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08/06/2021 | LUXEMBOURG | N°42356

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 juin 2021, 42356


Tribunal administratif N° 42356 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2019 4e chambre Audience publique du 8 juin 2021 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42356 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2019 par Maître Samuel Thiry, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des a

vocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, deme...

Tribunal administratif N° 42356 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2019 4e chambre Audience publique du 8 juin 2021 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42356 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2019 par Maître Samuel Thiry, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 15 novembre 2018 en ce qu’elle refuse de lui accorder une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en sa plaidoirie à l’audience publique du 26 juin 2020 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 10 mai 2021 prononçant la rupture du délibéré ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire à l’audience publique du 18 mai 2021, les parties étant excusées.

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Le 27 septembre 2015, Madame … et Monsieur …, de nationalité portugaise, contractèrent mariage à … en République de Guinée.

Par décision du 27 juin 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », fit droit à la demande de Madame … en obtention en vue d’un regroupement familial avec son époux, Monsieur ….

Suite au divorce des époux …-…, prononcé par un jugement du tribunal de première instance de … le … 2017, le ministre s’adressa à Madame …, par un courrier du 21 septembre 2018, dans les termes suivants :

« (…) Suite à un réexamen de votre dossier, je tiens à vous informer qu'en vertu de l'article 17, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration le divorce, l’annulation du mariage ou la rupture du partenariat du citoyen de l'Union n'entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de sa famille ressortissants de pays tiers si le mariage ou le partenariat enregistré a duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce ou d’annulation ou la rupture, dont un an au moins au pays.

Le mariage entre vous et Monsieur …, né le …, de nationalité portugaise, a eu lieu le … 2015 alors que le divorce a été prononcé en date du … 2017.

Par conséquent, vous êtes susceptible de perdre le droit de séjour d'un membre de la famille de citoyen de l'Union et vous ne seriez plus en droit d'être titulaire d'une carte de séjour de membre de famille d'un citoyen de l'Union.

Je vous prie dès lors de me communiquer vos observations et toute pièce à l’appui jugée utile endéans un délai d’un mois après la notification de la présente, conformément à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Au cas où vous ne présenteriez soit aucune observation, soit des observations en dehors du délai indiqué ou estimées non pertinentes, je me verrais obligé de prendre une décision d’éloignement à votre encontre conformément aux articles 24, paragraphe (2) et 25 de la loi du 29 août 2008 précitée. (…) ».

Monsieur …, l’oncle paternel de Madame …, adressa, en réponse au courrier ministériel du 21 septembre 2018, ses observations au ministre par courrier du 14 octobre 2018 en sollicitant, pour compte de sa nièce, une autorisation de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union.

Par décision du 15 novembre 2018, le ministre retira à Madame … son droit de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne et refusa de lui délivrer une quelconque autre autorisation de séjour. Cette décision fut libellée comme suit :

« (…) En date du 21 septembre 2018, je vous ai informé que j'avais l'intention de vous retirer le droit de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union en application de l'article 17, paragraphe (3), point 1 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration.

Je suis au regret de vous informer que les observations dont vous me faites part, ne vous permettent pas de bénéficier du droit de séjour de membre de famille d'un citoyen de l'Union et que vous n'avez plus droit à une carte de séjour membre de famille d'un citoyen de l'Union.

Les conditions afin de pouvoir bénéficier du droit de séjour de membre de famille d'un citoyen de l'Union ne sont donc pas remplies.

A titre subsidiaire, vous n'apportez pas de preuve que vous remplissez les conditions exigées pour entrer dans le bénéfice d'une des catégories d'autorisation de séjour prévues par l'article 38 de la loi du 29 août 2008 précitée.

Par conséquent, l'autorisation de séjour vous est refusée conformément à l'article 101, paragraphe (1), point 1. de la loi du 29 août 2008 précitée.

Je vous invite donc à quitter le territoire Schengen endéans un délai de trente jours, soit à destination du pays dont vous avez la nationalité, le Guinée, soit à destination du pays qui vous a délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d'un autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner conformément à l'article 111, paragraphes (1) et (2) de la même loi.

À défaut de quitter le territoire volontairement, l'ordre de quitter pourrait être exécuté d'office et vous pourrez être éloignée par la contrainte. (…) ».

Par requête déposée le 14 février 2019 au greffe du tribunal administratif, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision ministérielle précitée du 15 novembre 2018 portant refus de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union.

