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10/08/2020 | LUXEMBOURG | N°41214

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 août 2020, 41214


Tribunal administratif N° 41214 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 mai 2018 2e chambre Audience publique extraordinaire du 10 août 2020 Recours formé par Monsieur … et Monsieur …, …, contre des actes du conseil communal de Bertrange et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41214 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mai 2018 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de Monsieur … et de Monsieur …, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation :

1) «...

Tribunal administratif N° 41214 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 mai 2018 2e chambre Audience publique extraordinaire du 10 août 2020 Recours formé par Monsieur … et Monsieur …, …, contre des actes du conseil communal de Bertrange et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41214 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mai 2018 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de Monsieur …, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation :

1) « [de] la décision du conseil communal, datée du 28 septembre 2017, portant approbation du projet de modification ponctuelle des parties graphique et écrite du PAG concernant des fonds sis à Bertrange au lieu-dit « Brill » ;

2) [de] la décision du conseil communal, datée du 08 décembre 2017, portant approbation définitive du projet de modification ponctuelle des parties graphique et écrite du PAG concernant des fonds sis à Bertrange au lieu-dit « Brill » ;

3) [de] la décision du conseil communal, datée du 09 janvier 2018, portant approbation définitive du projet de modification ponctuelle des parties graphique et écrite du PAG concernant des fonds sis à Bertrange au lieu-dit « Brill » ;

4) [de] la décision du ministre de l’Intérieur, datée du 19 février 2018, portant approbation de la délibération du conseil communal du 09 janvier 2018 ;

5) [du] schéma directeur " Brill " de la commune de Bertrange du 12 septembre 2017 » ;

Vu l'exploit de l'huissier de justice suppléant Laura Geiger, en remplacement de l'huissier de justice Carlos Calvo, demeurant à Luxembourg, du 8 juin 2018, portant signification du susdit recours à l'administration communale de Bertrange, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, ayant sa maison communale à L-8058 Bertrange, 2, Beim Schlass ;

Vu la constitution d'avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 11 juin 2018 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l'administration communale de Bertrange, préqualifée ;

Vu la « requête en intervention volontaire » déposée le 15 octobre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Feyereisen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … SA, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite 1au Registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, sollicitant l’autorisation d’intervenir dans l’instance introduite par le recours en annulation portant le numéro 41214 du rôle et dirigé contre des actes du conseil communal de Bertrange et une décision du ministre de l’Intérieur ;

Vu l’ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif du 17 octobre 2018 autorisant la société anonyme … SA, préqualifiée, à déposer un mémoire au greffe du tribunal administratif et fixant les délais pour le dépôt des mémoires subséquents ;

Vu le mémoire en intervention volontaire déposé au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 2018 par la société anonyme … SA, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2019 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2019 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Bertrange, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 février 2019 par Maître Georges Krieger, au nom des parties demanderesses ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2019 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 mars 2019 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de Bertrange ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que les « actes attaqués » ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, Maître Steve Helminger, Maître Marc Feyereisen et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Muller en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 janvier 2020.

Le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Bertrange, désigné ci-après par « le collège des bourgmestre et échevins », porta, par avis publié le 9 octobre 2016 à la connaissance du public que le conseil communal de Bertrange, ci-après désigné par « le conseil communal », avait, lors de sa séance du 28 septembre 2017, notamment approuvé « provisoirement le projet de modification ponctuelle du plan d’aménagement général de la Commune de Bertrange concernant des fonds sis à Bertrange « Brill ».

Par courrier de leur litismandataire du 6 novembre 2017, Messieurs … et … firent valoir leurs objections auprès du collège des bourgmestre et échevins.

Le bureau d’urbanisme … rendit un avis en date du 8 novembre 2017.

Par courrier du 9 novembre 2017, Messieurs … et … furent invités à une réunion avec le collège échevinal en date du 30 novembre 2017.

2En date du 22 novembre 2017, la Commission d’aménagement émit son avis.

Lors de sa séance publique du 30 novembre 2017, le collège des bourgmestre et échevins décida « avec toutes les voix » de soumettre « au conseil communal les différents dossiers de réclamations, et la présente proposition visant à tenir compte d’une partie des objections, les autres étant à considérer comme n’aboutissant à un résultat satisfaisant les deux parties en présence, sachant que l’extension de la Cité … a été prévue dans la procédure d’approbation du PAP concernant la cité actuelle, à savoir :

 la modification ponctuelle du PAG, lors du futur PAP, sera réalisée en deux phases,  la densité de logement (DL) sera réduite à 35 pour la phase des logements individuels et le niveau des logements encadrés sera adapté à une hauteur maximale de 3,8 étages,  les logements encadrés seront adaptés en fonction du futur quartier résidentiel, qui sera réalisé sous réserve d’accord des propriétaires concernés et de la construction d’un accès/sortie à partir de la rue …,  le cas échéant, la partie écrite sera adaptée aux considérations ci-avant, d’une part, ainsi qu’aux propositions de la Commission d’aménagement, d’autre part, non sans tenir compte de l’avis du département de l’environnement du MDDI du 01.12.2017, référence …, et à titre accessoire :

 le projet de fermeture temporaire, à titre d’essai, de l’accès/sortie actuel dans la rue … sera réalisé de concours avec les riverains pour une phase transitoire. » Lors de sa séance publique du 8 décembre 2017, le conseil communal, « avec neuf voix contre quatre :

