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07/06/2021 | LUXEMBOURG | N°43840

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 juin 2021, 43840


Tribunal administratif N° 43840 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 novembre 2019 1re chambre Audience publique du 7 juin 2021 Recours formé par le syndicat des copropriétaires de la résidence « … », …, et Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, en présence de la Ville de Luxembourg et de la société anonyme …, en matière de protection de la nature

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43840 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 no

vembre 2019 par la société à responsabilité limitée Moyse Bleser SARL, inscrite au barreau...

Tribunal administratif N° 43840 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 novembre 2019 1re chambre Audience publique du 7 juin 2021 Recours formé par le syndicat des copropriétaires de la résidence « … », …, et Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, en présence de la Ville de Luxembourg et de la société anonyme …, en matière de protection de la nature

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43840 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 novembre 2019 par la société à responsabilité limitée Moyse Bleser SARL, inscrite au barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2680 Luxembourg, 10, rue de Vianden, immatriculée auprès du registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro B.211295, représentée aux fins de la présente par Maître François Moyse, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom :

1) du syndicat des copropriétaires de la résidence « … », sise à L-…, représentée par son syndic actuellement en fonctions ;

2) de Monsieur …, demeurant à L-…, Résidence « … », L-… ;

tendant à la réformation sinon l’annulation de la décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 23 août 2019 « relative à la préparation de mesures d’atténuation anticipées en relation avec le projet « Schoettermarial » à Kirchberg(Weimerskirch ayant comme objectif l’optimisation de l’habitat notamment de la coronelle lisse (coronella austriaca) et du muscardin (muscardinus avellanarius) sur des fonds inscrits au cadastre de la Ville de Luxembourg : section … de …, sous les numéros … et … » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Tessy Siedler, en remplacement de l’huissier de justice Gilles Hoffmann, demeurant à Luxembourg, du 18 mars 2020 portant signification de ladite requête en réformation sinon en annulation à la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions et inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, ainsi qu’à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ayant sa maison communale à L-1648 Luxembourg, 42, Place Guillaume II, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 février 2020 ;

1Vu le mémoire en réplique de la société à responsabilité limitée Moyse Bleser SARL, déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mars 2020 pour compte du syndicat des copropriétaires de la résidence « … » et de Monsieur …, préqualifiés ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour de Maître François Moyse, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 26 août 2020, en remplacement de la société à responsabilité limitée Moyse Bleser SARL ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif le 11 septembre 2020 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision ministérielle entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 17 mars 2021 et vu les remarques écrites de Maître Laurent Heisen, en remplacement de Maître François Moyse du 4 mars 2021, et celles de Madame le délégué du gouvernement Tara Désorbay du 17 mars 2021, produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.

___________________________________________________________________________

Les parties au présent recours, à savoir le syndicat des copropriétaires de la résidence « … » et Monsieur …, ci-après désignés par « les requérants », exposent tout d’abord que le site du « Schoettermarial » serait le seul espace non urbanisé dans le prolongement du Kirchberg et constituerait de ce fait une « île » naturelle offrant aux habitants une zone de repos et des habitats précieux pour différent es espèces animalières, y compris la coronelle lisse (coronella austriaca) et le muscardin (muscardinus avellanarius).

Ils expliquent que dans l’objectif de préserver cet espace naturel unique, ils seraient déjà intervenus dans le cadre de la procédure de refonte du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, ci-après désigné par « le PAG », procédure entamée en 2013, dans le cadre de laquelle ils auraient présenté leurs réclamations par rapport au nouveau PAG, tout en précisant que celles-ci auraient essentiellement porté sur la préservation de l’espace naturel que constituerait le site du « Schoettermarial ».

Ils continuent en relatant que par décision du 28 avril 2017, le conseil communal de la Ville de Luxembourg aurait approuvé son nouveau PAG, décision que les requérants auraient contestée en adressant des réclamations au ministre de l’Intérieur.

En date du 5 octobre 2017, conformément à l’article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », le ministre de l’Intérieur aurait adopté une décision globale sur l’ensemble des griefs dirigés contre la décision du 28 avril 2017.

Ils exposent ensuite que, par le biais de deux requêtes séparées déposées au greffe du tribunal administratif en date du 22 décembre 2017 et 9 janvier 2018, inscrites respectivement sous les numéros de rôle 40519 et 40585, ils auraient sollicité la réformation, sinon l’annulation de la décision du 5 octobre 2017 du ministre de l’Intérieur, précitée en revendiquant à travers lesdits recours « le reclassement des surfaces sises en zones destinées à être urbanisées intitulées [ZAD-SD : KI-02B] et [PAP NQ-SD : KI-02A], qui connaissent une déclivité 2importante, en zone verte, au sens de l’article 5 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles », tout en sollicitant, par ailleurs, « une nette réduction du potentiel constructible, afin d’éviter l’implantation des bâtiments surdimensionnés, ceci pour des raisons environnementales, esthétiques et de trafic supplémentaire généré par le projet ».