Il y a, tout d’abord, lieu de rappeler que quand bien même une partie a formulé un recours en annulation à titre principal et un recours en réformation à titre subsidiaire, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, alors qu’en vertu de l’article 2, paragraphe (1), de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives, un recours en annulation n’étant possible qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements.

Dans la mesure où ni la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière d’autorisation de séjour, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre subsidiaire.

Le recours principal en annulation a cependant valablement pu être introduit à l’encontre de la décision déférée du 15 novembre 2018, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose les faits et rétroactes à la base du présent litige, et plus particulièrement être arrivée au Luxembourg en 2016 après avoir obtenu une carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, suite à son mariage en Guinée avec un ressortissant portugais le … 2015 dont elle aurait cependant divorcé le … 2017. Suite à son divorce, le ministre lui aurait, d’une part, retiré son titre de séjour, et, d’autre part, refusé de lui accorder une nouvelle autorisation de séjour.

En droit, la demanderesse se rapporte, tout d’abord, à prudence de justice quant aux causes d’illégalité externe pouvant affecter la décision déférée du 15 novembre 2018.

Le délégué du gouvernement n’a pas pris position par rapport à ce moyen.

Force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Dès lors, étant donné que la demanderesse est restée en défaut de préciser dans quelle mesure la décision déférée serait affectée d’une cause d’illégalité externe, le moyen afférent encourt le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’illégalité externe d’ordre public qui serait à soulever d’office.

Quant au fond, la demanderesse conclut à l’annulation de la décision déférée du 15 novembre 2018 pour erreur manifeste d’appréciation des faits dans le chef du ministre. En s’appuyant sur les articles 38 et 78, paragraphe (1) c) de la loi du 29 août 2008, la demanderesse soutient que le ministre aurait dû lui accorder une autorisation de séjour pour raisons privées au regard des liens familiaux particulièrement intenses avec son oncle paternel, Monsieur… qu’elle considérerait comme son père. Elle précise encore, dans ce contexte, qu’elle serait orpheline de père et de mère, qu’elle n’aurait plus que de la famille très éloignée en Guinée, avec laquelle elle n’aurait plus de réel contact, et que son oncle, qu’elle considérerait comme son père, aurait exercé l’autorité parentale sur elle depuis le 28 décembre 2000. En conséquence, le refus d’autoriser son séjour au Luxembourg porterait manifestement une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Elle affirme finalement ne pas constituer une menace pour l’ordre publique, la santé ou la sécurité publiques, disposer de la couverture d’une assurance maladie, ainsi que d’un logement approprié et avoir travaillé au Luxembourg du 1er mars 2017 au 31 juillet 2018 et d’être, depuis cette date, activement à la recherche d’un nouveau travail afin de ne pas rester à la charge de l’Etat.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours au motif que, d’une part, le ministre serait fondé à déclarer une demande d’autorisation de séjour irrecevable, sur base de l’article 39, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, si le ressortissant d’un Etat tiers se trouvait déjà sur le territoire luxembourgeois au moment de l’introduction de sa demande, et, d’autre part, la demanderesse, qui aurait déjà séjourné pendant plus de trois mois au Luxembourg au jour de sa demande litigieuse, n’aurait pas introduit de demande d’octroi d’une autorisation de séjour avant l’expiration de son titre de séjour, de sorte à ne pas remplir les conditions du paragraphe (3), de l’article 39 de la même loi.

La partie étatique argumente, à titre superfétatoire, que la demanderesse ne pourrait pas prétendre à l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons privées, sur base de ses liens avec son oncle paternel, à défaut de se prévaloir d’éléments convaincants établissant des relations interhumaines dignes de la protection prévue au titre du droit au respect de la vie privée et familiale, tout en relevant des incohérences, d’une part, en ce qui concerne l’identité de son oncle dont le nom de famille indiqué dans le jugement lui attribuant l’autorité parentale sur la demanderesse différerait de celui figurant sur d’autres documents officiels, et, d’autre part, concernant les affirmations de la demanderesse selon lesquelles elle n’aurait plus de famille proche en Guinée malgré le fait que ses deux enfants y résideraient. Finalement, le délégué du gouvernement relève que Madame … n’aurait pas rapporté la preuve qu’elle disposerait de ressources suffisantes au sens de l’article 78, paragraphe (2) de la loi du 29 août 2008, dans la mesure où elle serait à la recherche d’un travail depuis juillet 2018. La partie étatique en conclut que le recours serait à rejeter pour ne pas être fondé.

