Tribunal administratif N° 45828 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mars 2021 2e chambre Audience publique du 22 avril 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 45828 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 mars 2021 par Maître Marcel Marigo, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à ….
(Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 11 mars 2021 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 avril 2021 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Vu l’article 1er de la loi du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;
Vu la communication de Maître Marcel Marigo du 16 avril 2021 informant la soussignée que l’affaire pouvait être prise en délibéré en dehors de sa présence ;
Vu la communication de Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbruck du 19 avril 2021 informant le tribunal que l’affaire pouvait être prise en délibéré en dehors de sa présence ;
La soussignée entendue en son rapport à l’audience publique du 19 avril 2021.
En date du 14 octobre 2020, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.
Toujours le 14 octobre 2020, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».
Le 28 janvier 2021, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 11 mars 2021, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », résuma les déclarations de Monsieur … comme suit : « (…) En mains, le rapport du Service de Police Judiciaire du 14 octobre 2020, votre fiche des motifs remplie le 14 octobre 2020, le rapport d'entretien Dublin III du 14 octobre 2020 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 28 janvier 2021 sur les motifs sous-
tendant votre demande de protection internationale.
Monsieur, vous déclarez que vous auriez quitté la Guinée en … sur conseil de votre mère qui vous n'aurait pas donné d'autre explication.
En 2016, vous avez introduit une demande de protection internationale en Italie. Vous ajoutez que vous ne connaîtriez pas l'issue de votre demande car vous vous seriez rendu en France en 2018 pour y être scolarisé. En 2020, vous auriez décidé de venir introduire une demande de protection internationale au Luxembourg pour y « chercher d aide [sic. de l'aide] sociale » (fiche des motifs) et au motif qu'on vous aurait dit que « quand tu demandes l'asile ici, on t'envoie à l'école et on te loge » (page 6 de votre rapport d'entretien Dublin III).
Monsieur, vous évoquez comme motif à la base de votre demande de protection internationale au Luxembourg que vous craindriez d'être emprisonné car tous les Peuls qui auraient quitté la Guinée seraient considérés comme des mercenaires. Vous ajoutez que « si tu retournes en Guinée, le gouvernement actuel va croire que tu es venu aider l'opposition de … » (page 4 de votre rapport d'entretien). Vous justifiez votre crainte en évoquant le fait qu'alors que vous vous seriez trouvé au Luxembourg, vous auriez publié les « résultats de l'élection présidentielle » (page 5 de votre rapport d'entretien) de décembre 2020 sur votre propre profil Facebook et vous comparez votre situation à celle de « … » (page 4 de votre rapport d'entretien) qui aurait été condamné à dix ans de prison « à cause de publications sur Facebook » (page 4 de votre rapport d'entretien).
Vous évoquez également que vous auriez appris sur Facebook, la mort de « … » (page 5 de votre rapport d'entretien), un ami à vous qui aurait vécu à ….
A l'appui de votre demande, vous présentez les documents suivants :
- Une attestation d'inscription valant Certificat de Scolarité faite à … le … ;
- Un certificat médical fait au Luxembourg le … ;
- Un extrait du registre national issu à … le … (…) ».
Le ministre informa ensuite Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 (1) a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 mars 2021, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 11 mars 2021 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Etant donné que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 11 mars 2021, telles que déférées.
Le recours en réformation a été, en outre, introduit dans les formes et délai de la loi, de sorte qu’il est à déclarer recevable.
A l’appui du recours dirigé contre la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, Monsieur … estime que l’examen de sa demande de protection internationale suivant la procédure accélérée résulterait d’une interprétation erronée des éléments invoqués par lui à l’appui de sa demande. Il indique plus particulièrement que le défaut d’avoir introduit une demande de protection internationale ne saurait être interprété comme une absence de persécutions subies dans son pays d’origine, tout en expliquant qu’il aurait quitté son pays d’origine contre son gré pour des raisons amplement exposées lors de son audition auprès du ministère. Il précise encore que les faits exposés seraient pertinents, de sorte qu’il y aurait lieu de réformer la décision ministérielle de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.
