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25/05/2022 | LUXEMBOURG | N°47447

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 mai 2022, 47447


Tribunal administratif N°47447 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 mai 2022 3e chambre Audience publique du 25 mai 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47447 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 mai 2022 par Maître Luc Majerus, avocat à la Cour, inscrit au table

au de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, à … (Nigeria), de n...

Tribunal administratif N°47447 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 mai 2022 3e chambre Audience publique du 25 mai 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47447 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 mai 2022 par Maître Luc Majerus, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, à … (Nigeria), de nationalité nigériane, retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 avril 2022 ordonnant le placement au Centre de rétention de l’intéressé pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mai 2022 ;

Vu l’article 1er de la loi du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu les communications de Maître Maud Waloczczyk, en remplacement de Maître Luc Majerus, du 20 mai 2022 et de Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin du 25 mai 2022, informant le tribunal que l’affaire pouvait être prise en délibéré en dehors de sa présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 25 mai 2022.

Le 2 janvier 2018, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », demande dont il fut débouté par une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », du 26 juin 2019, comportant aussi un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. ».Le recours contentieux introduit pas Monsieur … contre cette décision fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 17 novembre 2020, inscrit sous le numéro 43336 du rôle, confirmé en appel par un arrêt de Cour administrative du 20 mai 2021, inscrit sous le numéro 45361C du rôle.

Il ressort d’un procès-verbal de la police grand-ducale référencé sous le numéro … du 26 octobre 2020 qu’à cette date, Monsieur … fut appréhendé par la police et qu’une fouille fit apparaître qu’il était en possession de substances illicites. Lors d’un interrogatoire, l’intéressé déclara ne pas être disposé à quitter le territoire luxembourgeois.

Par un courrier du 18 août 2021, Monsieur … fut invité à se présenter à un entretien à la direction de l'Immigration en date du 19 août 2029 en vue de la préparation de son retour volontaire. Il ressort d’une note au dossier que l’intéressé ne se présenta pas à ce rendez-vous.

Suivant une note au dossier datée du 26 août 2021 Monsieur … se présenta à un rendez-vous le même jour lors duquel il déclara être d’accord pour retourner volontairement dans son pays d’origine.

Il ressort d’un procès-verbal référencé sous le numéro … daté du 7 février 2022 que lors d’un contrôle d’identité le même jour, Monsieur … était en possession de substances illicites. Lors de l’interrogatoire tenu à cette occasion, il déclara de nouveau ne pas être disposé à quitter le Luxembourg volontairement.

D’après un rapport de police référencé sous le numéro … daté du 1er avril 2022, Monsieur … fut entendu par les agents de la police grand-ducale en tant que témoin dans une affaire suite à une plainte déposée pour vol. Quant à la question de l’éventualité de quitter le Luxembourg volontairement, Monsieur … déclara ce qui suit : « Nein. lch will mein Leben in Luxemburg verbringen. lch gehe einer Arbeit nach und bereite sonst keine Probleme. » Par arrêté du 27 avril 2022, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna son placement en rétention pour la durée d’un mois.

Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivantes :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 26 juin 2019, lui notifié par lettre recommandée envoyée le même jour;

Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Considérant que l'intéressé n'est pas disposé à retourner volontairement dans son pays d'origine ;

Considérant que l'intéressé n'a jusqu'à présent pas fait des démarches nécessaires en vue d'un retour volontaire dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que l'intéressé évite et empêche la préparation du retour et la procédure d'éloignement ; Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé ont été engagées;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches; ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 mai 2022, inscrite sous le numéro 47447 du rôle, Monsieur … a fait introduire, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, un recours en réformation, sinon en annulation de l’arrêté ministériel précité du 27 avril 2022.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours le demandeur déclare qu’il aurait pleinement coopéré avec la police grand-ducale lorsqu’il avait été appréhendé par celle-ci.

En droit, il fait valoir que l’article 120 de la loi du 29 août 2008 ne viserait pas un placement systématique de l’étranger en situation irrégulière, mais accorderait aux autorités ministérielles compétentes la simple faculté de procéder à son placement au Centre de rétention. En se référant à une jurisprudence du tribunal administratif de 2001 et à une position de Commission Consultative des Droits de l’Homme, il donne à considérer que le placement en rétention, s’agissant d’une mesure privative de liberté, devrait constituer une mesure d’exception et de dernier ressort à défaut d’autres mesures moins coercitives.

