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07/06/2022 | LUXEMBOURG | N°46151C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 juin 2022, 46151C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 46151C du rôle ECLI:LU:CADM:2022:46151 Inscrit le 21 juin 2021

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Audience publique du 7 juin 2022 Appel formé par Madame (B) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 12 mai 2021 (n° 40444a du rôle) ayant statué sur leur recours dirigé contre une décision du conseil communal de la commune de Sandweiler en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 46151C du rÃ

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 46151C du rôle ECLI:LU:CADM:2022:46151 Inscrit le 21 juin 2021

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Audience publique du 7 juin 2022 Appel formé par Madame (B) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 12 mai 2021 (n° 40444a du rôle) ayant statué sur leur recours dirigé contre une décision du conseil communal de la commune de Sandweiler en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 46151C du rôle, déposée le 21 juin 2021 au greffe de la Cour administrative par la société à responsabilité limitée ETUDE NOESEN, établie et ayant son siège social à L-1475 Luxembourg, 1, plateau du Saint Esprit, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 251614, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée aux fins des présentes par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (B), demeurant à L-… …, …, …, de Madame (C), demeurant à L-… …, …, …, de Monsieur (D), demeurant à L-… …, …, …, de Monsieur (E), demeurant à L-… …, …, …, de Madame (F), demeurant à L-… …, …, … et de Monsieur (G), demeurant à L-… …, … …, dirigée contre le jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 12 mai 2021 (n° 40444a du rôle), par lequel ledit tribunal les a déboutés de leur recours en annulation formé contre une « décision du conseil communal de Sandweiler du 14 septembre 2017 décidant d’approuver le devis estimatif pour la mise en place d’un réseau d’évacuation des eaux pluviales et des eaux usés pour la rue Hiel, la rue d’Itzig et la rue de Contern à Sandweiler établi par le bureau d’études (J) […] et décidant de soumettre la décision pour approbation aux autorités supérieures compétentes si la législation en vigueur l’impose »;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 25 juin 2021, portant signification de la prédite requête d’appel à l’administration communale de Sandweiler, établie en sa maison communale à L-5240 Sandweiler, 18, rue Principale, représentée par son conseil des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 24 septembre 2021 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Sandweiler;

1Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 22 octobre 2021 par Maître Jean-Paul NOESEN au nom des appelants;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 22 novembre 2021 par Maître Jean KAUFFMAN au nom de l’administration communale de Sandweiler;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Jean-Paul NOESEN et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 décembre 2021;

Vu l’avis de la Cour administrative du 13 janvier 2022 faisant suite à la lettre de Maître Jean-Paul NOESEN du 3 janvier 2022;

Vu l’avis de la Cour administrative du 21 janvier 2022 prononçant la rupture du délibéré suite à la prise de position de Maître Jean KAUFFMAN du 19 janvier 2022;

Le rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maîtres Jean-Paul NOESEN et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries complémentaires à l’audience publique du 19 mai 2022.

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Madame (B), Madame (C), Monsieur (D), Monsieur (E), Madame (F) et Monsieur (G), ci-après désignés par « les consorts (BCDEFG) », sont, selon leurs dires, propriétaires de terrains aux lieux-dits « In den Azingen », « Beim Ressweiher » et « An der Kettebaach » situés sur le territoire de la commune de Sandweiler.

Par un avis du 2 septembre 2015, l’administration communale de Sandweiler porta à la connaissance du public que le Syndicat Intercommunal de Dépollution des Eaux Résiduaires de l’Est (SIDEST) avait introduit une demande auprès du ministère du Développement durable et des Infrastructures en vue de se faire délivrer une autorisation pour « la construction et l’exploitation d’un bassin d’orage avec bassin de rétention à Sandweiler, commune de Sandweiler, et modification du déversoir « WS13 » à Oetrange, commune de Contern ».

Dans sa séance publique du 10 novembre 2015, le conseil communal de la commune de Sandweiler, ci-après désigné par « le conseil communal », émit un avis positif au sujet du dossier de la modification ponctuelle du plan d’aménagement général de la commune de Sandweiler, ci-après désigné par « le PAG », concernant le couloir pour le collecteur de Sandweiler, du 22 septembre 2015, élaboré par le bureau d’études et conseils en aménagement du territoire et urbanisme (L).