1. décid[a] d’approuver définitivement le projet de modification ponctuelle des parties graphique et écrite du plan d’aménagement général concernant des fonds sis à Bertrange au lieu-dit « Brill », présenté par le collège des bourgmestre et échevins et élaboré par le bureau d’études …, conformément au rapport justificatif avisé par la Commission d’Aménagement auprès du Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire réunie en sa séance du 15 novembre 2017 référence … et au dossier complet de modification ponctuelle du PAG, soit des parties écrite et graphique annexées, tenant compte de différentes modifications et adaptations, reprises dans les parties écrites et graphiques faisant partie du dossier d’approbation reprises en annexe et conformément aux conclusions du collège échevinal du 31.11.2017, reprises ci-avant, 2. décid[a] de publier dans un délai de huit jours qui suivent le présent vote, sa décision pendant 15 jours dans la commune, conformément à l’article 15 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 et de la notifier aux réclamants par lettre recommandée avec avis de réception, 3. décid[a] de transmettre la présente étayée du dossier complet aux instances gouvernementales aux fins d’approbation, en respectant les délais conformément à l’article 15 de la loi du 19 juillet 2004 et toutes autres conditions d’approbation du dossier. » 3Par courrier de leur litismandataire du 27 décembre 2017, Messieurs … et … introduisirent auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », une réclamation à l’encontre de la susdite délibération du conseil communal du 8 décembre 2017.

Lors de sa séance publique du 9 janvier 2018, le conseil communal, « avec neuf voix contre quatre :

1. décid[a] de confirmer, sur base des arguments complémentaires mentionnés ci-

avant, sa décision d’approbation définitive du 08.12.2017 le projet de modification ponctuelle des parties graphique et écrite du plan d’aménagement général concernant des fonds sis à Bertrange au lieu-dit « Brill », présenté par le collège des bourgmestre et échevins et élaboré par le bureau d’études …, adapté conformément à l’avis de la Commission d’Aménagement auprès du Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire réunie en sa séance du 15 novembre 2017 référence … et au dossier complet de modification ponctuelle du PAG, soit des parties écrite et graphique annexées, tenant compte de différentes modifications et adaptations, reprises en annexe et conformément aux conclusions du collège échevinal du 30.11.2017.

2. décid[a] de transmettre la présente confirmation de décision à l’attention de M. le ministre de l’Intérieur aux fins d’approbation, conformément à l’article 17 de la loi du 19 juillet 2004 et toutes autres conditions d’approbation du dossier. » La commission d’aménagement émit un avis en date du 9 février 2018, suite à une séance tenue le 17 janvier 2018.

Par décision du 19 février 2018, le ministre approuva ladite délibération du conseil communal du 9 janvier 2018 portant adoption du projet de modification du plan d’aménagement général et déclara recevable et non fondée la réclamation de Messieurs … et ….

Ladite décision ministérielle est libellée comme suit :

« (…) Par la présente, j'ai l'honneur de vous informer que j'approuve la délibération du conseil communal du 9 janvier 2018 portant adoption du projet de modification du plan d'aménagement général de la commune de Bertrange, concernant des fonds sis à Bertrange, au lieu-

dit « Brill ».

Cette décision est basée sur l'article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain.

Les réclamations émanant de (…), de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Messieurs … et …, ainsi que de Maître Georges Krieger au nom et pour le comte de (…) sont déclarées recevable en la forme et quant au fond non fondées.

Tout d'abord, pour ce qui est des doléances invoquées par les réclamants quant à la densité de logement prévue pour la zone HAB-1bis, force est de constater qu'elle a été sensiblement réduite lors de l'adoption du projet par le conseil communal.

En fait, la densité de logement est passée de 65 unités à 35 unités à l'hectare. Or une telle densité est parfaitement adaptée pour un site proche du centre d'une localité prioritaire pour le développement.

4 Aussi les réclamants s'opposent-ils à la densité de logement de 125 unités de logement par hectare pour la zone HAB-TA.

Dans ce contexte, il convient de relever que les fonds concernés par cette zone sont réservés à l'aménagement d'une structure d'accueil pour résidents du troisième âge. Dans les logements encadrés, les personnes âgées autonomes ou faiblement dépendantes doivent avoir la possibilité de vivre dans des logements essentiellement de taille réduite, adaptés à leurs besoins et doivent pouvoir profiter d'une série de prestations et de services qui leur facilitent la vie. Il s'agit essentiellement de prestations d'assistance et de soins, de services d'hôtellerie ainsi que de lieux de vie communs.

Or, afin de garantir à terme la pérennité et la rentabilité d'une telle structure ainsi qu'une certaine qualité de vie aux futurs résidents, la nécessité d'une densité de logement adéquate en résulte.

Qui plus est, il y a lieu de noter que les fonds en question, de par leur situation à proximité du centre de Bertrange, se prêtent parfaitement à l'implantation d'un tel projet.

Ensuite, les réclamants évoquent un surplus de trafic généré par cette structure d'accueil. Il s'avère toutefois évident que des logements encadrés ne génèrent quantitativement moins de trafic « classique », notamment aux heures de pointe.

Par ailleurs, les réclamants font mention à des travaux de canalisation et de routes prévus lors de la phase 2 dans une « zone protégée d'intérêt communautaire Natura 2000 » longeant le futur quartier. Force est de constater que la zone en question ne couvre les fonds litigieux que minimalement au sud du projet.