Le demandeur reproche ensuite au ministre d’avoir décidé son placement en rétention sans rechercher s’il pouvait justifier d’une adresse fixe au Luxembourg, tout en soulignant qu’il résiderait au …, L-… où il pourrait être assigné à résidence. Dans ce contexte, il précise qu’il travaillerait en qualité de … à … et fait, par ailleurs, valoir qu’il n’entendrait pas se soustraire à son éloignement.

Il poursuit qu’il ne serait pas « indigne de la clémence » du tribunal pour bénéficier d’une mesure moins coercitive que le placement en rétention, tout en affirmant accepter toutes les conditions liées à une telle mesure, garantir qu’il ne quittera pas le pays et ne pas se soustraire aux conditions ou exigences des autorités luxembourgeoises.

Le demandeur insiste encore sur la considération qu’il ne ressortirait d’aucune pièce du dossier administratif qu’il représenterait un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics, tout en faisant valoir qu’il serait une personne respectueuse et discrète, ayant été traumatisée psychologiquement et physiquement pendant de longues années.

En tout cas, le ministre ne prouverait pas en quoi une mesure moins restrictive de liberté ne pourrait être appliquée.

Ensuite, le demandeur critique le ministre pour avoir retenu un risque de fuite dans son chef, sans l’avoir démontré, tout en contestant l’existence d’un tel risque.

Comme il n’entendrait pas se soustraire à son éloignement, une assignation à résidence resterait la mesure la plus appropriée.

En se prévalant du paragraphe (3) de l’article 125 de la loi du 29 août 2008, le demandeur affirme qu’il appartiendrait au ministre d’examiner si les conditions du maintien de la mesure de placement sont toujours d’actualité et s’il n’était pas plus efficace de soumettre l’intéressé à des mesures moins coercitives.

Par rapport aux diligences que le ministre est tenu d’entreprendre pour écourter le placement en rétention, le demandeur critique l’arrêté de placement pour ne pas préciser concrètement les mesures actuellement entreprises. En outre, il reproche à l’Etat de rester en défaut de prouver avoir entrepris des diligences concrètes, susceptibles de donner lieu à l’exécution de la mesure d’éloignement.

Enfin, le demandeur se prévaut de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) et affirme que sa privation de liberté serait contraire à cette disposition.

Vu l’état de l’exécution de la mesure d’éloignement, compte tenu de ses affirmations et du fait qu’il possèderait un domicile au Luxembourg, le demandeur estime que la mesure de placement serait non justifiée, de sorte qu’il y aurait lieu d’ordonner sa libération immédiate.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

A supposer que par le reproche suivant lequel le ministre n’aurait pas précisé dans sa décision plus concrètement les démarches qu’il est en train d’effectuer pour procéder à l’éloignement du demandeur vise un défaut d’indication formelle des motifs, force est de relever que comme il n’existe aucun texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, d’ailleurs non invoqué par le demandeur, n’étant pas applicable à une telle décision -, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée. En tout état de cause, le ministre n’avait pas à indiquer dans l’arrêté de placement en rétention les démarches concrètement entreprises jusqu’alors en vue de l’éloignement du demandeur. Le moyen afférent doit dès lors être rejeté pour ne pas être fondé, étant relevé que les contestations du demandeur à cet égard ont davantage trait au démarches concrètement entreprises par le ministre pour écourter le placement en rétention.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne de la décision déférée, il échet d’abord de rappeler qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008: « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure 4 fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Force est de constater qu’il n’est pas contesté que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, le ministre l’ayant en date du 26 juin 2019 débouté de sa demande de protection internationale et lui ayant ordonné de quitter le territoire, cette décision étant devenue définitive à la suite de l’arrêt de la Cour administrative du 20 mai 2021, précité.

Au vu de cette décision ministérielle et en application de l’article 111, paragraphe (3), point c), de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi ou encore s’il n’est pas en possession de documents d’identité ou de voyage valables, telque cela est le cas en l’espèce, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

Il aurait, par conséquent, appartenu à celui-ci, de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite.

A partir de ces considérations, le tribunal est de prime abord amené à rejeter le reproche du demandeur suivant lequel le ministre n’aurait pas prouvé l’existence d’un risque de fuite dans son chef, ledit risque étant présumé en application des dispositions légales précitées.

Le tribunal retient ensuite que le demandeur n’a fourni aucun élément susceptible de renverser la présomption de risque de fuite pesant sur lui.

Le demandeur se limite, en effet, d’une part, à affirmer qu’il n’entendrait pas se soustraire à son éloignement, et d’autre part, à indiquer une adresse et à faire état d’une occupation salariée au Luxembourg.

