La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2019 | LUXEMBOURG | N°41031

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 mars 2019, 41031


Tribunal administratif N° 41031 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 avril 2018 3e chambre Audience publique du 27 mars 2019 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41031 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 avril 2018 par Maître Ibtihal EL BOUYOUSFI, avocat à

la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, né...

Tribunal administratif N° 41031 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 avril 2018 3e chambre Audience publique du 27 mars 2019 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41031 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 avril 2018 par Maître Ibtihal EL BOUYOUSFI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (République démocratique du Congo), de nationalité congolaise, demeurant actuellement à L-…, …, …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 12 mars 2018 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juin 2018 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nathalie GOMES, en remplacement de Maître Ibtihal EL BOUYOUSFI, et Madame le délégué du gouvernement Stéphanie LINSTER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 janvier 2019.

Le 30 juin 2017, Madame …, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Madame … … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la Police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

En date du 10 août 2017, Madame … … fut entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 12 mars 2018, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée envoyée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », résuma les déclarations de Madame … … comme suit :

« […] En mains le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 10 août 2017 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de votre de demande de protection internationale.

Madame, il résulte de vos déclarations que vous auriez vécu jusqu’en 2015 avec votre père et votre belle-mère dans le quartier … à Kinshasa. Selon vos dires, votre père aurait régulièrement séjourné à … dans la province du … où il aurait eu son commerce. Dans ce contexte vous déclarez que « je n’ai jamais été à …. Il était là pour son travail. » (p.10/22 du rapport d’entretien du 10 août 2017). Vous indiquez que votre père y aurait été prétendument incarcéré pour possession illégale d’armes et de matériel militaire. D’après vos dires, en juin 2015 des militaires auraient aussi fouillé votre maison à … à la recherche d’armes. Vous précisez que pendant cette prétendue perquisition un militaire vous aurait frappée et harcelée sexuellement. N’ayant rien trouvé, ils seraient repartis en vous promettant de revenir. Par la suite, vous vous seriez rendue auprès de membres de votre famille qui auraient cependant refusé de vous héberger. Ce serait finalement la femme de ménage de votre oncle qui vous aurait hébergée chez elle de 2015 à 2017. Dans ce contexte, vous déclarez que : « Du coup toute cette situation me faisait peur de sortir, je ne me sentais pas en sécurité et j’avais peur qu’il m’arrive quelque chose, vu la situation avec les militaires, j’avais peur d’aller à l’école, je ne faisais plus rien. » (p.7/22 du rapport d’entretien du 10 août 2017).

Vous poursuivez votre récit en déclarant qu’un ami de votre père dénommé « … », prétendument de nationalité canadienne aurait décidé de vous aider à fuir votre pays d’origine.

Vous précisez que : « De peur qu’il m’arrive quelque chose il a dit qu’il allait essayer de trouver une solution pour moi. » En ce qui concerne votre départ de la République Démocratique du Congo, vous indiquez que vous auriez voyagé avec une fausse identité que l’ami de votre père vous aurait procurée.

Vous indiquez avoir pris l’avion de Kinshasa vers la France. Par la suite, un ami d’…, dénommé …, vous aurait conduite jusqu’à Arlon en Belgique. Depuis Arlon vous auriez poursuivi votre chemin vers le Luxembourg.

Pour étayer vos dires vous avez déposé :

 Un procès-verbal,  une copie d’un document intitulé « transfert de détenu »,  une copie d’un document intitulé « compte rendu de l’arrestation »,  une copie d’un document intitulé « procès-verbal de saisie d’objets »,  un acte de décès de votre mère,  une carte d’étudiant, 2  un acte de naissance déclaré authentique par l’Unité Centrale de Police à l’Aéroport de Luxembourg.

Enfin, il ressort du rapport du 10 août 2017 qu’il n’y a plus d’autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte. […] ».

Le ministre informa ensuite Madame … … que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire.

