Tribunal administratif N° 45258 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 novembre 2020 1re chambre Audience publique du 16 décembre 2020 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 45258 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 novembre 2020 par Maître Nour E. Hellal, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Tunisie), de nationalité tunisienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 novembre 2020 de recourir à la procédure accélérée, de celle portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 décembre 2020 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge au tribunal administratif, en remplacement du vice-président présidant la première chambre, entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en sa plaidoirie à l’audience publique du 9 décembre 2020.
Le 11 mars 2020, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, dénommée ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le lendemain, les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service criminalité organisée/police des étrangers.
Monsieur … fut entendu en date du 20 octobre 2020 par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 3 novembre 2020, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 11 novembre 2020, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait été statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 27, paragraphe (1), point a), de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.
1 Le ministre résuma les déclarations de Monsieur … comme suit : « […] En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 12 mars 2020 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 20 octobre 2020 sur les motifs sous-
tendant votre demande de protection internationale.
Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous êtes entré irrégulièrement en France le 1er mars 2020 et qu'une obligation de quitter le territoire vous a été notifiée le 2 mars 2020. A noter qu'en date des 1er novembre 2011 et 25 octobre 2017, les autorités italiennes vous avaient également notifié des interdictions d'entrée sur le territoire et avaient signalé votre disparition.
Vous signalez avoir quitté la Tunisie en septembre 2019 à bord d'un bateau pour rejoindre l'Italie, où vous auriez introduit une demande de protection internationale et vécu jusqu'à début mars 2020. Vous auriez ensuite pris la décision de venir au Luxembourg après vous être fait contrôler sur la route par les autorités françaises. Vous précisez avoir résidé en Italie en 2011 de manière clandestine avant d'être reconduit en Tunisie après un contrôle fortuit. Vous auriez été obligé de quitter la Tunisie parce que vous auriez des problèmes avec « beaucoup » de personnes qui vous auraient prêté de l'argent et que vous ne seriez plus en mesure de rembourser ces prêts.
Il résulte de vos déclarations auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes que vous seriez célibataire, originaire de Tunis, où vous auriez vécu seul et travaillé dans la grande distribution.
Vous êtes à la recherche d'une protection internationale parce que vous auriez perdu votre maison et votre travail dans le contexte de la révolution de 2011 et que vous vivriez depuis dans des conditions financières précaires. Vous précisez avoir par le passé été bien traité par la famille de votre fiancée, mais depuis 2011, elle vous aurait mis la pression pour organiser un mariage bien que vous n'ayez pas eu les moyens. Vous auriez par la suite en plus eu des soucis médicaux de sorte que vous n'auriez plus pu vivre un quotidien normal. Vous précisez que depuis 2011, vous auriez essayé d'épargner de l'argent pour financer votre départ.
Vous ajoutez que depuis que vous auriez connu des problèmes financiers, vous auriez compris que votre fiancée aurait uniquement voulu vous épouser pour avoir une vie financière confortable, de sorte que vous n'auriez plus voulu l'épouser. En 2012, vous auriez alors été menacé de mort par des membres de famille de votre fiancée. Vous précisez dans ce contexte que vous auriez été officiellement fiancés de 2014 à 2019. Ensuite, vous précisez toutefois que vous auriez rompu avec votre fiancée en 2015 et que depuis, vous n'auriez plus été en contact avec elle ou sa famille. En 2017 et 2018, des membres de sa famille, armés d'une épée, vous auraient toutefois recherché chez votre mère et auraient fouillé et vandalisé sa maison. Vous précisez que la famille serait au courant que vous ne vous trouveriez plus en Tunisie de sorte que ce problème se serait résolu de lui-même.
Vous ne versez pas de document d'identité, ni aucun autre document à l'appui de vos dires. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2020, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation 1) de la décision précitée du ministre du 3 novembre 2020 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans 2le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.
Etant donné que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, sur le refus d’une demande de protection internationale et sur l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître du recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation ainsi introduit.
Le recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique qu’il aurait fui son pays d’origine, la Tunisie, alors qu’il y aurait fait l’objet d’un harcèlement de la part des membres de la famille de son ancienne fiancée, ainsi qu’en raison d’une « vie précaire », tout en ajoutant qu’il n’aurait pas pu bénéficier de la protection de la police ni de celle de la justice.
En droit et en ce qui concerne la décision ministérielle de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur donne à considérer qu’il se serait confié, lors de ses auditions, de façon spontanée et sans ambages, tout en ajoutant que « dans le cadre de son droit à un recours effectif », il s’en remettrait à la sagesse « du tribunal » quant à l’appréciation du choix de la procédure accélérée.
A l’appui de son recours dirigé contre la décision de refus de lui accorder une protection internationale et plus particulièrement le statut de réfugié, le demandeur donne à considérer qu’il aspirerait à une vie sociale paisible et qu’il se plaindrait de la situation insécuritaire dans son pays d’origine, la Tunisie. Il ajoute que, « compte tenu de la brièveté et de la sincérité de ses propos », il s’en remettrait là-aussi à la sagesse « du tribunal » quant à l’appréciation de la décision ministérielle de rejeter sa demande de protection internationale.