Or, l’affirmation du demandeur qu’il n’entendrait pas se soustraire à son éloignement est contredite par la fait que (i) il s’est maintenu sur le territoire après avoir été débouté définitivement de sa demande de protection internationale à la suite de l’arrêt précité du 20 mai 2021 et (ii) il a affirmé à différentes reprises auprès de la police2 qu’il n’entendrait pas quitter volontairement le territoire luxembourgeois sur lequel il aurait, au contraire, l’intention de rester.

Pour ce qui est de l’adresse dont se prévaut le demandeur, le tribunal retient qu’à défaut de tout autre élément, la seule indication d’une adresse qui est reprise, non pas sur un certificat de résidence établi par les autorités communales tel que le demandeur semble vouloir le suggérer, mais sur une attestation du 15 novembre 2021 établie par le ministère visant à permettre au demandeur de rentrer sur le territoire luxembourgeois suite à son entretien à l’Ambassade nigériane à Bruxelles, est insuffisante pour renverser la présomption de risque de fuite. Cette conclusion s’impose d’autant plus que d’après les explications non contestées du délégué du gouvernement, cette adresse correspond à celle d’un foyer pour réfugiés de la Caritas. Or, une telle adresse est insuffisante pour établir dans le chef d’un étranger, par ailleurs démuni de documents d’identité, l’existence de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite pesant sur lui. La même conclusion s’impose pour ce qui est de la référence vague à un emploi au Luxembourg, d’ailleurs non autrement documentée.

Les contestations du demandeur quant au risque de fuite dans son chef sont dès lors rejetées.

Pour les mêmes considérations, le tribunal est encore amené à rejeter le reproche du demandeur suivant lequel une mesure d’assignation à résidence aurait dû être appliquée en l’espèce.

2 Cf procès-verbaux des 26 octobre 2020, 7 février 2022 et 1er avril 2022.A cet égard, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] (…).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1), pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier. L’article 125,paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes3.

En l’espèce, pour les mêmes considérations que celles retenues ci-avant à propos du risque de fuite, le tribunal est amené à retenir que le demandeur ne lui a pas soumis suffisamment d’éléments concluants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose. En tout état de cause et tel que cela a été retenu ci-

avant, l’indication d’une adresse, correspondant à celle d’un foyer pour réfugiés, est insuffisant pour fournir au ministre la garantie que le demandeur sera à la disposition des autorités luxembourgeoises au moment de l’exécution de l’éloignement et partant de nature à prévenir le risque de fuite, ce d’autant plus que le demandeur a déclaré à différentes reprises ne pas vouloir quitter volontairement le territoire luxembourgeois.

S’agissant ensuite des critiques du demandeur quant aux diligences entreprises par le ministre pour exécuter son éloignement, le tribunal constate qu’il ressort du dossier administratif et des explications du délégué du gouvernement que le ministre a contacté les autorités nigérianes en date du 29 avril 2022 en vue de l’identification du demandeur. Il se dégage encore du dossier administratif que le 24 mai 2022 a eu lieu une visioconférence entre le Consul de l’Ambassade de la République fédérale du Nigéria et le demandeur en vue de l’identification de ce dernier, lors de laquelle celui-ci a déclaré que son père serait de nationalité libérienne et semble, contrairement à ses affirmations antérieures lors du dépôt de sa demande de protection internationale, remettre en question son origine nigériane dont il s’est prévalu lors du dépôt de sa demande de protection internationale.

Au regard de tous les éléments à sa disposition, le tribunal est amené à conclure que non seulement le dispositif de l’éloignement est en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise, mais encore aucun reproche ne peut être fait au ministre pour avoir orienté les recherches en vue de l’identification du demandeur vers le Nigéria.

S’agissant enfin de la référence faite par le demandeur à l’article 8 de la CEDH, garantissant la protection de la vie privée et familiale, le tribunal constate que le demandeur reste en défaut d’expliquer en quoi la mesure de placement au Centre de rétention porterait une atteinte disproportionnée aux droits protégés par l’article 8 de la CEDH, la seule affirmation que la mesure est privative de liberté étant en tout état de cause insuffisante à cet égard. Le moyen afférent est dès lors rejeté Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

3 Trib. adm. 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 935 et les autres références y citées.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique 25 mai 2022 par :

Annick Braun, vice-président, Thessy Kuborn, vice-président, Alexandra Castegnaro, vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Aniceto Lopes s. Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 mai 2022 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 47447
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-05-25;47447 ?

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