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13/06/2022 | LUXEMBOURG | N°45489

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juin 2022, 45489


Tribunal administratif N° 45489 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 janvier 2021 2e chambre Audience publique du 13 juin 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45489 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2021 par Maître Faisal Quraishi, avocat à la Cour,

inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à …...

Tribunal administratif N° 45489 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 janvier 2021 2e chambre Audience publique du 13 juin 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45489 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2021 par Maître Faisal Quraishi, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Afghanistan), de nationalité afghane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 8 décembre 2020 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 février 2021 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 2 février 2022 autorisant la production de mémoires supplémentaires ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er avril 2022 ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Faisal Quraishi et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 mai 2022.

Le 7 février 2019, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Ses déclarations sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Le 13 février 2019, il fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement Union européenne 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride.

Par arrêté du 19 février 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », assigna Monsieur … à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg pour une durée de trois mois.

Par décision du 20 mars 2019, le ministre se déclara incompétent pour l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur … et l’informa de sa décision de le transférer vers l’Autriche.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er avril 2019, inscrite sous le numéro 42584 du rôle, Monsieur … fit introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 20 mars 2019, auquel le tribunal administratif ne fit pas droit par jugement du 20 mai 2019.

Le transfert n’ayant pas été exécuté dans un délai de dix-huit mois après acceptation par les autorités autrichiennes de leur responsabilité pour l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur …, cette responsabilité incomba aux autorités luxembourgeoises.

Le 4 septembre 2020, il fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 8 décembre 2020, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé le 11 décembre 2020, le ministre informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée. La décision, qui comporte encore un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours à son égard, est libellée de la façon suivante :

« […] J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 7 février 2019 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Monsieur, il convient de souligner qu’après avoir introduit votre demande de protection internationale, vous avez quitté sans autorisation le lieu où vous étiez assigné à résider et vous vous êtes caché selon vos propres dires durant dix-huit mois auprès de plusieurs amis au Luxembourg. Vous indiquez vous être sciemment caché dans le but de faire échouer la procédure découlant du Règlement Dublin III qui avait pour finalité de vous transférer en Autriche, pays 2 responsable du traitement de votre demande de protection internationale.

Le Luxembourg est entretemps devenu compétent pour traiter votre demande alors que les délais prévus par le Règlement pour procéder au transfert sont à ce jour dépassés.

Ceci étant dit, notons que je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 7 février 2019, le rapport d’entretien Dublin III du 13 février 2019 et le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 4 septembre 2020 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Notons qu’une décision d’incompétence sur base des dispositions du Règlement Dublin III a été prise en date du 20 mars 2019 mentionnant que le Luxembourg se déclare incompétent pour connaître de votre demande de protection internationale et que vous serez transféré vers l’Autriche, Etat membre responsable pour le traitement de votre demande de protection internationale. Cette décision a été confirmée par un jugement du Tribunal administratif en date du 20 mai 2019 (N° 42584 du rôle).

Monsieur, il ressort de vos dires, que vous auriez vécu à … avec vos parents et votre fratrie et que vous auriez travaillé en tant que tailleur.

Vous déclarez que vous auriez quitté votre pays d’origine, étant donné que votre vie y serait en danger. Vous expliquez que votre père aurait travaillé en tant qu’agent immobilier à … et qu’il aurait été lui-même propriétaire de plusieurs maisons et terrains qu’il aurait hérités de votre grand-père.

Vous indiquez que dans votre quartier, une autre personne, en l’occurrence le commandant …, aurait également été propriétaire de plusieurs immeubles, et qu’il se serait approprié les immeubles et les terrains de votre père contre son gré. Vous précisez que le dénommé … serait une personne connue et qu’il serait député au parlement. Il appartiendrait au parti politique islamiste ….

Monsieur, vous indiquez qu’après que le dénommé … aurait falsifié un acte d’achat des terrains de votre père, votre frère aîné … aurait déposé une plainte auprès de la police. Un mois plus tard, il y aurait eu une altercation entre les gens travaillant pour le dénommé … et votre frère, lors de laquelle votre frère aurait été tué.

Vous continuez vos dires en indiquant que suite à ce triste événement, le dénommé … n’aurait pas cessé d’importuner votre famille et vous aurait menacé de mort. Vous précisez que vous vous seriez une fois rendu sur les terrains et qu’une des personnes travaillant pour le compte du dénommé … aurait sorti un pistolet et aurait tiré sur vous. Vous précisez que lors de cet incident 3 vous auriez été blessé à la jambe par une balle qui vous aurait frôlé.