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que l'article 12 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles dispose que tout projet ou plan susceptible d'affecter une zone protégée fait l'objet d'une autorisation individuelle du ministre de l'Environnement, indépendamment du classement de la zone dans le plan aménagement général.

Aussi la servitude d'urbanisation — "Ecran de verdure" vise à assurer les transitions entre les zones urbanisées ou destinées à être urbanisées et les zones destinées à rester libre, ainsi qu'à atténuer les impacts écologiques du développement urbain. Toute construction et tout aménagement à l'exception de l'aménagement d'un bassin de rétention pour eaux superficielles et de l'accès à partir de la rue … y sont interdits.

Dans ce contexte, il y a lieu de relever que le présent projet fût approuvé le 15 janvier 2018 par la ministre de l'Environnement.

De même, la revendication de couvrir la deuxième phase du projet d'une « zone d'aménagement différé » (ZAD) n'est pas justifiée.

En effet, il s'agit plutôt de finaliser les deux phases du projet dans les meilleurs délais, ce qui permettra aussi l'aménagement d'un troisième accès au futur lotissement au plus vite.

Finalement, les arguments invoqués pour marquer leur opposition à un accord en tant que propriétaires des terrains concernés en vue de réaliser l'accès ainsi que les travaux d'infrastructure, notamment des axes d'eaux pluviales et d'eaux usées, via la rue … ne sont pas fondés, étant donné que le projet doit impérativement être réalisé en deux phases distinctes. La partie écrite du schéma directeur détaille que, pour l'exécution de la première phase, les infrastructures pourront être reliées à la rue …. La réalisation de la deuxième phase sera subordonnée à la construction d'une entrée/sortie avec toutes les infrastructures nécessaires vers la rue ….

5La présente décision sort ses effets sans préjudice des charges qui grèvent ou pourront grever les fonds en question en vertu d'autres dispositions légales ou réglementaires.

En exécution de l'article 13 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un recours en annulation devant les juridictions de l'ordre administratif doit être introduit au plus tard dans les trois mois qui suivent la notification de la décision aux parties intéressées ou le jour où ces derniers ont pu en prendre connaissance.

Je me permets de vous rappeler qu'il y a lieu d'exécuter les dispositions de l'article 82 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 afin de mener à bon terme la présente procédure.

(…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 mai 2018, Messieurs … et … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation 1) « [de] la décision du conseil communal, datée du 28 septembre 2017, portant approbation du projet de modification ponctuelle des parties graphique et écrite du PAG concernant des fonds sis à Bertrange au lieu-dit « Brill » ;

2) [de] la décision du conseil communal, datée du 08 décembre 2017, portant approbation définitive du projet de modification ponctuelle des parties graphique et écrite du PAG concernant des fonds sis à Bertrange au lieu-dit « Brill » ;

3) [de] la décision du conseil communal, datée du 09 janvier 2018, portant approbation définitive du projet de modification ponctuelle des parties graphique et écrite du PAG concernant des fonds sis à Bertrange au lieu-dit « Brill » ;

4) [de] la décision du ministre de l’Intérieur, datée du 19 février 2018, portant approbation de la délibération du conseil communal du 09 janvier 2018;

5) [du] schéma directeur « Brill » de la commune de Bertrange du 12 septembre 2017 ; » A titre liminaire le tribunal relève qu’il lui appartient de déterminer la suite du traitement des moyens et arguments des parties compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’inscrivent, sans être lié par l’ordre dans lequel les moyens ont été présentés par les parties, l’examen des moyens tenant à la légalité externe devant précéder celui des moyens tenant à la légalité interne.

1. Quant à la compétence Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre, intervenue après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant entendu que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision ministérielle litigieuse ayant statué sur la réclamation introduite par le demandeur, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.

1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2019, V° Actes réglementaires, n° 49 et les autres références y citées.

6Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre des actes déférés.

2. Quant à la loi applicable Le tribunal précise que la procédure d’adoption d’un plan d’aménagement général, ci-après désigné par « PAG », est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire et (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des actes déférés et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à apprécier la légalité de la décision déférée en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où elle a été prise2, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par les lois, précitées, des 17 avril et 18 juillet 2018, adoptées et entrées en vigueur postérieurement à la prise des actes déférés, ne sont pas à prendre en considération en l’espèce.

Selon les dispositions transitoires figurant à l’article 108 de la loi du 19 juillet 2004, telle que modifiée par la loi du 14 juin 2015, « (1) Les plans ou projets d’aménagement général fondés sur la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes en vigueur au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi doivent faire l’objet d’une refonte complète conformément à la présente loi. (…) ». En attendant la mise en œuvre de la refonte du PAG, l’article 108bis de la même loi, telle que modifiée par la loi du 28 juillet 2011, prévoit que : « (1) Les plans ou projets d’aménagement général fondés sur la loi du 12 juin 1937 précitée peuvent être modifiés et complétés ponctuellement conformément à la procédure d’approbation prévue par les articles 10 à 18 de la présente loi, sans que l’élaboration d’une étude préparatoire ne soit nécessaire. (…) ». En l’espèce, il est constant que les décisions déférées portent sur une modification ponctuelle du PAG de la commune de Bertrange, n’ayant, au moment des actes litigieux, pas encore fait l’objet d’une refonte au sens de l’article 108 de la loi du 19 juillet 2004 et étant partant fondé sur la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et agglomérations importantes, ci-après « la loi du 12 juin 1937 ». Il s’ensuit que la procédure d’adoption de la modification ponctuelle du PAG de Bertrange tombe sous l’application de la loi du 19 juillet 2004 dans sa version telle que modifiée par la loi « Omnibus ».

