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12/02/2021 | LUXEMBOURG | N°45579

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 février 2021, 45579


Tribunal administratif Numéro 45579 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 février 2021 4e chambre Audience publique du12 février 2021 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 22, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45579 du rôle et déposée le 2 février 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Yusuf Meynioglu, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le ...

Tribunal administratif Numéro 45579 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 février 2021 4e chambre Audience publique du12 février 2021 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 22, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45579 du rôle et déposée le 2 février 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Yusuf Meynioglu, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, actuellement placé au Centre de rétention de Luxembourg, sis à L-

1751 Findel, 10, beim Haff, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 14 janvier 2021 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 février 2021 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Yusuf Meynioglu et Madame le délégué du gouvernement Jeanine Dennewald en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 février 2021.

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En date du 5 mars 2020, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, service criminalité organisée - police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, ainsi que sur base de la comparaison des empreintes digitales de Monsieur … dans la base de données EURODAC, qu’il avait introduit une demande de protection internationale en Norvège le 31 août 2011, aux Pays-Bas le 22 janvier 2019 et en Suisse le 19 mars 2019.

Toujours le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Par arrêté du 5 mars 2020, lui notifié en mains propres le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », ordonna l’assignation à résidence de Monsieur … à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK), pour une durée de 3 mois.

Le 6 mars 2020, le ministre contacta les autorités néerlandaises aux fins de la reprise en charge de Monsieur …, sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, demande que ces dernières refusèrent au motif que les autorités italiennes avaient déjà accepté la prise en charge de Monsieur … sur base de l’article 18, paragraphe (1), point a) dudit règlement.

Suite à une demande de reprise en charge leur adressée par courriers du 19 mars 2020, les autorités luxembourgeoises informèrent leurs homologues italiens le 2 juin 2020 de l’acceptation de reprise en charge, par ces dernières, de Monsieur ….

Par arrêté du 4 juin 2020, le ministre prorogea l’assignation à résidence de Monsieur … pour une durée de trois mois.

Le 18 juillet 2020, Monsieur … fut placé en détention préventive pour vol, fait dont les autorités italiennes furent informées le 20 juillet 2020 en raison de la prorogation du délai de transfert.

Par décision du 3 août 2020, notifiée en mains propres à l’intéressé le 4 août 2020, le ministre informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de le transférer dans les meilleurs délais vers l’Italie sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions des articles 18, paragraphe (1), point a) et 22, paragraphe (7) du règlement Dublin III.

Par arrêté du 14 janvier 2021, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention sur le fondement de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 et cela pour une durée de trois mois à partir de la notification de cette décision intervenue le même jour, sur base des considérations suivantes :

« (…) Vu l'article 22 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport N°SPJ/15/2019/81377/1/SC du 5 mars 2020 établi par le Service de police judiciaire, section Criminalité organisée-Police des Etrangers ;

Vu mon arrêté du 5 mars 2020, notifié le même jour, assignant l'intéressé à résidence ;

Vu les disparitions fréquentes de la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg ;

Vu ma décision de transfert du 3 août 2020 ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Attendu que le transfert vers l'Italie n’a pas pu être effectué alors que l’intéressé se trouvait en détention préventive ;

Attendu que la mesure moins coercitive prévue à l'article 22, (3), point a) ne peut être efficacement appliquée, alors que le demandeur ne dispose d'aucun document d'identité et de voyage valable ;

Attendu que la mesure moins coercitive prévue à l'article 22, (3), point b) ne peut être efficacement appliquée, alors que le demandeur ne présente pas des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite ;

Attendu que la mesure moins coercitive prévue à l'article 22, (3), point c) ne peut être efficacement appliquée, alors que le demandeur n'est pas en mesure de déposer une garantie financière d'un montant de cinq mille euros ;

Attendu que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 22, paragraphe (3), points a), b) et c) susmentionnées de la loi du 18 décembre 2015 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite non négligeable dans le chef de l'intéressé comme défini à l'article 22, (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 précitée ;