A titre liminaire, force est au tribunal de constater que l’objet du recours sous examen vise exclusivement le refus d’une autorisation de séjour en tant que membre de famille d’un citoyen de l’Union, respectivement d’une autorisation de séjour pour raisons privées, fondée sur l’article 78, paragraphe (1), c) de la loi du 29 août 2008, demande fondée sur la relation familiale de la demanderesse avec son oncle paternel, et ne vise pas le retrait de son droit de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union suite à son divorce de Monsieur … le 28 novembre 2017. Il y a encore lieu de relever que l’autorité ministérielle, à travers son mémoire en réponse déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2019 a fourni une motivation complémentaire, possibilité lui expressément reconnue à travers un arrêt de la Cour administrative du 20 octobre 2009, inscrit sous le numéro 25738C du rôle1, consistant principalement à déclarer la demande d’autorisation de séjour de Madame … irrecevable sur base de l’article 39 de la loi du 29 août 2008, et, à titre superfétatoire non-fondée au titre de l’article 78 de la loi du 29 août 2008.

Aux termes de l’article 39, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 « La demande en obtention d’une autorisation de séjour visée à l’article 38, point 1 (…) doit être introduite par le ressortissant d’un pays tiers auprès du ministre et doit être favorablement avisée avant son entrée sur le territoire. La demande doit sous peine d’irrecevabilité être introduite avant l’entrée sur le territoire du ressortissant d’un pays tiers. L’autorisation ministérielle doit être utilisée dans les quatre-vingt-dix jours de sa délivrance (…) », l’article 38, point 1 y cité visant notamment l’autorisation de séjour pour raisons privées, telle que sollicitée par la demanderesse.

Il y a d’abord lieu de souligner d’une manière générale que si l’exigence imposée par l’article 39 de la loi du 29 août 2008 précitée peut sembler éventuellement inopportune dans certains cas d’espèce, compte tenu des antécédents d’un demandeur et notamment de son entrée régulière au Luxembourg, il n’en demeure pas moins que ledit article reflète la volonté du législateur d’établir le principe selon lequel le ressortissant de pays tiers qui a l’intention de séjourner sur le territoire luxembourgeois pour une durée supérieure à trois mois doit disposer d’une autorisation de séjour avant son entrée au Grand-Duché de Luxembourg, un ressortissant de pays tiers qui se trouve déjà sur le territoire ne pouvant que dans certains cas exceptionnels, indiqués aux paragraphes (2) et (3) de cet article, solliciter une autorisation de séjour, le souci du législateur ayant précisément été d’éviter que le ministre soit placé devant le fait accompli2.

Il est constant en cause que la demanderesse a introduit une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées, par le biais du courrier de son oncle paternel du 14 octobre 2018, soit plus de 2 ans après son entrée sur le territoire luxembourgeois en date du 12 septembre 2016.

Dès lors, c’est a priori à bon droit que le ministre a déclaré la demande en question irrecevable en application de l’article 39, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 cité ci-

avant, à moins que la demanderesse ne tombe dans l’une des hypothèses dérogatoires visées aux paragraphes (2) et (3) de l’article en question.

Concernant plus particulièrement le paragraphe (2) de l’article 39 de la loi du 29 août 2008, celui-ci prévoit les cas où un ressortissant d’un pays tiers séjournant régulièrement sur le territoire luxembourgeois pour une période allant jusqu’à trois mois peut être autorisé à introduire une demande d’autorisation de séjour en lieu et place de l’introduction d’une autorisation de séjour temporaire sollicitée avant son entrée sur le territoire, telle que prévue au paragraphe (1) de l’article 39 précité, en disposant que : « Dans des cas exceptionnels, le ressortissant de pays tiers séjournant régulièrement sur le territoire pour une période allant 1 Cour. adm., 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 90 et les autres références y citées.

2 Projet de loi 58021 portant sur la libre circulation des personnes et l'immigration, Avis du Conseil d'Etat, 20 mai 2008, p.20.

jusqu’à trois mois, peut être autorisé à introduire endéans ce délai auprès du ministre une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, s’il rapporte la preuve qu’il remplit toutes les conditions exigées pour la catégorie d’autorisation qu’il vise, et si le retour dans son pays d’origine constitue pour lui une charge inique ».

