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06/03/2018 | LUXEMBOURG | N°40719

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 mars 2018, 40719


Tribunal administratif N° 40719 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 février 2018 Audience publique du 6 mars 2018 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Madame …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Larochette, en présence de la société à responsabilité limitée …, …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 40719 du rôle et déposée le 6 février 2018 au greffe du tri

bunal administratif par Maître Alain BINGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des av...

Tribunal administratif N° 40719 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 février 2018 Audience publique du 6 mars 2018 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Madame …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Larochette, en présence de la société à responsabilité limitée …, …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 40719 du rôle et déposée le 6 février 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain BINGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, demeurant à …, tendant à voir ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la décision du bourgmestre de la commune de Larochette du 13 novembre 2017, référencée sous le n° 69/2017 et autorisant la société à responsabilité limitée …, établie à …, inscrite au RCS Luxembourg sous le numéro …, à construire un immeuble résidentiel à 4 unités de logement à …, sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de Larochette, section … de Larochette, sous le numéro …, cette autorisation étant encore attaquée au fond par une requête en annulation introduite le même jour, portant le numéro 40718 du rôle ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Christine KOVELTER, en remplacement de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, des 14 et 15 février 2018, portant signification de ladite requête en institution d’un sursis à exécution à l’administration communale de Larochette ainsi qu’à la société à responsabilité limitée …, préqualifiée ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Maître Alain BINGEN pour la requérante, ainsi que Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, pour la commune de Larochette, et Maître Steve HELMINGER, pour la société à responsabilité limitée …, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er mars 2018.

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Suivant avis au public du 6 octobre 2017, il a été porté à la connaissance du public que la société à responsabilité limitée … avait introduit une demande en vue d’obtenir une autorisation de bâtir pour la construction d’un immeuble à 4 unités de logement à ….

Par courrier du 20 octobre 2017, Madame …, voisine directe du terrain destiné à accueillir la construction projetée, s’opposa à la réalisation de la construction projetée, tandis que par courrier du 9 novembre 2017, le bourgmestre de la commune de Larochette rencontra les critiques de Madame … en assurant celle-ci, en substance, que le projet serait conforme au règlement sur les bâtisses.

Aussi, en date du 13 novembre 2017, le bourgmestre autorisa la société à responsabilité limitée … à construire l’immeuble à 4 unités de logement tel que projeté.

Par requête déposée le 6 février 2018 et inscrite sous le numéro 40718 du rôle, Madame … a introduit un recours en annulation contre l’autorisation de construire précitée du 13 novembre 2017. Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 40719 du rôle, elle a demandé à voir prononcer un sursis à exécution de l’autorisation de construire déférée en attendant la solution de son recours au fond.

Madame …, après avoir exposé être la voisine directe du terrain destiné à accueillir la construction projetée et avoir une vue immédiate sur le projet, qu’elle estime être surdimensionné et non-intégré à la zone de faible densité réservée en principe aux maisons unifamiliales, affirme que la construction de l’immeuble projeté entraînerait une aggravation concrète de sa situation en raison du changement d’affectation perceptible du terrain largement vierge sur lequel serait actuellement implanté un unique garage ; elle donne encore à considérer que la construction projetée impliquerait par son emplacement, par le nombre de ses niveaux et par sa hauteur une privation de lumière et des amoindrissements d’ensoleillement au détriment de sa propre propriété.

Elle en déduit que l’exécution de ce permis de construire risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif.

Madame … estime encore que son recours au fond aurait de sérieuses chances de succès de voir annuler le permis querellé et elle se prévaut des moyens d’annulation suivants :

Après avoir indiqué que le terrain litigieux serait situé en zone de faible densité au sens du plan d’aménagement général de la commune de Larochette, ci-après « le PAG », elle fait plaider que l’autorisation de bâtir ne respecterait pas l’article 2.5.1 du PAG, aux termes duquel les immeubles avec un maximum de 4 logements ne seraient autorisés qu’aux abords des routes nationales et des chemins repris, alors que le terrain devant accueillir un immeuble comportant 4 unités de logement, inscrit au cadastre de la commune de Larochette, section … de Larochette, sous le numéro .., serait longé du côté avant par un chemin faisant partie du domaine public communal, sans numéro cadastral, devant lequel se trouverait encore une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Larochette, section A de Larochette, sous le numéro …, ainsi qu’une seconde parcelle portant le numéro …, ces deux parcelles donnant seulement à leur tour du côté avant sur la rue …, à savoir le …, de sorte que la parcelle cadastrée sous le numéro … n’aborderait pas une voie publique tombant sous l’une de ces deux qualifications et ne pourrait accueillir un immeuble à 4 logements.