A cette même occasion, ils auraient également soulevé que l’étude environnementale, généralement désignée comme « strategische Umweltprüfung » (« SUP »), réalisée dans le cadre de la refonte du PAG de la Ville de Luxembourg ne correspondrait aucunement aux standards applicables à l’élaboration d’une telle étude et qu’elle ne serait dès lors ni complète, ni pertinente pour avoir été réalisée de manière lacunaire, étant donné qu’elle ne se fonderait pas sur des analyses relatives à la répartition de diverses espèces animalières, dont la coronelle lisse et le muscardin, sur le site du « Schoettermarial », tout en contestant également la classification des terrains de sports situés dans le site dit « Schoettermarial » en « zone d'aménagement différé [ZAD] » par le nouveau PAG de la Ville de Luxembourg.

Ce serait en préemptant sur les décisions à venir dans les deux affaires pendantes devant le tribunal administratif, que le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après désigné par « le ministre », aurait octroyé, par décision du 23 août 2019, l’autorisation de procéder à la préparation de mesures d'atténuation anticipées en relation avec le projet « Schoettermarial » à Kirchberg/Weimerskirch ayant comme objectif l’optimisation de l’habitat notamment de la coronelle lisse et du muscardin sur des fonds inscrits au cadastre de la Ville de Luxembourg : section … de …, sous les numéros … et …, ladite décision étant libellée comme suit :

« En réponse à votre requête réceptionnée le 27 juin 2019 par laquelle vous sollicitez l’autorisation pour la préparation de mesures d’atténuation anticipées en relation avec le projet « Schoettermarial » à Kirchberg/Weimerskirch ayant comme objectif [l’]optimisation de l’habitat notamment de la Coronelle lisse (Coronella austriaca) et du Muscardin (Muscardinus avellanarius) sur des fonds inscrits au cadastre de la Ville de LUXEMBOURG:

section … de …, sous les numéros … et …, j’ai l’honneur de vous informer qu’en vertu de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je vous accorde l’autorisation sollicitée aux conditions suivantes :

A.

Mesures visant la Coronelle lisse 1.

Tous les travaux autorisés par la présente ainsi que tous les travaux futurs relatifs au projet « Schoettermarial » à Kirchberg/Weimerskirch seront supervisés par un responsable de l’encadrement écologique, expert agréé en la matière. Le nom et les coordonnées de l’expert me seront soumis avant le commencement des travaux.

2.

Les travaux de débroussaillage, d’élagage, de taille et de mise-sur-souche de la végétation ligneuse se limiteront à la surface et aux éléments tels qu’identifiés sur le schéma Abb. 20 page 17 du dossier « Antrag auf naturschutzrechtliche Genehmigung Teil 1 (Frühjahr 2019) - Vorbereitung der CEF-Fläche », établi par le bureau d’étude … en date du 29 mai 2019.

3.

Les travaux de débroussaillage, d’élagage, de taille et de mise-sur-souche de la végétation ligneuse seront réalisés entre le 1er octobre et fin février, en dehors de la période de reproduction de la faune. Les travaux de débroussaillage, d’élagage, de taille et de mise-

3sur-souche de la végétation ligneuse seront exécutés conformément à la méthodologie décrite aux pages 18 et 19 dudit dossier établi par le bureau … en date du 29 mai 2019.

4.

Les mesures de gestion de l’habitat de la Coronelle lisse seront exécutées conformément à la méthodologie décrite aux pages 18 et 19 dudit dossier établi par le bureau … en date du 29 mai 2019. Le matériel de fauche sera obligatoirement à enlever du site.

L’emploi de pesticides, la fertilisation ou le chaulage sont strictement interdits sur la totalité des surfaces accueillant les mesures d’atténuation anticipées.

5.

Les mesures d’amélioration de l’habitat de la Coronelle lisse, notamment l’installation de microstructures, dont 3 murgiers aux propriétés de site d’hivernation, complétés par au moins 3 tas de pierres ou de bois morts, ainsi que 2 surfaces dénudées à caractère sableux, qui seront exécutées conformément à la méthodologie décrite aux pages 20 et 21 et dont la localisation s’oriente au schéma Abb. 20 page 17 dudit dossier établi par le bureau … en date du 29 mai 2019.

B.

Mesures visant le Muscardin 6.

En faveur du Muscardin, 20 nichoirs seront installés en proximité directe du projet et préalablement au printemps 2020. Les localisations précises des nichoirs seront déterminées d’un commun accord entre l’expert mentionné sub 1 et les agents de la nature et des forêts. Un plan de localisation des nichoirs me sera soumis pour information.

C.

Bilan écologique 7.

Conformément au dossier soumis par le bureau d’étude … en date du 29 mai 2019, la destruction de la végétation ligneuse engendrée par la mise en place de la mesure d’atténuation correspond à une perte écologique équivalente à 20.825 écopoints. Cette perte doit être compensée, dans un premier temps, et vous sera facturée en application de l’article 17 et de l’article 65 de la loi du 18 juillet 2018. Le montant à payer sur le compte de l’Etat est précisé sur le formulaire intitulé « taxe de remboursement » annexé à la présente. Une fois que la mesure d’atténuation sera devenue effective (cf. la surveillance et le rapport définis sous le point 9 de la présente décision), les écopoints ainsi crées pourront être comptabilisés en votre faveur dans le cadre de l’élaboration du bilan global des éco-points relatif au projet « Schoettermarial ».

D.

Suivi des mesures de gestion et surveillance des espèces 8.