Après avoir introduit des réclamations écrites à l’encontre dudit projet, les consorts (BCDEFG) furent entendus par le collège des bourgmestre et échevins le 19 avril 2016, conformément à l’article 13 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 relative à l’aménagement communal et le développement urbain.

Par une délibération du 28 avril 2016, le conseil communal décida d’approuver définitivement le dossier de la modification ponctuelle du PAG libellée « Couloir pour le collecteur à Sandweiler ».

2 Dans sa séance publique du 14 septembre 2017, le conseil communal décida d’approuver le devis estimatif pour la mise en place d’un réseau d’évacuation des eaux pluviales et des eaux usées pour la rue Hiel, la rue d’Itzig et la rue de Contern à Sandweiler, tel que présenté par le bureau d’études (J), en les termes suivants :

« (…) Vu le devis estimatif détaillé pour la mise en place d’un réseau d’évacuation des eaux pluviales et des eaux usées pour la rue Hiel, la rue d’Itzig et la rue de Contern à Sandweiler, établi par le bureau d’études (J), Ingénieurs-Conseils, référence …, d’un montant total TTC de …€ honoraires compris ;

Vu les plans annexés au devis estimatif détaillé sous rubrique ;

Considérant les crédits inscrits au budget 2017 aux articles 4/520/222100/17003 libellé « Installations techniques de réseaux: Eau - Réseau de canalisation de la rue d’Itzig. » d’un montant de 550.000€ et 4/550/222100/17002 libellé « Installations techniques de réseaux:

Autres - Réseaux de conduites pour les eaux pluviales - Diverses rues. » d’un montant de 800.000€ pour couvrir les dépenses liées à l’exercice 2017 ;

Vu la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics et les règlements grand-ducaux y relatifs ;

Vu la loi du 19 décembre 2008 relative à l’eau modifiant plusieurs lois, un arrêté et un règlement général ;

Vu la loi communale du 13 décembre 1988 telle qu’elle e été modifiée et complétée par la suite et notamment l’article 106, point 10° ;

Vu l’article 156 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 portant exécution de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics et portant modification du seuil prévu à l’article 106 point 10° de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 ;

Considérant que le conseiller M. (H) a quitté la table de vote ;

avec 9 voix pour, 1 abstention et par appel nominal décide d’approuver le devis estimatif détaillé annexé pour la mise en place d’un réseau d’évacuation des eaux pluviales et des eaux usées pour la rue Hiel, la rue d’Itzig et la rue de Contern à Sandweiler, établi par le bureau d’études (J), Ingénieurs-Conseils, référence …., d’un montant total TTC de …. € honoraires compris et les plans annexés.

et décide de soumettre la décision pour approbation aux autorités supérieures compétentes si la législation en vigueur l’impose. (…) ».

Le 29 novembre 2017, les consorts (BCDEFG) firent introduire devant le tribunal administratif un recours en annulation à l’encontre de la décision précitée du conseil communal du 14 septembre 2017.

3Par un jugement du 10 juillet 2019, le tribunal administratif se déclara incompétent ratione materiae pour connaître du recours au motif que la décision attaquée ne constitue pas une décision administrative faisant grief, susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux devant les juridictions administratives, mais un simple acte de gestion de nature contractuelle s’inscrivant dans le cadre de l’exécution de la décision de modification ponctuelle du PAG antérieurement prise et échappant de la sorte au contrôle des juridictions administratives.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 25 juillet 2019, les consorts (BCDEFG) interjetèrent appel contre ce jugement.

Dans son arrêt du 28 janvier 2020 (n° 43330C du rôle), la Cour administrative retint que la délibération du conseil communal du 14 septembre 2017 constitue une décision administrative nouvelle susceptible de faire grief, réforma en conséquence le jugement du 10 juillet 2019 et renvoya le dossier en prosécution de cause devant le tribunal administratif, tout en réservant les dépens de première instance et en condamnant l’administration communale de Sandweiler aux dépens de l’instance d’appel.

Par un jugement du 12 mai 2021 (n° 40444a du rôle), le tribunal administratif, statuant sur renvoi, déclara le recours en annulation recevable mais non fondé et en débouta les consorts (BCDEFG), tout en les condamnant aux frais de l’instance.

Pour ce faire, le tribunal rejeta tout d’abord le moyen tiré du défaut de consultation de l’Administration de la gestion de l’eau sur le fondement de l’article 46, paragraphe (5), de la loi du 19 décembre 2008 relative à l’eau, ci-après désignée par « la loi du 19 décembre 2008 », au motif que cette disposition n’était pas applicable au litige.