Or, la demanderesse ne rentre pas dans le champ d’application de la disposition sous analyse, dans la mesure où, au jour de sa demande du 14 octobre 2018, elle séjournait sur le territoire national depuis plus de trois mois. Il s’ensuit qu’une violation du paragraphe (2) de l’article 39 de la loi du 29 août 2008 ne saurait être reprochée au ministre.

Cependant, la demanderesse peut valablement se prévaloir de l’article 39, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 qui concerne les ressortissants de pays tiers séjournant sur le territoire luxembourgeois pour une durée supérieure à trois mois, ledit paragraphe disposant que : « Par dérogation au paragraphe (1) qui précède, le bénéficiaire d’une autorisation de séjour supérieure à trois mois, à l’exception des personnes visées aux articles 49bis, 60 à 62bis et 90, peut avant l’expiration de son titre de séjour faire la demande en obtention d’une autorisation à un autre titre auprès du ministre, s’il remplit toutes les conditions pour la catégorie qu’il vise ».

Ce texte permet à un ressortissant d’un pays tiers, bénéficiant d’une autorisation de séjour d’une durée supérieure à trois mois, de demander, avant l’expiration de son droit de séjour, une autorisation de séjour à un autre titre, sans que sa demande ne soit frappée de l’irrecevabilité prévue par l’article 39, paragraphe (1) de la loi précitée, à condition qu’il remplisse les conditions auxquelles est subordonnée l’autorisation sollicitée.

Force est de relever, en l’occurrence, qu’il ressort des éléments de la cause que l’article 39, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 est applicable au cas de la demanderesse, dans la mesure où cette dernière était, au jour de sa demande du 14 octobre 2018, en possession d’un titre l’autorisant à résider sur le territoire luxembourgeois, alors que ce n’est que par sa décision du 15 novembre 2018 que le ministre lui a retiré son droit de séjour en tant que membre de la famille d’un citoyen de l’Union.

Or, la demanderesse est restée en défaut d’établir qu’elle remplit les conditions auxquelles est subordonnée l’autorisation sollicitée, en l’occurrence l’autorisation de séjour pour des raisons privées de l’article 78, paragraphes (1) et (2) de la loi du 29 août 2008 aux termes duquel « (1) A condition que leur présence ne constitue pas de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques et qu’ils disposent de la couverture d’une assurance maladie et d’un logement approprié, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour raisons privées:

(…) c) au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas les conditions du regroupement familial, mais dont les liens personnels ou familiaux, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ;

(2) Les personnes visées au paragraphe (1) qui précède doivent justifier disposer de ressources suffisantes telles que définies par règlement grand-ducal. (…) ».

Or, force d’abord est au tribunal de constater qu’il ressort des explications non contestées de la demanderesse que celle-ci était, au jour de la décision ministérielle déférée, sans emploi. Par ailleurs, elle est restée en défaut de soumettre au tribunal des éléments probants quant à sa situation patrimoniale au jour de la décision litigieuse, de sorte qu’il y a lieu de retenir, au regard de ces considérations, qu’elle n’a pas justifié disposer de ressources suffisantes, étant précisé que les conditions énumérées à l’article 78 de la loi du 29 août 2008 sont des conditions cumulatives.

Etant donné que Madame … n’a pas établi remplir toutes les conditions de l’autorisation de séjour visée, c’est à juste titre que l’autorité ministérielle a pu retenir que la demande d’autorisation de séjour véhiculée dans le courrier du 14 octobre 2018 est irrecevable sur le fondement de l’article 39 de la loi du 29 août 2008. Cette conclusion n’est pas énervée par le droit de la demanderesse au respect de sa vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, alors que, mis à part le fait que Monsieur … avait été désigné tuteur de la demanderesse pendant sa minorité, elle laisse de prouver des liens d’une intensité suffisante avec ce dernier, étant relevé que la demanderesse n’est venue au Luxembourg, non pas pour rejoindre son ancien tuteur légal, mais en vue de vivre avec son conjoint de l’époque.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent, en l’absence d’autres moyens invoqués par la demanderesse, que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500 euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, telle que formulée par la demanderesse, est à rejeter au vu de l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;

reçoit le recours principal en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 juin 2021 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Laura Urbany, attaché de justice délégué, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 juin 2021 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 42356
Date de la décision : 08/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-06-08;42356 ?

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