La durée des mesures de gestion et d’amélioration de l’habitat visées ci-dessus est de vingt-cinq ans à compter de la date de la présente.

9.

La mise en œuvre des mesures de gestion et d’amélioration, ainsi que leur fonctionnalité écologique pour les espèces, visées par la présente, sont à évaluer par un expert agréé pour une durée totale de vingt-cinq ans. Pour les premières cinq années, un rapport annuel y relatif me sera soumis pour approbation, comprenant le cas échéant des propositions d’adaptation des mesures de gestion et d’amélioration. A la suite, les évaluations seront à réaliser et les rapports y afférents me seront soumis pour approbation dans un rythme de cinq ans.

10.

Le requérant est en charge de la bonne réalisation de ces mesures de gestion et 4d’amélioration de l’habitat visées ci-dessus, ainsi que de leur évaluation, de l’élaboration des rapports y afférents et de la surveillance des espèces visées par la présente.

E.

Dispositions générales 11.

Les préposés de la nature et des forêts (M. […], tél: […] et M. […], tél : […]) seront avertis avant le commencement des travaux relatifs à la présente. Le responsable du chantier et le responsable de l’encadrement écologique se concerteront avec les préposés de la nature et des forêts pour l’exécution des conditions de la présente.

12.

Afin de pérenniser le caractère naturel des fonds accueillant les différentes mesures de gestion et d’amélioration visées par la présente est à préserver, soit par le biais d’une servitude d’urbanisation à inscrire au niveau réglementaire du plan d’aménagement général, soit par le reclassement des fonds concernées en zone verte.

La présente vous est accordée sans préjudice d’autres autorisations éventuellement requises.

La présente autorisation ne prend effet qu’après le règlement de l’intégralité de la taxe de remboursement définie à la condition n° 7.

Contre la présente décision, un recours en annulation peut être interjeté auprès du Tribunal Administratif. Ce recours doit être introduit sous peine de déchéance dans un délai de 3 mois à partir de la notification de la présente décision par requête signée d’un avocat à la Cour. […]».

Entretemps, il serait apparu que les travaux de débroussaillage auraient été entamés, entre autres, sur la partie de la parcelle située directement derrière le terrain de football, qui serait classée en tant que « zone d'aménagement différé [ZAD] ».

Par requête déposée le 25 novembre 2019, inscrite sous le numéro 43840 du rôle, les requérants ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’autorisation précitée du 23 août 2019.

Il y a tout d’abord lieu de relever que la Ville de Luxembourg et la société anonyme …, ci-après désignée par « la société … », quoique valablement informées par la signification en date du 18 mars 2020 du recours en réformation sinon en annulation ne se sont pas faites représenter par un avocat à la Cour. Nonobstant ce fait, le tribunal administratif statue à l’égard de toutes les parties, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Quant à la recevabilité du recours en réformation, sinon en annulation A l’appui de leur recours en réformation, sinon en annulation, les requérants justifient leur intérêt à agir en faisant valoir que la décision entreprise serait susceptible de créer un véritable fait accompli dans les procédures actuellement pendantes devant le tribunal administratif en ce qu’elle pourrait avoir un effet négatif sur leurs demandes respectives en relation avec le PAG et notamment en ce qui concerne leur demande à voir reclasser certaines zones en zone verte.

5Ils estiment encore avoir un intérêt à agir direct, né, personnel et actuel à voir conserver la végétation à haute valeur écologique dans leur voisinage immédiat, sur lequel ils auraient une vue directe, en soulignant que les mesures préparatoires autorisées par le biais de la décision litigieuse, en ce qu’elles viseraient à faciliter l’urbanisation des parcelles cadastrales portant les numéros … et … et la réalisation d’un projet immobilier qui impliquerait la destruction de biotopes et d’habitats d’espèces intégralement protégées.

Ils ajoutent qu’en application de l’article 14, paragraphe 5, de la loi du 16 mai 1975 portant statut de la copropriété des immeubles bâtis, telle que modifiée, le syndicat des copropriétaires de la résidence « … » disposerait d’une autorisation de l’assemblée générale afin d’introduire le présent recours.

Au vu des considérations qui précèdent, ils estiment pouvoir tirer une satisfaction certaine et personnelle de la réformation, sinon de l'annulation de la décision attaquée.

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique, après avoir relevé :

(i) que le site « Schoettermarial » aurait été classé en tant que zone destinée à être urbanisée bien avant le PAG voté le 13 juin 2016 et suivant lequel seule une partie serait constructible ;

(ii) que le site en question ne se situerait ni en zone verte, ni dans une réserve naturelle, ni dans une zone Natura 2000 ;

(iii) que l’autorisation accordée le 23 août 2019 l’aurait été en vertu de l’article 27 de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 », lequel serait inspiré directement par le « Document d’orientation sur la protection stricte des espèces animales d’intérêt communautaire en vertu de la directive « Habitats » 92/43/CEE », et qui viserait les mesures destinées à assurer la permanence de la fonctionnalité écologique des sites de reproductions/des aires de repos, encore appelées « mesures CEF », de sorte que l’autorisation en question prescrirait des mesures de gestion visant à améliorer l’habitat des espèces et notamment de la coronelle lisse en vue de sa relocalisation et non une destruction de leur habitat ;