Le tribunal écarta ensuite le moyen selon lequel la décision litigieuse ne répondrait pas à l’exigence de l’emploi des meilleures techniques possibles prescrite par l’article 46, paragraphe (1), de la loi du 19 décembre 2008 au motif que les demandeurs étaient restés en défaut de fournir un quelconque élément concret à l’appui de leur moyen permettant d’en examiner le bien-fondé.

Quant au moyen fondé sur un excès de pouvoir consistant dans le non-respect du principe de proportionnalité, le tribunal considéra que les éléments d’appréciation soumis par les consorts (BCDEFG) ne suffisaient pas à retenir une disproportion flagrante entre, d’une part, la décision de passer d’un « Mischwasserkanal », tel que prévu en 2016, évacuant dans le même tuyau de canalisation tant les eaux polluées (usées) que les eaux claires (pluviales, parasites, de drainage, …), à un système séparé pour les eaux de pluie et pour les eaux usées, et, d’autre part, les conséquences que cela entraînerait éventuellement pour les demandeurs.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 21 juin 2021, les consorts (BCDEFG) ont régulièrement relevé appel de ce jugement.

A l’appui de leur appel, ils font exposer que la commune de Sandweiler aurait longtemps soutenu qu’une nouvelle canalisation mise en place par le SIDEST devrait passer à travers leurs terrains alors qu’aucune autre solution technique ne serait réalisable ni même imaginable. La commune devrait effectivement adapter le réseau d’évacuation des eaux usées pour tenir compte de l’accroissement de sa population. Lors de l’établissement du nouveau PAG, la commune aurait décidé de mener les conduites menant les eaux vers une station 4d’épuration par la pointe sud de la commune, correspondant ainsi au point le plus bas de la commune.

Postérieurement à l’élaboration du PAG, le gouvernement aurait imposé aux communes de séparer désormais les eaux chargées des eaux de surface, afin de résoudre un problème technique auquel les stations d’épuration se voyaient confrontées en cas de fortes pluies, alors qu’elles devaient se mettre en « overflow » pour raison de sécurité, impliquant que les eaux chargées n’étaient pas traitées, mais dirigées vers les cours d’eau. Ceci nécessitait deux conduites, l’une pour les eaux chargées et l’autre pour les eaux de surface, afin de garantir qu’indépendamment des intempéries, les eaux chargées soient toujours dirigées vers les stations d’épuration, tandis que les eaux de surface pouvaient continuer à être dirigées vers les cours d’eau.

Les appelants soutiennent que la commune de Sandweiler aurait pu prévoir deux conduites parallèles à travers le terrain de Monsieur H., puisqu’il était déjà prévu d’y faire passer la conduite des eaux chargées grâce à une servitude onéreusement acquise. Par contre, s’agissant des eaux de surface, la commune aurait décidé de les conduire jusqu’à leur terrain, sans prévoir de bassin de rétention pour faire face aux fluctuations, pour être déversées sur leur terrain qui serait ainsi destiné à être régulièrement inondé et transformé en un marécage artificiel, le rendant ainsi inconstructible.

Ils ajoutent que depuis l’arrêt de la Cour du 28 janvier 2020, un nouvel élément serait apparu dans la mesure où la commune aurait distribué aux habitants une brochure d’information sur le nouveau PAG, dans laquelle leurs terrains seraient renseignés comme étant destinés à devenir inconstructibles pour être recouverts d’une aire de verdure. En même temps, la commune tenterait de faire adopter avant le nouveau PAG cinq nouveaux PAP, ce qui devrait entraîner une augmentation de population de 1.000 habitants dont les eaux usées seraient encore déversées sur leurs terrains et des surfaces scellées supplémentaires.

Les appelants reprochent ainsi aux responsables de la commune de vouloir « créer des faits accomplis en gâchant le terrain des requérants par l’aménagement délibéré d’un marécage, au lieu de la mise en place d’un tuyau d’évacuation, ou d’un bassin de rétention en amont ». En plus, avec le changement climatique, les épisodes de fortes pluies seraient en augmentation. Ils renvoient à cet effet à un article de vulgarisation sur les travaux du LIST dans ce domaine et à un extrait de Geoportail montrant la concentration des eaux de surface à Sandweiler et dont l’afflux culminerait sur leur terrain. La société à responsabilité limitée (K) Luxembourg S. à r.l., dans son rapport du 30 juin 2017 intitulé « Hydraulische Untersuchungen am Kettebaach südlich von Sandweiler », ci-après désigné par « le rapport (K) », ne tiendrait toutefois pas compte de cette évolution.