En ce qui concerne le refus d’octroi d’une protection internationale, le demandeur explique que l’absence d’introduction d’une demande de protection internationale en Italie et en France, pays dans lesquels il aurait séjourné, ne démontrerait pas une volonté de sa part de demeurer en Europe, contrairement à ce que le ministre aurait prétendu. Il en conclut que le ministre aurait fait une analyse simpliste et superficielle de sa situation personnelle et individuelle. Concernant plus particulièrement le refus du statut de réfugié, Monsieur … conteste que des motifs économiques se trouveraient à la base de sa demande de protection internationale et indique avoir subi des actes de persécution, d’ordre physique et mental, en Guinée, de sorte que sa demande en obtention du statut de réfugié devrait être déclarée fondée. Il donne encore, dans ce contexte, à considérer que sa situation devrait s’analyser à l’aune de la situation politique dans son pays d’origine, laquelle serait caractérisée par des violations constantes des droits les plus élémentaires de l’Homme. En cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait ainsi de subir de nouveau de tels actes de violence. En ce qui concerne ensuite le refus de la protection subsidiaire, en s’appuyant sur l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur argumente que les actes de persécution qu’il aurait subis entreraient dans le champ d’application dudit article. Il estime encore remplir les conditions découlant de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 en soutenant que les personnes à l’origine des actes subis seraient, contrairement aux affirmations étatiques, à considérer comme des acteurs.
S’agissant de l’ordre de quitter le territoire, le demandeur requiert la réformation de cette décision comme conséquence de la réformation du refus d’accorder une protection internationale, alors qu’il serait impossible, selon lui, de procéder à son éloignement forcé vers son pays d’origine.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.
Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.
Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.
A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.
Il convient de prime abord de relever que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.
Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.
Force est de relever qu’en l’espèce, la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est fondée sur le point a) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, dont les termes sont les suivants : « (1) Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; (…) ».
Il en résulte que dans l’hypothèse où le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour l’octroi du statut conféré par la protection internationale, sa demande de protection internationale peut être toisée par le ministre dans le cadre d’une procédure accélérée, impliquant nécessairement que ce dernier ait vérifié au préalable si les faits relatés par le demandeur entrent dans la définition de la notion de réfugié ou dans celle de la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-
avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.
La soussignée est tout d’abord amenée à relever que le demandeur n’a fait mention ni lors de son audition devant les agents de la police judiciaire ni dans la fiche remplie lors du dépôt de sa demande de protection internationale ni lors de son audition auprès du ministre du fait qu’il aurait subi une quelconque persécution physique ou mentale dans son pays d’origine, ce qu’il invoque à présent vaguement dans sa requête introductive d’instance.
Or, il y a lieu de relever que Monsieur … a signé une « déclaration finale » certifiant qu’il n’avait aucun problème de compréhension lors de son audition, qu’il n’a retenu aucune information essentielle portant un changement significatif au contexte de sa demande, qu’il n’a pas donné d’informations inexactes et, surtout, qu’il n’existe plus d’autres faits à invoquer au sujet de sa demande de protection internationale.
Dans ce contexte, le tribunal relève qu’en vertu de l’article 37 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur de protection internationale a l’obligation de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande. Par ailleurs, un demandeur qui, tel que Monsieur …, atteste lui-même par sa signature que le rapport d’audition constitue un résumé fidèle et complet des motifs de sa demande de protection internationale, est malvenu à contester le contenu de ce rapport.2 En outre, le fait pour un demandeur de maintenir le silence quant à des éléments essentiels jusqu’au dépôt de la requête introductive d’instance jette un doute considérable sur sa crédibilité.3 En l’espèce, ce manque de crédibilité amène le tribunal à ne pas tenir compte des éléments fondamentalement nouveaux produits in tempore suspecto par le demandeur, à savoir les persécutions physiques et mentales qu’il aurait subies, et ce d’autant plus que le demandeur est resté en défaut de fournir la moindre précision quant au déroulement concret de ces faits.