La requérante s’empare ensuite de l’article 54 a) et b) du règlement sur les bâtisses pour soutenir que, comme le chemin longeant directement le terrain en question ne constituerait ni une voie publique existante à défaut d’avoir été spécialement consolidée, ni une voie nouvelle au sens de l’article 53 i), j) et k), il s’agirait d’une voie non achevée, aux abords de laquelle aucune construction ne pourrait être implantée.

2 Elle affirme encore que l’autorisation de bâtir violerait l’article 2.5.1 in fine du PAG dans la mesure où cette disposition imposerait aux immeubles à plusieurs logements de comprendre une mixité de types de logements, ce qui ne serait pas le cas, l’immeuble projeté prévoyant l’aménagement de quatre appartements identiques comportant chacun deux chambres à coucher.

Madame … soulève ensuite une violation de l’article 2.5.4., alinéa 2 du PAG qui prévoit que le nombre maximum de niveaux est fixé à deux, c’est-à-dire un rez-de-chaussée et un étage, tout en permettant que les combles puissent être utilisés de façon permanente pour l’habitat sur un niveau, une mezzanine étant admise, pour soutenir qu’en l’espèce l’immeuble autorisé comprendrait jusqu’au niveau de la corniche un rez-de-chaussée d’une hauteur de 2,50 mètres, un premier étage d’une hauteur de 2,55 mètres ainsi qu’un deuxième étage d’une hauteur de 2,55 mètres, tous reliés par un ascenseur, et enfin les combles, de sorte à comporter illégalement trois niveaux plus les combles.

Elle argue de même d’une violation de l’article 2.5.4., alinéa 1er, du PAG aux termes duquel la hauteur de la corniche principale devrait se situer entre 4,50 et 6,00 mètres, pour exposer que si en vertu de l’article 31 du PAG la hauteur à la corniche des constructions serait la différence entre le niveau de l’axe de la voie desservante et le niveau de la corniche principale ou du bord supérieur de la façade, en l’espèce, d’après les plans de construction, le niveau de l’axe de la voie desservante serait toutefois de 100,21, et le niveau de la hauteur de la corniche serait de 107,13 du côté avant (corniche principale) et de 108,78 du côté arrière (bord supérieur de la façade), de sorte que la hauteur de la corniche serait de 6,92 mètres (107,13 - 100,21) du côté avant et qu’elle serait de 8,54 mètres (108,75 - 100,28) du côté arrière, donc supérieure à la hauteur règlementaire maximale autorisée, encore que d’après les plans de construction cette hauteur ne serait que de 5,54 mètres du côté avant et de 5,47 mètres du côté arrière, la requérante affirmant que pour arriver à ce résultat, le maître de l’ouvrage aurait fait abstraction du niveau de l’axe de la voie desservante pourtant imposé par le texte de l’article incriminé qui primerait le dessin relatif aux constructions en forte pente.

Enfin, elle soutient que l’autorisation de bâtir ne respecterait pas non plus l’article 2.5.8 du PAG d’après lequel la saillie de la corniche sur les côtés des pignons ne devrait pas dépasser les 0,10 mètre.

L’administration communale de Larochette, rejointe en ses plaidoiries par la société à responsabilité limitée …, conclut de son côté au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.

En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 6 février 2018 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

3 Concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’il constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Au niveau de l’examen des moyens d’annulation invoqués à l’appui du recours au fond, l’examen de ses chances de succès appelle le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et à vérifier si un des moyens soulevés par la partie requérante apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision critiquée.

Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

En ce qui concerne le premier moyen de la partie requérante, force est au soussigné de constater qu’aux termes de l’article 2.5.1 du PAG, relatif à l’affectation de la zone de faible densité dans laquelle est sis le terrain devant accueillir l’immeuble litigieux, « La zone de faible densité comprend les parties du territoire communal réservées aux maisons unifamiliales (un logement par unité de construction) aux services et aux commerces de 4 proximité ne gênant pas l’habitat et d’une superficie nette de plancher de 150,00 mètres carrés maximum au total. Les immeubles avec un maximum de 4 logements ne sont autorisés qu’aux abords des routes nationales et des chemins repris. Les immeubles à plusieurs logements devront comprendre une mixité de types de logements respectant les surfaces minimales fixées dans l’Article 64 ».