En droit, les appelants réitèrent les moyens soulevés en première instance.

Ils soutiennent, en premier lieu, que la décision attaquée violerait l’article 46, paragraphe (1), de la loi du 19 décembre 2008 qui prévoirait que les « meilleures techniques disponibles » soient utilisées afin de créer de nouvelles infrastructures dans le « contentieux des eaux ». D’après l’avis du 3 juillet 2007 du Conseil d’Etat relatif à la loi du 19 décembre 2008, les meilleures technologies disponibles correspondraient aux nouvelles technologies aisément réalisables ne créant pas des coûts déraisonnables pour l’administration en cause. Ils estiment que le projet, tel qu’adopté par la commune de Sandweiler, ne répond pas à cette exigence de l’utilisation des meilleures techniques disponibles. La commune aurait 5non seulement engagé des coûts majeurs en accordant des compensations exorbitantes à Monsieur H. pour le dédommager du passage des eaux usées sur son terrain, mais elle aurait, par ailleurs, développé de nouveaux plans ainsi que des modifications au projet de canalisation initialement prévu. Ils soulignent que les nouvelles techniques de canalisation y prévues ne reflèteraient pas les exigences des meilleures techniques disponibles, dans la mesure où, tel que cela ressortirait du rapport (K), la technique utilisée par la commune, à savoir celle de reconduire les eaux du collecteur dans un petit ruisseau, ne serait en rien adaptée au vu de la masse d’eau supplémentaire qui en résulterait, créant, de surcroît, des inondations continues et ayant pour conséquence des frais supplémentaires déraisonnables. Ils concluent que la commune aurait opté pour une solution à la fois chère et techniquement médiocre.

Les appelants soulignent encore qu’ils ne demanderaient pas l’emploi d’une « technologie révolutionnaire », mais uniquement la mise en place d’un second tuyau qui conduirait les eaux pluviales jusqu’à l’embouchure du ruisseau au lieu de voir déverser les masses d’eau sur leurs terrains.

En deuxième lieu, ils réitèrent leur moyen tiré d’une violation de l’article 46, paragraphe (5), de la loi du 19 décembre 2008 à défaut de consultation préalable de l’Administration de la gestion de l’eau prévue en ce qui concerne le projet de canalisation en cause, tout en renvoyant à l’avis précité du Conseil d’Etat qui aurait souligné l’importance d’un avis consultatif de ladite administration en la matière.

En troisième et dernier lieu, les appelants reprochent au conseil communal de la commune de Sandweiler d’avoir commis un excès de pouvoir consistant dans le non-respect du principe de proportionnalité, en soutenant que la façon d’agir de l’autorité communale créerait une flagrante disproportion entre l’usage du pouvoir par celle-ci, d’une part, et les conséquences que cela entraînerait pour eux, d’autre part, dans la mesure où les terrains sis aux lieux-dits « In den Azingen » « Beim Ressweiher » et « An der Kettebaach » risqueraient non seulement de subir des inondations graves, mais aussi d’être dévalorisés au point qu’aucune construction ne pourrait plus y être réalisée.

Ils ajoutent, enfin, que comme sous l’emprise de la législation actuelle, le projet de canalisation portant sur le terrain de Monsieur H. ne retiendrait que les eaux usées et que les eaux pluviales seraient déversées sur leurs terrains pour y créer un bassin de rétention ressemblant à un étang artificiel, les conséquences catastrophiques que cela entraînerait pour eux n’auraient à aucun moment été raisonnablement prises en compte, alors qu’il n’y aurait eu ni négociations, ni offres de compensation, mais qu’au contraire, une décision leur aurait été imposée sans qu’ils aient pu efficacement se défendre.

La commune de Sandweiler, pour sa part, conclut en substance à la confirmation du jugement entrepris. Elle précise que parmi les PAP visés par les appelants, seul le PAP « Kappelebierg » serait concerné par le nouveau collecteur d’eau. Ce PAP prévoirait 130 unités de logement, soit environ 340 nouveaux habitants, de sorte que le potentiel de 1.000 habitants tel que décrit par les appelants serait exagéré. Il serait prévu que les eaux pluviales passeront par des bassins de rétention et que la sortie de ces bassins serait bridée à 36 litres par seconde.