Par conséquent la décision de placement s'avère nécessaire ;

Considérant que l'intéressé a introduit une demande de protection internationale au Luxembourg ;

Considérant qu'il est signalé au système EURODAC comme ayant introduit une demande de protection internationale en Norvège, une aux Pays-Bas et une en Suisse ;

Considérant qu'une demande de prise/reprise en charge en vertu de l'article 18§1a du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 a été adressée aux autorités italiennes ;

Considérant que les autorités italiennes ont marqué leur accord de prise/ reprise en charge ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue du transfert de l’intéressé seront engagées dans les meilleurs délais ;

Considérant qu'il est établi que le demandeur a l'intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d'éloignement vers l'Italie; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 février 2021, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel susmentionné du 14 janvier 2021 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision en question.

Etant donné que l’article 22, paragraphe (6) de la loi du 18 décembre 2015 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement en rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base du présent litige, conclut, tout d’abord, à la réformation de la décision sous examen du 14 janvier 2021, en ce qu’il estime avoir dû bénéficier d’une des mesures moins coercitives prévues à l’article 22, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015. Il fait valoir, dans ce cadre, d’une part, avoir déclaré, sans équivoque, vouloir retourner volontairement dans son pays d’origine, et, d’autre part, ne jamais avoir quitté le territoire luxembourgeois et s’être tenu à disposition des autorités au sein de la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg.

Monsieur … reproche encore au ministre de ne pas exécuter le dispositif d’éloignement avec la diligence requise, en constatant qu’aucune démarche n’aurait été entreprise par les autorités luxembourgeoises depuis son placement au Centre de rétention, et ceci malgré le fait que son identité serait connue de ces dernières et qu’il aurait exprimé son souhait de faire l’objet d’un retour volontaire dans son pays d’origine.

Le demandeur fait finalement valoir que son placement au Centre de rétention ne rentrerait dans aucune des hypothèses prévues à l’article 22, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 et devrait être considéré comme une atteinte disproportionnée à sa liberté de circulation, telle que consacrée à l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l'assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, ainsi qu’à l’article 2 du 4e Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ». Ainsi, il déclare avoir suffisamment démontré sa volonté de retourner en Tunisie, tout en précisant que le ministre n’aurait présenté aucun motif valable susceptible d’établir qu’il entendrait se soustraire à son éloignement. Par ailleurs, son identité serait établie et, au regard de sa cure de désintoxication suivie avec succès lors de son incarcération pour des faits de vol, il ne pourrait pas être considéré comme un risque pour la sûreté nationale, Monsieur … contestant, dans ce cadre, tout risque de récidive dans son chef.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé, en relevant, tout d’abord, que le placement au Centre de rétention de Monsieur … serait fondé sur l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, pour garantir son transfert vers l’Italie, au regard de l’existence d’un risque de fuite dans le chef du demandeur, alors que celui-ci ne disposerait d’aucun document d’identité ou de voyage valable, ni d’une d’adresse légale au Luxembourg et présenterait des antécédents judiciaires. Par ailleurs, l’affirmation du demandeur d’avoir voulu quitter le territoire luxembourgeois dès sa sortie de prison témoignerait de son intention de se soustraire à son éloignement, tel que cela aurait été le cas d’un nombre important de personnes faisant l’objet d’une décision de transfert prise sur base du règlement Dublin III, lesquelles seraient disparues peu de temps avant la date prévue pour leur transfert.

La partie étatique relève ensuite que la décision litigieuse du 14 janvier 2021 serait également justifiée conformément à l’article 22, paragraphe (2), c), à savoir pour un motif de la protection de l’ordre public, alors que le demandeur aurait été appréhendé par les forces de l’ordre luxembourgeoises pour sa consommation de stupéfiants dans les lieux publics, et notamment le 4 juillet 2020 dans un tunnel ferroviaire, tout en étant connu pour vol, trafic de drogue et vente d’objets volés.

