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29/07/2022 | LUXEMBOURG | N°43345

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juillet 2022, 43345


Tribunal administratif N° 43345 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 26 juillet 2019 4e chambre Audience publique extraordinaire du 29 juillet 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur général de l’entreprise des postes et télécommunications en matière de discipline – suspension

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 43345 du rôle et déposée le 26 juillet 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bau

ler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon...

Tribunal administratif N° 43345 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 26 juillet 2019 4e chambre Audience publique extraordinaire du 29 juillet 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur général de l’entreprise des postes et télécommunications en matière de discipline – suspension

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 43345 du rôle et déposée le 26 juillet 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du directeur général de l’entreprise des postes et télécommunications, établissement public exerçant ses activités sous la dénomination POST Luxembourg, du 26 juin 2019, ayant prononcé à son égard la suspension de l’exercice de ses fonctions avec effet immédiat pendant tout le cours de la procédure disciplinaire jusqu’à la décision définitive ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Frank Schaal, demeurant à Luxembourg, du 5 août 2019, portant signification de la requête introductive d’instance à l’établissement publique POST Luxembourg, établi et ayant son siège social à L-2417 Luxembourg, 20, rue de Reims ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 2019 par Maître Marc Thewes, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de l’établissement publique POST Luxembourg, préqualifié ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 janvier 2020 par Maître Jean-Marie Bauler, préqualifié, pour compte de son mandant ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2020 par Maître Marc Thewes, préqualifié, au nom de l’établissement publique POST Luxembourg, préqualifié ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, et Maître Anne Charton, en remplacement de Maître Marc Thewes, en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 15 juin 2021.

Vu l’avis du tribunal administratif du 7 juillet 2022 prononçant la rupture du délibéré ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, et Maître Anne Charton, en remplacement de Maître Marc Thewes, en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 12 juillet 2022, les parties étant excusées.

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En date du 3 avril 2019, l’inspection centrale de l’entreprise des postes et télécommunications, établissement public exerçant ses activités sous la dénomination POST Luxembourg 2018, ci-après désigné par « POST », informa Monsieur … qu’il sera procédé à une instruction disciplinaire à son encontre, courrier libellé dans les termes suivants : « (…) Il a été porté à ma connaissance, comme amplifié dans le rapport et dans les pièces annexés qui font partie intégrante de la présente, que vous vous seriez rendu coupable o de harcèlement du collaborateur M. …, o de discrimination du collaborateur M. …, o de non-respect du collaborateur M. …, o de non-respect des règles informatiques de POST Luxembourg, o de non-respect des règles en matière de sécurité informatique.

Les agissements visés par le dossier ont eu lieu à partir de 2016.

Les faits me signalés font présumer une grave infraction aux articles 9§1, 10§1 et 10§2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat.

Je vous signale encore que les reproches faisant l'objet de la présente saisine sont indiqués sous réserve de tous droits, moyens et qualifications, faits nouveaux ou autres précisions à faire valoir ultérieurement.

Au vu de ces éléments, le service Inspection Centrale procédera à une instruction disciplinaire de cette affaire. (…) ».

Par courrier du même jour, Monsieur … fut informé par le directeur général de la Post, ci-après désigné par « le directeur général », de la suspension de l’exercice de ses fonctions pendant l’instruction disciplinaire jusqu’à « (…) la décision définitive (…) ».

Par courrier du 20 mai 2019, Monsieur … fut invité à présenter ses observations endéans un délai de 10 jours par rapport aux faits retenus à son encontre dans le rapport de l’instruction disciplinaire dressé le 17 mai 2019, prise de position que ce dernier fit parvenir au directeur général par le biais d’un courrier de son litismandataire du 28 mai 2019.

Monsieur … fit introduire, par un deuxième courrier de son litismandataire du 28 mai 2019, un recours gracieux à l’encontre de la décision du directeur général du 3 avril 2019 l’ayant suspendu de l’exercice de ses fonctions.