Elle soutient que les appelants feraient uniquement état d’un préjudice hypothétique et que même s’il devait y avoir un quelconque problème, des ponts pourraient être créés pour traverser le ruisseau d’un côté vers l’autre avec enlèvement des tuyaux de canalisation, ce qui diminuerait le risque des débordements (« Ausuferungen »). De même, il serait toujours 6possible de créer au niveau du domaine de l’Etat un bassin de rétention pour ralentir la fluctuation du débit de l’eau au cas où un scénario catastrophe se produirait.

Par rapport au premier moyen des appelants relatif à la problématique de la meilleure technologie disponible, la commune estime que le rapport (K), même s’il critiquait certains points isolés, ne permettrait pas de conclure que l’on ne se trouverait pas dans une situation technique irréprochable.

Quant au deuxième moyen tiré du défaut de consultation préalable de l’Administration de la gestion de l’eau, la commune précise que le dossier en question aurait été introduit auprès de ladite administration par courrier du 24 juin 2015. Celle-ci aurait également été consultée en 2016 et 2017.

S’agissant du moyen du non-respect du principe de proportionnalité, la commune fait valoir que les appelants n’auraient apporté aucun élément convaincant à l’appui de ce moyen, si ce n’est d’invoquer une prétendue hostilité à leur égard de la part de l’administration communale. Elle précise que le tracé prévu se situerait le long d’une zone agricole qui ne serait pas destinée à être urbanisée sous peu. Elle conteste ensuite l’affirmation selon laquelle la solution d’un deuxième tuyau, telle que préconisée par les appelants, constituerait une amélioration par rapport à la technique envisagée par elle.

Dans leur mémoire en réplique, les appelants soutiennent, contrairement aux premiers juges, que l’article 46, paragraphe (5), de la loi du 19 décembre 2008 serait applicable en l’espèce dans la mesure où il serait prévu que les eaux pluviales seraient déversées sur leurs terrains et que les déversoirs seraient expressément prévus par cette disposition. Ils contestent ensuite que la pièce n° 22 produite par la commune serait de nature à démontrer la saisine de l’Administration de la gestion de l’eau pour avis au sens dudit article 46, paragraphe (5), dès lors que cette pièce viserait un autre endroit que celui où se trouveraient les parcelles litigieuses, d’une part, et qu’elle viserait une question de subvention et non pas une question d’opportunité technique d’un déversoir.

Ils précisent encore que la commune posséderait actuellement un seul bassin de rétention en fonction, aménagé en 2017 ou 2018 à la sortie de Sandweiler près du rond-point vers Moutfort. Selon eux, il aurait été plus logique de ne pas laisser les eaux grises se déverser sur leurs terrains, mais de les raccorder par une conduite à ce bassin de rétention.

La commune de Sandweiler insiste encore, dans son mémoire en duplique, sur le fait que l’Administration de la gestion de l’eau aurait été saisie, la pièce produite par elle comportant certes un volet financier mais également un volet technique et que le projet tel qu’élaboré par le bureau d’études (J) aurait été approuvé par ladite administration.

Elle souligne par ailleurs que l’eau dont il serait question serait l’eau de pluie qui, seulement en cas de débordement du ruisseau « Kettebaach », risquerait de couvrir les terrains des appelants.

Enfin, elle soutient que la solution préconisée par les appelants consistant en la création d’une deuxième conduite pour les eaux de pluie jusqu’au rond-point de la route de Sandweiler vers Moutfort serait irréaliste, car elle engendrerait un coût disproportionné.

7Il convient de prime abord de relever que lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et même l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée et de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée, mais il ne saurait, sous peine de méconnaître le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision attaquée, en ce qu’il dispose d’une marge d’appréciation, se placer tout simplement en lieu et place de l’administration et substituer son appréciation à celle de l’administration. Cependant, au niveau du contrôle de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation est appelé à vérifier s’il n’en résulte pas une erreur d’appréciation issue d’un dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision attaquée. C’est de la sorte que le contrôle de la légalité à exercer par le juge de l’annulation est compatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision et ce n’est que si la marge d’appréciation de l’auteur de la décision a été dépassée, notamment du chef d’une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait, que la décision déférée est critiquable et encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. (cf. Cour adm. 14 juillet 2011, n° 28611C et 28617C, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 35, et les autres références y citées).