(iv) que ces mesures ne seraient pas localisées sur une surface sur laquelle le projet d’urbanisation serait planifiée, mais bien sur une surface adjacente à celle-ci ;

(v) que l’autorisation prescrirait les mesures préconisées par Monsieur … du bureau …, expert pour l’espèce de la coronelle lisse, tout en prévoyant notamment l’installation de nichoirs qui serait une mesure d’amélioration de l’habitat du muscardin prescrite par le bureau … ;

(vi) que les travaux d’exécution de l’autorisation auraient été supervisés par le préposé forestier et que l’engin ayant effectué les mesures prescrites ne serait pas entré par la site où est planifié l’urbanisation mais qu’il aurait longé le chemin se trouvant à côté du terrain de football de sorte à avoir pu entrer sur le site où sont planifiées les mesures écologiques visées par l’autorisation litigieuse et qu’en conséquence, les mesures autorisées n’auraient aucune incidence sur les coronelles lisses localisées sur la parcelles sur laquelle est planifiée l’urbanisation ;

fait valoir qu’un administré ne pourrait valablement recourir contre une décision administrative individuelle qu’à condition que celle-ci lui fasse grief en ce sens qu’elle aggrave 6effectivement et réellement, à la date de l’introduction du recours, sa situation. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce, puisque les mesures autorisées à travers la décision litigieuse constitueraient d’un point de vue écologique une amélioration du site sur lequel elles doivent être entreprises. A cela s’ajouterait que les requérants ne seraient pas, contrairement à ce qu’ils prétendent, les voisins directs de la surface sur laquelle sont exécutées les mesures prévues par l’autorisation litigieuse. Ils n’auraient, en conséquence, aucun intérêt à agir et leur recours serait à déclarer irrecevable.

Dans leur mémoire en réplique, les requérants apportent tout d’abord quelques précisions en relation avec l’une des espèces à protéger, à savoir la coronelle lisse, en expliquant qu’il s’agirait d’un reptile lent, discret et difficile à percevoir qui, s’il se sentait menacé, ne fuirait pas, mais, par contre, se figerait et utiliserait son camouflage afin de se protéger, ce qui expliquerait que la circulation routière serait la principale cause de mortalité de cette espèce. Il s’ensuivrait qu’eu égard à sa taille minuscule, sa lenteur, son camouflage et le fait que sa position est inconnue, les machines et tout autre équipement utilisés pour procéder au débroussaillage sur le site « Schoettermarial » constitueraient des dangers constants pour les serpents se situant sur la zone à aménager.

En outre, la coronelle lisse préfèrerait un espace de reproduction et de chasse qui disposerait, en général, d’une taille d’environ trois 3 ha. Or, la partie du site « Schoettermarial » qui serait destinée à l’urbanisation disposerait actuellement d’une superficie d’approximativement 4,40 ha, dont 1,62 ha feraient effectivement l’objet d’une urbanisation.

Ils ajoutent que les mesures CEF (« continuous-ecological-functionality measures »), prévues par la décision entreprise, seraient réalisées dans un espace d’une superficie totale de 7.800 m2, soit 0,78 ha et que d’après les études se trouvant dans le dossier administratif, au moins 25 coronelles lisses se trouveraient actuellement sur le site « Schoettermarial », dont une vingtaine se situeraient sur la partie faisant l’objet du projet d’urbanisation « Schoettermarial ». Ils précisent, à cet égard, que la décision entreprise viserait exclusivement la protection des coronelles lisses se trouvant sur la partie du site « Schoettermarial » faisant l’objet du projet d’urbanisation et qu’à ce titre, il conviendrait de noter que la décision entreprise s’inscrirait dans le cadre des mesures d’atténuation anticipées en relation avec le projet « Schoettermarial » à Kirchberg/ Weimerskirch, qui porterait sur la construction de quatre tours contenant des logements, et qu’elle constituerait une étape préliminaire pour pouvoir, dans une seconde étape, procéder à la relocalisation de la population des coronelles lisses qui se trouve sur le site devant faire l’objet d’une urbanisation.

En ce qui concerne ensuite concrètement leur intérêt à agir, les requérants soutiennent que, contrairement aux allégations erronées de la partie étatique, ils seraient bien les voisins directs du terrain faisant l’objet de l’autorisation litigieuse puisque la résidence « … » se situerait sur la parcelle portant le numéro … du cadastre et que la décision entreprise porterait sur les parcelles portant les numéros … et …, qui seraient limitrophes à cette première parcelle.

Ils ajoutent disposer d’une vue directe sur la surface concernée par la décision litigieuse et que les travaux de débroussaillage, d’élagage, de taille et de mise-sur-souche auraient un impact sur la vue dont ils disposeraient.

Ils font encore valoir qu’outre leur proximité géographique par rapport au site visé par 7la décision litigieuse, ils auraient un intérêt à voir maintenir l’habitat, qui serait exceptionnel d’un point de vue écologique, à côté de la Résidence « … » puisqu’un tel habitat aurait, selon eux, un effet positif sur le bien-être des habitants de cette résidence pour constituer une source de repos.

