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11/06/2021 | LUXEMBOURG | N°41915

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juin 2021, 41915


Tribunal administratif N° 41915 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 novembre 2018 4e chambre Audience publique du 11 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41915 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 novembre 2018 par Maître Virginie Mertz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Monténé

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Tribunal administratif N° 41915 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 novembre 2018 4e chambre Audience publique du 11 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41915 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 novembre 2018 par Maître Virginie Mertz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Monténégro), demeurant à L-…, et ayant élu domicile en l’étude de son mandataire sise à L-

1660 Luxembourg, 74, Grand-rue, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 août 2018 portant retrait de son autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, refusant de faire droit à sa demande d’autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié et prononçant à son égard un ordre de quitter le territoire dans un délai de 30 jours à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 février 2019 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Virginie Metz déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 mars 2019 pour compte de Monsieur …, préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 mars 2019 ;

Vu les pièces versées en cause, notamment la décision critiquée ;

Vu la constitution de nouvel avocat déposé au greffe du tribunal administratif le 17 décembre 2019 par Maître Karim Sorel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déclarant avoir repris le mandat de Maître Virginie Metz pour le compte de Monsieur …, préqualifié ;

Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 prise dans le cadre de la reprise de l’activité du tribunal administratif dans le contexte du dé-confinement ;

Vu la communication de Maître Karim Sorel du 18 juin 2020 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

1Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Müller en sa plaidoirie à l’audience publique du 30 juin 2020.

Vu l’avis du tribunal administratif du 10 mai 2021 prononçant la rupture du délibéré ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, à l’audience publique du 18 mai 2021, les parties étant excusées.

Le 16 juin 2016, Monsieur … et Madame …, de nationalité française, contractèrent mariage à … au Montenégro.

Le 25 juillet 2016, Monsieur … obtint une carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne valable jusqu’au 26 juin 2021, sur base de son mariage avec Madame ….

Suite au divorce prononcé entre Monsieur … et Madame … en date du 6 décembre 2017, le ministre s’adressa, par un courrier du 15 juin 2018, à Monsieur … dans les termes suivants :

« (…) Suite à un réexamen de votre dossier, je vous informe qu'en vertu de l'article 17, paragraphe (3), point 1, de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, le divorce du citoyen de l'Union n'entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de sa famille ressortissants de pays tiers si le mariage a duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce, dont un an au moins au pays.

Or, force est de constater que votre mariage avec Madame …, née le …, de nationalité française a eu lieu le … 2016 et que vous êtes divorcé depuis le … 2017.

Par voie de conséquence, j'envisage dès lors de vous retirer le droit de séjour d'un membre de la famille de citoyen de l'Union et vous ne seriez plus en droit d'être titulaire d'une carte de séjour de membre de famille d'un citoyen de l'Union.

Conformément à l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, je vous saurais gré dès lors de me communiquer vos observations et pièces à l'appui jugées utiles endéans la huitaine après la notification de la présente.

Au cas où vous ne présenteriez pas d'observations dans le délai indiqué ou bien des observations estimées non pertinentes, je me verrai obligé de prendre une décision d'éloignement à votre encontre conformément aux articles 24, paragraphe 2 et 25 de la loi précitée. (…) ».

Par courrier du 29 juin 2018, Monsieur … s’adressa au ministre pour l’informer de sa situation actuelle et pour demander une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié, en joignant une copie certifiée de son passeport, un extrait de son acte de naissance, un contrat de travail signé avec la société à responsabilité limitée … SARL du 29 juin 2018, un certificat d’affiliation auprès du Centre Commun de la Sécurité Sociale, un contrat de bail à loyer signé le 1er avril 2018, un extrait de son casier judiciaire, une attestation du … Club Luxembourg, des fiches de salaires de mars 2018 à mai 2018, ainsi qu’un curriculum vitae.

2Par décision du 7 août 2018, le ministre retira à Monsieur … son droit de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, refusa de lui délivrer une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié et lui ordonna de quitter le territoire endéans un délai de 30 jour à partir de la notification de la décision. Cette décision fût libellée comme suit :

« (…) J'accuse bonne réception de votre courrier nous parvenu en date du 2 juillet 2018, dans l'affaire reprise sous rubrique.

Par courrier du 15 juin 2018, je vous ai informé que vous êtes susceptible d'avoir perdu votre droit de séjour d'un membre de famille d'un citoyen de l'Union en application de l'article 17, paragraphe (3) point 1, de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration alors que vous êtes divorcé de Madame … depuis le … 2017.

Je suis au regret de vous informer que les observations dont vous me faites part ne vous permettent pas de bénéficier du droit de séjour de membre de famille d'un citoyen de l'Union et que vous n'avez plus droit à une carte de séjour de membre de famille à ce titre.