3. Quant à la recevabilité 2 trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Recours en annulation, n° 20 et les autres références y citées.

7Il appartient en premier lieu au tribunal de se prononcer sur la recevabilité de la requête en intervention volontaire, avant de se prononcer sur la recevabilité du recours principal en annulation, notamment sur le moyen tiré du défaut d’intérêt à agir pour perte d’objet dans le chef des demandeurs.

1. Quant à la recevabilité de la requête en intervention volontaire Il convient en premier lieu de vérifier la recevabilité de l’intervention volontaire introduite par la société anonyme … SA, ci-après désignée par « la société … ».

A cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une intervention est recevable dès lors que l’intervenant justifie d’un intérêt direct ou indirect, matériel ou moral, la jurisprudence des juridictions civiles admettant même que le risque que le jugement à intervenir ne crée un simple préjugé favorable comme constitutif d’un intérêt suffisant pour intervenir3, l’intérêt à intervenir étant d’ailleurs apprécié de manière plus libérale que l’intérêt à agir, de sorte que sont recevables à intervenir tous ceux qui n’ont pas un intérêt direct à la solution du litige, mais à l’égard desquels le principe de cette solution peut avoir des incidences4.

A ce titre, la société anonyme … SA expose avoir un intérêt à intervenir en tant que propriétaire puis de vendeur ayant acquis puis revendu les terrains suivants par acte notarié en date du 22 mars 2018:

Commune de BERTRANGE, section A de BERTRANGE -Numéro …, « … », terre labourable, contenant … ares … centiares ;

-Numéro …, même lieu-dit, pré, contenant … ares … centiares ; -Numéro …, même lieu-dit, pré, contenant … ares … centiares ;

-Numéro …, lieu-dit : « … », terre labourable, contenant … ares … centiares, et -Numéro …, même lieu-dit, terre labourable, contenant … hectare … ares … centiares.

Elle indique que la récolte des fruits de l'opération commerciale réalisée, après des années très intensives en travaux de conception et de collaboration à l'élaboration de la modification de la partie graphique du PAG de la Commune de Bertrange, dépendrait à 100 % de l'entérinement définitif de cette même modification alors que le payement du solde du prix de vente dépendra de la réalisation finale du projet au lieu-dit « Brill » de cette même commune.

Le tribunal est amené à retenir qu’au regard de ses explications, la société …, en tant que personne dont le paiement de l’opération commerciale finale dépend de la réalisation du projet et ainsi du classement des terrains vendus, doit être considérée comme justifiant d’un intérêt suffisant pour intervenir volontairement dans le présent litige et présenter ses moyens.

2. Quant à la question du caractère décisionnel de la délibération du conseil communal du 28 septembre 2017 Dans le cadre de son mémoire en réponse, la partie étatique soulève l’irrecevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la délibération du conseil communal du 28 septembre 2017, par laquelle ledit conseil a décidé qu’il « (…) approuve provisoirement le projet de modification 3 Voir Lux. 21 juin 1972, Pas. 22, p. 229.

4 trib. adm. 22 juillet 2009, n° 24495 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse, n°487 et les autres références y citées ; voir aussi trib. adm. 11 janvier 2012, n° 27576, 27679, 27689 et 28442 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

8 ponctuelle du plan d’aménagement général de la Commune de Bertrange concernant des fonds sis à Bertrange « Brill », (…) ». A cet égard, elle cite un jugement du 9 octobre 2017, inscrit sous le numéro 37673 du rôle, renvoyant à un arrêt de la Cour administratives du 15 décembre 2016, inscrit sous le numéro 38139C du rôle, tout en retenant que la délibération concernant le premier vote du conseil communal ne constituerait qu’une « mise sur orbite » du projet de modification du PAG, de sorte que le recours contre une telle délibération serait irrecevable.

La partie communale conclut également à l’irrecevabilité de la délibération du conseil communal du 28 septembre 2017. Elle considère qu’à la lecture du dispositif de cette délibération, il ressortirait clairement que celle-ci constituerait une délibération prise en exécution de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004, de sorte que conformément à la jurisprudence citée par les parties requérantes le recours serait à déclarer irrecevable en ce qu’il serait dirigé contre cette délibération.

Les parties demanderesses pour leur part sont d’avis que la délibération du conseil communal du 28 septembre 2017 ne constituerait pas une simple « mise sur orbite », mais correspondrait à une véritable décision administrative puisque cette approbation provisoire de modification ponctuelle du PAG tendrait à abroger le PAP 6190/77, ainsi que son approbation ministérielle du 7 décembre 1977.

A titre liminaire, le tribunal est amené à préciser que l’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, c’est-

à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de celui qui réclame. N’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision.5 Il convient ensuit de souligner que selon une jurisprudence devenue constante, le tribunal administratif6 a retenu par référence à un arrêt de la Cour administrative du 15 décembre 2016, portant le numéro 38139C du rôle, que le vote positif émis par le conseil communal, en application de l’article 10, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004, n’est pas à qualifier de décision administrative, étant donné qu’aux termes dudit arrêt de la Cour administrative, le vote en question n’est plus comparable à l’adoption provisoire du PAG à laquelle le conseil communal procédait sous l’empire de la loi du 19 juillet 2004, dans sa version antérieure à la modification intervenue par la loi du 28 juillet 2011, en ce qu’il ne constitue qu’une « (…) mise sur orbite [du] projet (…) », respectivement un « feu vert » que le conseil communal donne au collège échevinal pour continuer la procédure et pour procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004, après avoir constaté que le projet est suffisamment élaboré à cette fin.