Vous vous seriez ensuite installé dans le quartier de … durant un mois, mais étant donné que vous n’auriez pas voulu connaître le même sort que votre frère, vous auriez décidé de quitter votre pays d’origine.

Vous précisez encore que cinq mois après votre départ, le reste de votre famille aurait également décidé de quitter l’Afghanistan et se serait installé en Iran.

Vous présentez un certificat médical établi au Luxembourg par le médecin-inspecteur Dr …, attestant que vous présentez des cicatrices au niveau de la jambe droite, du genou droit, du pelvis et de la main droite.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Avant tout autre développement, Monsieur, il y a lieu de noter que vous vous êtes caché durant 18 mois auprès d’amis au Luxembourg, afin de faire échouer la procédure découlant du Règlement Dublin III qui avait pour finalité de vous transférer en Autriche, pays responsable du traitement de votre demande de protection internationale.

En effet, en date du 26 février 2019, les autorités autrichiennes ont accepté la demande de reprise en charge leur adressée sur base de l’article 18 (1) d du Règlement Dublin III, qui concerne les demandeurs dont la demande de protection internationale a été analysée et rejetée. Il en ressort dès lors, Monsieur, que vous avez déjà été débouté d’une demande de protection internationale en Autriche et que vous avez choisi de ne pas faire de recours contre la décision autrichienne, mais de vous rendre au Luxembourg. Les autorités autrichiennes ont dès lors estimé que les motifs que vous invoquez à la base de votre demande ne sont pas suffisant pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale et que vous êtes dans l’obligation de quitter l’Autriche en direction de votre pays d’origine. Vous avez sciemment choisi de dissimuler aux autorités luxembourgeoises que vous avez reçu un refus à votre demande de protection internationale de la part des autorités autrichiennes.

Lors de votre entretien Dublin III et de votre entretien avec l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes, vous indiquez seulement qu’après avoir dû donner vos empreintes digitales en Autriche, vous auriez continué votre chemin vers le Luxembourg, étant donné que vous auriez voulu rejoindre des amis dont vous auriez fait la connaissance sur le chemin.

Ainsi, Monsieur, après avoir reçu un jugement du Tribunal administratif luxembourgeois confirmant la décision d’incompétence prise à votre égard le 20 mai 2019, vous avez préféré vous soustraire aux procédures en vous cachant pendant 18 mois, le temps nécessaire pour faire passer la compétence de l’Etat autrichien à l’Etat luxembourgeois, le Règlement Dublin III prévoyant un délai maximum de 18 mois pour l’exécution d’une décision d’incompétence. Ainsi force est de 4 constater que suite au refus d’octroi d’une protection internationale émis des autorités autrichiennes vous avez sciemment déjoué les mécanismes en place ce qui démontre clairement que vous tentez par tous les moyens de vous maintenir sur le territoire de l’Union européenne et ce en dépit de toutes les règles de procédure en place. Car au lieu de vous enfuir et de vous cacher, il vous aurait été possible de faire des recours contre la décision autrichienne en Autriche ce que vous avez décidé de ne pas faire et tenter une nouvelle fois votre chance au Luxembourg. Un tel comportement est absolument inacceptable et démontre que vous n’hésitez pas mettre en œuvre tous les stratagèmes possibles pour ne pas vous plier aux règles établies en Europe et avez ainsi décidé de ne pas respecter la décision émanant des autorités autrichiennes qui ont rejeté votre demande.

 Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, vous invoquez craindre en cas de retour dans votre d’origine de devenir victime de représailles de la part du dénommé …, qui vous aurait déjà menacé par le passé dans le cadre d’un conflit foncier l’opposant à votre famille. De plus, vous indiquez que vous auriez peur de subir le même sort que votre frère qui aurait prétendument été tué par des personnes employées par ….

Force est de constater que votre crainte est dénuée de tout lien avec les critères énumérés dans le champ d’application de la Convention de Genève, à savoir votre race, votre nationalité, votre religion, votre appartenance à un groupe social ou vos opinions politiques.