Le ministre estima en effet que les faits invoqués par Madame … … à l’appui de sa demande de protection internationale, ne seraient pas motivés par un des critères de fond au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et le Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par le règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après désigné par « la Convention de Genève » et de la loi du 18 décembre 2015. Il retint plus particulièrement en ce qui concerne la prétendue arrestation de son père pour possession illégale d’armes, qu’il serait parfaitement légitime pour les autorités de la République démocratique du Congo d’arrêter une personne pour détention de matériel militaire, respectivement d’armes, alors que cela constituerait une infraction selon une ordonnance-loi du 3 septembre 1985 portant régime des armes et munitions dans la République démocratique du Congo. Il ne ressortirait, par ailleurs, pas des dires de la demanderesse que son père aurait été arrêté en raison d’un des critères de fond au sens de la Convention de Genève, mais pour des faits pénaux, de sorte qu’il ne saurait être question de l’existence, dans son chef, d’une quelconque persécution au sens de ladite Convention.

Il s’agirait, de surcroît, d’un fait non personnel pour lequel elle resterait en défaut d’étayer un lien avec sa personne l’exposant à des actes similaires, de sorte à ce qu’elle ne risquerait pas de subir le même sort. Le ministre fit encore valoir que le fait que Madame … … aurait été frappée et agressée lors d’une perquisition effectuée à son domicile dans le cadre d’une saisie de prétendues armes appartenant à son père, constituerait, certes, un comportement condamnable, mais ne saurait être considéré comme une persécution au sens de la Convention de Genève dans la mesure où il n’existerait aucun lien avec les motifs y énumérés. A cela s’ajouterait que le comportement fautif d’un policier ne saurait être représentatif du système policier et du fonctionnement de la police congolaise dans son ensemble. Le récit de Madame … … traduirait plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution - crainte hypothétique qui ne saurait constituer une persécution -, ce qui serait corroboré par le fait qu’elle aurait vécu de 2015 à 2017 à Kinshasa sans rencontrer le moindre problème. Il ne serait, par ailleurs, pas exclu que des raisons économiques sous-tendraient sa demande de protection internationale.

Enfin, le ministre estima que le récit de Madame … … ne contiendrait pas non plus de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’elle courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

En conséquence, il constata que le séjour de Madame … … sur le territoire luxembourgeois était illégal et lui enjoignit de quitter ledit territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 avril 2018, Madame … … a fait déposer un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre du 12 mars 2018.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 12 mars 2018 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre la décision du ministre du 12 mars 2018, telle que déférée.

Le recours en réformation ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit subsidiairement.

A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse renvoie, en substance, aux faits et rétroactes de sa demande en obtention d’une protection internationale tels que retranscrits dans le rapport d’entretien auprès de l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, tout en mettant en avant le fait qu’elle aurait fait l’objet d’une perquisition par des militaires dans le cadre d’une accusation portée à l’encontre de son père pour détention illégale d’armes à feu et de matériel militaire. Elle précise que lors de ladite perquisition elle aurait fait l’objet d’agressions physiques et d’attouchements de la part d’un militaire au prétexte qu’elle et sa belle-mère cacheraient les armes recherchées. Elle aurait appris le même jour, par l’intermédiaire de sa belle-mère, que son père aurait été arrêté, tel que cela ressortirait du dossier pénal de celui-ci. Face à la gravité de la situation, sa belle-mère aurait décidé de prendre la fuite sans vouloir l’emmener aux motifs qu’elle ne serait pas son enfant. Ne sachant que faire et où aller, la demanderesse aurait alors, en vain, tenté de trouver refuge chez son oncle pour finalement se réfugier chez la femme de ménage de celui-ci, auprès de laquelle elle aurait vécu jusqu’à sa fuite de la République démocratique du Congo. La demanderesse déclare, par ailleurs, qu’elle aurait arrêté ses études par peur d’être identifiée par son nom et qu’elle ne serait plus sortie par crainte d’être reconnue par les militaires qui auraient vu son visage lors de la perquisition et qui auraient promis de revenir afin de finir ce qu’ils auraient commencé. La demanderesse se prévaut, en outre, de la situation d’insécurité généralisée qui règnerait à Kinshasa, ainsi que sur toute l’étendue du territoire de la République démocratique du Congo, raison pour laquelle elle aurait finalement fui son pays d’origine « en proie à une situation d’instabilité politique d’insécurité généralisée » avec l’aide d’un ami de son père. En faisant remarquer qu’il serait établi que les femmes seraient plus exposées aux risques de persécutions que les hommes, elle précise que les faits qu’elle aurait exposés seraient corroborés par l’attestation testimoniale de sa sœur, Madame … …, du 4 avril 2018.