Par courrier du 11 juin 2019, le directeur général informa Monsieur … de son intention de procéder à sa suspension, tout en précisant, d’une part, que la décision de suspension du 3 avril avait été annulée, et, d’autre part, qu’il avait été dispensé de service avec effet rétroactif au 3 avril 2019, le courrier étant libellé dans les termes suivants :

« (…) Je reviens vers vous concernant l'instruction disciplinaire qui a été entamée à votre encontre en date du 3 avril 2019 pour des faits que vous auriez commis dans la période du mois de janvier au mois de mars 2019, avec découverte de faits remontant jusqu'à 2016 et qui font présumer une grave infraction aux articles 9 § 1 et 10 § 1 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat.

Les faits qui vous sont reprochés et qui vous ont été communiqués en date du 3 avril 2019 sont les suivants :

 Harcèlement vis-à-vis d'un collaborateur,  Discrimination vis-à-vis de ce collaborateur,  Non-respect vis-à-vis de ce collaborateur,  Non-respect des règles en matière de sécurité informatique de POST Luxembourg,  Non-respect des règles du code de conduite.

Par conséquent et au vu de la gravité des faits qui vous sont imputés, je vous informe par la présente que POST Luxembourg a l'intention de vous suspendre de l'exercice de vos fonctions et ce jusqu'à la décision définitive conformément à l'article 48 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat.

Avant de procéder à votre suspension, vous êtes invité à nous faire parvenir vos observations par écrit ou le cas échéant de demander une entrevue au sein de la Direction des Ressources Humaines endéans un délai de 8 jours en application de l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure administrative non contentieuse et en conformité à l'article 51 de loi précitée.

Jusque-là, une dispense de service vous est accordée avec effet immédiat et recevra une exécution rétroactive à partir du 3 avril 2019.

Ma précédente décision sous référence 18152-FS (5151) datée du 3 avril 2019 est annulée et remplacée par la présente. (…) ».

Suite à la prise de position de Monsieur …, à travers un courrier de son litismandataire du 18 juin 2019, le directeur général, par décision du 26 juin 2019, suspendit Monsieur … avec effet immédiat de l’exercice de ses fonctions jusqu’à la décision définitive dans l’affaire disciplinaire diligentée à son encontre, décision libellée comme suit :

« (…) Vu la loi modifiée du 10 août 1992 portant création de l'entreprise des postes et télécommunications ;

Vu la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat;

Vu qu'en date du 2 avril 2019, Monsieur le Directeur général de POST Luxembourg a été informé que les faits suivants sont reprochés à Monsieur … ;

 Harcèlement vis-à-vis d'un collaborateur,  Discrimination vis-à-vis de ce collaborateur,  Non-respect vis-à-vis de ce collaborateur,  Non-respect des règles en matière de sécurité informatique de POST Luxembourg.

Vu qu'en date du 3 avril 2019, l'intéressé a été informé qu'une instruction disciplinaire a été entamée à son encontre, conformément aux dispositions de l'article 32 de la loi modifiée du 10 août 1992 portant création de l'entreprise des postes et télécommunications ;

Considérant que par courrier du 11 juin 2019, Monsieur … a été informé conformément à l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure administrative non contentieuse de l'intention de POST Luxembourg de le suspendre de l'exercice de ses fonctions en application de l'article 48 de loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut des fonctionnaires de l'Etat ;

Considérant que Monsieur … a pris position, par courrier de son avocat daté du 18 juin 2019, par rapport à l'intention de POST Luxembourg de le suspendre de l'exercice de ses fonctions, endéans le délai de huit jours octroyé conformément à l'article 9 du règlement grand-ducal relatif à la procédure administrative non contentieuse ;

Considérant que les arguments invoqués n'atténuent en rien la gravité des faits reprochés ; que le viol reproché des règles élémentaires de respect du code de conduite, a fortiori du statut du fonctionnaire, justifie à suffisance la mesure de suspension envisagée ;

Que le statut de fonctionnaire de Monsieur … lui impose un comportement irréprochable ; que les faits reprochés sont une atteinte intolérable à l'exemplarité dont il aurait dû faire preuve ; que son ancienneté de 19 ans est une circonstance aggravante ;

Faisant application des articles 33 de la loi modifiée du 10 août 1992 portant création de l'entreprise des postes et télécommunications et 48.1 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat ;

DECIDE Monsieur … est suspendu de ses fonctions avec effet immédiat, conformément aux articles susmentionnés, jusqu'à la décision définitive dans l'affaire disciplinaire mentionnée ci-dessus ; (…) ».

