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08/03/2018 | LUXEMBOURG | N°40834

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 mars 2018, 40834


Tribunal administratif Numéro 40834 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 février 2018 1re chambre Audience publique extraordinaire du 8 mars 2018 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40834 du rôle et déposée le 28 février 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe Stroesser,

avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame...

Tribunal administratif Numéro 40834 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 février 2018 1re chambre Audience publique extraordinaire du 8 mars 2018 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40834 du rôle et déposée le 28 février 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, déclarant être née le … à … (Nigéria) et être de nationalité nigériane, actuellement retenue au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 6 février 2018 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mars 2018 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Nancy Carier en sa plaidoirie à l’audience publique du 7 mars 2018.

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Le 26 juillet 2013, Madame … fit l’objet d’un mandat d’amener en relation avec une infraction à la législation sur les stupéfiants.

Par arrêt de la Cour d’appel de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, du 2 juillet 2014, Madame… fut condamnée à une peine d’emprisonnement de 12 mois et à une amende de 500.- euros du chef d’infractions à la loi sur les stupéfiants.

Le 2 février 2015, Madame… fit l’objet d’un nouveau mandat d’amener en relation avec une infraction à la législation sur les stupéfiants. Par jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, chambre correctionnelle, du 29 juillet 2015, elle fut condamnée à une peine d’emprisonnement de 9 mois avec sursis intégral.

En date du 30 juillet 2015, Madame… fut libérée du Centre pénitentiaire.

Suivant une information du Centre pénitentiaire du 19 juin 2017, Madame… fut à cette même date placée en détention préventive pour infraction à la législation sur les stupéfiants.

A sa libération du Centre pénitentiaire le 9 janvier 2018, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », prit à l’encontre de l’intéressée un arrêté par le biais duquel il constata son séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de le quitter sans délai soit à destination du pays dont elle a la nationalité, soit à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d’un autre pays dans lequel elle est autorisée à séjourner.

Par arrêté séparé du même jour, notifié également le 9 janvier 2018, le ministre ordonna le placement de Madame… au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de ladite décision.

Ladite décision est basée sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 9 janvier 2018 ;

Attendu que l’intéressée est démunie de tout document de voyage valable ;

Attendu que l’intéressée s’est maintenue sur le territoire au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;

Considérant que l’intéressée se trouvait en détention préventive au Centre pénitentiaire depuis le 19 juin 2017 ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressée, alors qu'elle ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressée seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches […] ».

Le recours contentieux introduit par Madame… contre ledit arrêté de placement fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 2 février 2018, n° 40681 du rôle.

Par arrêté du 6 février 2018, notifié à l’intéressée le 9 février 2018, le ministre prorogea pour une durée d’un mois le placement en rétention de Madame…. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 9 janvier 2018, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressée à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 9 janvier 2018 subsistent dans le chef de l'intéressée ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressée afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu’une demande aux fins d’une réadmission sur le territoire de la République Italienne a été adressée aux autorités compétentes en date du 18 janvier 2018 ;

Considérant que la demande de réadmission a été relancée en date du 2 février 2018 ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; […]» Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 février 2018, Madame… a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 6 février 2018.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, Madame… explique avoir été placée sous mandat de dépôt en date du 3 juin 2017 après avoir été inculpée pour des infractions à la loi sur les stupéfiants et que, par ordonnance de la Chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 8 janvier 2018, elle a pu bénéficier d’une mise en liberté provisoire.

En droit, Madame… fait plaider que le placement en rétention devrait être considéré comme un ultime remède, alors qu’il porterait atteinte à sa liberté de mouvement, de sorte qu’il ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre, faculté qui ne serait cependant pas discrétionnaire, mais qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Madame… fait ensuite valoir que les démarches entreprises par le ministre en vue de son éloignement ne progresseraient pas, alors que, depuis son placement en rétention, une seule demande d’identification et de réadmission aurait été envoyée aux autorités italiennes le 18 janvier 2018 et que ce ne serait qu’après l’introduction d’un recours contentieux contre l’arrêté de placement initial qu’un rappel aurait été envoyé aux autorités italiennes le 2 février 2018.

