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25/01/2017 | LUXEMBOURG | N°37092

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 janvier 2017, 37092


Tribunal administratif N° 37092 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 octobre 2015 3e chambre Audience publique du 25 janvier 2017 Recours formé par la société anonyme … s.a. …, contre une décision du bourgmestre de la commune de … en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37092 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 octobre 2015 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … s.a., éta

blie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre du commerce et des sociétés d...

Tribunal administratif N° 37092 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 octobre 2015 3e chambre Audience publique du 25 janvier 2017 Recours formé par la société anonyme … s.a. …, contre une décision du bourgmestre de la commune de … en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37092 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 octobre 2015 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … s.a., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de … du 5 août 2015 portant refus de délivrer une autorisation de construire une station-service sur la parcelle cadastrée n° …, section A de …, sise … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura GEIGER, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Luxembourg, du 2 novembre 2015, portant signification de la prédite requête à l’administration communale de …, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu le mémoire en réponse de Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 janvier 2016, au nom et pour le compte de l’administration communale de … ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Georges KRIEGER, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 février 2016, au nom et pour le compte de la société anonyme … s.a.;

Vu le mémoire en duplique de Maître Steve HELMINGER déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 mars 2016, au nom et pour le compte de l’administration communale de … ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, et Maître Anne-Claire BLONDIN en remplacement de Maître Steve HELMINGER, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 décembre 2016.

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La société anonyme … s.a., ci-après « la société … », est propriétaire d’une parcelle d’une contenance de 21 ares 22 centiares, inscrite au cadastre de la commune et section A de …, au lieu-dit « … », sous le numéro …, parcelle donnée en location à la société anonyme … s.a., ci-après « la société … », en date du 9 décembre 2014 en vue de l’exploitation d’une station-service pendant quinze ans.

Le 15 juin 2015, la société … introduisit une demande en obtention d’une autorisation de construire une station-service sur ladite parcelle.

Par décision du 5 août 2015, le bourgmestre de la commune de …, ci-après désigné par « le bourgmestre » refusa de faire droit à la demande lui ainsi soumise, décision formulée comme suit :

« Me référant à votre demande d’autorisation dans l’affaire mentionnée sous rubrique, je suis au regret de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

En effet, je vous prie de noter que le projet prévoit un mur de soutènement qui dépasse les hauteurs maximales autorisables et l’immeuble projeté se trouve auprès d’un talus fortement boisé.

Du point de vue du développement durable et urbanistique, vous n’êtes pas sans savoir que le reclassement de la zone d’activités à … en zone mixte urbaine avec une préférence sur le développement des surfaces de bureaux et même du logement sont en défaveur du projet.

En plus la création du pôle d’échange … avec une gare et un arrêt de tram à 200 m de distance peut être considérée comme élément crucial contre le développement d’une station de service.

En dernier lieu veuillez noter que notre commune envisage un modèle split 40/60 dans le nouveau quartier, à savoir 40% de déplacements par les transports publics respectivement la mobilité douce et 60% par le transport individuel […] ».

Par requête déposée en date du 27 octobre 2015 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 37092 du rôle, la société … a fait introduite un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du bourgmestre du 5 août 2015 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une autorisation de construire introduite le 15 juin 2015.

Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière de permis de bâtir, de sorte que seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision déférée au tribunal, recours qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse, après avoir rappelé les faits et rétroactes à la base de son recours, soutient en premier lieu qu’en refusant de délivrer l’autorisation de construire sollicitée, le bourgmestre aurait empiété sur les compétences dévolues par la loi au ministre de l’Environnement et elle soulève partant une incompétence du bourgmestre, ainsi 2qu’une violation de l’article 5 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 19 janvier 2004 », de l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 » et des articles 1 et 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administration relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ».

La demanderesse explique plus particulièrement que l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 imposerait à l’administration de baser ses décisions sur des motifs légaux qu’elle devrait en outre indiquer formellement. Or, en l’espèce, aucun des motifs de refus avancé par le bourgmestre ne constituerait un motif de refus légal au sens de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004.

Ainsi, le bourgmestre aurait retenu que l’immeuble projeté se trouverait auprès d’un talus fortement boisé, usant ainsi d’un argument de proximité avec un site forestier pour refuser l’autorisation sollicitée. Or, d’après l’article 5 de la loi du 19 janvier 2004, seul le ministre ayant la protection de l’environnement dans ses attributions pourrait se prononcer sur la construction d’un ouvrage de moins de 30 mètres d’un site forestier de plus d’un hectare, de sorte qu’il y aurait lieu d’admettre que le bourgmestre était incompétent pour refuser l’autorisation de bâtir en se basant sur ce même motif, la demanderesse ajoutant encore que la construction projetée n’aurait ni pour but ni pour conséquence d’empiéter ou de détruire une partie du site forestier en question.

Par ailleurs, en arguant de la sorte, le bourgmestre, en omettant de contrôler sa propre compétence avant de prendre la décision litigieuse, aurait violé l’article 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.