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 juillet 2019, inscrite sous le numéro 43345 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du directeur général du 26 juin 2019.

En vertu de l’article 40 de la loi modifiée du 10 août 1992 portant création de l’entreprise des postes et télécommunications, ci-après désignée par « la loi du 10 août 1992 », « l’agent (…) suspendu, peut, dans les trois mois de la notification de la décision, faire recours au tribunal administratif qui statue comme juge du fond. ». La loi prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision de suspension.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Dans son mémoire en réponse, POST soulève l’irrecevabilité du recours pour défaut d’objet au motif que le directeur général, par décision du 5 novembre 2019, a procédé à la révocation de Monsieur …, de sorte qu’en vertu de l’article 48 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, ci-après désignée par « le statut général », ce dernier ne serait plus suspendu de l’exercice de ses fonctions depuis cette date.

Monsieur …, dans son mémoire en réplique, conclut au rejet du moyen d’irrecevabilité soulevé par POST en argumentant, d’une part, que la décision de suspension litigieuse aurait existé au jour de l’introduction de son recours et continuerait d’exister, alors que la décision de révocation ne serait pas encore définitive du fait qu’il aurait également exercé un recours contentieux contre ledit acte, et, d’autre part, que la décision de suspension lui aurait causé un grief personnel pour avoir notamment eu une incidence sur sa pension.

Dans son mémoire en duplique, POST, en ce qui concerne le moyen d’irrecevabilité soulevé, réfute l’argumentation de Monsieur … selon laquelle la suspension continuerait à produire ses effets même après la décision de révocation du 5 novembre 2019, en faisant valoir qu’il ne ferait aucun sens qu’une mesure de suspension existerait de manière concomitante avec une révocation, cette dernière étant la décision définitive prise à l’issue de l’instruction disciplinaire et susceptible de faire l’objet d’un recours devant les juridictions administratives.

Il est constant en cause que Monsieur … a été engagé en tant qu’agent de POST soumis au régime de droit public, de sorte à être soumis, conformément à l’article 24, paragraphe (2) de la loi du 10 août 1992, de manière générale au statut général, à défaut de disposition légale spécifique prévu par la loi, précitée, du 10 août 1992.

Force est au tribunal de constater qu’il se dégage des pièces du dossier administratif qu’en date du 5 novembre 2019, le directeur général a procédé à la révocation de Monsieur … et a ainsi mis fin, avec effet à cette date, à la relation de travail de Monsieur … avec POST, de sorte que la décision litigieuse de suspension a, en conséquence, cessée de produire ses effets à partir de cette date, nonobstant l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre de la décision directoriale de révocation du 5 novembre 2019, conformément à un arrêt de la Cour administrative du 7 octobre 20211, ayant retenu, s’agissant plus particulièrement de l’hypothèse d’une poursuite administrative, par opposition à la personne poursuivie judiciairement sur le plan répressif, que la décision définitive est celle qui est prise à l’issue de l’instruction disciplinaire, décision ne devant pas présenter la caractéristique d’être passée en force de chose jugée.

Dès lors, dans la mesure où au jour du présent jugement la décision litigieuse a expiré quant à ses effets, le tribunal ne saurait plus utilement ordonner, par réformation de la décision déférée, la levée de la suspension de Monsieur ….

Il y a cependant encore lieu de relever, tel que mis en avant à juste titre par Monsieur …, que la suspension de l’exercice de ses fonctions engendre des conséquences sur la carrière, ainsi que sur sa pension, conformément à l’article 48, paragraphe (3) du statut général aux termes duquel « 3) La période de la suspension visée aux paragraphes 1 et 2 ne compte pas comme temps de service pour les majorations biennales, l’avancement en traitement et la pension, sauf en cas de non-lieu ou d’acquittement. (…) », de sorte que Monsieur … garde un intérêt à agir contre la décision de suspension litigieuse du 26 juin 2019.

Le recours sous examen garde partant un objet, étant cependant précisé que le contrôle du tribunal, dans le cadre de la réformation, ne pourra aboutir, le cas échéant, qu’à l’annulation de la décision visée.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen d’irrecevabilité soulevé par POST et ayant trait à l’objet du recours encourt le rejet pour manquer de fondement.