Or, une telle « mise sur orbite », respectivement un tel « feu vert », qui n’emporte aucune adoption ou approbation du PAG, mais qui traduit le seul constat du conseil communal que le projet est suffisamment élaboré pour que le collège échevinal puisse continuer la procédure, ne fait que préparer l’adoption ultérieure du PAG, sans être susceptible de produire par elle-même, respectivement par lui-même des effets juridiques sur la situation personnelle ou patrimoniale des administrés, de sorte à constituer, non pas un acte administratif de nature à faire grief, mais un simple acte préparatoire ne pouvant, en tant que tel, faire l’objet d’un recours contentieux.

5 trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm. 19 février 1998, n° 10263C du rôle, Pas. adm. 2019, V° Actes administratifs, n° 63 et les autres références y citées.

6 trib. adm. 9 octobre 2017, n°37659 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Actes administratifs, n° 63 et l’autre référence y citée.

9Il s’ensuit que le vote du conseil communal du 28 septembre 2017 ne constitue pas une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux, de sorte que le recours en annulation est à déclarer irrecevable pour autant qu’il vise ladite délibération du conseil communal du 28 septembre 2017. Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’affirmation des parties demanderesses selon laquelle l’approbation provisoire du PAG viendrait abroger le PAP 6190/77 dans la mesure où tel n’est pas le cas en l’espèce puisque tel qu’indiqué par les demandeurs eux-mêmes, il ne s’agit que d’une décision provisoire de continuer la procédure, de sorte que celle-

ci ne saurait faire grief aux demandeurs.

3. Quant au moyen ayant trait à l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé contre le schéma directeur « Brill » de la commune de Bertrange du 12 septembre 2017 Concernant ensuite le volet du recours visant le schéma directeur, les demandeurs font valoir qu’un schéma directeur constituerait un acte administratif à caractère règlementaire, susceptible d’un recours en réformation, sinon en annulation, indépendamment du recours porté à l’encontre du PAG.

Ils argumentent que le schéma directeur serait un acte produisant des effets de droit voulus par les autorités dont il émane et qu’il serait à considérer comme hiérarchiquement supérieur aux PAP, qui seraient astreints au respect des prescriptions contenues dans ces schémas. Ils concluent qu’un schéma directeur serait susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux direct ou par voie incidente.

La partie étatique cite un jugement du 30 juillet 2014, inscrit sous le numéro 33181 du rôle et conteste la recevabilité d’un recours en annulation contre le schéma directeur indépendamment du recours porté à l’encontre du PAG. Le schéma directeur serait un instrument sui generis, qui devrait être considéré comme acte préparatoire majeur de la procédure d’approbation du PAG, sans pour autant être de nature à faire grief.

L’administration communale de Bertrange conclut également à l’irrecevabilité du volet du recours dirigé contre le schéma directeur, au motif qu’un schéma directeur ne serait pas un acte susceptible de recours. Elle considère que le schéma directeur ne constituerait qu’un guide d’orientation permettant de visualiser une possible future intégration d’un PAP à réaliser sur le site en question dans le tissu urbain existant. Un tel schéma directeur ne serait pas à ranger à un niveau hiérarchique supérieur à un PAP, de sorte qu’il serait dépourvu d’effets juridiques et qu’il ne serait partant pas susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux.

Les demandeurs dans leur mémoire en réplique, après avoir cité les documents parlementaires portant le numéro 6023, sont d’avis que le schéma directeur serait un acte administratif à caractère réglementaire, susceptible d’un recours en annulation. D’ailleurs ceci serait traduit par l’article 29 (2), alinéa 3 de la loi du 19 juillet 2004, dont les termes seraient non équivoques quant au caractère contraignant desdits schémas, auxquels il ne pourrait être dérogé que moyennant des conditions strictes. Le libellé de l’article en ferait un acte ayant une forte valeur contraignante, ou autrement dit, règlementaire. Partant, ce dernier devrait être considéré comme un acte administratif susceptible d’être querellé en lui-même. Ils en concluent que le schéma directeur serait un document supérieur qui se devrait d’être respecté par les PAP. Il créerait, en lui-même, des effets de droit et devrait donc être susceptible de recours.

Force est au tribunal de constater qu’en application de l’article 7 (2) de la loi du 19 juillet 2004, ainsi que du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu de l’étude préparatoire d’un plan d’aménagement général, pris en exécution du prédit article 7 (2) de la loi du 19 juillet 2004, le schéma directeur constitue une composante de l’étude préparatoire sur base de 10laquelle un projet d’aménagement général est élaboré en vertu du même article 7 (2). L’étude préparatoire, tel que son nom l’indique, doit forcément précéder l’adoption d’un nouveau ou la modification d’un PAG. Le schéma directeur, faisant partie de l’étude préparatoire, constitue donc un élément préalable à l’élaboration ou la modification d’un PAG et est partant à considérer comme instrument d’orientation du développement urbain, dépourvu d’effet juridique direct7.

Contrairement aux explications des demandeurs, force est donc au tribunal de constater qu’un schéma directeur constitue un acte préparatoire dans la procédure de l’élaboration d’un PAG et non point un acte administratif à caractère règlementaire indépendant. Or, l’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame8. Plus particulièrement n’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision9, ces derniers échappant au recours contentieux pour ne faire que préparer la décision finale et qui constituent des étapes dans la procédure d’élaboration de celle-ci10.