En outre, la Cour se doit de rappeler que dans le cadre du recours en annulation, l’analyse de la juridiction saisie ne saurait se rapporter qu’à la situation de fait et de droit telle qu’elle s’est présentée au moment de la prise de la décision déférée, le juge de l’annulation ne pouvant faire porter son analyse ni à la date où le juge statue, ni à une date postérieure au jour où la décision déférée a été prise (cf. Cour adm. 19 juin 2014, n° 34087C du rôle, Pas adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 22 et autres références y citées).

En ce qui concerne tout d’abord le moyen tiré du défaut de consultation de l’Administration de la gestion de l’eau, l’article 46, paragraphe (5), de la loi du 19 décembre 2008 dispose que : « L’Administration de la gestion de l’eau : (…) - est saisie pour avis par l’exploitant des infrastructures d’assainissement de tous les projets de modification, d’extension ou de renouvellement des déversoirs, bassins de rétention et stations d’épuration ; (…) ».

Les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont retenu que cette disposition n’est pas applicable au présent litige, étant donné qu’il ne s’agit pas en l’occurrence de modifier, d’étendre ou de renouveler des déversoirs, des bassins de rétention ou des stations d’épuration, mais que le litige soumis a trait à une modification du type de canalisation passant à travers le couloir d’ores et déjà défini par la modification ponctuelle du PAG ayant pour objet de déterminer le couloir pour le collecteur, laquelle n’a pas fait l’objet d’un recours.

Pour le surplus, il ressort de la pièce n° 22, produite en instance d’appel par la commune de Sandweiler, que le projet litigieux concernant la pose des canalisations dans la rue Hiel, la rue d’Itzig et la rue de Contern à Sandweiler pour l’évacuation des eaux pluviales, tel que élaboré par le bureau d’études (J) le 1er septembre 2017 (pièce n° 24 de la partie intimée) et basant sur un premier projet du 11 octobre 2016, a été avisé favorablement par l’Administration de la gestion de l’eau le 19 septembre 2017 en ce qui concerne la demande de la commune de Sandweiler d’une subvention étatique à charge du Fonds pour la gestion de l’eau concernant la réalisation du projet litigieux sur le fondement de l’article 65, paragraphe (1), sous f), de la loi du 19 décembre 2008. S’il est vrai que cette consultation a eu lieu dans le contexte de l’obtention d’une aide financière étatique sur base dudit article 65, il n’en demeure pas moins que l’avis de l’Administration de la gestion de l’eau comporte tant un avis financier qu’un avis 8technique, de sorte qu’il y a lieu d’admettre que l’administration a nécessairement été informée du projet.

Il s’ensuit que le moyen tiré d’un défaut de consultation de l’Administration de la gestion de l’eau ne peut qu’être rejeté.

En ce qui concerne le deuxième moyen tiré d’une violation de l’article 46, paragraphe (1), de la loi du 19 décembre 2008 qui prévoit que : « Les communes sont tenues d’assurer la collecte, l’évacuation et l’épuration des eaux urbaines résiduaires et la gestion des eaux pluviales dans les zones urbanisées ou destinées à être urbanisées conformément au plan d’aménagement général. Elles sont tenues de concevoir, de construire, d’exploiter, d’entretenir et de surveiller les infrastructures d’assainissement faisant partie de leur territoire, selon les règles de l’art en tenant compte des meilleures techniques disponibles. (…) », les appelants reprochent en substance à la commune de Sandweiler de ne pas avoir satisfait à l’exigence de l’utilisation des meilleures techniques disponibles.

C’est tout d’abord à bon droit que les premiers juges ont retenu que c’est au demandeur qui a la charge de la preuve à qui il incombe de fournir les éléments concrets sur lesquels il se base à l’appui de son reproche.

Or, force est à la Cour de constater que les appelants n’établissent pas plus en appel qu’en première instance leur affirmation selon laquelle la commune de Sandweiler n’aurait pas tenu compte dans le cadre du projet de canalisation litigieux des « meilleures techniques disponibles » au sens de l’article 46, paragraphe (1), de la loi du 19 décembre 2008.

