, demeurant à L-…, tendant, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, à l’annulation de « la décision du 29 mars 2021 prise par le Directeur des études juridiques et du stage judiciaire Monsieur B, 13, rue Erasme, Ministère de la Justice, L-1468 Luxembourg-Kirchberg prise sur recours gracieux daté le 24 mars 2021 et confirmant une décision initiale prise et reçue en date du 24 février 2021 sous la signature du responsable administratif C ayant signé « pour le directeur des études CCDL et du stage judiciaire » dans laquelle il est informé qu’il est « considéré comme ayant abandonné la formation pour l’année 2020/2021 » et qu’il est « rayé de la liste des stagiaires inscrits », « sinon » à l’annulation de « la décision initiale prise et reçue en date du 24 février 2021 sous la signature du responsable administratif C ayant signé « pour le directeur des études CCDL et du stage judiciaire » dans laquelle le requérant est informé qu’il est « considéré comme ayant abandonné la formation pour l’année 2020/2021 » et qu’il est « rayé de la liste des stagiaires inscrits » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 septembre 2021 pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les actes attaqués ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1, toujours en vigueur à la date des plaidoiries ;

Vu la communication de Maître Feyereisen du 14 juin 2022 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Brice Cloos en sa plaidoirie à l’audience publique du 15 juin 2022.

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1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. ».

Il ressort du dossier administratif qu’en date du 24 février 2021, Monsieur A, inscrit à la formation complémentaire en droit luxembourgeois (CCDL) pour l’année 2020/2021, se vit notifier un courriel de Monsieur C, responsable administratif de ladite formation, pour compte de Monsieur B, directeur des « études CCDL et du stage judiciaire », dans les termes suivants :

« […] Les examens des Cours complémentaires en droit luxembourgeois se sont déroulés pendant la période du 8 février 2021 au 19 février 2021.

Je constate que vous avez été absent(e) lors de tous les examens de cette période, sans que votre absence n’ait été justifiée de votre part par la production d’un certificat médical endéans le délai de trois jours.

Dans ces conditions, et en application des lignes directrices régissant certains aspects pratiques de la formation, je vous informe que vous êtes considéré(e) comme ayant abandonné(e) la formation pour l’année 2020/2021 et que vous êtes rayé(e) de la liste des stagiaires inscrits.

Je vous signale que par voie de conséquence, et pour autant que vous avez déposé ou avez l’intention de déposer une demande en paiement des indemnités de stage, qu’aucune indemnité de stage ne vous sera payée au titre de l’année académique 2020/2021. […] ».

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 mars 2021, Monsieur A introduisit un recours gracieux contre la décision du 24 février 2021, précitée.

Par courrier du 29 mars 2021, Monsieur B rejeta ledit recours gracieux dans les termes suivants :

« […] Vous vous plaignez à tort que les lignes directrices édicteraient une sanction en dehors des prévisions du règlement grand-ducal modifié du 10 juin 2009, alors que les lignes directrices ne font qu’expliciter à l’attention des stagiaires une conséquence découlant logiquement dudit règlement grand-ducal.

Tel que vous le soulignez vous-même, le stagiaire est admis à se présenter à la session de rattrapage « dans les matières dans lesquelles il n’a pas obtenu une note au moins égale à 10 points », ce qui présuppose qu’il ait obtenu une note.

Or, en omettant de se présenter à un ou à plusieurs examens, le stagiaire n’a tout simplement pas obtenu de note, donc pas de note inférieure à 10 points, et n’est partant pas admis à se présenter à la session de rattrapage. Tel est votre cas à défaut de vous être présenté à tous les examens auxquels vous étiez inscrit.

Vos développements sur la crise sanitaire doivent rester sans incidence, alors que justement celle-ci n’a pas engendré de modifications dans le régime de tenue des examens dans le cadre des CCDL.

Je me vois partant contraint de rejeter votre recours gracieux. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 avril 2021, Monsieur A a fait introduire un recours tendant à l’annulation de « la décision du 29 mars 2021 prise par le Directeur des études juridiques et du stage judiciaire Monsieur B, 13, rue Erasme, Ministère de la Justice, L-1468 Luxembourg-Kirchberg prise sur recours gracieux daté le 24 mars 2021 et confirmant une décision initiale prise et reçue en date du 24 février 2021 sous la signature du responsable administratif C ayant signé « pour le directeur des études CCDL et du stage judiciaire » dans laquelle il est informé qu’il est « considéré comme ayant abandonné la formation pour l’année 2020/2021 » et qu’il est «rayé de la liste des stagiaires inscrits », « sinon » à l’annulation de « la décision initiale prise et reçue en date du 24 février 2021 sous la signature du responsable administratif C ayant signé « pour le directeur des études CCDL et du stage judiciaire » dans laquelle le requérant est informé qu’il est « considéré comme ayant abandonné la formation pour l’année 2020/2021 » et qu’il est « rayé de la liste des stagiaires inscrits ».

Par requête séparée du 27 avril 2021, inscrite sous le numéro 45955 du rôle, le demandeur a fait introduire une requête en sursis à exécution, sinon en mesure de sauvegarde contre « la décision initiale […] du 24 février 2021 dans laquelle le requérant est informé qu’il est « considéré comme ayant abandonné la formation pour l’année 2020/2021 » et qu’il est « rayé de la liste des stagiaires inscrits » avec toutes les conséquences de droit. ».