Il s’ensuit qu’un schéma directeur en tant qu’acte préparatoire d’un acte administratif à caractère règlementaire, à savoir d’un PAG, n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux et que le volet du recours dirigé contre le « schéma directeur « Brill » » de la commune de Bertrange du 12 septembre 2017 est à déclarer irrecevable. Il convient néanmoins de préciser que si le schéma directeur ne constitue pas un acte administratif à caractère règlementaire susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux indépendant, sa régularité n’échappe pas pour autant au contrôle du juge, dans la mesure où elle sera analysée dans le cadre d’un recours contentieux introduit, le cas échéant contre le PAG élaboré sur base d’une étude préparatoire comprenant ledit schéma directeur.

4. Quant au moyen d’irrecevabilité ayant trait à un défaut d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs Dans le cadre de son mémoire en réponse, la partie étatique relève qu’en l’absence de réclamation à l’encontre de la refonte du PAG de Bertrange, le présent recours serait irrecevable.

En effet, l’analyse du PAG modifié, objet du présent recours, et du PAG refondu, en procédure d’adoption au moment de la rédaction du mémoire, permettrait de constater que les deux plans seraient identiques. Or, dans la mesure où les parties demanderesses n’auraient pas introduit de recours en annulation contre le projet de refonte du PAG dans les délais impartis, elles ne seraient plus en mesure de démontrer un intérêt actuel puisque peu importe l’issue du présent recours, en l’absence de réclamation contre le projet de refonte du PAG à ce moment en procédure, le PAG refondu s’imposerait et viendrait soit confirmer la situation actuelle, soit revenir à la situation actuelle, même en cas d’annulation des décisions déférées.

7 v. travaux préparatoires à l’adoption de la loi du 28 juillet 2011 portant modification de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain, doc parl n° 6023, exposé des motifs p.4 et commentaire des articles, ad article 6, p. 24.

8 trib. adm. 18 mars 1998, n° 10286, Pas. adm. 2019, V° Actes administratifs, n° 43, et les autres références y citées.

9 trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9658, confirmé sur ce point par arrêt du 19 février 1998, n° 10263C, Pas. adm. 2019, V° Actes administratifs, n° 63 et les autres références y citées.

10 Cour adm. 22 janvier 1998, n° 9647C, 9759C, 10080C, 10276C, Pas. adm. 2019, V° Actes administratifs, n° 62, et autres références y citées.

11L’administration communale de Bertrange pour sa part rappelle que le nouveau PAG de la commune aurait été mis en procédure par délibération du conseil communal du 8 juin 2018 et approuvé définitivement en date du 10 janvier 2019. Elle considère que du fait que les parties demanderesses auraient omis de faire valoir leur réclamation endéans les délais légaux dans le cadre de l’adoption du nouveau PAG de la commune, elles seraient forclos d’en entreprendre l’annulation devant le tribunal administratif. Elle est également d’avis qu’étant donné que ce nouveau PAG de la commune reprendrait exactement et à l’identique la modification du PAG faisant l’objet du présent recours et même à supposer par impossible que les parties demanderesses devraient obtenir gain de cause dans la présente affaire, un tel gain de cause ne saurait leur servir alors que les classements contestés auraient entretemps été repris dans le nouveau PAG de la commune. Elle en déduit que les parties demanderesses ne sauraient se voir reconnaître le moindre intérêt à agir.

En raison des mêmes arguments, l’administration communale est d’avis que la présente affaire aurait perdu tout objet.

Les demandeurs répliquent que cette argumentation serait parfaitement contraire à l'esprit de la loi du 19 juillet 2004, laquelle inviterait les parties à discuter, et à aplanir les différends.

En effet l’argumentation des parties défenderesses selon laquelle leur intérêt serait inexistant, dès lors qu'ils n'auraient pas fait valoir de réclamation contre le nouveau PAG de la commune de Bertrange, lequel reprendrait exactement la modification ponctuelle querellée, serait pour le moins choquante de la part d'autorités publiques. En l'espèce, l'une comme l'autre auraient été bien au fait de leurs réclamations à l'encontre de ces nouvelles prescriptions - qu'elles soient à l'encontre de la modification ponctuelle du PAG ou à l'encontre de la refonte du PAG qui reprendrait cette modification ponctuelle - de sorte qu'il apparaîtrait bien maladroit d'essayer d'éviter un débat au fond avec un tel argumentaire.

Les demandeurs, tout en se référant à un jugement du tribunal administratif du 8 juin 2005, inscrit sous le numéro 17211 du rôle, sont par ailleurs d’avis que conformément à la jurisprudence administrative, une réclamation antérieure devrait être considérée comme une réclamation.

En l'espèce, il serait à considérer que leur réclamation à l'égard de la modification ponctuelle du PAG, pour ce qui concerne leurs terrains, vaudrait également réclamation à l'égard de la refonte, laquelle — comme l'indiqueraient les parties adverses — reprendrait exactement la modification ponctuelle. Analyser la situation autrement reviendrait à forcer l'administré à introduire autant de recours que l'administration ne voudrait faire de vote sur les mêmes points, permettant à l'administration de procéder de la sorte jusqu'à épuisement (financier également) de l'administré.