La demanderesse fait finalement valoir que suite à un examen médical pour les demandeurs de protection internationale au Luxembourg, elle aurait été informée qu’elle serait porteuse du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et que seul un traitement astreignant et quotidien lui permettrait de « rendormir le virus ».En droit, la demanderesse souhaite qu’il soit pris acte du fait que sa crédibilité n’aurait jamais été remise en cause par la partie étatique, que ce soit pendant la procédure de demande d’asile ou dans la décision entreprise, tant en ce qui concerne ses propres données personnelles que les éléments du dossier.

Elle reproche à la partie étatique de s’être livrée à une appréciation erronée des faits en ce qu’elle aurait retenu que les raisons qui l’auraient amenées à quitter son pays d’origine n’auraient pas été motivées par un des critères de fond définis par la loi du 18 décembre 2015 et la Convention de Genève, alors qu’elle aurait bien expliqué qu’elle craindrait pour sa vie en raison du fait que son père aurait été arrêté pour détention illégale d’armes et de matériel militaire, raison pour laquelle elle aurait été soupçonnée de détenir des informations sur lesdites armes. Elle précise qu’elle aurait également fait état de sa « crainte fondée et objective » de faire l’objet d’atteintes à son intégrité physique et à sa vie en raison de son appartenance au groupe social des femmes congolaises plus souvent vulnérables et persécutées par des forces armées et de sécurité. Elle estime que ces actes, qui consisteraient en une atteinte à la vie et à l’intégrité physique, seraient d’une gravité suffisante pour être considérés comme des actes de persécution au sens de la convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015.

La demanderesse fait encore plaider, dans ce même contexte, que ce serait à tort que le ministre aurait qualifié la perquisition au domicile de son père, ainsi que l’arrestation de ce dernier de simples faits pénaux, de sorte qu’il ne saurait être question de l’existence dans son chef d’une persécution au sens de la Convention de Genève, tout en précisant qu’il ne serait pourtant pas écarté que les autorités du régime autoritaire de la République démocratique du Congo pourraient porter des accusations à tort à l’égard de tout citoyen susceptible ou soupçonné de constituer un soutien pour des opposants politiques, tel que cela ressortirait de l’attestation testimoniale versée en cause. En outre, la partie étatique resterait en défaut de prouver qu’elle serait susceptible de bénéficier d’une protection quelconque dans son pays d’origine, pays qui souffrirait d’une situation sécuritaire chaotique générale alors que des rapports d’ONG et des articles de presse dénonceraient, d’une part, la situation politique et sécuritaire en République démocratique du Congo, ainsi que, d’autre part, le fait que le système judiciaire et les forces de police n’offriraient aucune protection contre des actes de persécution. Elle aurait, en outre, expliqué que l’agression physique et les attouchements sexuels dont elle aurait fait l’objet, la menace des militaires de revenir à son domicile, ainsi que l’insécurité totale régnant dans la République démocratique du Congo constitueraient des motifs l’ayant poussé à quitter son pays d’origine. Elle conclut ainsi que contrairement aux prétentions de la partie étatique, elle remplirait les conditions de l’article 1er de la Convention de Genève, ainsi que celles des articles 42 et 43 de la loi du 18 décembre 2015.

Concernant le refus ministériel de lui accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, la demanderesse donne à considérer que la République démocratique du Congo ferait face à une situation d’instabilité politique et d’insécurité généralisée sur toute l’étendue du territoire depuis plusieurs années, tel que cela ressortirait de rapports d’ONG et d’articles de presse.

Ce contexte politique et sécuritaire devrait être qualifié de conflit armé interne dans plusieurs régions de la République démocratique du Congo engendrant des violences aveugles qui mettraient clairement sa vie en danger. Face à la situation sécuritaire générale qui y régnerait, l’existence de risques de persécution, respectivement l’existence d’atteintes graves serait à considérer commeétablie, de sorte à ce qu’à défaut de se voir accorder le statut de réfugié, elle devrait pouvoir bénéficier de celui conféré par la protection subsidiaire.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 2 b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « demande de protection internationale » se définit comme correspondant à une demande visant à obtenir le statut de réfugié, respectivement celui conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 g) de la même loi comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et que cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :

« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou 6 b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de lademande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce et en ce qui concerne la situation individuelle de la demanderesse, il convient de relever qu’il ressort des déclarations de celle-ci, faites dans le cadre de ses auditions par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, que les faits à la base de sa demande de protection internationale concernent exclusivement des faits pénaux en rapport avec son père, la demanderesse se prévalant en effet d’une perquisition au domicile familial par des militaires, ainsi que de l’arrestation de son père en raison d’une accusation portée à l’encontre de ce dernier pour détention illégale d’armes à feu et de matériel militaire. Il convient tout d’abord de relever que des faits non personnels, mais vécus par des membres de famille ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, respectivement une crainte de faire l’objet d’atteintes graves que si le demandeur d’asile établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières1. Dans la mesure où la demanderesse a déclaré que « Mon père a été arrêté. Des militaires sont venus nous chercher à la maison. Ils avaient un document qui leur a permis d’accéder à la maison, de faire une fouille, car mon père était accusé de détention illégale. »2, il échet de constater que, d’une part, ladite perquisition s’inscrivait dans le cadre législatif bien précis d’enquêtes sur la détention illégale d’armes à feu et de matériel militaire et que, d’autre part, elle était exclusivement en relation avec le père de la demanderesse, de sorte qu’elle se trouvait sans lien quelconque avec la situation personnelle de celle-ci. Ce constat ne saurait être énervé par 1 Voir en ce sens : trib. adm., 19 février 2009, n° 24649 du rôle, Pas. adm. 2018, V° Etrangers, n°177, et les autres références y citées.

2 Rapport d’entretien de Madame … du 10 août 2017, p. 7.l’attestation testimoniale versée en cause et établie par la sœur de la demanderesse, Madame … …, alors qu’elle se limite à la situation du père de la demanderesse sans établir un lien concret avec la situation individuelle de cette dernière.

Le tribunal constate, par ailleurs, que bien qu’il résulte des déclarations de la demanderesse que les militaires l’ont accusé de complicité, ces faits ne sauraient ni être qualifiés d’actes de persécution, alors qu’ils n’ont pas été motivés par un des critères de fond au sens de la Convention de Genève, ni d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, alors qu’ils ne revêtent pas une gravité suffisante. Il s’agit, en effet, d’un incident unique s’inscrivant dans un contexte particulier, et plus précisément dans le cadre d’une perquisition diligentée à l’encontre du père de la demanderesse, et il ne résulte, de surcroît, d’aucun élément du dossier que ces accusations aient connues une suite judiciaire ou qu’elles se seraient matérialisées d’une quelconque autre manière.

En ce qui concerne l’agression physique et plus précisément la tentative de viol dont la demanderesse a fait l’objet de la part des militaires lors de ladite perquisition, force est au tribunal de constater que s’il s’agit, certes, de faits fortement condamnables, ils ne sauraient être qualifiés de persécutions au sens de la Convention de Genève à défaut d’être motivés par un des critères de fond, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou encore l’appartenance de Madame … … à un certain groupe social. Il convient ensuite de relever que bien que ces faits soient susceptibles d’être qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et plus particulièrement de traitement inhumains ou dégradants au sens du point b) dudit article, force est, néanmoins, au tribunal de constater qu’il est peu probable que ces faits se reproduisent en cas de retour de la demanderesse dans son pays d’origine. Il s’agit, en effet, d’un incident isolé intervenu dans un contexte particulier et a été la conséquence directe de la présence de la demanderesse au domicile familial suite à une perquisition exécutée dans le cadre d’une enquête diligentée à l’encontre de son père pour détention illégale d’armes à feu et de matériel militaire, de sorte qu’il ne risque a priori pas de se reproduire en cas de retour dans son pays d’origine. De surcroît, le tribunal tient à rappeler que, tel qu’il résulte des déclarations de la demanderesse faites auprès de l’agent de la direction de l’Immigration, elle n’a pas sollicité de protection de la part d’une autorité de son pays d’origine au motif que « J’étais petite je ne savais pas par où commencer. »3. La demanderesse est dès lors restée en défaut d’établir que les autorités congolaises ne voudraient ou ne pourraient pas lui fournir une protection appropriée par rapport aux faits invoqués. A cela s’ajoute que, si selon la demanderesse la situation générale dans la République démocratique du Congo et plus précisément la « situation d’instabilité politique et d’insécurité généralisée sur toute l’étendue du territoire », suscitait des conflits armés internes dans plusieurs régions dudit pays, ainsi que des violences aveugles qui mettraient en danger sa vie, force est, néanmoins, au tribunal de constater que, d’une part, les articles4 et rapports5 dont la demanderesse se prévaut à l’appui de son recours datent de 2018 et ne permettent dès lors pas de 3 Rapport d’entretien de Madame … du 10 août 2017, p. 18.