Vous indiquez en effet vous-même que ce conflit opposant votre famille à cet individu découlerait uniquement d’un différend concernant des terres qu’il se serait approprié de manière irrégulière. Ainsi, il ne saurait être question dans votre chef de l’existence d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

5 En ce qui concerne la mort de votre frère, il y a lieu de constater qu’il s’agit en l’occurrence d’un fait non personnel pour lequel vous restez de surcroit en défaut de nous verser une quelconque preuve. Or, il convient de remarquer que des faits non personnels mais vécus par d’autres membres de la famille ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, vous restez en défaut d’étayer un lien entre le vécu de votre frère et des éléments liés à votre personne vous exposant à des actes similaires. En effet, vous supposez que votre frère aurait été tué pour avoir déposé plainte contre le dénommé … sans néanmoins avoir de certitude quant à cette allégation qui est ainsi une pure supposition de votre part. Toutefois, vous indiquez qu’il n’aurait été tué qu’un mois après avoir déposé cette plainte contre …. Ainsi, il n’est aucunement établi que la mort de votre frère aurait eu un lien avec le fait qu’il aurait engagé une procédure policière contre le dénommé ….

De plus, même si votre frère aurait été tué pour avoir déposé plainte, force est de constater que sa mort est dénuée de tout lien avec les critères énumérés dans le champ d’application de la Convention de Genève, à savoir sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un certain groupe social ou ses convictions politiques et il n’est de surcroit pas non plus établi que vous risqueriez d’être également dans le collimateur de ces individus non autrement identifiés.

Il s’ensuit que la première des trois conditions cumulatives pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié fait défaut en l’espèce.

Il y a également lieu de noter, que vous-même, vous n’auriez déposé aucune plainte après avoir été prétendument menacé de mort, étant donné que vous n’auriez pas eu « le temps pour pouvoir aller en déposer une » (p.11/13 du rapport d’entretien) de sorte que vous ne pouvez pas valablement affirmer que vous n’auriez pas pu bénéficier d’une protection dans votre pays d’origine. Cependant, vous auriez continué à vivre en Afghanistan durant plusieurs mois, sans rencontrer aucun problème.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécuté, que vous auriez pu craindre d’être persécuté respectivement que vous risquez d’être persécuté en cas de retour dans votre pays d’origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

 Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

6 L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l’espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié.

Toutefois, Monsieur, comme cela a été développé ci-avant vous vous bornez à indiquer que vous auriez peur de subir le même sort que votre frère qui aurait prétendument été tué par des personnes employées par ….

Il y a cependant lieu de noter, comme mentionné déjà ci-dessus, que vous-même, vous n’auriez déposé aucune plainte après avoir été prétendument menacé de mort, étant donné que vous n’auriez pas eu « le temps pour pouvoir aller en déposer une » (p.11/13 du rapport d’entretien). Cependant, vous auriez continué à vivre en Afghanistan durant plusieurs mois, sans rencontrer aucun problème.

Ainsi, Monsieur, force est de constater que vous n’auriez jamais demandé une quelconque protection aux autorités afghanes et ce pour la seule raison de ne pas avoir eu le temps. Les autorités afghanes n’auraient ainsi pas pu intervenir ce qui ne constitue nullement une preuve de leur incapacité à vous protéger. Il convient d’ajouter qu’une personne qui craint pour sa vie, fait tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir une protection, un manque de temps n’étant guère une excuse valable.

De plus, si on admet que des personnes employées par … aient eu connaissance de la plainte déposée par votre frère, et qu’ils auraient effectivement tué votre frère suite au dépôt de cette plainte, cela signifie qu’ils craignent en effet les démarches entreprises par la police qui pourraient conduire à leur arrestation voire condamnation. Si, en effet, les autorités resteraient inactives comme vous le laissez entendre … et ses employés n’auraient eu aucun intérêt à tuer votre frère et à menacer votre famille, alors qu’ils seraient assurés qu’une plainte ne connaitrait pas de suites.

Dans ce contexte, il y a aussi lieu de rappeler que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d’actes de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion.

Ainsi, cette prétendue crainte ne saurait emporter la conviction du Ministre que vous courriez un risque réel de subir des atteintes graves dans votre pays d’origine.

7 Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément crédible de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

3. Quant à la fuite interne En vertu de l’article 41 de la Loi de 2015, le Ministre peut estimer qu’un demandeur n’a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d’origine, il n’y a aucune raison de craindre d’être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu’il est raisonnable d’estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.

Ainsi, la conséquence d’une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d’origine, une existence conforme à la dignité humaine. Selon les lignes directrices de I’UNHCR, l’alternative de la fuite interne s’applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu’en termes de sécurité.

En l’espèce, il ressort à suffisance de vos dires que vous n’auriez pas tenté de vous réinstaller dans une autre ville ou région de votre pays d’origine au motif que selon vous, le dénommé … serait capable de vous retrouver partout.