Quant aux démarches accomplies depuis le placement au Centre de rétention de Monsieur …, le délégué du gouvernement fait valoir que la police grand-ducale aurait été saisie le 14 janvier 2021 pour organiser le transfert du demandeur vers l’Italie, courrier qui aurait fait l’objet d’un rappel en date du 3 février 2021. La partie étatique en conclut que l’organisation de l’éloignement du demandeur serait poursuivie avec la diligence requise et qu’il n’existerait actuellement aucun élément permettant de conclure que ledit éloignement vers l’Italie ne pourrait pas être mené à bien.

Le ministre n’aurait pas non plus pu recourir à l’égard de Monsieur … à une des mesures moins coercitives, telles que prévues aux points a), b) et c) de l’article 22, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, dans la mesure où ce dernier ne disposerait pas d’un passeport, respectivement de tout autre document justificatif de son identité, ne présenterait pas de garanties de représentation effectives, pour ne pas disposer d’un domicile fixe, respectivement d’attaches quelconques au Luxembourg et dans la mesure où il ne serait pas susceptible de fournir une garantie financière à hauteur de 5.000 euros.

Finalement, le délégué du gouvernement argumente que la décision déférée du 14 janvier 2021 ne violerait pas l’article 2 du 4e Protocole additionnelle à la CEDH, étant donné que l’article 5 de la CEDH prévoirait expressément la privation de liberté d’une personne faisant l’objet d’une procédure d’expulsion, la partie étatique précisant encore, dans ce cadre, que la Déclaration universelle des droits de l’homme n’aurait qu’une valeur déclarative.

Le tribunal n'étant pas lié par l'ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis, il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant.

Il y a, à titre liminaire, lieu de relever que l’argumentation du demandeur quant à sa renonciation à sa demande de protection internationale présentée le 5 mars 2020, telle que véhiculée par le biais du courrier de son litismandataire du 3 septembre 2020, est dépourvue de pertinence, dans la mesure où ladite demande a d’ores et déjà fait l’objet de la décision de transfert du 3 août 2020, décision coulée en force de chose décidée pour ne pas avoir fait l’objet d’un recours contentieux.

Quant au fond, force est, tout d’abord, au tribunal de constater que suivant le dernier état des conclusions de la partie étatique, le placement en rétention de Monsieur … est fondé sur l’article 22, paragraphe (2), points c) et d) de la loi du 18 décembre 2015 aux termes duquel : « (…) (2) Un demandeur ne peut être placé en rétention que: (…) c) lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige;

d) conformément à l’article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride et lorsqu’il existe un risque de fuite basé sur un faisceau de circonstances établissant que le demandeur a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement; (…) ».

Le paragraphe (3) de l’article 22, précité, dispose, quant à lui, que : « (3) La décision de placement en rétention est ordonnée par écrit par le ministre sur la base d’une appréciation au cas par cas, lorsque cela s’avère nécessaire et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées.

On entend par mesures moins coercitives:

a) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité;

b) l’assignation à résidence dans les lieux fixés par le ministre, si le demandeur présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite;

l’assignation à résidence peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour le demandeur l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence du demandeur dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer au demandeur, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne. La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé;

c) l’obligation pour le demandeur de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder si les motifs énoncés au paragraphe (2) ne sont plus applicables ou en cas de retour volontaire. (…) ».

En vertu de l’article 22, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015 : « La décision de placement en rétention indique les motifs de fait et de droit sur lesquelles elle est basée.

Elle est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois. Sans préjudice des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en matière de rétention, la mesure de placement en rétention peut être reconduite par le ministre chaque fois pour une durée de trois mois tant que les motifs énoncés au paragraphe 2, sont applicables, mais sans que la durée de rétention totale ne puisse dépasser douze mois.