4 Articles publiés sur le site internet www.hrw.org, intitulés « Présentation sur la crise politique en RD Congo et des répercussions en matière humanitaire, de droits humains et de sécurité », du 9 avril 2018 et « Le gouvernement congolais est en guerre contre son peuple », du 13 avril 2018 ; article publié sur le site internet https://news.un.org., intitulé « RDC : la situation politique reste très fragile, selon l’ONU », du 9 janvier 2018.

5 Rapport d’« Amnesty International », intitulé « République démocratique du Congo 2017/2018 » et rapport de l’organisation « Human Rights Watch », intitulé « République démocratique du Congo – résumé pays », de janvier 2018.refléter la situation régnant actuellement dans la République démocratique du Congo et que, d’autre part, il ne se dégage pas de l’article de presse intitulé « Denis Sassou Nguesso suggère un nouveau décompte des résultats en RDC »6 du 13 janvier 2019 que toute personne courrait du seul fait de sa présence sur le territoire de la République démocratique du Congo et indépendamment de son vécu personnel, un réel risque de subir des actes susceptibles d’être qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Le tribunal est partant amené à retenir que la demanderesse n’a pas fait état et n’a pas établi des raisons de nature à justifier dans son chef une crainte justifiée de persécution dans son pays de provenance pour les motifs énumérés à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, respectivement qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’elle encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

C’est dès lors à bon droit que le ministre a rejeté comme étant non fondée la demande tendant à l’obtention du statut conféré par la protection internationale prise en son double volet telle que présentée par la demanderesse.

2) Quant au recours visant l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que la demanderesse ne remplit pas les conditions pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, le ministre pouvait a priori valablement assortir le refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire.

A cet égard, la demanderesse expose que, d’une part, l’ordre de quitter le territoire devrait encourir la réformation, sinon l’annulation « en application du principe de non-refoulement tel qu’il résulte de l’article 33 de la Convention de Genève » et que, d’autre part, elle serait porteuse 6 Article publié sur le site internet https://lesechos-gongobrazza.com du 13 janvier 2019.du virus VIH et qu’elle ne pourrait pas disposer de soins médicaux nécessaires dans son pays d’origine, pays dans lequel elle n’aurait, de surcroît, plus de membre de famille qui pourrait la prendre en charge. Elle en conclut que l’ordre de quitter le territoire serait incompatible avec l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, désignée ci-après par « la CEDH ».

S’agissant du principe de non-refoulement combiné avec l’article 3 de la CEDH, invoqués par la demanderesse, il convient de rappeler que si l’article 3 de la CEDH proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.

En effet, si une mesure d’éloignement - tel qu’en l’espèce, consécutive à l’expiration du délai imposé au demandeur pour quitter le Luxembourg - relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risquerait de porter atteinte aux droits inscrits à l’article 3 de la CEDH, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose un problème de conformité au prédit article 3 de la CEDH, mais ce sont les effets mêmes de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que cet article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par le prédit article 3 qui interdit aux Etats parties à la CEDH d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés. S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants.

Cependant, dans ce type d’affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La CourEDH recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la CourEDH évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.

Le tribunal procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.

Or, en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus en cas de retour dans la République démocratique du Congo, le tribunal administratif a conclu ci-avant à l’absence dans le chef de la demanderesse de tout risque réel et actuel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, de sorte que le tribunal ne saurait pas se départir, à ce niveau-ci, de cette conclusion.

Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH7, le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi de la demanderesse dans la République démocratique du Congo soit, dans ces circonstances, incompatible avec l’article 3 de la CEDH.

7 CedH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2004, § 59. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.