En outre, et à titre surabondant, les demandeurs considèrent, à supposer même par impossible qu’ils n'auraient pas réclamé contre le nouveau PAG, ceci n'aurait pas, en terme de recevabilité du présent recours, à avoir une quelconque influence.

En effet, il s'agirait d'un fait postérieur à l'introduction du recours qui n'aurait pas d'incidence sur l'intérêt à agir, ni sur l'objet du recours.

A titre encore plus surabondant, les demandeurs indiquent qu'ils auraient malgré l'approbation de la refonte du PAG et à supposer quod non qu'ils ne puissent plus agir contre ce dernier par devant les juridictions administratives - un intérêt à voir les irrégularités de la modification ponctuelle du PAG querellée être constatées par le tribunal de céans.

12Ainsi, dès lors que les irrégularités de la modification ponctuelle du PAG n'auraient pas trait uniquement à la procédure, cela signifierait - si les irrégularités seraient constatées - que le PAG ainsi refondu - et qui reprendrait cette modification ponctuelle de PAG postérieure - serait irrégulier également sur cette partie-là.

Il appartiendrait alors à la commune de le modifier et de se conformer à la décision des juridictions administratives.

En outre, lorsque viendrait le temps d'adopter un PAP sur base de ce PAG, ledit PAP ne pourrait se baser sur cette partie du PAG qui serait irrégulière.

A ce sujet, les demandeurs citent l'article 95 de la Constitution qui empêcherait que soient exécuté des règlements qui seraient irréguliers.

Dans ce cas, au besoin, les juridictions auraient le devoir de refuser d'appliquer les règlements illégaux.

Les demandeurs auraient ainsi bien un intérêt à voir ladite modification de PAG querellée être annulée.

Dans son mémoire en duplique, la commune de Bertrange réitère son argumentation en relevant que la jurisprudence citée par les demandeurs ne serait pas applicable en l’espèce, puisque dans le cas cité, la réclamation se serait inscrite dans le cadre de l’adoption du nouveau PAG de la commune s’agissant d’une réclamation introduite après le vote du conseil communal mais avant le délai de réclamation et serait de la sorte recevable. Or, dans le cas d’espèce, les parties demanderesses n’auraient réclamé à aucun moment de la procédure d’adoption du nouveau PAG de la commune. Le fait d’avoir réclamé une année plus tôt contre une modification ponctuelle du PAG devrait, à cet égard, être considéré comme inopérant.

En résumé, les parties défenderesses soulèvent l’irrecevabilité du recours sous examen au motif qu’il aurait perdu son objet en raison du fait que par délibération du 10 janvier 2019, le conseil communal aurait adopté son projet de refonte du PAG et en l’absence de contestations à l’encontre de cette refonte de la part des demandeurs, celle-ci serait devenue définitive et les objectifs urbanistiques visées par la modification ponctuelle attaquée seraient par la même occasion devenus définitifs indépendamment de ce qui serait décidé dans la présente affaire. L’annulation des actes administratifs attaqués n’entraînant ainsi aucune satisfaction aux demandeurs, ces derniers n’auraient plus d’intérêt à agir, de sorte que le recours devrait être déclaré irrecevable, sinon non fondé pour défaut d’objet.

Au vu du dossier administratif et face aux arguments des parties en cause, le tribunal constate - ce fait n’est d’ailleurs pas contesté par les parties - que la modification ponctuelle du PAG actuellement attaquée et la refonte complète du PAG approuvé prévoient les mêmes objectifs urbanistiques en ce qui concerne les parcelles sous revue.

Il n’est pas non plus contesté que les demandeurs n’ont pas déposé de réclamation spécifique dans le cadre de la refonte complète du PAG, ces derniers se limitant en effet de considérer que leur réclamation dans le cadre de la modification ponctuelle vaudrait également comme réclamation contre la refonte du PAG puisque justement les mêmes modifications auraient été retenues.

13 A cet égard, il convient de rappeler que l’intérêt conditionne la recevabilité d’un recours contentieux. L’intérêt à agir est l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter11. En matière de contentieux administratif portant sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut partant tirer un avantage corrélatif de la sanction de cette décision par le juge administratif12, étant souligné que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non pas au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés13.

Un demandeur, pour justifier d’un intérêt à agir, doit justifier d’un intérêt personnel et certain, en ce sens que la réformation ou l’annulation de l’acte litigieux doit lui procurer une satisfaction certaine et personnelle14.

Il convient encore de préciser que la notion de l’objet du recours se définit comme le résultat que le plaideur entend obtenir15, en l’occurrence, l’annulation des décisions déférées.

C’est au requérant à démontrer son intérêt, de façon concrète, au-delà de simples allégations, le juge administratif devant seulement avoir égard à ce qu’il avance à ce sujet16.

En principe, l’intérêt à agir d’une partie demanderesse s’analyse au jour du dépôt de la requête introductive d’instance17. La même considération vaut pour l’objet de la demande en justice.

Au moment de l’introduction du recours sous examen, c’est-à-dire le 31 mai 2018, les décisions déférées produisaient leurs effets et les demandeurs disposaient indéniablement d’un intérêt à faire contrôler leur légalité et à solliciter leur annulation.