Je considère le fait que vous m'avez transmis un contrat de travail comme constituant une demande en obtention d'un titre de séjour en qualité de travailleur salarié.

En ce qui concerne la demande en obtention d'une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié dans votre chef, cette dernière est irrecevable en application de l'article 39, de la loi du 29 août 2008 précitée alors qu'une demande en obtention d'une autorisation de séjour doit être introduite avant l'entrée sur le territoire.

Par ailleurs, afin de pouvoir bénéficier d'une autorisation de séjour dont les différentes catégories sont fixées à l'article 38 de la même loi, le ressortissant de pays tiers doit remplir les conditions fixées à l'article 34 de cette loi.

Votre séjour est irrégulier en application de l'article 100, paragraphe (1), point a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée vu que vous ne bénéficiez ni d'un droit de séjour en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union, ni d'une autorisation de séjour.

Au vu des développements qui précèdent et en application de l'article 111, paragraphes (1) et (2) de la même loi, vous êtes obligé de quitter le territoire dans un délai de trente jours après la notification de la présente, vers le pays dont vous avez la nationalité, le Monténégro, ou vers tout autre pays où vous avez le droit à la libre circulation.

À défaut de quitter le territoire volontairement dans le délai imparti, l'ordre de quitter sera, conformément à l'article 124 de la loi du 29 août 2008 précitée, exécuté d'office et vous serez éloigné par la contrainte. (…) ».

Par recours gracieux du 30 août 2018, Monsieur … fit introduire par l’intermédiaire de son mandataire de l’époque un recours gracieux à l’encontre de la décision précitée du 7 août 2018 en arguant de la recevabilité de sa demande du 29 juin 2018 en application de l’article 39, paragraphe (3) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », recours gracieux auquel aucune réponse ne fût réservée de la part du ministre.

3Par requête déposée le 5 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 7 août 2018 portant retrait de son droit de séjour en tant que membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, portant refus de délivrer une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié et lui ordonnant de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à partir de la notification de la décision.

A titre liminaire, il y a lieu de préciser que, dans la mesure où ni la loi du 29 août 2008, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière d’autorisation de séjour, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Le recours subsidiaire en annulation a cependant valablement pu être introduit à l’encontre de la décision déférée du 7 août 2018, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose les faits et rétroactes à la base du présent litige.

En droit, et quant à la recevabilité de sa demande d’autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié sur base de l’article 39 de la loi du 29 août 2008, il estime que si en principe les demandes devraient effectivement être introduites avant l’entrée sur le territoire en application du paragraphe (1) dudit article, il aurait néanmoins valablement pu introduire sa demande après son entrée sur le territoire luxembourgeois sur base du paragraphe (3) du même article, soit en sa qualité de ressortissant de pays tiers bénéficiaire d’une autorisation de séjour supérieure à 3 mois et avant l’expiration de ladite autorisation de séjour.

Dans ce contexte, il relève qu’il aurait été bénéficiaire d’un droit de séjour en sa qualité de membre de famille d’un citoyen européen en date du 29 juin 2018, date à laquelle il aurait formulé sa demande d’autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié, de sorte à ce qu’en application de l’article 39, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, sa demande aurait été recevable et valablement introduite.

Quant au bien-fondé de sa demande d’autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié, il estime remplir toutes les conditions y relatives prévues aux articles 34 et 42 de la loi du 29 août 2008, alors qu’il aurait versé toutes les pièces nécessaires à son état civil, un contrat de travail, un certificat d’affiliation, ses dernières fiches de salaire, ainsi que des documents relatifs au sport qu’il pratique dans l’équipe nationale luxembourgeoise, relevant, par ailleurs, qu’il serait licencié de la Fédération Luxembourgeoise de Boxe, représentant le Luxembourg dans des compétitions internationales de boxe.

Dans son mémoire en réplique et quant au moyen du délégué de gouvernement selon lequel il n’aurait pas disposé, au moment de sa demande d’autorisation de séjour le 29 juin 2018, d’une autorisation de séjour supérieur à trois mois au sens de l’article 38 de la loi du 29 août 2008, mais uniquement d’un droit de séjour « dérivé » en sa qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, le demandeur estime que les bénéficiaires d’une autorisation de séjour ne seraient pas limitativement énumérés audit article 38.

4Il estime par ailleurs que même si l’autorisation de séjour d’un membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne serait traitée sous le chapitre 3 de la loi du 29 août 2008, ce fait ne les exclurait pas du bénéfice de l’article 39, paragraphe (3) de la même loi.

Finalement, il réitère qu’il aurait bénéficié d’un droit de séjour supérieure à 3 mois au moment de sa demande d’autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié en date du 29 juin 2018 et ce en vertu de la non-rétroactivité des actes administratifs.