Avant toute choses notons qu’il n’est pas possible qu’une seule personne vous retrouverait dans un pays d’environ 37 millions d’habitants et d’une superficie de 652864 kilomètres carrés.

Ainsi, ce motif ne constitue pas un obstacle à une réinstallation dans votre pays d’origine.

Ainsi, vous auriez pu vous installer à …, une province qui se trouve à plus de 800 kilomètres de route de la province de … En effet, la ville de … et la ville d’… ont toutes les deux des aéroports en état de fonctionnement, avec plusieurs vols domestiques par jour, opérés par … et …. De plus, les deux villes sont connectées par la « … », et donc … aurait également été accessible par voiture à partir de ….

Dans ce contexte, il importe de noter que la province d’… est selon une analyse d’EASO, une des provinces les plus calmes en Afghanistan. En effet, selon cette analyse, « It is reported that … has been among the relatively calm provinces in the west of Afghanistan […] in the provincial capital of … City, indiscriminate violence is taking place at such a low level that in general there is no real risk for a civilian to be personally affected by reason of indiscriminate violence ».

En ce qui concerne votre situation personnelle, Monsieur, il y a lieu de noter que « … is a Persian-speaking city and the majority of its people are either Sunni or Shia Tajiks/Farsiwans » et que « although the situation related to settling in the cities of …, … and … entails certain 8 hardships, IPA may be reasonable for single able-bodied men ». Etant donné qu’il ressort de vos dires que vous êtes de confession musulmane sunnite et d’ethnie Tajik et que votre langue maternelle serait le farsi, couplé au fait que vous êtes célibataire et en bonne santé, il n’y a aucune raison pour laquelle vous n’auriez pas pu vous installer à ….

De plus, Monsieur, il ressort de vos dires que vous auriez été scolarisé durant dix ans, et que vous auriez, avant de quitter l’Afghanistan, travaillé en tant que tailleur. Ainsi, votre niveau d’éducation et votre métier vous permettrait de vous ouvrir des portes et des possibilités d’embauche lors d’une réinstallation à ….

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination d’Afghanistan, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2021, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation, d’une part, de la décision du ministre du 8 décembre 2020 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre la décision de refus d’une demande de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé subséquemment, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision du ministre du 8 décembre 2020, telle que déférée, prise en son double volet, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

1) Quant au recours visant la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique avoir été inquiété, de même que sa famille, par le commandant …, qui se serait illégalement approprié, en falsifiant des documents, trois hectares de terres constructibles et un terrain de quatre ares d’une valeur d’environ … dollars américains, biens qui auraient appartenu à sa famille. Les terrains auraient été occupés par les hommes de main dudit commandant. Son frère, …, qui aurait aidé son père dans son emploi d’agent immobilier, aurait décidé de déposer plainte contre le commandant, ce qui aurait entraîné son assassinat par les hommes de ce dernier. Le demandeur indique qu’il aurait dû fuir, ainsi que sa famille, pour se cacher à … dans le quartier de …, avant de s’enfuir vers l’Iran, suite aux menaces de mort proférées par les hommes de main du commandant. Après avoir reproduit un extrait de ses déclarations devant l’agent du ministère réitérant les prédits faits, il ajoute avoir clairement exposé lors de son entretien ministériel qu’il aurait été inquiété par un commandant, qui aurait eumain mise sur la police et les services de l’Etat, ce qui ne lui aurait laissé aucune possibilité de réclamer une protection auprès des autorités de son pays d’origine. Il n’aurait ainsi eu d’autre choix que celui de fuir.

En droit, le demandeur, en se prévalant de l’article 37 (3) de la loi du 18 décembre 2015, soutient que la décision ministérielle déférée serait entachée d’illégalité, au motif qu’un examen correct de sa situation individuelle aurait dû aboutir au constat qu’il remplirait les conditions de la loi du 18 décembre 2015 pour obtenir soit le statut de réfugié, soit celui conféré par la protection subsidiaire. Il soutient, à cet égard, que le ministre ne tiendrait pas compte de ses explications et principalement de celles liées à la fonction du commandant Mir, à son pouvoir politique, à ses hommes de main au sein des forces de police, aux circonstances réelles des terrains et à la manière dont l’Etat afghan gérerait les terrains. Il en conclut que cette situation ne lui aurait pas permis une protection de la part des autorités afghanes en raison de la fonction et de l’influence que le prédit commandant aurait eues.