1 Cour adm., du 7 octobre 2021, n° 45829C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu POST soulève encore l’irrecevabilité du recours au motif que le requérant serait resté en défaut de préciser les raisons pour lesquelles les articles 48, paragraphe (1), 51 et 52 du statut général auraient été violés, le recours ne comportant qu’une seule partie malgré le fait que l’intitulé « en droit », reprendrait les prédits articles. De plus, il serait délicat pour POST de prendre position par rapport aux articles 51 et 52 du statut général au regard de la circonstance que Monsieur … aurait fourni ses observations par le biais d’un courrier de son litismandataire du 18 juin 2019. Il appartiendrait en effet à la partie souhaitant obtenir la réformation, respectivement l’annulation d’une décision administrative d’expliciter les raisons pour lesquelles ledit acte aurait violé une disposition légale spécifique, alors qu’il n’appartiendrait ni au tribunal, ni à l’auteur de cet acte de suppléer à une telle carence et d’examiner, de leur propre initiative, la légalité de l’acte en question, lequel bénéficierait de la présomption de légalité.

Dans son mémoire en réplique, Monsieur … réfute l’argumentation de POST consistant à faire valoir qu’il serait resté en défaut de préciser les raisons pour lesquelles les articles 48, 51 et 52 du statut auraient été violés. Mis à part le fait que POST aurait pu prendre position dans son mémoire en réponse, il soutient que l’ensemble des articles invoqués auraient trait à la suspension, de sorte qu’il ne pourrait y avoir aucune méprise sur la question pertinente à la base du litige sous examen.

Aux termes de l’article 1er, alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », la requête introductive d’instance doit contenir notamment l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués, ainsi que l’objet de la demande.

Il appartient au juge administratif d’apprécier in concreto si l’exposé sommaire des faits et des moyens, ensemble les conclusions s’en dégageant, est suffisamment explicite ou non.

L’exception obscuri libelli, qui est d’application en matière de contentieux administratif, sanctionne de nullité l’acte y contrevenant, étant entendu que son but est de permettre au défendeur de savoir quelle est la décision critiquée et quels sont les moyens à la base de la demande, afin de lui permettre d’organiser utilement sa défense.2 S’il suffit que cet exposé soit sommaire, la requête introductive d’un recours ne doit cependant pas rester muette sur les moyens à son appui, elle ne doit pas être dépourvue des indications indispensables et elle doit contenir des conclusions.

En tout état de cause, aux termes de l’article 29 de la loi du 21 juin 1999, l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense.

Force est au tribunal de constater qu’en l’espèce, la requête introductive d’instance, qui précise clairement que la partie demanderesse est Monsieur …, contient l’indication de l’objet de la demande, à savoir la réformation sinon l’annulation de la décision du 26 juin 2019 du directeur général de POST portant suspension de Monsieur … de l’exercice de ses fonctions pendant tout le cours de la procédure disciplinaire jusqu’à la décision définitive. Elle contient encore un exposé sommaire des faits, ainsi qu’un exposé des moyens invoqués à l’appui du recours. Cet exposé des moyens est, de manière globale, suffisamment précis pour permettre à POST de prendre position 2 Trib. adm. 30 avril 2003, n° 15482 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 484 et les autres références y citées.

au fond, alors que lesdits moyens sont essentiellement axés autour des conditions légales et jurisprudentielles relatives à la suspension d’un fonctionnaire de l’exercice de ses fonctions.

Force est encore de constater que POST a d’ailleurs parfaitement pu prendre position quant au moyen soulevé, à travers ses mémoires en réponse et en duplique. Aucune atteinte aux droits de la défense de POST n’est ainsi vérifiée, étant précisé qu’une telle atteinte aux droits de la défense ne saurait être déduite du fait que Monsieur … aurait, dans l’intitulé de son moyen, cité l’ensemble des articles encadrant une mesure telle que la suspension d’un fonctionnaire de l’exercice de ses fonctions.

Les conditions d’application de l’exception obscuri libelli, telles qu’exposées ci-avant, n’étant, au vu des considérations qui précèdent, pas remplies en l’espèce, le moyen afférent est à rejeter.