Force est de prime abord au tribunal de constater qu’à défaut de recours au fond prévu par la loi en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement a indiqué que le ministre de la Justice, ci-après désigné par le « ministre », avait fait droit à la demande du demandeur en date du 29 avril 2021, de sorte que le recours serait devenu sans objet, tout en contestant la demande d’indemnité de procédure de 1.500 euros formulée par le demandeur dans sa requête introductive d’instance sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 ».

Tout en admettant que le demandeur avait obtenu satisfaction suite à la décision ministérielle du 29 avril 2021, son litismandataire affirme en substance que l’objet du présent recours subsisterait en ce qui concerne la demande en indemnité de procédure.

Au vu des circonstances particulières de l’espèce qui seraient caractérisées par le fait que le demandeur aurait été contraint d’engager une procédure contentieuse à l’encontre d’une décision de refus fondée sur des considérations juridiques qu’il n’aurait pas partagées, son litismandataire fait valoir qu’il paraîtrait inéquitable de laisser à la charge du demandeur l’intégralité des frais et honoraires non compris dans les dépens dans la mesure où ce ne serait qu’en cours de procédure contentieuse que l’autorité compétente se serait ravisée et lui aurait accordé la possibilité de participer aux examens litigieux. Dans ce contexte, le litismandataire du demandeur donne à considérer que ce changement de position du ministre – qui équivaudrait pour le moins implicitement à un ralliement à la position du demandeur – serait en substance intervenu trop tard en ce que le délai lui restant pour valablement se préparer aux examens, tel qu’il l’avait initialement sollicité, aurait été trop court.

Force est au tribunal de constater que suivant un courrier électronique de Monsieur C daté du 29 avril 2021, le demandeur a été informé qu’ « Après analyse du déroulement de la formation CCDL et eu égard à la situation actuelle, [le ministre] retient que vos absences à certains examens lors de la session ordinaire des examens au mois de février 2021 peuvent être considérées comme admissibles et que vous pouvez poursuivre la formation pendant l’année 2020/2021. […] ».

Il s’ensuit que le recours en annulation dirigé contre les décisions des 24 février et 29 mars 2021 est devenu sans objet, celles-ci ayant de façon non contestée été retirées implicitement et remplacées par la nouvelle décision intervenue en date du 29 avril 2021.

Ledit recours est dès lors à rejeter faute d’objet.

Concernant la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500 euros à charge de la partie étatique telle que formulée par le demandeur dans sa requête introductive d’instance, il y a de prime abord lieu de relever qu’une demande en obtention d’une indemnité de procédure n’est pas atteinte par les effets de la disparition de l’objet du recours, dès lors que ladite demande, procédant d’une cause juridique particulière et autonome, à savoir l’article 33 de la loi la loi du 21 juin 19992, a une individualité propre et doit être toisée à la demande du demandeur.

Il s’ensuit que la disparition de l’objet du recours n’empêche pas le maintien de la demande en allocation d’une indemnité de procédure3.

Aux termes de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999: « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine ».

Cette disposition se fonde exclusivement sur la notion d’équité qui doit s’apprécier dans le cadre et les limites de la cause que le juge est appelé à toiser et non en fonction de considérations extérieures et étrangères au procès. La condamnation d’une partie à payer à l’autre une partie des sommes par elle exposées ne doit par conséquent s’apprécier qu’en fonction des éléments inhérents et en rapport avec le procès, les conséquences préjudiciables engendrées le cas échéant par l’acte administratif déféré au fond étant essentiellement de nature à se résoudre en dommages et intérêts, question relevant de l’ordre judiciaire4.

C’est ainsi que les juridictions administratives, d’une manière générale, n’accordent d’indemnité de procédure à un administré qu’en présence d’une attitude fautive ou négligente de l’administration, laquelle, au-delà du simple fait d’avoir émis une décision ne satisfaisant pas l’administré, a contraint l’administré à engager une procédure contentieuse5.

Force est au tribunal de constater que la décision par laquelle le ministre a in fine autorisé le demandeur à participer aux examens a été communiquée au demandeur en date du 29 avril 2021, soit un mois après la décision sur recours gracieux, précitée, et deux jours après l’introduction de sa requête introductive d’instance et de sa requête en sursis à exécution, étant précisé que la date des examens concernés était fixée aux 4, 7 et 14 mai 2021.

Or, à défaut d’explication du ministre quant au revirement ainsi opéré – le courrier 2 Trib. adm. 15 juillet 2015, n°34244 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n°1170, et les autres références y citées.

3 Ibidem.

4 Trib. adm. 2 décembre 2013, n° 28182 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n°1180 et l’autre référence y citée.

5 Ibidem.

électronique du 29 avril 2021 se limitant à indiquer que la nouvelle décision avait été prise « Après analyse du déroulement de la formation CCDL et eu égard à la situation actuelle » –, et du délégué du gouvernement qui s’est, quant à lui, borné à relever que le ministre avait fait droit à la demande du demandeur, tout en demandant le rejet de la demande d’indemnité de procédure, le tribunal est amené à retenir, eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, que le demandeur est fondé à réclamer une indemnité de procédure sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999.

Le tribunal fixe l’indemnité de procédure à allouer au demandeur ex aequo et bono au montant de 200 euros.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

dit que le recours en annulation est devenu sans objet ;

partant le rejette ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à régler au demandeur le montant de 200 euros à titre d’indemnité de procédure ;

condamne l'Etat aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, vice-président, Michèle Stoffel, premier juge, Benoît Hupperich, attaché de justice délégué, et prononcé à l’audience publique de vacation du 24 août 2022 par le vice-président, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 août 2022 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 45954
Date de la décision : 24/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-08-24;45954 ?

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