En effet, à l’instar des premiers juges, la Cour arrive à la conclusion qu’alors même que le rapport (K) mentionne certes un risque de débordements du ruisseau « Kettebaach » au sud de Sandweiler et que, pour éviter une aggravation de la situation, il retient que « müsste entweder die hydraulische Leistungsfähigkeit des Systems Gewässer mit Durchlässen erhöht werden oder die geplante Einleitung auf ein verträgliches Maß gedrosselt werden », il ne se dégage cependant pas de ce rapport que la mise en place d’un réseau d’évacuation des eaux pluviales n’aurait pas été conçu selon les règles de l’art en tenant compte des meilleures techniques disponibles, le seul problème de débordements (« Ausuferungen »), à défaut d’autres éléments plus concrets, ne permettant pas d’invalider ce constat.

Par ailleurs, les alternatives suggérées par les appelants, à savoir celle de faire passer tant la conduite des eaux usées que celle des eaux pluviales à travers le terrain de Monsieur H., ou celle d’aménager un « bassin de décantation » en amont sur le terrain de la commune, ou encore celle de prévoir un second tuyau qui conduirait les eaux pluviales jusqu’à l’embouchure du ruisseau « Kettebaach », au lieu de les voir déverser sur leurs terrains, sans être sous-tendues par un quelconque élément objectif, concret et techniquement vérifiable, et compte tenu des contestations de la partie intimée, ne permettent pas non plus de conclure à une violation de l’article 46, paragraphe (1), de la loi du 19 décembre 2008.

Le moyen fondé sur une violation de l’article 46, paragraphe (1), de la loi du 19 décembre 2008 laisse partant d’être vérifié et est à rejeter.

Quant au troisième moyen tiré du non-respect du principe de proportionnalité, c’est encore pour de justes motifs, que la Cour fait siens, que les premiers juges n’ont pas accueilli ce moyen. En effet, à l’instar des premiers juges, la Cour ne saurait déceler en quoi la décision 9de la commune de Sandweiler de passer d’une canalisation mixte (« Mischwasserkanal »), telle que prévue en 2016, évacuant dans le même tuyau de canalisation tant les eaux polluées (usées) que les eaux claires (pluviales, parasites, de drainage, …), à un système séparatif pour les eaux pluviales et pour les eaux usées, méconnaîtrait le principe de proportionnalité. Si le rapport (K) retient certes que la mise en œuvre de la décision de la commune augmentera le risque de débordements du ruisseau « Kettebaach », il conclut cependant que ces débordements ne sont pas critiquables, dès lors qu’il ne s’agit que d’eaux pluviales et qu’ils ont lieu dans la zone inondable naturelle et non construite du ruisseau en question. L’affirmation des appelants selon laquelle la décision litigieuse aurait un impact néfaste pour leurs terrains en ce que, en cas de précipitations importantes, le ruisseau « Kettebaach » pourrait déborder sur leurs terrains, de sorte à créer une sorte d’étang artificiel qui pourrait servir de prétexte à la commune pour déclarer à l’avenir les terrains concernés comme étant des biotopes et dès lors inconstructibles, est non seulement purement hypothétique pour ne pas correspondre à une situation de fait objectivement vérifiée, mais en plus elle n’est pas suffisante pour retenir en l’espèce une disproportion flagrante entre l’usage de son pouvoir par la commune, d’une part, et les conséquences que cela entraînerait pour les appelants, d’autre part.

L’argumentation des appelants relative aux nouveaux PAP projetés et au classement, dans le cadre de l’élaboration du nouveau projet de PAG, de leurs terrains comme zone de verdure et partant non constructibles, est à rejeter comme non pertinente, dès lors qu’elle a trait à des événements futurs éventuels, qui dépasse le pouvoir de contrôle du juge de l’annulation appelé, ainsi que cela a été circonscrit ci-dessus, à statuer selon la situation de fait et de droit au jour de la décision contestée, étant relevé par ailleurs que les terrains des appelants sont actuellement non constructibles.

Le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité est partant à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est fondé en aucun de ses moyens et que le jugement entrepris est à confirmer.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit l’appel en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute les appelants ;

partant, confirme le jugement entrepris du 12 mai 2021 ;

condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, 10et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 juin 2022 Le greffier de la Cour administrative 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46151C
Date de la décision : 07/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-06-07;46151c ?

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