Les requérants estiment qu’à la lumière de l’ensemble de leurs arguments, le tribunal devrait conclure à la recevabilité de leur requête en ce qu’ils disposeraient d’un intérêt à agir direct et personnel, né et actuel, légitime et certain.

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique donne tout d’abord des précisions quant à l’exécution des travaux autorisés par le biais de la décision litigieuse en expliquant que :

(i) selon les informations des préposés de la Nature et des Forêts compétents ayant supervisé l’exécution de l’autorisation litigieuse, un seul engin aurait effectué les mesures autorisées en longeant le chemin se trouvant à côté du terrain de football, de sorte à avoir pu entrer ainsi directement sur le site où étaient planifiées les mesures écologiques visées par l’autorisation ;

(ii) les mesures auraient été exécutées au mois d’octobre 2019, tandis qu’il serait un fait que la coronelle lisse se rendrait à partir de la fin du mois de septembre dans ses quartiers d’hiver, se trouvant sous terre à une profondeur hors gel, de sorte qu’au moment où les mesures prescrites par l’autorisation, consistant dans le débroussaillage, l’élagage, la taille et la mise sur souche superficiels, auraient été réalisées, les coronelles lisses n’auraient plus circulé librement sur le site et se seraient déjà trouvées sous terre à une profondeur hors gel, de façon à ce qu’elles n’auraient pas pu être perturbées, voire mises à mort par ces mesures.

En ce qui concerne ensuite les développements adverses en relation avec la taille de l’habitat de la coronelle lisse, la partie étatique fait remarquer que le périmètre d’action (« Aktionsraum ») d’une coronelle lisse serait normalement de 1 à 3 ha et que le site du « Schoettermarial » aurait fait l’objet d’un examen herpétologique par M. … du bureau …, expert herpétologue en général et pour l’espèce coronelle lisse en particulier, tout en précisant que cette étude, qui figurerait dans le dossier d’autorisation, serait à la base de la demande d’autorisation et de l’autorisation litigieuse.

Elle ajoute que le fait que les mesures d’amélioration de l’habitat de la coronelle lisse -

consistant dans du débroussaillage - sur le site « Schoettermarial » n’auraient été entreprises que sur une surface de 0,78 ha, n’impliquerait pas, comme voudraient le faire croire les requérants, que la taille de l’habitat des coronelles lisses sur le site du « Schoettermarial » se limiterait à 0,78 ha.

L’étude du bureau … et notamment sa carte numéro 3, démontreraient d’ailleurs bien la présence de la coronelle lisse sur tout le site du « Schoettermarial », la partie étatique soulignant que la demande d’autorisation et l’autorisation litigieuse suivraient les conclusions de l’expert qui viseraient à long terme la survie de la population de la coronelle lisse sur le site « Schoettermarial ».

Elle précise, à cet égard, que l’habitat de prédilection de la coronelle lisse seraient les milieux ouverts et les premiers stades de succession/d’embroussaillement, de sorte que le débroussaillage des parties trop denses prescrit par l’autorisation serait une mesure nécessaire pour la conservation de la surface visée par l’autorisation en tant qu’habitat de la coronelle lisse. En conséquence, les mesures 8visées par l’autorisation litigieuse constitueraient bien une amélioration de l’habitat des coronelles lisses présentes sur le site, voire le maintien à long terme de cette surface en tant qu’habitat pour la coronelle lisse.

Une comparaison des ortho-photos des années 2001, 2010 et 2019 permettrait d’ailleurs de constater que le site « Schoettermarial » aurait été, les vingt dernières années, de plus en plus envahi par des broussailles et que la coronelle lisse risquerait de ce fait, à long terme, d’y perdre son habitat.

La partie étatique maintient ensuite l’absence d’intérêt à agir dans le chef des requérants en insistant sur le fait que suivant la jurisprudence des juridictions administratives, un recours ne serait recevable que s’il était dirigé contre une décision faisant grief, en ce sens qu’il faudrait qu’elle aggrave effectivement et réellement la situation du requérant pour qu’il ait un intérêt à agir contre elle.

Or, comme les mesures visées par l’autorisation litigieuse ne seraient pas des mesures urbanistiques, mais qu’il s’agirait de travaux de débroussaillage, d’élagage, de taille et de mise sur souche visant toutes l’amélioration de l’habitat de la coronelle lisse, il ne s’agirait pas d’une destruction d’un habitat, mais de mesures d’amélioration d’un habitat.

Elle ajoute que même si la résidence « … » se situait sur la parcelle adjacente des parcelles visées par l’autorisation litigieuse, il n’en resterait pas moins que les mesures visées par l’autorisation auraient été réalisées uniquement sur une petite partie de ces parcelles, partie ne se trouvant pas à côté, voire à proximité de la résidence en question puisqu’entre ladite résidence et l’endroit où les mesures ont été réalisées, se situeraient un terrain de football et des hauts arbres. Ainsi, les requérants prétendraient, mais ne démontraient pas en quoi leur vue serait impactée par l’enlèvement de broussailles, sur une parcelle voisine certes, mais qui serait éloignée de la résidence « … ».

En conséquence, leur recours serait à déclarer irrecevable faut d’intérêt à agir.

L’objet du recours est constitué par le résultat que la partie demanderesse entend obtenir1.