En ce qui concerne finalement l’état de santé, et plus particulièrement le virus VIH dont la demanderesse est atteinte, le tribunal tient à relever que dans un cas similaire, la CourEDH a retenu dans l’arrêt « Paposhvili c. Belgique » du 13 décembre 2016, notamment en son considérant 192, qu’ « […] en cas d’éloignement de personnes gravement malades, le fait qui provoque le traitement inhumain et dégradant et engage la responsabilité de l’État de renvoi au regard de l’article 3 [de la CEDH], n’est pas le manquement par l’État de destination à disposer d’infrastructures médicales. N’est pas davantage en cause une quelconque obligation pour l’État de renvoi de pallier les disparités entre son système de soins et le niveau de traitement existant dans l’État de destination, en fournissant des soins de santé gratuits et illimités à tous les étrangers dépourvus du droit de demeurer sur son territoire. La responsabilité sur le terrain de la Convention qui se trouve engagée dans des cas de ce genre est celle de l’État de renvoi du chef d’un acte, en l’occurrence l’expulsion, qui aurait pour résultat d’exposer quelqu’un à un risque de traitement prohibé par l’article 3. ».

Le tribunal procède donc à l’analyse de l’affaire sous le même angle, à savoir, vérifier si le renvoi forcé de la demanderesse vers la République démocratique du Congo, au vu de son état de santé, l’exposerait à un risque de traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH.

La Cour a précisé dans l’arrêt précité, notamment en son considérant 183, qu’ : « […] il faut entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever, au sens de l’arrêt N. c.

Royaume-Uni (§ 43), un problème au regard de l’article 3 [de la CEDH] les cas d’éloignement d’une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l’absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou du défaut d’accès à ceux-ci, à un risque réel d’être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie. La Cour précise que ces cas correspondent à un seuil élevé pour l’application de l’article 3 de la Convention dans les affaires relatives à l’éloignement des étrangers gravement malades. » et en son considérant 186 qu’ « […] il appartient aux requérants de produire des éléments susceptibles de démontrer qu’il y a des raisons sérieuses de penser que, si la mesure litigieuse était mise à exécution, ils seraient exposés à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l’article 3 [de la CEDH] ».

Il appartient dès lors à la demanderesse de démontrer qu’elle est gravement malade, qu’il n’existe pas de traitements adéquats dans son pays d’origine ou qu’elle ne peut pas y avoir effectivement accès, et qu’il existe des motifs sérieux de penser qu’en cas d’éloignement forcé, - ce qui serait possible au vu de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision refusant la protection internationale, qui est, en théorie, immédiatement exécutable trente jours après que la décision soit devenue définitive -, elle ferait face à un risque réel d’être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie.

En l’espèce, force est au tribunal de constater que la demanderesse se limite à affirmer qu’étant porteuse du virus VIH, « elle ne p[ourrait] disposer des soins médicaux nécessaires dans son pays d’origine » et qu’elle n’y aurait plus de membres de sa famille qui pourraient la prendre en charge. Le tribunal constate, par ailleurs, que les seules pièces versées par la demanderesse à l’appui de ses prétentions sont deux documents établis par le Laboratoire de biologie moléculaire - service de rétrovirologie - du Centre Hospitalier de Luxembourg lesquels font état d’un « bilan de suivi HIV-1 ». Indépendamment du fait que le premier de ces documents ne contient pas le nom du patient et que le deuxième n’est pas daté, force est au tribunal de constater qu’il n’en résulte ni que la demanderesse suit actuellement un traitement contre ledit virus au Grand-Duché de Luxembourg ni quel serait le traitement approprié à son état de santé. De surcroît, il convient de relever qu’elle reste, d’une part, en défaut de rapporter la preuve que l’absence de traitement l’exposerait à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, entraînant des souffrances intenses et une réduction significative de son espérance de vie et que, d’autre part, elle n’aurait pas accès à un traitement effectif dans son pays d’origine.

Au vu de ce qui précède, le tribunal est amené à retenir qu’en l’état actuel du dossier, il n’existe pas non plus dans son chef un risque réel et concret qu’elle subisse des traitements inhumains et dégradants, contraires à l’article 3 de la CEDH en cas de retour dans son pays d’origine en raison de son état de santé.

Il s’ensuit que le recours en réformation pour autant qu’il est dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 12 mars 2018 portant rejet d’un statut de protection internationale dans le chef de Madame … ;

au fond, déclare le recours en réformation non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

déclare recevable le recours en réformation introduit contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 mars 2019 par :

Paul Nourissier, premier juge,Géraldine Anelli, juge, Stéphanie Lommel, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28 mars 2019 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 41031
Date de la décision : 27/03/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-03-27;41031 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award