Or, si l’intérêt à agir s’analyse, au regard de la recevabilité de la demande, au jour du dépôt de la requête introductive d’instance, encore faut-il que cet intérêt se maintienne tout au long de l’instance, voire en instance d’appel sous peine de voir devenir la demande sans objet.18 En effet, l’intérêt à l’annulation d’un acte administratif doit non seulement exister au jour de l’introduction du recours, mais encore subsister jusqu’au prononcé du jugement. Cet intérêt doit être personnel, en ce sens notamment que l’annulation de l’acte attaqué doit procurer un avantage à la partie demanderesse ou faire cesser un grief qui lui est causé par l’acte. En cas de contestation de l’intérêt à agir au jour des plaidoiries et à défaut de justifier le maintien de l’intérêt à agir ayant existé au jour de la requête introductive, le recours doit être déclaré sans objet19.

11 Voir Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Recours pour excès de pouvoir (Conditions de recevabilité), n°247.

12 Cour adm., 14 juillet 2009, nos 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse, n° 3 et les autres références y citées.

13 trib. adm., prés., 27 septembre 2002, n° 15373, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse, n° 4 et les autres références y citées.

14 trib. adm., 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse, n° 11 et les autres références y citées.

15 trib.adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse, n° 329 et les autres références y citées.

16 Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, Rusen Ergec, Pas. adm. 2019, n°111.

17 trib. adm. 27 juin 2001, n° 11342 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse, n° 24 et les autres références y citées.

18 Cour adm. 13 juillet 2006, n° 21155C du rôle, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse, n° 29 et les autres références y citées.

19 Trib. adm. 26 novembre 2009, n°25191 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse, n°25.

14 Ainsi, la recevabilité d’un recours est conditionnée en principe par l’existence et la subsistance d’un objet, qui s’apprécie du moment de l’introduction du recours jusqu’au prononcé du jugement. L’exigence de la subsistance de l’objet du recours est en général liée à l’exigence du maintien de l’intérêt à agir, et plus particulièrement de l’intérêt à voir sanctionner l’acte faisant l’objet du recours, étant précisé que l’existence d’un tel intérêt à agir présuppose que la censure de l’acte querellé soit de nature à procurer au demandeur une satisfaction personnelle et certaine. Si, suite à l’introduction du recours, l’acte dont l’annulation est recherchée à travers le recours disparaît, le recours devient sans objet, le demandeur n’ayant a priori et sauf circonstances particulières, plus aucun intérêt à poursuivre un recours contre un acte ayant disparu et qui ne lui fait plus grief20.

Une décision ne déployant plus aucun effet à la date d’introduction dudit recours contentieux ne peut a priori plus léser à cette date un intérêt personnel et légitime de la partie demanderesse et, dans ces conditions, il incombe à cette dernière d’établir que cette décision continue néanmoins à affecter négativement sa situation en fait ou en droit et qu’elle pourrait toujours retirer de son annulation éventuelle une satisfaction certaine et personnelle21.

En l’espèce, les actes réglementaires ayant abouti à l’adoption du nouveau PAG dans le cadre de sa refonte complète sont des actes réglementaires postérieurs aux actes attaqués. Or, l’adoption d’un nouveau PAG dans sa globalité a pour effet d’écarter entièrement l’acte réglementaire antérieur qu’il est venu remplacer. Force est donc de constater que l’adoption du PAG refondu a entraîné l’abrogation du PAG dans sa version modifiée par les actes attaqués. En d’autres mots, le PAG modifié actuellement déféré a cessé ses effets par l’effet de l’adoption d’un nouveau PAG refondu postérieur, qui constitue un acte réglementaire équipollent, de même nature.

Or, contrairement aux dires des demandeurs, la jurisprudence citée par eux n’est pas applicable au cas d’espèce, puisqu’elle visait une réclamation introduite après l’adoption du PAG par le conseil communal, mais avant sa publication, de sorte à avoir été adressée contre une délibération spécifique dont l’annulation était visée. Cette jurisprudence ne saurait être interprétée de la sorte qu’une réclamation formulée dans le cadre d’une procédure antérieure puisse s’appliquer à toutes les procédures à suivre du moment que les objectifs urbanistiques seraient les mêmes. En effet un recours contentieux est un recours dirigé contre un acte administratif déterminé.

L’argumentation selon laquelle l’annulation des présentes modifications aient un effet sur le PAG refondu actuellement en vigueur est également erronée dans la mesure où le PAG actuel est venu abroger l’ancien PAG.

Il ressort des considérations qui précèdent qu’au jour du présent jugement, le recours des demandeurs a perdu son objet, de sorte à encourir le rejet, puisque la censure des actes querellés ne peut plus être considérée comme étant de nature à atteindre le résultat que les consorts … ont entendu obtenir en introduisant leur recours.

Au vu de l’issue du litige, les demandeurs sont à débouter de leur demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 3.000 euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

20 Trib. adm. 20 octobre 2010, n°26758 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse, n°30 et les autres références y citées.

21 Cour adm. 30 avril 2013, nos 30628C et 30647C, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse, n°30 et les autres références y citées.

15Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme l’intervention volontaire introduite par la société anonyme … SA ;

déclare le recours en annulation irrecevable pour autant qu’il vise la délibération du conseil communal du 28 septembre 2017, ainsi que le schéma directeur « Brill » de la commune de Bertrange du 12 septembre 2017 ;

pour le surplus, rejette le recours en annulation pour défaut d’objet ;

rejette la demande de Messieurs … et … tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros ;

condamne Messieurs … et … aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Hélène Steichen, juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 10 août 2020 par le vice-président, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 août 2020 Le greffier du tribunal administratif 16


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 41214
Date de la décision : 10/08/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-08-10;41214 ?

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