Il se prévaut encore de l’article 37 (5) de la loi du 18 décembre 2015 pour conclure que ses affirmations relatives aux évènements vécus n’auraient pas été utilement remises en cause par la décision litigieuse, de sorte qu’elles seraient à considérer comme établies. Ainsi, il serait avéré qu’il aurait été menacé de mort par le commandant …, sans pouvoir trouver refuge et protection auprès des autorités afghanes. Dans ce contexte, le demandeur donne à considérer que le ministre aurait procédé à un examen superficiel et insuffisant des faits, ainsi qu’à une mauvaise application de la loi, de sorte que la décision ministérielle devrait être réformée pour violation de la loi, abus de droit, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits. En effet, contrairement à l’appréciation ministérielle, il devrait être retenu que les faits, circonstances et raisons l’ayant poussé à fuir son pays d’origine constitueraient une crainte suffisante d’être exposé à la mort, sinon à des traitements inhumains et dégradants dans un laps de temps plus ou moins court, justifiant donc l’octroi de l’un des statuts conférés par la protection internationale.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement réitère en substance les développements contenus dans la décision ministérielle attaquée. Il insiste sur le fait que le ministre aurait bien procédé à une instruction complète et suffisante et à un examen approprié des faits invoqués à l’appui de la demande de protection internationale et que le demandeur invoquerait ainsi, à tort, la violation de l’article 37 de la loi du 18 décembre 2015. Quant au refus du statut de réfugié, le délégué du gouvernement soutient que le demandeur aurait affirmé que le conflit opposant sa famille au dénommé … découlerait uniquement d’un différend concernant des terres que ce dernier se serait appropriées de manière irrégulière, constat qui ne serait pas remis en cause dans la requête introductive d’instance, et que le demandeur resterait dès lors en défaut d’établir un lien avec les critères de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève ». Il ajoute que la mort du frère du demandeur serait un fait non personnel, que Monsieur … resterait en défaut de verser une quelconque preuve à cet égard, que les raisons de ce décès resteraient inconnues et qu’en tout état de cause, il n’aurait aucun lien avec la Convention de Genève. Quand bien même ce décès serait lié à la Convention de Genève, le délégué du gouvernement relève que le demandeur n’aurait pas démontré que les autorités de son pays d’origine ne pourraient ou ne voudraient pas lui accorder une protection, de sorte que le ministre aurait, à bon droit, refusé de lui accorder le statut de réfugié.

Quant à la protection subsidiaire, le délégué du gouvernement estime que le demandeur ne remplirait pas les conditions de l’article 48 a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, en renvoyant à ses arguments développés dans la partie concernant le refus du statut de réfugié. Quant au point c) dudit article 48, il explique que l’European Asylum Support Office (EASO), à présent dénommé European Union Agency for Asylum (EUAA), aurait retenu dans ses « Country Guidance :

Afghanistan » publiées en juin 2019 et en décembre 2020 que le seul fait d’être originaire d’Afghanistan ne serait pas suffisant pour se voir octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire sur base du prédit point c). A l’appui de son raisonnement, il renvoie à des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », du 11 juillet 2017, nos 43538/11 et 63104/11, et du 5 novembre 2019, n° 32218/17, ainsi qu’au rapport publié par l’EASO sur la situation sécuritaire en Afghanistan en septembre 2020, intitulée « Afghanistan Security situation », qui ne démontreraient pas une dégradation de la situation depuis 2019. Il relève ensuite que la Cour nationale du droit d’asile français (CNDA) aurait procédé à des revirements de jurisprudence concernant la situation en Afghanistan dans des arrêts du 19 novembre 2020, nos 19009476 et 1805466, et que le tribunal de céans en aurait fait de même dans un jugement du 14 janvier 2021, n° 44166 du rôle. Il ajoute, en s’appuyant sur le « Country Guidance » de l’EASO de décembre 2020, que le niveau de violences aveugles à …, ville d’origine du demandeur, n’atteindrait pas un seuil si élevé que la simple présence d’une personne entraînerait automatiquement un risque réel suffisant pour appliquer l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015 et que le demandeur devrait être en mesure de démontrer qu’il est spécifiquement visé en raison d’éléments propres à sa situation personnelle, ce que Monsieur … serait en défaut de faire, de sorte qu’il ne pourrait se voir attribuer une protection subsidiaire de ce fait.