Si en l’espèce, tel que résultant des photographies et des plans cadastraux versés en cause, il appert qu’actuellement le terrain en cause ne se trouve pas directement bordé par une route nationale ou un chemin repris (CR), mais qu’il est longé, tout comme le terrain voisin de la requérante, par un chemin ou sentier, lui-même séparé du …, à savoir la rue …, par un terrain appartenant à la commune de Larochette, il ne paraît toutefois pas certain ou probable que les juges du fond en déduisent que le terrain devant accueillir le projet litigieux ne serait pas situé « aux abords » du …, ledit terrain n’étant en effet séparé actuellement du … que par un petit terrain en forme de triangle, mesurant en sa largueur la plus importante quelques 9,10 mètres et en sa largueur la moins importante quelques 3,70 mètres, étant encore constant en cause qu’actuellement le sentier longeant le terrain litigieux donne directement dans le …. Par ailleurs, il résulte des plans de construction versés en cause que le projet immobilier donnera directement dans le …, quitte à devoir prévoir un accès par le terrain communal, de sorte que l’immeuble litigieux peut être considéré comme se trouvant, géographiquement, aux abords du …, lequel dessert et viabilise la parcelle concernée, et ce à l’instar de la parcelle de la requérante.

Ledit moyen ne convainc dès lors guère en l’état actuel d’instruction du dossier.

Il en va de même du second moyen, tiré d’une violation de l’article 55 b) du PAG (et non 54 comme erronément indiqué dans la requête), qui précise que « En bordure, des voies publiques non achevées ou de parties de voies publiques non achevées, aucune construction ne peut être implantée », alors que comme constaté ci-avant au provisoire, la construction projetée semble devoir disposer d’un accès direct non pas par le biais du sentier communal actuellement existant, mais, à l’instar de l’accès dont profite actuellement la requérante elle-

même, directement au …, dont le caractère de voirie publique existante au sens de l’article 53 ne saurait être difficilement contesté.

En ce qui concerne le troisième moyen, basé sur une violation de la mixité de logements requise par le PAG, lequel prévoit en son article 2.5.1. in fine, que « Les immeubles à plusieurs logements devront comprendre une mixité de types de logements respectant les surfaces minimales fixées dans l’Article 64 », cette dernière disposition prévoyant des studios de 40 m2, des appartements à 1 chambre à coucher de 60 m2, des appartements à 2 chambres à coucher de 75 m2 et des appartements à 3 chambres à coucher de 90 m2, une analyse superficielle des plans versés en cause ainsi que du descriptif publié par le promoteur sur son site internet permet de retenir en l’état actuel du dossier que la construction projetée accueillera 4 appartements présentant tous une superficie d’environ 96 m2 et comportant chacun 2 chambres à coucher, de sorte à ne pas répondre à la prescription de l’article 2.5.1. in fine du PAG.

Si tant l’administration communale que la société à responsabilité limitée … font certes plaider que le renvoi à l’article 64 se limiterait à la question des surfaces minimales qui auraient été respectées, une telle argumentation laisse toutefois de convaincre au provisoire, alors qu’elle tend à écarter purement et simplement la référence à la nécessité d’une mixité de types de logement, mixité inexistante en l’espèce. Or, il est probable que les juges du fond 5 retiennent que le renvoi à l’article 64 ne se limite pas aux seules surfaces minimales, mais encore à l’exigence d’une mixité de logements, destinée par ce biais à assurer une mixité sociale en permettant tant à des célibataires qu’à des petites ou plus grandes familles à trouver à se loger.

Le moyen tel que formulé paraît dès lors en l’état actuel du dossier comme présentant une apparence de sérieux.

En ce qui concerne le quatrième moyen, tiré d’un dépassement du nombre de niveaux admissibles, l’article 2.5.4. « Hauteur », précise que « Le nombre maximum de niveaux est fixé à deux, c.à.d. un rez-de-chaussée et un étage. Les combles pourront être utilisés de façon permanente pour l’habitat sur un niveau (une mezzanine est admise) », tandis qu’aux termes de l’article 32 « Niveau », « Sont considérés comme niveaux pleins les étages situés entre le niveau du rez-de-chaussée et le niveau de la corniche ».

Il résulte encore du croquis accompagnant la même disposition que seul « 1 niveau dans les combles » est permis.

