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05/03/2018 | LUXEMBOURG | N°40821

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mars 2018, 40821


Tribunal administratif N° 40821 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 février 2018 2e chambre Audience publique 5 mars 2018 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40821 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 février 2018 par Maître Arnaud Ranzenberger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, dÃ

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Tribunal administratif N° 40821 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 février 2018 2e chambre Audience publique 5 mars 2018 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40821 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 février 2018 par Maître Arnaud Ranzenberger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Azerbaïdjan), de nationalité azerbaïdjanaise, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 13 juillet 2017 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 février 2018 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Alev Acer, en remplacement de Maître Arnaud Ranzenberger et Madame le délégué du gouvernement Sarah Ernst en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 mars 2018.

En date du 26 juin 2012, Monsieur … ainsi que son épouse, Madame …introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-

après par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Par une décision du 10 novembre 2014, notifiée aux intéressés par lettre recommandée envoyée le 12 novembre 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa les époux … que leur demande avait été refusée comme non fondée tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Le recours contentieux introduit par les époux … contre ladite décision ministérielle du 10 novembre 2014 fut 1définitivement rejeté en instance d’appel par un arrêt de la Cour administrative du 24 mars 2016, inscrit sous le numéro 37148C du rôle.

Par arrêté du 13 juillet 2017, le ministre interdit à Monsieur … l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans à partir de la sortie de l’espace ….

Par arrêté du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … en rétention administrative au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, afin de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 10 novembre 2014 ;

Vu ma décision d’interdiction d’entrée sur le territoire du 13 juillet 2017 ;

Attendu que l’intéressé n’est pas en possession d’un visa en cours de validité ;

Attendu que l’intéressé a déclaré ne pas retourner volontairement dans son pays d’origine lors de son rendez-vous au Minsitère des Affaires étangères et européennes le 28 avril 2016 ;

Attendu que l’intéressée a fait usage de nom alias ;

Attendu que l’intéressée évite la préparation du retour et la procédure d’éloignement ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressée ont été engagées ;

Considérant que les autorités azerbaïdjanaises ont confirmés en date du 19 juin 2017 qu’il n’y pas d’obstacle au retour de l’intéressé vers l’Azerbaïdjan ; (…) ».

Les deux arrêtés ministériels précités ont été notifiés à Monsieur … en date du 8 février 2018.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 février 2018, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de l’arrêté ministériel, précité, du 13 juillet 2017 ayant ordonné son placement au Centre de rétention.

2Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision ministérielle litigieuse. Il fait valoir que le placement en rétention devrait rester une mesure d’exception qui ne devrait être appliquée que dans l’hypothèse où l’étranger est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre public. Or, en l’espèce, le ministre n’aurait pas justifié la décision déférée par un risque de compromettre l’ordre, la sécurité ou tranquillité publics. Le demandeur conteste ensuite qu’il ait eu l’intention de se soustraire à la mesure d’éloignement. Il donne encore à considérer qu’il souffrirait d’une « épilepsie vraisemblablement idiopathique », en raison de laquelle il bénéficierait d’un suivi médical régulier et d’un traitement journalier au Luxembourg dont il ne pourrait pas bénéficier en Azerbaïdjan. Le demandeur explique encore s’être soustrait en Azerbaïdjan au service militaire, de sorte qu’il serait emprisonné dès son retour dans son pays d’origine. Or, les conditions de vie des prisonniers en Azerbaïdjan seraient misérables dans la mesure où ils ne pourraient notamment bénéficier d’aucun traitement médical, tel que cela ressortirait du rapport annuel 2017/2018 de l’organisation Amnesty International sur l’Azerbaïdjan ainsi que du rapport de l’Organisation Suisse d’Aide aux Réfugiés (OSAR) du 8 juin 2006 intitulé : « Ärztliche Versorgung in Aserbaidschan ». Enfin, le demandeur soutient que son suivi et le traitement de sa maladie ne pourrait pas être convenablement et suffisamment assuré au Centre de rétention.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) » et de l’article 120 (3) de la même loi : « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire (…) ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un 3risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

Etant donné qu’il ressort, par ailleurs, des documents figurant au dossier administratif que le demandeur dispose certes d’un passeport en cours de validité, mais qu’il ne dispose cependant pas d’un visa en cours de validité, il ne remplit pas les conditions énoncées à l’article 34 (2), point 1 de la loi du 29 août 2008, de sorte que l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite est présumée, en vertu de l’article 111 (3) c), point 1. de la même loi, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite est présumé (…) si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) ».

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120 (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre n’aurait pas motivé la décision déférée de placement en rétention par un risque de compromettre l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publics, force est au tribunal de constater que l’article 120 de la loi du 29 août 2008 ne soumet pas le placement en rétention à la condition que l’étranger risque de compromettre l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publics, de sorte qu’il n’appartenait pas au ministre de motiver la décision déférée par une tel risque et que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être pertinent en l’espèce.

La même solution s’impose en ce qui concerne le moyen du demandeur fondé sur des considérations médicales et sur le fait qu’il pourrait être emprisonné en cas de retour en Azerbaïdjan. En effet, si un tel moyen, tiré du fait qu’il ne pourrait pas bénéficier d’un traitement médical contre son épilepsie dans son pays d’origine et qu’il y risquerait d’être condamné à une peine d’emprisonnement, est le cas échéant susceptible d’être invoqué contre une décision d’éloignement du territoire, il n’affecte pas pour autant la légalité d’une décision ordonnant le placement en rétention d’un étranger, laquelle n’est soumise qu’aux conditions énoncées à l’article 120 précité de la loi du 29 août 2009. Le moyen afférent est partant à son tour à rejeter 4pour ne pas être pertinent en l’espèce.

Enfin, pour autant que par son affirmation vague et nullement étayée, selon laquelle le traitement de sa maladie ne pourrait pas « être convenablement et suffisamment assurée au Centre de rétention », le demandeur a entendu introduire un moyen contre la décision déférée, ledit moyen non autrement circonstancié en fait et en droit n’est pas de nature à énerver la régularité de la décision litigieuse et encourt partant le rejet, étant encore précisé qu’il n'appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Hélène Steichen, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 5 mars 2018 par le vice-président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

Arny Schmit Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6.3.2018 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 40821
Date de la décision : 05/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-03-05;40821 ?

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