Comme les autorités italiennes n’auraient jusqu’à ce jour pas encore répondu à la demande de réadmission des autorités luxembourgeoises, il faudrait conclure qu’il n’existerait à l’heure actuelle aucune chance raisonnable de croire que son éloignement puisse être mené à bien.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne tout d’abord le reproche de la demanderesse que la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée, le tribunal est amené à conclure que, s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6, alinéa 2, du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 précité, d’ailleurs non invoqué par la demanderesse, ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. Comme il n’existe, en outre, aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, respectivement d’une décision de prorogation d’un tel placement, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit être rejeté pour ne pas être fondé.

Quant au fond, l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment l’identification de l’intéressée, si, comme en l’espèce, elle ne dispose pas de documents d’identité valables, respectivement uniquement de copies incomplètes de documents d’identité et de voyage périmés, ensuite la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressée ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressée. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Le tribunal constate tout d’abord qu’en ce qui concerne les contestations soulevées par la demanderesse quant aux diligences concrètement accomplies par le ministre en vue d’organiser son éloignement, celles-ci se limitent, en substance, à la remise en cause générale de l’exercice par le ministre des démarches suffisantes pour procéder à son éloignement rapide vers l’Italie, respectivement des chances que l’éloignement vers ce pays puisse être mené à bien, étant, à cet égard, relevé que la portée d’un recours est conditionnée par la décision déférée et délimitée en principe par les moyens invoqués dans la requête introductive d’instance, sous réserve des moyens d’ordre public qui peuvent être produits en tout état de cause, voire être soulevés d’office par la juridiction saisie1.

Tel que relevé ci-avant, afin de pouvoir éloigner la demanderesse qui ne dispose pas de documents d’identité et de voyage valables, les autorités luxembourgeoises doivent tout d’abord procéder à l’identification de l’intéressée avant de pouvoir organiser son rapatriement, étant relevé que l’arrêté de prolongation du placement en rétention sous examen est justement fondé sur le constat que les diligences nécessaires en vue de l’identification de l’intéressée auraient été entreprises, de même que les démarches en vue de son éloignement vers l’Italie auraient été engagées, mais qu’elles n’auraient pas encore abouti.

En qui concerne les démarches concrètement entreprises, en l’espèce, par le ministre pour organiser l’éloignement de la demanderesse, le tribunal a constaté dans son jugement précité du 2 février 2018, qu’en date du 10 janvier 2018, les autorités luxembourgeoises avaient lancé une recherche dans la base de données EURODAC dont il est ressorti que la demanderesse avait introduit diverses demandes de protection internationale en Suisse entre 2010 et 2012. Il a ensuite relevé que le 15 janvier 2018, une employée du Centre de rétention avait informé le ministre, à la demande de Madame… elle-même, que celle-ci ne disposait pas de documents concernant son séjour en Italie, mais qu’elle aurait demandé à sa mère d’envoyer la carte d’identité italienne de son fils, un dénommé ……, par fax au Centre de rétention. Le tribunal a encore relevé qu’il se dégageait, d’une part, du dossier administratif que le 16 janvier 2018, les autorités luxembourgeoises avaient demandé au Centre de coopération policière et douanière (CCPD) de recueillir des informations quant au statut administratif de Madame… en Italie et que, suite à cette demande, les autorités policières italiennes avaient informé le CCPD que Madame… disposait d’un permis de séjour italien qui était périmé depuis janvier 2016 et que, par ailleurs, le dénommé … était inconnu en Italie.

D’autre part, le dossier administratif avait révélé que le 17 janvier 2018, un agent du 1 Trib. adm. 15 mars 2000, n°11557 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n° 301 et les autres références y ctiées.

ministère des Affaires étrangères et européennes s’était déplacé au Centre de rétention afin de recueillir plus d’informations de la part de la demanderesse quant à son identité, sa situation administrative en Italie et les conditions de son séjour au Luxembourg et qu’à cette occasion, elle avait, d’une part, expliqué habiter depuis au moins vingt ans en Italie où se trouveraient toujours son fils mineur et trois de ses sœurs et, d’autre part, précisé que les autorités compétentes de la Questura di Torino l’auraient déjà contactée pour la prolongation de son titre de séjour italien, mais qu’elle n’aurait pas encore eu le temps de s’occuper du renouvellement de ses documents de séjour en Italie. Elle avait finalement précisé avoir quitté l’Italie pour trouver du travail et manifesté son souhait d’y retourner le plus vite possible.