Il s’avère encore que selon la littérature technique1, les combles désignent le volume compris entre le plancher haut et la toiture d’un bâtiment, tandis que le croquis illustrant l’article 31 « Hauteur des constructions » semble identifier les combles comme sises entre la faitière et la hauteur de la corniche, et ce même si l’une des corniches est sise plus bas afin de tenir compte d’une forte pente En l’espèce, il résulte certes des plans versés en cause par la partie requérante que le bâtiment tel que projeté comporterait un rez-de-chaussée, un premier étage, suivi d’un niveau intitulé « combles » et d’un second niveau, sis immédiatement sous la toiture et le faitage, de sorte qu’au vu de ces plans, la construction projetée prévoirait apparemment un niveau de trop, qu’il s’agisse d’un 2e étage ou d’un 2e niveau de combles.

Toutefois, il est apparu que les plans versés en cause par la requérante ne constituent pas les plans tels qu’effectivement autorisés par le bourgmestre, mais des plans commerciaux ayant figuré sur le site internet du promoteur. Or, les plans effectivement autorisés en date du 13 novembre 2017 différent de ceux produits par la requérante dans la mesure où ils prévoient une construction conforme aux dispositions de l’article 2.5.4. du PAG, indiquant un rez-de-chaussée, un premier étage et des combles ne comportant qu’un seul et unique niveau, la clause technique n° 8 de l’autorisation de bâtir prohibant par ailleurs explicitement l’aménagement de tout niveau ou dalle complémentaire dans les combles.

Il s’avère dès lors à ce stade de l’analyse que le moyen afférent ne présente pas le sérieux nécessaire pour justifier la mesure provisoire sollicitée.

Il en va de même du moyen tiré d’un dépassement de la hauteur-corniche admissible tel que prévue par l’article 2.5.4, alinéa 1er, du PAG.

En effet, il appert, tel que soutenu tant par l’administration communale que par la partie tiers-intéressée, que la règle générale de mesurage de la hauteur à la corniche, à savoir que cette hauteur reflète la différence entre le niveau de l’axe de voie desservante et le niveau 1 Dicobat 9 - Dictionnaire général du bâtiment.

6 de la corniche principale ou du bord supérieur de la façade, figurant à l’article 31, alinéa 1er du PAG, ne trouve pas en l’espèce application, mais plutôt la dérogation prévue à l’alinéa subséquent, relatif aux constructions en forte pente - situation de l’immeuble projeté - , selon laquelle, tel qu’indiqué par le croquis y relatif, la hauteur de la corniche est mesurée non pas au niveau de l’axe de voie desservante, mais à l’intersection de la pente et du pied de la façade.

Or, en application de cette règle, la corniche postérieure appert être à une hauteur d’environ 5,50 mètres et la façade antérieure à quelques 3,50 mètres, de sorte à se situer dans les valeurs admissibles.

Enfin, en ce qui concerne le dernier moyen, à savoir que l’autorisation de bâtir ne respecterait pas l’article 2.5.8 du PAG dans la mesure où la saillie de la corniche sur les côtés de pignons dépasserait les 10 centimètres maximum préscrits, un mesurage succinct à partir des plans à l’échelle 1/50 versés en cause laisse transparaître une valeur supérieure, de l’ordre de quelques 20 centimètres.

Il n’appert toutefois pas à ce stade d’instruction du dossier que la différence apparaissant ainsi soit de nature à entraîner l’annulation de la décision déférée.

En effet, dans une autre affaire d’urbanisme la Cour administrative2 a fait application pour une différence similaire - il s’agissait alors d’une différence de 8 centimètres - du principe général « de minimis » en considérant en termes de « réalisme urbanistique » que la différence affirmée d’un maximum de 8 centimètres constatée ex post par rapport à une autorisation de construire conférée serait à tel point proche de zéro qu’elle ne serait pas de nature à remettre en cause la régularité de l’autorisation en cause.

Il appert dès lors qu’un seul moyen présente, suite à une analyse sommaire et en l’état actuel d’instruction du dossier, une apparence de sérieux permettant de présager a priori d’une possibilité d’annulation, encore que la jurisprudence des juges du fond3 exige d’un demandeur qu’il justifie en tout état de cause dans quelle mesure une éventuelle annulation sur le fondement des irrégularités soulevées serait de nature à avoir une incidence concrète sur sa situation de voisin, et ce lorsque les irrégularités alléguées ne touchent que des éléments de la construction sur lesquels il n’a aucune vue directe. Ainsi, en l’espèce, si la requérante critique l’agencement interne de l’immeuble et plus particulièrement les types et configurations des logements offerts en vente, il s’agit toutefois d’éléments qui n’affectent pas les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son propre bien4, l’agencement interne de l’immeuble n’ayant a priori pas d’impact sur le gabarit et les dimensions de l’immeuble critiqué.