Il est, en l’espèce, constant en cause que l’objet du recours est l’annulation de la décision du ministre du 23 août 2019 autorisant dans le chef de la société … « la préparation de mesures d’atténuation anticipées en relation avec le projet « Schoettermarial » à Kirchberg/Weimerskirch ayant comme objectif [l’]optimisation de l’habitat notamment de la Coronelle lisse (Coronella austriaca) et du Muscardin (Muscardinus avellanarius) » sur des fonds inscrits au cadastre de la Ville de Luxembourg, section … de …, sous les numéros … et …, les requérants expliquant que leur recours s’inscrirait dans la suite de leur intervention dans le processus de la refonte globale du PAG de la Ville de Luxembourg, afin de s’opposer à l’urbanisation du site « Schoettermarial » situé dans le quartier du Kirchberg, dont ils estiment qu’elle interviendra au mépris de la présence d’un espace naturel unique méritant d’être préservé, notamment du fait de la présence d’habitats qui seraient précieux pour différentes espèces, dont la coronelle lisse. Ils redoutent, à cet égard, plus particulièrement qu’en acquérant 1 Trib. adm. 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 343 et les autres références y visées.

9autorité de chose décidée, la décision entreprise impacterait négativement les procédures qu’ils ont introduites devant les juridictions administratives pour contester la décision du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 portant approbation de la décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017 portant adoption du projet de refonte globale du PAG, les requérants précisant avoir, à travers lesdits recours, revendiqué plus particulièrement le reclassement des surfaces sises en zones destinées à être urbanisées intitulées [ZAD-SD : KI-

02B] et [PAP NQ-SD :KI-02A] en zone verte au sens de l’article 5 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, entretemps abrogée par la loi du 18 juillet 2018, tout en pointant le fait que l’étude environnementale réalisée dans le cadre de la refonte du PAG de la Ville de Luxembourg ne correspondrait, selon eux, pas aux standards applicables à l’élaboration d’une telle étude pour être incomplète et non pertinente.

Il y a lieu de relever que la recevabilité d’un recours est conditionnée par l’existence d’un acte de nature à faire grief et ayant produit cet effet sur la personne du demandeur. Il importe donc que l’intérêt qui doit non seulement être né et actuel, effectif et légitime2, soit non pas impersonnel et général, mais personnel3. Ainsi, il faut que la décision querellée entraîne des conséquences fâcheuses pour le demandeur, de nature matérielle ou morale4 et qu’elles l’atteignent à un titre particulier, en tant qu’appartenant à une catégorie définie et limitée d’administrés. L’annulation poursuivie doit pouvoir mettre fin à ces conséquences5. A défaut de grief, le demandeur ne peut se prévaloir de conséquences fâcheuses à son encontre. Eu égard à la circonstance que les juridictions ne sont pas instituées pour procurer aux plaideurs des satisfactions purement platoniques ou leur fournir des consultations, il appartient au tribunal de s’assurer qu’au moment de la requête introductive d’instance la condition d’intérêt soit bien remplie.

Il y a encore lieu de relever qu’un demandeur doit non seulement justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général, mais encore d’un intérêt certain et direct. Un intérêt indirect à agir ne suffit, en effet, pas pour former un recours contentieux, encore qu’il soit le cas échéant jugé suffisant pour intervenir dans une instance, soit en y étant appelé, soit en y apparaissant volontairement6.

Le tribunal relève que les requérants justifient leur intérêt à agir, qu’ils qualifient de « direct, né, personnel et actuel », en substance, par leur volonté de voir maintenir dans leur voisinage immédiat la végétation à haute valeur écologique sur laquelle ils expliquent avoir une vue directe et qui risquerait d’être détruite par les mesures préparatoires autorisées à travers la décision litigieuse en ce qu’elle viserait, selon eux, à faciliter l’urbanisation des parcelles cadastrales portant les numéros … et … et la réalisation d’un projet immobilier qui impliquerait la destruction de biotopes et d’habitats d’espèces intégralement protégées.

2 Trib. adm. 11 octobre 1999, n°11243 et 11244, confirmé par Cour adm. 17 février 2000, n° 11608C, Pas. adm.

2020, V° Procédure contentieuse, n° 16 et les autres références y citées.

3 En ce sens « Le contentieux administratif en droit luxembourgeois » par Rusen Ergec mis à jour par Francis Delaporte, Procédure contentieuse, n° 114, Pas. adm. 2020, p. 64.

4 Précis de droit administratif belge, André Mast, Edition entièrement adaptée et complétée par André Alen et Jean Dujardin, E. Story-Scientia, 1989, n° 650 p. 592.

5 Op. cit.

6 Trib. adm. 11 octobre 1999, n° 11243 et 11244, confirmé par arrêt du 17 février 2000, n° 11608C, Pas. adm.

2020, V° Procédure contentieuse, n° 16 et les autres références y citées.

10Or, les arguments mis en avant par les requérants sont manifestement insuffisants pour justifier dans leur chef d’un intérêt né et actuel, effectif, légitime et personnel tel que circonscrit plus en avant par le tribunal.