Le tribunal a ensuite constaté que le lendemain de cet entretien, le ministre avait adressé aux autorités compétentes italiennes une demande de réadmission de la demanderesse, en application de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays-tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115CE », et ce, sur base de la considération, d’une part, que la demanderesse avait déclaré habiter en Italie depuis au moins vingt ans et avoir déjà été invitée par l’administration compétente de Turin d’entreprendre les démarches nécessaires pour la prolongation de son titre de séjour italien et, d’autre part, que son fils se trouverait à Turin auprès d’une amie non autrement identifiée.

Or, sur base de ces considérations, le tribunal a retenu dans son jugement précité du 2 février 2018, que les démarches entreprises jusque-là étaient à considérer comme raisonnables en vue de réaliser le plus rapidement possible l’éloignement de la demanderesse vers le pays où se trouverait, suivant ses propres déclarations, son enfant mineur et où elle pourrait solliciter le renouvellement de son titre de séjour.

En ce qui concerne les démarches entreprises depuis le jugement du tribunal administratif du 2 février 2018 et la prorogation de la mesure de placement actuellement litigieuse, il résulte du dossier administratif qu’après avoir adressé le 2 février 2018 un rappel aux autorités italiennes, les autorités luxembourgeoises ont également adressé le 6 février 2018 aux autorités suisses une demande d’information en application de l’article 34 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride. Suite à cette demande, les autorités luxembourgeoises ont été informées par les autorités suisses que Madame… était connue en Suisse sous l’identité de …, née le …, de nationalité nigériane ayant introduit une première demande de protection internationale en Suisse en date du 23 janvier 2010, pour ensuite disparaître du territoire suisse le 28 février 2010. Il s’est encore dégagé des recherches des autorités suisses qu’en date du 8 août 2010, la demanderesse avait introduit une deuxième demande de protection internationale en Suisse ensemble avec son fils mineur, pour ensuite disparaître avec celui-ci le 4 janvier 2011. Après avoir réapparu sur le territoire Suisse avec son fils le 4 février 2012, Madame… a finalement retiré sa demande de protection internationale le 13 juillet 2012 pour quitter volontairement la Suisse avec son fils en direction de l’Italie.

Il se dégage ensuite du dossier administratif que le 15 février 2018, de même que le 1er mars 2018, les autorités luxembourgeoises ont relancé les autorités italiennes au sujet de leur demande de réadmission de Madame… sur le territoire italien.

Au regard des diligences ainsi déployées et au vu du fait que les autorités luxembourgeoises sont tributaires de la collaboration et de l’efficacité des autorités italiennes, étant, à cet égard, relevé, d’une part, que le travail d’identification des autorités tant luxembourgeoises qu’italiennes n’est pas facilité par le comportement passif adopté par la demanderesse qui pourrait, en effet, contribuer à écourter son placement en rétention en contactant elle-même les autorités italiennes en vue de clarifier sa situation, respectivement en leur adressant une demande de renouvellement de son titre de séjour italien, et, d’autre part, que les autorités luxembourgeoises ne sauraient nuire aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères compétentes, le tribunal est amené à retenir que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et est toujours poursuivi avec la diligence requise conformément aux exigences posées par l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008.

Par ailleurs, s’il ressort des explications de la partie étatique qu’aux termes de la directive 2008/115/CE, les autorités italiennes ne sont, compte tenu de la situation particulière de la demanderesse, en ce qu’elle ne dispose actuellement pas de titre de séjour italien valable, pas obligées de répondre à la demande de réadmission leur adressée par les autorités luxembourgeoises, il n’en reste pas moins que le tribunal n’entrevoit à l’heure actuelle pas d’éléments qui permettraient de conclure que l’éloignement vers l’Italie ne puisse pas être mené à bien, les autorités italiennes n’ayant en particulier jamais manifesté une quelconque opposition à une telle réadmission.

Le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, que le recours contre l’arrêté ministériel du 6 février 2018 ordonnant la prorogation de la mesure de placement en rétention de la demanderesse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation :

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 8 mars 2018 à 10.00 heures par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, attaché de justice, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8/3/2018 Le Greffier du Tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 40834
Date de la décision : 08/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-03-08;40834 ?

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