En l’absence d’autres moyens d’irrecevabilité et au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que le recours principal en réformation est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur explique qu’il serait entré aux services de POST en tant que rédacteur stagiaire en date du 1er avril 2000 et qu’il aurait été nommé définitivement le 1er septembre 2001, avant d’être nommé inspecteur le 1er avril 2015. En retraçant les rétroactes à la base du litige sous examen, il fait encore valoir n’avoir eu qu’un seul jour d’absence au cours des trois années ayant précédé sa suspension, ainsi qu’avoir toujours exercé son travail avec professionnalisme et à l’entière satisfaction de son employeur, son dossier personnel disciplinaire étant, par ailleurs, vierge.

En droit, le demandeur conclut à une violation des articles 48, paragraphe (1), 51 et 52 du statut général.

Il souligne que le législateur n'aurait pas défini les conditions du bienfondé d'une mesure de suspension, de sorte que les juridictions administratives auraient, dans un souci de sécurité juridique et de respect des droits de l'administré, dégagé quatre conditions pour une suspension conservatoire, conditions qu’il ne remplirait cependant pas.

D'une part, le demandeur estime que sa présence au sein de la POST ne préjudicierait en rien à l'intérêt du service, alors qu’il y aurait travaillé à la satisfaction de ses supérieurs hiérarchiques pendant plus de 19 années. Sa présence ne saurait partant porter atteinte au bon fonctionnement du service pendant le cours de l’instruction disciplinaire, surtout que ses évaluations antérieures auraient toujours été très bonnes et qu’il aurait même bénéficié de la note 4 concernant les relations avec ses collègues de travail.

D'autre part, sa présence ne risquerait pas de gêner le bon déroulement de l'instruction en cours dans le cadre de l'enquête disciplinaire, ce d’autant plus que les faits auraient été arrêtés par les autorités compétentes dans le cadre de sa procédure disciplinaire. Il ajoute que personne n’aurait subi un quelconque préjudice du fait de ses agissements, tout en relevant, par rapport à l’unique fait précis lui reproché, être conscient d’avoir eu un comportement inapproprié qu'il regretterait profondément et pour lequel il aurait présenté ses excuses, tout en attendant de pouvoir les présenter personnellement à Monsieur …, qu’il considérerait comme un collègue de travail bien que ne travaillant pas en relation directe avec lui, collègue de travail qu’il n’aurait plus revu depuis sa suspension. Monsieur … soutient finalement que le bon déroulement de l’enquête disciplinaire diligentée à son encontre ne pourrait pas être impacté par sa présence à son lieu de travail, dans la mesure où le rapport d’instruction aurait déjà été clôturée, qu’il aurait déjà été sanctionné et qu’il serait en attente d’une convocation devant la commission disciplinaire de POST.

Finalement, le demandeur estime que le directeur général aurait dû tenir compte de son intérêt à lui, alors que, du fait de sa suspension, il subirait non seulement un préjudice moral mais également un préjudice matériel, conformément à l’article 48, paragraphe (3) du statut général, Monsieur … précisant encore, dans ce contexte, que la gravité de la faute disciplinaire ne serait pas l’élément déterminant pour justifier une décision de suspension.

Il conclut des considérations qui précèdent que la décision de suspension litigieuse ne remplirait pas les conditions légales et jurisprudentielles, de sorte à devoir encourir l’annulation.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur, en ce qui concerne le contexte factuel à la base du litige, affirme avoir entretemps fait l’objet de la sanction disciplinaire de la révocation en date du 5 novembre 2019 et d’avoir introduit un recours contentieux contre celle-ci. Pour le surplus, il réitère son argumentation juridique quant aux conditions légales et jurisprudentielles à respecter pour pouvoir prendre une décision de suspension, conditions ayant trait à l’intérêt du service, de la procédure disciplinaire et du fonctionnaire visé, lesquelles ne seraient pas remplies en l’espèce.