Il ressort ainsi des déclarations du demandeur qu’il craint d’être emprisonné en cas de retour en Guinée en raison de son appartenance à l’ethnie peule, dont les membres qui auraient quitté le pays seraient considérés par les autorités comme étant des opposants et des mercenaires. Il invoque également à la base de sa demande de protection internationale l’absence de scolarisation et d’accès aux soins dans son pays d’origine.
En ce qui concerne les craintes liées à son appartenance ethnique, force est de constater que ces craintes s’avèrent être hypothétiques et ne sont basées sur aucun élément concret. En effet, il échet tout d’abord de relever que Monsieur … a affirmé avoir quitté son pays d’origine sur conseil de sa mère et sans connaître les raisons pour lesquelles elle souhaitait le voir partir. Ensuite, si le demandeur invoque le cas d’un opposant au parti au pouvoir qui aurait été condamné après avoir publié des articles sur son compte Facebook, force est de constater que Monsieur … manque d’établir un lien entre la situation de cet opposant et son sort, étant donné que le demandeur concède avoir seulement publié les 2 Trib. adm. 10 novembre 2000, n° 12390 du rôle, confirmé par Cour adm., 11 janvier 2001, n° 12602C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Etrangers, n° 45 et les autres références y citées.
3 Voir en ce sens : trib. adm. 9 octobre 2013, n° 33202 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu.
résultats des élections sur son compte Facebook, informations objectives et publiques ne constituant a priori pas une manifestation d’opinions politiques du demandeur. Partant, et dans la mesure où le demandeur n’invoque aucun document, tel qu’un rapport international, dans lequel il serait démontré que tout Peul ayant quitté la Guinée serait, à son retour, emprisonné du seul fait de son appartenance à ladite ethnie, il y a lieu de conclure que les craintes du demandeur de faire l’objet d’un emprisonnement par les autorités guinéennes en cas de retour en Guinée sont hypothétiques.
Enfin, en ce qui concerne les motifs ayant trait à l’accès à l’école et aux soins invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale, la soussignée constate que ces motifs sont étrangers au champ d’application de la loi du 18 décembre 2015, de sorte à ne pas pouvoir justifier l’octroi du statut de réfugié, ainsi que de celui conféré par la protection subsidiaire.
Partant, la soussignée est amenée à retenir que le récit de Monsieur … n’est pas de nature à établir l’existence d’une persécution ou d’une atteinte grave, ni même l’existence d’une crainte de persécution ou atteinte grave, susceptible de justifier dans son chef la reconnaissance d’une protection internationale.
Par voie de conséquence, la soussignée est amenée à conclure que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, est à déclarer manifestement infondé dans la mesure où le demandeur n’a pas étayé le caractère pertinent des faits soumis à l’appréciation de la soussignée au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.
En ce qui concerne le volet du recours dirigé contre le refus d’octroi d’une protection internationale, la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse du recours dirigé à l’encontre de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que les craintes du demandeur de subir des persécutions ou des atteintes graves en cas de retour étaient hypothétiques et qu’il n’invoquait aucune atteinte grave répondant à la définition de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, dont il aurait été victime en Guinée ou dont il risquerait de faire l’objet en cas de retour dans ce pays, et que, dès lors, son récit ne saurait, de toute évidence, justifier ni l’octroi du statut de réfugié ni l’octroi de la protection subsidiaire.
Etant donné que dans le cadre du présent recours dirigé à l’encontre du refus d’octroi d’un statut de protection internationale, la soussignée ne s’est pas vue soumettre d’éléments lui permettant de se départir de cette conclusion, le recours en question est, lui aussi, à rejeter pour être manifestement infondé et le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.
Finalement, quant à la décision portant ordre de quitter le territoire, il convient de relever qu’aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, et que partant c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, impliquant qu’il a, à bon droit, pu retenir que le retour du demandeur en Guinée ne l’expose pas à des conséquences graves, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.
Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 11 mars 2021 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;
au fond, déclare le recours dirigé contre ces décisions manifestement infondé et en déboute ;
déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 avril 2021 par la soussignée, Michèle Stoffel, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Lejila Adrovic.
s.Lejila Adrovic s. Michèle Stoffel Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 avril 2021 Le greffier du tribunal administratif 8