Dans son mémoire en réponse, le délégué de gouvernement relève, à titre liminaire, que le demandeur aurait attaqué l’unique décision de rejet de sa demande d’autorisation de séjour en qualité de travailleur, alors qu’il n’aurait développé aucun moyen relativement au retrait de son autorisation de séjour en sa qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, ni par rapport à l’ordre de quitter le territoire, tous deux contenus dans la même décision.

Quant à la recevabilité de la demande d’autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié, le délégué de gouvernement estime que celle-ci serait irrecevable en application de l’article 39, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, le paragraphe (3) dudit article n’étant pas applicable en l’espèce.

En effet, il estime que le demandeur ne serait pas à considérer comme « bénéficiaire d’une autorisation de séjour supérieur à trois mois » tel que prévu au paragraphe (3) de l’article 39 de la loi du 29 août 2008, un tel bénéficiaire étant à définir par référence à l’article 38, point 1 de la même loi, qui prévoirait une liste limitative de personnes dans laquelle le demandeur ne rentrerait pas, alors qu’il n’aurait pas, en qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, bénéficié d’une autorisation de séjour prévue audit article au moment de sa demande.

Le délégué du gouvernement précise ensuite que le droit de séjour des membres de famille d’un citoyen de l’Union européenne ne constituerait pas une autorisation de séjour « autonome », mais seulement un droit dérivé qui trouverait son fondement dans l’exercice de la libre circulation du citoyen de l’Union européenne sur le territoire luxembourgeois.

Quant aux conditions de fond à remplir par le demandeur pour pouvoir bénéficier d’une autorisation de séjour en tant que travailleur salarié, le délégué de gouvernement estime que l’ensemble des développements y relatifs du demandeur ne seraient pas pertinents, alors que la décision déférée n’y aurait pas pris position, de sorte à ce qu’aucune décision de refus n’existerait à ce stade et qu’en tout état de cause il n’appartiendrait pas au juge administratif, saisi d’un recours en annulation, de se placer tout simplement en lieu et place de l’administration et substituer son appréciation à celle de l’administration.

Dans son mémoire en duplique, le délégué de gouvernement fait encore valoir que le demandeur ferait un amalgame entre l’autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un ressortissant de tiers, régie par le chapitre 3 de la loi du 29 août 2008 et le droit de séjour du ressortissant de pays tiers qui serait dérivé de l’exercice de la libre circulation européenne, ce droit étant régi par le chapitre 2.

Il estime ensuite que, même si le ressortissant de pays tiers, bénéficiaire d’un droit de séjour dérivé de l’exercice de la libre circulation du citoyen européen, ne serait pas exclu du 5champ d’application de l’article 39, paragraphe (3) de la loi modifiée du 29 août 2008 ceci ne permettrait pas de conclure ipso facto qu’il serait visé par cette disposition.

Dans ce contexte, le délégué du gouvernement relève que ledit article exclurait certains bénéficiaires d’une autorisation de séjour supérieure à trois mois, à savoir le travailleur saisonnier, l’élève, le stagiaire, le volontaire, l’au pair ainsi que les personnes bénéficiant d’un traitement médical, de sorte à ce que le législateur aurait, tant pour le principe que pour l’exception uniquement visé les personnes bénéficiaires d’une autorisation de séjour prévue au paragraphe (1) de l’article 38 de la loi du 29 août 2008, personnes dont le demandeur ne ferait pas partie.

A titre liminaire, force est au tribunal de constater, à l’instar du délégué du gouvernement, que l’objet du recours sous examen vise exclusivement le volet de refus d’une autorisation de séjour en tant que travailleur salarié, fondée sur l’article 42 de la loi du 29 août 2008 de la décision déférée, le demandeur n’ayant formulé aucun moyen dirigé contre la décision de retrait de son droit de séjour en qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne.

Force est encore au tribunal de constater que la décision déférée rejette la demande d’autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié du demandeur sur base exclusivement de l’article 39 de la loi du 29 août 2008, sans que le ministre n’ait pris position quant au bien-

fondé de ladite demande, de sorte à ce que les développements du demandeur quant aux conditions d’octroi de l’autorisation de séjour en qualité de travailleur ne sont pas pertinents.

Aux termes de l’article 39, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 « La demande en obtention d’une autorisation de séjour visée à l’article 38, point 1 (…) doit être introduite par le ressortissant d’un pays tiers auprès du ministre et doit être favorablement avisée avant son entrée sur le territoire. La demande doit sous peine d’irrecevabilité être introduite avant l’entrée sur le territoire du ressortissant d’un pays tiers. L’autorisation ministérielle doit être utilisée dans les quatre-vingt-dix jours de sa délivrance (…) », l’article 38, point 1 y cité visant notamment l’autorisation de séjour pour travailleurs salariés, étant relevé que les paragraphes (2) et (3) de l’article 39 de la même loi prévoient des exceptions audit principe, les parties étant plus particulièrement en désaccord en ce qui concerne l’application du paragraphe (3) de l’article 39 de ladite loi.