POST conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

A titre liminaire, force est au tribunal de relever que si le demandeur a sollicité, au dispositif de sa requête introductive d’instance, d’ordonner à la POST de communiquer le dossier administratif conformément à l'article 8, paragraphe (5) de la loi du 21 juin 1999, sans fournir une quelconque précision à ce sujet dans son recours, outre le fait que le dépôt du dossier administratif constitue une obligation spontanée pour l’administration dont émane la décision déférée, force est de constater que POST a versé au tribunal, ensemble avec son mémoire en réponse, une farde contenant plusieurs documents permettant de retracer les principaux rétroactes à la base de la décision déférée, de sorte qu’à défaut, pour le demandeur, d’avoir, par la suite, contesté le caractère complet du dossier administratif ainsi versé, la demande y relative encourt le rejet.

Quant au fond du litige, il y a, tout d’abord, lieu de relever qu’à défaut de dispositions spécifiques concernant la suspension dans la loi du 10 août 1992, il y a lieu de se référer à l’article 48 du statut général, aux termes duquel « 1. La suspension de l’exercice de ses fonctions peut être ordonnée à l’égard du fonctionnaire poursuivi judiciairement ou administrativement, pendant tout le cours de la procédure jusqu’à la décision définitive.

(…) 3. La période de la suspension visée aux paragraphes 1 et 2 ne compte pas comme temps de service pour les majorations biennales, l’avancement en traitement et la pension, sauf en cas de non-lieu ou d’acquittement. (…) », l’article 31 de la loi du 10 août 1992 précisant encore que « (…) Toutes les sanctions, ainsi que la suspension, seront prononcées par le directeur général. ».

Si l’article 48 du statut général reste muet quant aux critères censés guider en l’occurrence le directeur général dans l’exercice de ce pouvoir, il résulte de l’article 33 de la loi du 10 août 1992 que « Si l’agent est suspecté d’avoir commis une faute susceptible d’entraîner une sanction disciplinaire grave, l’inspection centrale en informe le directeur général qui peut le suspendre conformément au paragraphe 1er de l’article 48 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat. ».

Or, il a été jugé que la loi n'exige pas qu'une mesure de suspension puisse seulement être décidée à l'encontre d'un fonctionnaire lorsqu'il existe un ensemble d'éléments permettant de présumer qu'il a commis une faute susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire grave, alors qu’une décision de suspension peut également être prise en l'absence de toute faute grave commise par le fonctionnaire concerné3.

Il s’ensuit que la gravité des faits n’est pas l’élément déterminant pour justifier une mesure de suspension, même si ce critère est susceptible d’être pris en considération. La suspension, qui est conçue dans le but d'éviter à l'administration les conséquences fâcheuses qui pourraient résulter pour elle de la présence, dans ses services, d'un agent sous le coup de poursuites disciplinaires et qui a pour but de faciliter l'exercice de ces poursuites, doit encore être dûment justifiée, en considération non seulement de l'intérêt du service auquel le fonctionnaire est affecté, mais en prenant également en considération les intérêts du fonctionnaire en question4.

En l’espèce, il est reproché au demandeur d’avoir, pendant plusieurs années, eu un comportement harcelant, discriminant et irrespectueux envers ses collègues de travail, et plus particulièrement à l’égard d’un technicien informatique externe, comportement se matérialisant par l’emploi d’expressions parfaitement inappropriées et injurieuses, telles que notamment « taliban », « terroriste », « sale comme un noir » ou encore « esclave », des agissements profondément irrespectueux, tels que le jet quasi-quotidien de billes d’argile provenant d’un bac à fleurs situé dans le bureau, ainsi que des comportements dénigrants par rapport aux convictions religieuses de la victime desdits actes, et plus particulièrement la suggestion de manger une côte de porc lorsque la victime suivait une période de jeûne, voire le changement du fond d’écran de la victime par des images montrant un vibromasseur, respectivement un porc égorgé baignant dans son sang. Il est ainsi reproché à Monsieur … d’avoir violé, à côté du code de conduite de POST, les articles 9, paragraphe (1) et 10, paragraphe (1) du statut général aux termes desquels « Le fonctionnaire est tenu de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l’exercice de ses fonctions lui impose. » et « Le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public.

Il est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu’il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination. ».

De plus, Monsieur … est accusé de ne pas avoir respecté les règles en matière de sécurité informatique de POST, en étant intervenu sur les ordinateurs de ses collègues de travail pour y changer le fond d’écran 3 Trib. adm. 12 juillet 1999, n° 11222 du rôle, conf. par Cour adm. 21 décembre 1999, n° 11460C du rôle, Pas.

adm. 2021, V° Fonction publique, n° 412.