En effet, le tribunal se doit tout d’abord de relever que, indépendamment du débat mené entre les parties pour savoir si les mesures visées par l’autorisation litigieuse constituent ou bien une amélioration écologique ou bien une destruction d’habitats d’espèces, les requérants restent, en tout état de cause, en défaut d’expliquer dans quelle mesure les travaux autorisés sont concrètement de nature à affecter négativement leur situation personnelle d’administré en droit et en fait.

Si les requérants tentent de justifier dans leur chef l’existence d’un intérêt à agir direct, né, personnel et actuel en se prévalant de la vue directe qu’ils auraient sur « la végétation à haute valeur écologique dans leur voisinage immédiat » qui serait vouée à disparaître sur le site « Schoettermarial » pour laisser la place à la réalisation d’un projet immobilier, et donc, en fin de compte, de la qualité de vie dont ils ont pu jouir jusqu’à présent grâce à la présence de cette végétation sur le site en question, il y a lieu de relever qu’il est constant en cause que ce site n’est pas visé par la décision litigieuse qui comporte uniquement deux points, à savoir, d’une part, la préparation d’une zone de refuge ou d’accueil pour les coronelles lisses susceptibles d’être affectées par le futur et éventuel projet d’urbanisation sur ledit site « Schoettermarial » - sous réserve que celui-ci soit approuvé -, et ce, concrètement par des travaux de débroussaillage, d’élagage, de taille et de mise-sur-souche de la végétation ligneuse afin de créer ou de préserver des prairies sèches, habitat de prédilection des coronelles lisses, menacé in situ par sa reforestation, ainsi que par la création de « murgiers » (tas d’épierrage), de zones sablonneuses et de tas de pierres, et, d’autre part, l’installation de nichoirs pour muscardins, le tout sur une surface adjacente à celle du site « Schoettermarial », étant encore relevé que même si la résidence « … » se situe sur la parcelle adjacente des parcelles visées par l’autorisation litigieuse, il n’en reste pas moins qu’il n’est pas contesté que les mesures visées par l’autorisation, et entretemps réalisées, concernaient uniquement une petite partie de ces parcelles, partie ne se trouvant pas à côté, voire à proximité de la résidence en question puisqu’entre ladite résidence et l’endroit où les mesures ont été réalisées, se situent de manière non contestée un terrain de football et des hauts arbres empêchant de la sorte, et contrairement à ce qui est allégué par les requérants sans toutefois être sous-tendu par le moindre élément tangible de nature à documenter cette affirmation, toute vue directe sur la surface concernée par les travaux autorisés.

Par ailleurs, les requérants n’expliquent, en tout état de cause, pas de manière convaincante dans quelle mesure les travaux ainsi autorisés, étrangers à des mesures d’urbanisation qu’ils craignent et constituant a priori des mesures en faveur des espèces qu’ils déclarent vouloir protéger, sur une surface se situant à une certaine distance de leur résidence et qui n’est, par ailleurs, pas destinée à être urbanisée, sont concrètement susceptibles d’impacter d’une quelconque manière négativement leur qualité de vie, notamment en termes de vue, de sorte qu’ils ne peuvent pas non plus se prévaloir d’un intérêt à agir personnel et direct de ce chef.

Si les requérants semblent encore vouloir plus particulièrement justifier leur intérêt à agir contre la décision litigieuse par la considération qu’en autorisant les mesures en question, le ministre aurait nécessairement d’ores et déjà retenu le principe de la destruction des habitats et de la relocalisation des espèces protégées sur le site « Schoettermarial », dont ils sont les voisins directs, au profit de la réalisation, sur ce même site, d’un projet d’urbanisation dont ils 11redoutent in fine les conséquences négatives sur leur qualité de vie, leurs craintes reposent sur la prémisse que l’autorisation querellée mènerait en quelque sorte de manière indirecte, mais néanmoins quasi automatiquement à une urbanisation du site « Schoettermarial » qui passerait nécessairement par la destruction des habitats et espèces protégées sur ce site, sans que notamment les études et expertises environnementales appropriées, revendiquées à travers des affaires parallèles pendantes devant les juridictions administratives, ne pourraient plus être réalisées sur le site « Schoettermarial » une fois que les habitats y présents auraient été détruits.