Aux termes de l’article 39, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 « Par dérogation au paragraphe (1) qui précède, le bénéficiaire d’une autorisation de séjour supérieure à trois mois, à l’exception des personnes visées à la sous-section 4 et sans préjudice de l’article 59, peut avant l’expiration de son titre de séjour faire la demande en obtention d’une autorisation à un autre titre auprès du ministre, s’il remplit toutes les conditions exigées pour la catégorie qu’il vise. » Il est constant en cause que le demandeur séjournait légalement au Luxembourg en sa qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne depuis le 25 juillet 2016 et a introduit une demande en obtention d’une autorisation de séjour en qualité de travailleur par un courrier du 29 juin 2018, soit avant s’être vu retirer son droit de séjour par la décision déférée du 7 août 2018 Il est encore constant en cause que le ministre n’a pas procédé à la révocation rétroactive du droit de séjour du demandeur par la décision précitée du 7 août 2018.

6 Il est, par ailleurs, constant en cause que ledit titre de séjour a été constaté en date du 25 juillet 2016 avec une durée de validité de 5 ans, soit pour une durée supérieure à 3 mois, de sorte que c’est à bon droit que le demandeur estime avoir été bénéficiaire d’un droit de séjour supérieure à 3 mois au sens de l’article 39 de la loi du 29 août 2008 au moment de sa demande d’autorisation de séjour en qualité de travailleur, soit en date du 29 juin 2018.

Ce constat n’est pas énervé par les développements de la partie gouvernementale suivant lesquels les bénéficiaires d’une autorisation de séjour supérieure à 3 mois visés à l’article 39, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 devraient correspondre aux bénéficiaires d’une autorisation de séjour tels que visés à l’article 38, point 1 de ladite loi, alors que la référence expresse, dans l’exposé des motifs relatif à l’article 39, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, au terme «titre de séjour » fait en sorte que le terme «autorisation de séjour supérieure à trois mois », utilisé par ledit paragraphe de l’article 39 de la loi du 29 août 2008 ne saurait se limiter aux autorisations de séjour expressément délivrées sur demande par le ministre en charge de l’Immigration, mais vise généralement tout statut qui autorise un ressortissant d’un pays tiers à séjourner légalement au pays pour une durée de plus de trois mois, tel que c’est notamment le cas du droit de séjour de lege des ressortissants de pays tiers membres de famille d’un ressortissant de l’Union européenne pour lesquels le ministre se limite à constater leur droit de séjour par le biais de l’émission d’une carte de séjour spécifique1 Il s’ensuit que la décision déférée est à annuler en ce qu’elle a déclaré irrecevable la demande en obtention d’une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié du demandeur, sans qu’il y ait lieu de statuer plus en avant.

Il échet encore de constater, tel que soulevé par le délégué du gouvernement, que le demandeur n’a pas formulé de moyen séparé visant l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision déférée, ledit ordre de quitter le territoire étant basé sur l’article 111, paragraphes (1) et (2) de la loi du 29 août 2008, article qui renvoie aux articles 100, 101et 102 de la même loi.

Or, en application de l’article 100 de la loi du 29 août 2008 un ordre de quitter le territoire est basé sur un séjour irrégulier de la personne concernée, de sorte que le tribunal ne saurait annuler l’ordre de quitter le territoire du demandeur sur base de la seule annulation de la décision déférée en ce qu’elle a déclaré irrecevable sa demande d’autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié, cette annulation n’emportant pas la constatation d’un séjour régulier dans le chef du demandeur en date de la décision déférée du 7 août 2018, étant rappelé que le demandeur n’a pas critiqué le retrait de son droit de séjour en sa qualité de membre de famille par la même décision.

De plus, en l’absence de moyens de la part du demandeur relativement à l’ordre de quitter le territoire, sinon de son séjour régulier au moment de la décision déférée, il n’y a pas lieu d’annuler la décision déférée en ce qu’elle a ordonné au demandeur de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

En l’absence d’autres moyens, la décision déférée est annulée en ce qu’elle déclare irrecevable la demande d’autorisation de séjour en qualité de travailleur formulée par le demandeur en date du 29 juin 2018.

1 Trib.adm., 15 mars 2019, rôle n° 41015, Pas.adm. 2020, V° Etrangers, n° 354.

7Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit en la forme le recours subsidiaire en annulation contre la décision déférée du 7 août 2018 ;

au fond, le dit justifié, partant annule la décision déférée du 7 août 2018 en ce qu’elle déclare irrecevable la demande d’autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié de Monsieur … du 29 juin 2018 ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 juin 2021 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Laura Urbany, attaché de justice délégué, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 juin 2021 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 41915
Date de la décision : 11/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-06-11;41915 ?

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