4 Trib. adm. 20 juin 2001, n° 12102 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Fonction publique, n° 413 et les autres références y citées.

Force est au tribunal de constater, en l’occurrence, que les faits litigieux présentent une gravité certaine en raison de leur caractère répété, hautement injurieux, discriminatoire et dénigrant, tout en s’étant déroulé pendant une période de plusieurs années, de sorte que le directeur général a pu, à juste titre, retenir, au jour de la décision litigieuse de suspension, que Monsieur … avait commis des fautes susceptibles d’entraîner une sanction disciplinaire grave.

De plus, la suspension du demandeur de ses fonctions et dès lors son écartement provisoire de son lieu de travail, est justifié par l’intérêt du service, alors que sa suspension provisoire est de nature à engendrer une ambiance de travail plus sereine dans le service concerné. Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait travaillé à l’entière satisfaction de ses supérieurs hiérarchiques pendant plus de 19 années, alors que le cas sous examen ne vise pas le travail matériel de Monsieur … mais son comportement à l’égard de ses collègues de travail, dont la gravité ne saurait être amoindrie en se référant à ses évaluations annuelles, alors qu’il n’en ressort nullement, ni d’ailleurs, d’un autre élément soumis à l’analyse du tribunal que ses supérieurs hiérarchiques auraient eu connaissance des agissements litigieux au moment desdites évaluations.

Par ailleurs, il est également dans l’intérêt du demandeur lui-même de se retrouver en dehors du contexte professionnel, lui permettant de se concentrer sur sa procédure disciplinaire, qui, en l’absence d’une décision coulée en force de chose décidée, respectivement coulée en force de chose jugée, ne saurait être actuellement considérée comme terminée. Dans ce contexte, il y a encore lieu de rejeter l’affirmation du demandeur selon laquelle aucune personne physique n’aurait subi un quelconque préjudice du fait de ses agissements, dans la mesure où il est souligné que ses collègues de travail auraient dû subir pendant plusieurs années son comportement harcelant et injurieux.

S’il n’est certes pas dans l’intérêt pour un fonctionnaire de perdre au moins provisoirement, en vertu de l'article 48, paragraphe (3) du statut général, un certain temps de service pour le calcul des majorations biennales, de l'avancement en traitement et de la pension, cette considération ne saurait être de nature à invalider les circonstances justifiant la suspension provisoire, alors que dans le cas contraire, l’article 48, paragraphe (3) du statut général ferait obstacle à toute mesure de suspension si justifiée soit-elle.

Il découle par conséquent de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours laisse d’être fondé, de sorte qu’il est à rejeter.

Au vu de l’issue du litige, il en va de même en ce qui concerne la demande en allocation d’une indemnité de procédure à hauteur de 1.000 euros au sens de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999.

Enfin, s’agissant de la demande à voir ordonner l’effet suspensif du recours tel que prévu par l’article 35 de la loi du 21 juin 1999, en vertu duquel « Par dérogation à l’article 45, si l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif, le tribunal peut, dans un jugement tranchant le principal ou une partie du principal, ordonner l’effet suspensif du recours pendant le délai d’appel. (…) », cette demande est également rejetée.

En effet, cette disposition doit être lue ensemble avec l’article 45 de la même loi en vertu duquel « Sans préjudice de la disposition de l’article 35, pendant le délai et l’instance d’appel, il est sursis à l’exécution des jugements ayant annulé ou réformé des décisions attaquées. » Il s’ensuit que l’effet suspensif du recours ne peut être ordonné que dans l’hypothèse d’un jugement tranchant le principal ou une partie du principal, ayant annulé ou réformé la décision. Or, dans la mesure où le tribunal a déclaré le recours en réformation sous analyse non fondé, l’article 35 précité ne trouve pas application.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure présentée par le demandeur ;

rejette la demande basée sur l’article 35 de la loi du 21 juin 1999 ;

rejette la demande sollicitant la communication du dossier administratif ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 29 juillet 2022 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 juillet 2022 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 43345
Date de la décision : 29/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-07-29;43345 ?

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