Les procédures administratives liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue. Les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne peuvent justifier une prolongation de la durée de rétention. (…) ».

L’article 22, paragraphe (2), point c) de la loi du 18 décembre 2015 permet dès lors au ministre de placer un demandeur de protection internationale en rétention administrative pour une durée maximale de trois mois lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige.

Le point d) de l’article 22, paragraphe (2), de la même loi, qui renvoie à l’article 28 du règlement Dublin III, permet, quant à lui, de placer un demandeur de protection internationale en rétention administrative pour la même durée maximale de trois mois en vue de garantir les procédures de transfert prévues par ledit règlement sous condition qu’il existe un risque de fuite non négligeable dans le chef de cette personne, basé sur un faisceau de circonstances établissant que l’intéressé a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement.

L’article 22, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015 ajoute que le placement en rétention ne peut être ordonné que si aucune des mesures moins coercitives prévues à ses points a), b) et c) - à savoir, (i) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à des intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, (ii) l’assignation à résidence, assortie, le cas échéant, d’une mesure de surveillance électronique, et, (iii) le dépôt d’une garantie financière d’un montant de cinq mille euros - ne peut être efficacement appliquée.

L’article 22, paragraphe (4), de la même loi précise, par renvoi au règlement Dublin III, que la mesure de placement en rétention est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois et que les procédures liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue, sans que les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne peuvent justifier une prolongation de la durée de rétention, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter le transfert dans les meilleurs délais et que le placement ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnable nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises. Cette mesure de placement en rétention peut être reconduite, chaque fois pour une durée de trois mois, tant que les motifs énoncés à l’article 22, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 sont applicables, mais sans que la durée de rétention totale ne puisse dépasser douze mois.

Il y a encore lieu de relever que dans la mesure où les cas de figure énoncés aux points a) à e) de l’article 22, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 sont envisagés de manière alternative et non cumulative, il suffit que l’une des hypothèses y visées se trouve vérifiée en l’espèce pour que le placement en rétention du demandeur soit justifié.

En ce qui concerne le cas d’ouverture prévu à l’article 22, paragraphe (2), point c), de la loi du 18 décembre 2015, et les contestations du demandeur qu’il constituerait une menace pour l’ordre public et la sécurité intérieure, il échet de constater qu’il ressort du dossier administratif que Monsieur … a commis, en Belgique, en 2011 et en 2012 des vols qualifiés, pour lesquels il fut condamné à une peine d’emprisonnement de 15 mois par le tribunal correctionnel de Louvain, qu’il a été condamné à une peine d’emprisonnement en Italie pour avoir commis des infractions de vol aggravé, de trafic de stupéfiants et de recel et qu’il a également fait l’objet d’une détention au Luxembourg du 18 juillet 2020 au 14 janvier 2021 pour avoir commis un vol simple. A cela s’ajoute qu’il ressort des rapports de Police nos 163/2020 du 3 juin 2020, R55347/2020 du 24 juin 2020 et R55360 du 2 juillet 2020 que Monsieur … a été interpellé par les forces de l’ordre luxembourgeoises pour consommation, voire détention de stupéfiants, étant précisé que l’incident du 2 juillet 2020 concernait la consommation de stupéfiants par Monsieur … dans un tunnel ferroviaire de la gare centrale perturbant la circulation des trains. Ainsi, le comportement du demandeur traduit une attitude générale qui amène le tribunal à retenir que celui-ci constitue un risque pour l’ordre public.

Partant, au vu de ce comportement répété du demandeur, c’est a priori à bon droit que le ministre a pu décider de placer le demandeur en rétention administrative en vertu de l’article 22, paragraphe (2), point c) de la loi du 18 décembre 2015. Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation du demandeur qu’il ne présenterait aucun risque de récidive – les infractions ayant été commises en raison de son addiction aux stupéfiants – pour avoir suivi avec succès une cure de désintoxication, lors de son emprisonnement au Centre pénitentiaire de Luxembourg, dans la mesure où cette argumentation doit être qualifiée de simple allégation pour ne pas être corroborée par un quelconque élément probant concret soumis à l’analyse du tribunal.