Il échet encore, sur base de ce même constat, de rappeler que la demande de suspension a pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave et définitif, les effets de la suspension étant d’interdire à l’auteur de l’acte de poursuivre l’exécution de la décision suspendue. Par ailleurs, comme le sursis à exécution doit rester une procédure exceptionnelle, puisqu’il constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

2 Cour adm. 20 mars 2014, n° 33689C.

3 Trib. adm. 29 mars 2017, n° 37995.

4 Voir trib. adm. 21 février 2018, n° 38029.

7 Il en résulte qu’un sursis à exécution ne saurait être ordonné que si le préjudice invoqué par le demandeur résulte de l’exécution immédiate de l’acte attaqué, la condition légale n’étant en effet pas remplie si le préjudice ne trouve pas sa cause dans l’exécution de l’acte attaqué : en d’autres termes, la décision contestée doit porter préjudice ou atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, aux intérêts du demandeur.

Dans cette optique, propre au cadre strict et exceptionnel des demandes en obtention de mesures provisoires devant le juge administratif, ce dernier n’est pas tenu d’examiner tous les moyens du demandeur, en ce compromis des moyens dépourvus de toute incidence sur la situation concrète de celui-ci, mais peut se limiter à analyser sommairement les moyens du demandeur en relation directe avec le préjudice grave et irréversible allégué, le propre du référé administratif est donc, comme relevé ci-avant, précisément d’éviter à un administré la survenance d’un préjudice grave et irréparable. En d’autres termes, le juge du provisoire n’est pas tenu d’examiner des moyens qui éventuellement pourraient aboutir à l’annulation de la décision déférée, mais qui, s’agissant de moyens sans incidence de fait ou de droit sur la situation de l’administré, ne présentent aucun lien avec le préjudice allégué qu’il conviendrait d’éviter d’urgence.

Il suit partant de ce qui précède que le préjudice grave et définitif est à apprécier par rapport aux travaux envisagés, en ce que ceux-ci sont de nature à nuire au demandeur. En effet, dans ce contexte, il importe de vérifier en quoi la situation de voisin se trouve aggravée par un quelconque élément de l’autorisation de construire critiquée, de sorte qu’un demandeur n’est pas recevable à faire contrôler sommairement la légalité de moyens tirés d’éléments qui n’ont pas d’impact direct sur sa situation personnelle5, et plus particulièrement sur sa vue.

En l’espèce, il ressort tant de la requête en obtention d’une mesure provisoire que de la requête déposée devant les juges du fond ainsi que des développements ci-avant que le seul moyen de la requérante présentant le sérieux nécessaire a trait à l’agencement interne de l’immeuble projeté, en ce que l’immeuble tel qu’autorisé ne respecterait pas une mixité de logements : il s’agit d’un élément qui a priori n’a pas d’incidence sur l’implantation de l’immeuble, sur son gabarit, sur son esthétique ou sur son affectation, seuls éléments éventuellement susceptibles de causer un préjudice à un voisin. Aussi, encore que la requérante situe formellement ses griefs au niveau d’une détérioration visuelle de son cadre de vie, le seul moyen en l’état actuel du dossier valablement soulevé se situe au seul niveau de l’agencement intérieur de l’immeuble projeté, et non au niveau de la construction projetée, ledit moyen ayant été soulevé par rapport à des éléments de la construction ainsi autorisée qui ne sont pas de nature à lui causer un quelconque préjudice : il s’agit partant d’éléments sans lien avec le préjudice mis en avant, de sorte à ne pas devoir être examinés dans le cadre des présentes.

Il en résulte que finalement, les différents moyens d’annulation ne sont pas de nature à justifier l’instauration d’une mesure provisoire.

La requérante est partant à débouter de sa demande en institution d’un sursis à exécution, sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage explicitement la question de l’existence éventuelle d’un préjudice grave et définitif, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle 5 Trib. adm (prés.), 28 juin 2016, n° 37996 ; trib. adm. (prés.), 16 novembre 2016, n° 38686.

8 seule l’échec de la demande, encore que le soussigné vient de retenir ci-avant que la seule irrégularité sommairement constatée n’est pas de nature à provoquer un préjudice grave et définitif dans le chef de la requérante.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution, condamne la requérante aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 mars 2018 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 mars 2018 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 40719
Date de la décision : 06/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-03-06;40719 ?

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