Dans son mémoire supplémentaire, le délégué du gouvernement fait tout d’abord valoir le fait que le demandeur n’aurait pas estimé nécessaire de prendre position ni sur d’éventuels nouveaux éléments à faire valoir concernant sa situation personnelle depuis la prise de pouvoir des Talibans à l’été 2021 ni sur la situation générale dans son pays d’origine. Il estime que ce silence confirmerait la réanalyse faite par le ministre lequel a décidé, en janvier 2022, de maintenir la décision de refus ministérielle du 8 décembre 2020 et qu’il démontrerait le désintérêt du demandeur à l’égard de sa demande de protection internationale.

Il ajoute, en ce qui concerne le point c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, qu’il ne pourrait plus être applicable, dans la mesure où il n’y aurait plus de conflit armé caractérisé par des violences aveugles depuis la prise de pouvoir des Talibans, tout en renvoyant à cet égard à un arrêt de la CNDA du 21 septembre 2021, n° 18037855, dans lequel elle aurait retenu que la victoire militaire des forces talibanes conjuguée à la désagrégation des autorités gouvernementales et de l’armée nationale afghane et au retrait des forces armées étrangères aurait, pour l’essentiel, mis fin au conflit armé qu’aurait connu le pays depuis plusieurs années. Il renvoie également à des rapports publiés par l’EASO en novembre 2021, intitulé « Country Guidance Afghanistan : Common analysis and guidance note », duquel il ressortirait que le seul fait d’être originaire d’Afghanistan ne serait pas suffisant pour se voir octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire sur base de l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015, et par l’EUAA en janvier 2022, intitulé « Afghanistan Country focus, Country of Origin information Report », dans lequel une diminution des attaques aurait été notée depuis la prise de pouvoir par les Talibans et que la majorité des cas de violence à l’encontre des civils aurait été enregistrée dans les provinces de …, …, … et … Il ajoute, en s’appuyant sur le prédit rapport de l’EUAA de janvier 2022, que le niveau de violencesaveugles à …, ville d’origine du demandeur, et malgré des attentats sporadiques, n’atteindrait pas un seuil si élevé que la simple présence d’une personne entraînerait automatiquement un risque réel suffisant pour appliquer l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015. Le délégué du gouvernement en conclut que, le demandeur n’ayant apporté aucun élément permettant de retenir le contraire et n’ayant pas fait valoir un quelconque changement dans sa situation suite à la prise de pouvoir des Talibans, le refus ministériel serait aussi à confirmer sur ce point.

En ce qui concerne, tout d’abord, le moyen selon lequel les conditions de l’article 37 (5) de la loi du 18 décembre 2015 seraient remplies, de sorte que les déclarations du demandeur seraient à considérer comme établies même en l’absence de preuves documentaires, il échet de constater qu’étant donné que le ministre n’a pas remis en cause la crédibilité des déclarations du demandeur, le moyen y afférent est à rejeter pour ne pas être pertinent.

Ensuite, le tribunal relève qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».

Par ailleurs, l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

« a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

12 c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il suit des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 précitée, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Par ailleurs, force est de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel aurait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015. L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitif sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, Monsieur … invoque, à la base de sa demande du statut de réfugié, le fait que le dénommé … le chercherait en raison d’un conflit foncier opposant ce dernier à sa famille et qu’il risquerait de subir le même sort que son frère.

En ce qui concerne le dénommé …, force est de constater qu’il ne ressort d’aucun élément objectif du dossier que la motivation de ce dernier vis-à-vis de Monsieur … aurait un lien avec les critères énoncés dans la Convention de Genève, à savoir la race, la religion, la nationalité, l’appartenance du demandeur à un certain groupe social ou ses convictions politiques. En effet, il ressort des déclarations du demandeur que le dénommé … n’a agi que par but de lucre, de sorte qu’aucune crainte de persécution ne saurait être retenue.

En ce qui concerne le décès de son frère, il échet de relever que le demandeur tente de lier cet évènement au dénommé …, en soutenant qu’il aurait ordonné le meurtre de son frère suite à la plainte déposée par ce dernier à son encontre, en raison du conflit foncier qui les aurait opposés.

Or, si le meurtre de son frère est certes hautement condamnable, le tribunal relève que des persécutions subies par une personne autre que le demandeur de protection internationale peuvent établir une crainte fondée de persécutions, à condition qu’il puisse établir l’existence, dans son chef, d’un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, force est de constater que le demandeur omet d’établir de telles circonstances particulières et qu’il ne démontre pas non plus que le meurtre de son frère - pour autant que le dénommé … en soit responsable - aurait un lien avec l’un des critères de la Convention de Genève, de sorte qu’une crainte fondée de persécution ne saurait être non plus retenue de ce chef.