Il s’ensuit, au regard du caractère alternatif des cas de figure énoncés aux points a) à e) de l’article 22, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 et au regard de la circonstance que le ministre pouvait valablement se passer sur le point c) dudit article, que l’analyse de la légalité et du bien-fondé du recours ministériel au point d) du même article pour justifier le placement au Centre de rétention de Monsieur … est devenue surabondante.

S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû appliquer des mesures moins coercitives, force est de rappeler que l’article 22, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015, cité ci-dessus, prévoit que le placement en rétention ne peut être ordonné que si aucune des mesures moins coercitives prévues à ses points a), b) et c) - à savoir, (i) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à des intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, (ii) l’assignation à résidence, assortie, le cas échéant, d’une mesure de surveillance électronique, et, (iii) le dépôt d’une garantie financière d’un montant de cinq mille euros - ne peut être efficacement appliquée. En ce qui concerne plus précisément les mesures moins coercitives prévues aux points a) et c) de l’article 22, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015, dans la mesure où il est constant en cause que le demandeur ne dispose pas d’un document d’identité valable et qu’il ne résulte, par ailleurs, pas des éléments soumis au tribunal ni d’ailleurs des déclarations du demandeur lui-même, qu’il serait en mesure de fournir une garantie financière à hauteur de 5.000.- euros, ces mesures moins coercitives ne sont de toute façon pas envisageables en l’espèce. S’agissant du point b) de l’article 22, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015, force est de retenir que dans la mesure où le demandeur, dépourvu de domicile fixe, voire d’une quelconque attache avec le Luxembourg, reste en défaut de fournir la moindre garantie de représentation effective, la mesure prévue au point b) dudit article 22, paragraphe (3), à savoir une assignation à résidence, ne saurait être efficacement appliquée en l’espèce.

Il suit dès lors des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 22, paragraphe (3), points a), b) et c), de la loi du 18 décembre 2015 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce.

En ce qui concerne, ensuite, les contestations du demandeur par rapport aux diligences accomplies par le ministre pour écourter au maximum sa privation de liberté, il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 22, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, la mesure de placement en rétention est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois et que les procédures liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue, sans que les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne puissent justifier une prolongation de la durée de rétention, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement du demandeur dans les meilleurs délais et que le placement ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnable nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises.

Il est constant en cause que le demandeur a été placé en rétention le 14 janvier 2021 et que le jour même les autorités policières luxembourgeoises avaient été mandatées pour organiser le transfert du demandeur vers l’Italie. Le 2 février 2021, les autorités ministérielles ont encore relancé les autorités policières afin de connaître la date effective du transfert du demandeur.

Au regard de ces démarches et du fait que l’organisation matérielle du transfert d’une personne vers un autre Etat nécessite différentes démarches, telles que le choix et l’organisation d’un moyen de transport, l’organisation d’une escorte ainsi que la coordination avec les autorités étrangères, aucun reproche tiré d’un manque de démarches ne saurait à l’heure actuelle être formulé à l’égard des autorités luxembourgeoises. Le moyen afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Il y a finalement encore lieu de rejeter le moyen du demandeur fondé sur une violation de sa liberté de circulation, telle que consacrée à l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi qu’à l’article 2 du 4e Protocole additionnelle à la CEDH, étant donné que, d’une part, l’article 5 de la CEDH admet expressément la privation de liberté d’une personne faisant l’objet d’une procédure d’expulsion, et, d’autre part, que la Déclaration universelle des droits de l’homme est per se dépourvue de valeur juridique contraignante.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 février 2021 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Laura Urbany, attaché de justice délégué, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 février 2021 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 45579
Date de la décision : 12/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-02-12;45579 ?

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