Or, si, tel que relevé ci-avant, la décision litigieuse autorise un certain nombre de travaux à effectuer sur une surface adjacente à celle du site « Schoettermarial » et ce, dans le but d’optimiser cette surface en vue de permettre une relocalisation future de l’habitat de certaines espèces protégées se trouvant sur le site « Schoettermarial », le constat s’impose que la crainte des requérants que cette même décision entérinerait en quelque sorte d’ores et déjà directement, sinon à tout le moins indirectement, le principe de la destruction des habitats des espèces protégées sur le site « Schoettermarial » et a fortiori leur relocalisation pour, in fine, donner au promoteur le feu vert pour réaliser son projet immobilier sur le même site, n’est étayée par aucun élément tangible, mais repose sur de simples affirmations, sans que les requérants n’aient expliqué de manière concrète sur base de quel fondement juridique ils peuvent conclure à un tel automatisme. Ce constat s’impose d’autant plus que suivant les explications étatiques non contestées, la destruction d’habitats protégées sur le site « Schoettermarial » et la relocalisation des espèces concernées, qui, tout en étant certes et de manière non contestée des étapes préalables nécessaires avant toute urbanisation du site en question, ne pourront toutefois se faire qu’à un deuxième stade et en tout état de cause sous réserve de la délivrance d’une autorisation ministérielle afférente susceptible d’un recours. De ce point de vue, et à défaut d’explications circonstanciées, leur crainte d’être placés devant une situation de fait accompli qui ne leur permettrait plus de s’opposer au projet d’urbanisation et à la dégradation environnementale du site « Schoettermarial » qu’ils redoutent de ce chef, doit dès lors s’analyser comme étant purement hypothétique et ne saurait pas non plus justifier dans leur chef un intérêt direct et certain à agir contre la décision actuellement litigieuse. Ce constat s’impose d’autant plus qu’en ce qui concerne les affaires parallèles auxquelles ils se réfèrent pour tenter de justifier leur intérêt à agir, celles-ci se sont soldées dans deux arrêts du 6 mai 2021, inscrits respectivement sous les numéros 44878C 44898C, 44907C et 44879C, 44896C, 44906C du rôle, à travers lequel la Cour administrative a confirmé les jugements du tribunal administratif du 13 juillet 2019, inscrits sous les numéros 40519 et 40585 du rôle, dans lesquels les premiers juges avaient, face à une procédure d’adoption du PAG litigieux de la Ville de Luxembourg, jugée viciée, et face à un vice ne pouvant être réparé au niveau contentieux, annulé la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017, la décision du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 et la décision du ministre de l’Environnement du 6 octobre 2017 dans l’unique mesure où elles se rapportent au site « Schoettermarial », le tout, en substance, sur la toile de fond qu’une étude environnementale était obligatoire et qu’il n’avait pas été satisfait à cette obligation, la Cour ayant jugé que les rapports auxquels les autorités communales entendaient se référer, et qui, au niveau des espèces sauvages protégées, se cantonnaient essentiellement aux chauves-souris, apparaissent clairement lacunaires.

Enfin, si, en leur qualité de copropriétaires dans une résidence située à une certaine distance de la surface sur laquelle ont été autorisés les travaux litigieux et sur laquelle ils n’établissent pas, tel que relevé ci-avant, avoir une vue directe, les requérants tentent encore de justifier leur intérêt à agir en invoquant, en substance, leur crainte de l’atteinte que lesdits travaux, tels qu’autorisés, seraient susceptibles de porter préjudice aux habitats de certaines 12espèces protégées au niveau européen et dès lors à certaines espèces protégées elles-mêmes, le tribunal se doit de relever qu’en ce faisant, les requérants s’érigent en défenseurs de l’intérêt général. Or, à défaut pour eux de faire état d’un quelconque impact négatif des travaux autorisés sur leur situation concrète et personnelle de copropriétaires dans leur résidence, le simple fait d’invoquer leur volonté « de voir maintenir l’habitat, qui est exceptionnel d’un point de vue écologique, à côté de la Résidence « … » » et donc de mettre en avant des considérations environnementales d’ordre général, n’est pas suffisant pour justifier dans leur chef l’existence d’un intérêt propre suffisant7, distinct de l’intérêt général, un intérêt personnel distinct suffisant étant toutefois, tel que relevé ci-avant, indispensable pour être recevables à agir contre la décision litigieuse.

Pour être tout à fait complet, le tribunal se doit de constater qu’à travers le présent recours, les requérants ne cherchent en réalité ni plus ni moins à empêcher, pour des raisons qui leur sont propres, toute urbanisation du site « Schoettermarial ». Or, dans la mesure où, tel que relevé ci-avant, la décision litigieuse n’a pas pour objet une telle urbanisation et que, par ailleurs, il vient d’être retenu que leur crainte que la décision litigieuse constitue en quelque sorte un feu vert accordé à l’urbanisation, respectivement au projet immobilier dont ils redoutent les conséquences négatives sur leur qualité de vie, est purement hypothétique, ils ne pourront, en tout état de cause, de ce point de vue obtenir de son annulation la satisfaction qu’ils recherchent.

Au vu de toutes les considérations qui précèdent, il y a, par conséquent, lieu de conclure à une absence d’intérêt suffisant à agir dans le chef des requérants et de déclarer irrecevable le recours contentieux de ceux-ci.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000.- euros, telle que formulée par les requérants sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter pour ne pas être fondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare irrecevable faute d’intérêt à agir dans le chef des requérants, le recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre la décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 23 août 2019 autorisant dans le chef de la société … « la préparation de mesures d’atténuation anticipées en relation avec le projet « Schoettermarial » à Kirchberg/Weimerskirch ayant comme objectif [l’]optimisation de l’habitat notamment de la Coronelle lisse (Coronella austriaca) et du Muscardin (Muscardinus avellanarius) sur des fonds inscrits au cadastre de la Ville de LUXEMBOURG : section … de …, sous les numéros … et … » ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par les requérants ;

met les frais et dépens à charge des requérants.

7 Conseil d’Etat fr., 22 mai 2012, n° 326367.

13Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 juin 2021 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, vice-président, Carine Reinesch, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 juin 2021 Le greffier du tribunal administratif 14



Références :

Origine de la décision
Formation : Première chambre
Date de la décision : 07/06/2021
Date de l'import : 11/06/2021

Numérotation
Numéro d'arrêt : 43840
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-06-07;43840 ?

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