Partant, le tribunal est amené à constater que les faits invoqués par Monsieur … s’analysent comme étant sans liens avec les critères établis par la Convention de Genève, de sorte qu’ils ne permettent pas l’octroi du statut de réfugié.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèsesenvisagées aux points a), b) et c), précitées, dudit article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 g), précité, de la loi du 18 décembre 2015 définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

A l’appui de sa demande de protection subsidiaire, il échet de relever que le demandeur invoque, en substance, les mêmes motifs factuels que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

En ce qui concerne les menaces du dénommé …, si le demandeur soutient ne pas avoir pu agir contre ce dernier en raison de sa fonction de commandant, de son pouvoir politique et de ses hommes de main au sein des forces de police, force est au tribunal de constater tout d’abord, en raison du changement de régime et du remaniement du gouvernement suite à la prise de pouvoir des Talibans en août 2021, que le demandeur reste en défaut de démontrer – et même d’invoquer – la moindre raison pour laquelle il estime que sa crainte de subir des atteintes graves de la part dudit commandant serait encore actuelle et fondée.

En outre, en ce qui concerne le décès de son frère, hormis le fait qu’il s’agisse d’un fait non personnel, force est de constater que le demandeur reste en défaut d’étayer le lien entre le dépôt de plainte de ce dernier et son décès, celui-ci ayant eu lieu un mois après sa plainte. Il manque également de démontrer qu’il puisse subir le même sort, dans la mesure où, même en retenant que son frère a été tué pour avoir contesté le transfert illégal des titres de propriété de son père, il ressort des déclarations de Monsieur … qu’il n’a pas porté plainte contre le prédit commandant, ne s’est pas opposé à ce transfert d’une quelconque autre manière, et n’a même pas affirmé avoir travaillé avec son père dans la gestion des biens immobiliers, contrairement à son frère. Partant, il y a lieu de constater que le demandeur n’apporte aucun élément qui pourrait permettre de retenir qu’il serait dans la même situation que son frère et qu’il risquerait de ce fait de subir des atteintes graves à son intégrité physique, de sorte que ses craintes restent hypothétiques et ne peuvent permettre l’octroi d’une protection subsidiaire sur base des points a) et b) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Enfin, afin qu’un statut de protection subsidiaire puisse être octroyé au demandeur conformément à l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015, il doit être question, dans son chef, d’une menace grave contre sa vie ou sa personne, en tant que civil, en raison de la violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international. Cette disposition législative constitue la transposition de l’article 15 c) de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, ci-après désignée par « la directive 2011/95 ». Son contenu est distinct de celui de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après dénommée « la CEDH », et son interprétation doit, dès lors, être effectuée de manière autonome tout en restant dans le respect des droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la CEDH1.

Il convient par conséquent de tenir compte des enseignements de l’arrêt Elgafaji du 17 février 2009 rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui distingue deux situations: (i) celle où il « existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un civil renvoyé dans le pays concerné ou, le cas échéant, dans la région concernée courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire de ceux-ci, un risque réel de subir les menaces graves visées par l’article 15, sous c), de la directive »2 et (ii) celle qui prend en compte les caractéristiques propres du demandeur, la CJUE précisant que « […] plus le demandeur est éventuellement apte à démontrer qu’il est affecté spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle, moins sera élevé le degré de violence aveugle requis pour qu’il puisse bénéficier de la protection subsidiaire »3.

Dans la première hypothèse, le degré atteint par la violence aveugle est tel que celle-ci affecte tout civil se trouvant sur le territoire où elle sévit, de sorte que s’il est établi qu’un demandeur est un civil originaire de ce pays ou de cette région, il doit être considéré qu’il encourrait un risque réel de voir sa vie ou sa personne gravement menacée par la violence aveugle s’il était renvoyé dans cette région ou ce pays, du seul fait de sa présence sur le territoire de ceux-

ci, sans qu’il soit nécessaire de procéder, en outre, à l’examen d’autres circonstances qui lui seraient propres.

Dans ce contexte, la CJUE a précisé, dans un arrêt du 10 juin 2021, « CF, DN c.