Quant à la décision ministérielle de ne pas lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, il se contente également de se rapporter à la sagesse du tribunal quant à l’appréciation faite par le ministre pour arriver à cette décision.
Finalement, le demandeur conclut encore à la réformation de l’ordre de quitter le territoire en raison du fait qu’il devrait bénéficier d’une protection internationale, ce à quoi s’ajouterait le fait qu’il faudrait prendre en considération une « actualité sanitaire INTERNATIONALE désastreuse liée à la propagation du virus COVID-19 « Corona Virus » ».
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pris en son triple volet.
Il y a lieu de relever qu’il se dégage de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, qui dispose que « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », 3qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.
A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.
Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.
Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.
1) Quant au volet du recours dirigé contre la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Il échet de relever que la décision ministérielle déférée est fondée sur le point a) de l’article 27, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, qui dispose que « (1) Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; […] ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.
La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par ce dernier ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande de protection internationale lui soumise dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.
4Afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2, point h), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f), de la même loi, comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
Aux termes de l’article 2, point g), de la loi 18 décembre 2015 est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ». L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».
En outre, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être:
a) l’Etat;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de 5la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur de protection internationale ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.
Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.
En l’espèce, force est de constater que concernant le recours contre la décision ministérielle de procéder à l’analyse de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, la requête introductive d’instance ne prend aucunement position quant au reproche ministériel suivant lequel les faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale seraient dénués de toute pertinence au regard de l’examen de celle-ci, le demandeur se limitant à prétendre que son récit aurait été présenté « de façon spontanée, sans ambages », tout en se contentant, pour le surplus, de s’en remettre à la sagesse « du tribunal ».
Or, à défaut d’avoir formulé le moindre moyen en fait ou en droit de nature à sous-
tendre sa demande tendant à la réformation de la décision critiquée, respectivement faute d’une quelconque prise de position circonstanciée à cet égard dans la requête introductive d’instance, le constat du ministre selon lequel les faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande ne se 6trouve manifestement pas énervé, étant relevé qu’il n’appartient pas à la soussignée de suppléer à la carence du demandeur et de rechercher elle-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours tendant à la réformation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour être manifestement infondé.
2) Quant à la décision de refus d’accorder une protection internationale S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder une protection internationale au demandeur, il convient de relever que là non plus le demandeur n’a pas formulé le moindre moyen en fait ou en droit de nature à sous-tendre sa demande tendant à la réformation de la décision critiquée, ni ne prend-il position par rapport aux motifs de refus lui concrètement opposés, mais qu’il se limite à s’en remettre à la sagesse « du tribunal » quant à l’appréciation du bien-fondé de la décision ministérielle lui refusant l’octroi de l’un des statuts conférés par la protection internationale.
Etant donné cependant, tel que relevé ci-avant, qu’il n’appartient pas à la soussignée de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher elle-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, et en l’absence de toute contestation utile des motifs à la base du refus ministériel de lui accorder l’un des statuts conférés par la protection internationale - la simple affirmation non autrement étayée que le demandeur « aspire à une vie sociale paisible et se plaint de la situation insécuritaire dans son pays » étant manifestement insuffisante à cet égard -, la soussignée ne saurait que réitérer son analyse précédente en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure que l’appréciation ministérielle suivant laquelle le demandeur n’a pas apporté le moindre élément de nature à établir qu’il existerait dans son chef des raisons sérieuses de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la loi, pour arriver à la conclusion qu’il ne remplit pas les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, n’a manifestement pas été utilement énervée.
Au vu de ces considérations, le recours contre la décision de refus d’un statut de protection internationale est également à rejeter pour être manifestement infondé.
Il s’ensuit que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.
3) Quant à la décision portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34 paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2, point q), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre, visée à l’article 34 paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
7Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’invocation, de la part du demandeur, de la crise sanitaire mondiale liée à la pandémie du virus COVID-19, dans la mesure où celle-
ci concerne exclusivement un problème d’exécution de l’ordre de quitter le territoire prononcé à son égard, considération ne relevant pas de la compétence du tribunal administratif, et non pas la légalité ou le bien-fondé de ladite mesure.
Il s’ensuit qu’à défaut de tout autre moyen y relatif, le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter pour être manifestement infondé.
Par ces motifs, le juge au tribunal administratif, en remplacement du vice-président présidant la première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 3 novembre 2020 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée, sur celle portant refus d’une protection internationale et sur celle portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;
déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 décembre 2020 par la soussignée, Alexandra Bochet, juge au tribunal administratif, en remplacement du vice-président présidant la première chambre, en présence du greffier Luana Poiani.
s. Luana Poiani s. Alexandra Bochet Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 décembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 8