Bundesrepublik Deutschland », C-901/19, que lors de l’évaluation individuelle d’une demande de protection subsidiaire, prévue à l’article 4 (3) de la directive 2011/95, il peut notamment être tenu compte de la proportion entre le nombre total de civils vivant dans la région concernée et les victimes effectives des violences perpétrées par les parties au conflit contre la vie ou l’intégrité physique des civils dans cette région4, de l’intensité des affrontements armés, du niveau d’organisation des forces armées en présence, de la durée du conflit, de l’étendue géographique de la situation de violence aveugle, de la destination effective du demandeur en cas de renvoi dans le pays ou la région concernés et de l’agression éventuellement intentionnelle contre des civils 1 CJUE, 17 février 2009, Meki Elgafaji et Noor Elgafaji c. Staatssecretaris van Justitie, C-465/07, paragraphe 28.

2 Ibid., paragraphe 35.

3 Ibid., paragraphe 39.

4 CJUE, 10 juin 2021, CF, DN c. Bundesrepublik Deutschland, C-901/19, paragraphe 32.exercée par les belligérants, en tant qu’éléments entrant en ligne de compte dans l’appréciation du risque réel d’atteintes graves5.

La seconde hypothèse concerne des situations où il existe une violence aveugle, ou indiscriminée, c’est-à-dire une violence qui frappe des personnes indistinctement, sans qu’elles ne soient ciblées spécifiquement, mais où cette violence n’atteint pas un niveau tel que tout civil courrait du seul fait de sa présence dans le pays ou la région en question un risque réel de subir des menaces graves pour sa vie ou sa personne. La CJUE a jugé que dans une telle situation, il convenait de prendre en considération d’éventuels éléments propres à la situation personnelle du demandeur aggravant dans son chef le risque lié à la violence aveugle.

En l’espèce, force est de relever qu’il ressort du rapport de l’EUAA de janvier 2022, intitulé « Afghanistan Country Focus : Country of Origin Information Report », que le retrait des forces armées étrangères et l’arrivée au pouvoir des Talibans en août 2021 a, pour l’essentiel, mis fin au conflit armé qui sévissait dans le pays depuis des années, même si des attaques sporadiques, principalement commises par l’Etat islamique, ont encore lieu dans certaines régions du pays.

Force est également au tribunal de constater que dans un arrêt récent la Cour administrative a retenu que « […] il ne se dégage pas à suffisance des éléments soumis à la Cour qu’il convienne de retenir, à l’heure actuelle, une situation de conflit armé caractérisé par des violences aveugles depuis la prise de pouvoir des Talibans.

Au regard des éléments lui soumis relativement à la situation sécuritaire existant en Afghanistan, où consécutivement à la prise de pouvoir par les Talibans le conflit armé a généralement cessé sur la majorité du territoire afghan, dont tant la province originaire des appelants que la ville de …, où les appelants avaient apparemment pu trouver refuge pendant plusieurs années, les appelants ne font pas état de considérations suffisantes justifiant dans leur chef la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire sur base du point c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015. […] »6.

Au vu de ces éléments, le tribunal est amené à conclure que le demandeur ne remplit pas non plus les critères prévus à l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015.

Le ministre a, dès lors, valablement pu rejeter la demande de protection subsidiaire de l’intéressé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé de faire droit à la demande de protection internationale de Monsieur …, de sorte que le recours en réformation sous analyse encourt le rejet.

2) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire A l’appui de son recours, le demandeur conclut à la réformation de l’ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision lui refusant une protection 5 Ibid., paragraphe 43.

6 Cour adm., 19 mai 2022, n° 46374C, disponible sous www.jurad.etat.lu.internationale, en invoquant le principe de précaution.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, dans la mesure où l’ordre de quitter le territoire découlerait directement de la décision rejetant l’octroi d’une protection internationale.

Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « […] Une décision du ministre vaut décision de retour […] », cette dernière notion étant définie par l’article 2 q) de la même loi comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », étant encore relevé, à cet égard, que si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné que le tribunal vient de retenir ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder au demandeur l’un des statuts conférés par la protection internationale, à défaut d’un risque de subir des persécutions ou atteintes graves en cas de retour en Afghanistan, le ministre a encore valablement pu, sans violer le principe de précaution, prononcer un ordre de quitter le territoire à l’égard du demandeur, de sorte que ni la légalité ni le bien-fondé de l’ordre de quitter le territoire ne sauraient être valablement remis en cause.

Partant, le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé à l’encontre de la décision ministérielle du 8 décembre 2020 portant refus d’une protection internationale dans le chef de Monsieur … ;

au fond le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié, partant, en déboute ;

dit qu’il n’y pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Daniel Weber, premier juge, Annemarie Theis, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 13 juin 2022 par le vice-président, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s. Lejila Adrovic s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 juin 2022 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 45489
Date de la décision : 13/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-06-13;45489 ?

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