La demanderesse conclut ensuite à une violation des articles 3 et 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, ainsi que de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004. Ainsi, le bourgmestre aurait basé sa décision non pas sur des considérations d’éléments de faits et de droit, mais sur la conformité du projet de construction avec les modifications urbanistiques projetées qui ne seraient pas encore suffisamment élaborées pour justifier le refus sous analyse. Elle ajoute que les modifications urbanistiques projetées, même à les supposer suffisamment élaborées, ne sauraient en tout état de cause constituer des motifs légaux permettant de refuser l’autorisation sollicitée dans la mesure où elles ne se rapporteraient ni aux dispositions du plan ou projet d’aménagement général, ni aux dispositions du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » ou « quartier existant », ni aux dispositions du règlement des bâtisses, ni à la conformité des travaux projetés avec les voies publiques, les sites, ni à la non-réalisation ou l’achèvement des travaux de voirie et d’équipements publiques, de sorte que la décision précitée du bourgmestre du 5 août 2015 devrait encourir l’annulation.

Dans son mémoire en réponse, l’administration communale de … fait, quant à elle, plaider que dans son recours sous analyse, la demanderesse se limiterait à contester les explications complémentaires que le bourgmestre aurait fourni en bon père de famille pour l’informer des intentions de développement du site de la commune et aurait par contre passé sous silence l’argumentation de refus principale, à savoir le fait que le mur de soutènement dépasserait la hauteur maximale autorisable.

3En se basant sur l’article 3.39 de la partie écrite du PAG de …, l’administration communale fait valoir que la hauteur maximale autorisable d’un mur de soutènement s’élèverait à 2 mètres, alors qu’en l’espèce, le mur de soutènement prévu accuserait une hauteur de 3,33 mètres, de sorte que ce serait à bon droit que le bourgmestre a refusé l’autorisation de construire sollicitée et que le recours serait à déclarer non fondé.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse insiste sur le fait que la décision sous analyse comporterait deux volets décisionnels à savoir d’un côté, un volet relatif au principe-

même d’une implantation d’une station-service sur la parcelle litigieuse, et, de l’autre côté, un volet basé sur des raisons architecturales. Le premier volet décisionnel relatif à l’implantation d’une station-service sur la parcelle litigieuse revêtirait un caractère détachable et devrait partant être analysé séparément et ce notamment afin d’éviter que le volet en question acquiert autorité de chose décidée et ne pourrait plus être valablement entrepris. Par ailleurs, le refus basé sur le principe-même d’une implantation d’une station-service sur la parcelle litigieuse aurait des conséquences plus néfastes que le refus basé sur des considérations architecturales, dans la mesure où il conduirait à l’abandon du projet peu importe les modifications qui pourraient y être apportées. Dans la mesure où la réglementation urbanistique actuelle ne s’opposerait pas à la réalisation d’une station-service sur la parcelle litigieuse, la décision attaquée devrait encourir l’annulation sous cet aspect.

En ce qui concerne la non-conformité alléguée du projet de construction à l’article 3.39 de la partie écrite du PAG, la demanderesse met en exergue que dans sa décision sous analyse, le bourgmestre aurait omis de préciser ladite base légale, de sorte qu’il lui aurait été impossible de contester utilement ce volet de refus. Si elle admet la possibilité pour l’administration de compléter sa motivation en cours d’instance, elle conteste toutefois la motivation complémentaire avancée par l’administration communale de ….

Elle fait ainsi valoir que l’article 3.39 de la partie écrite du PAG comporterait plusieurs insécurités juridiques dans la mesure où il ne viserait que les murs de soutènement aménagés devant les constructions implantées sur des terrains en pente et qu’il ne préciserait pas si la hauteur du mur devrait être mesurée à partir du terrain naturel ou à partir du terrain remanié.

Or, en l’espèce le mur de soutènement ne serait pas aménagé devant la construction projetée et n’accuserait qu’une hauteur de 70 centimètres à partir du terrain naturel de part et d’autre de la limite de propriété. Il en serait de même si on prenait comme référence le niveau du terrain adjacent, après la réalisation du mur et déblais des terres sur le terrain concerné par le projet. Dans la mesure où les limitations aux droits de propriété seraient d’interprétation stricte, l’article en question devrait être interprété dans le sens qui lui serait le plus favorable.

La demanderesse est en tout état de cause d’avis que la hauteur maximale autorisable devrait s’apprécier en référence au niveau du terrain soutenu dans la mesure où, d’un point de vue technique, il pourrait s’avérer qu’un mur de soutènement de plus de deux mètres de haut calculé vis-à-vis du terrain en aval soit nécessaire pour soutenir les terres en amont et qu’une telle limitation de hauteur impliquerait pour la plupart des cas l’impossibilité de réaliser une surélévation vis-à-vis du terrain en amont et finalement le fait de calculer la hauteur maximale du mur de soutènement vis-à-vis du niveau du terrain en aval impliquerait, le cas échéant, pour le voisin situé en amont l’impossibilité de procéder à la clôture de sa parcelle via une surélévation du mur de soutènement et ce malgré le fait que l’exhaussement du mur mitoyen serait de droit.

4 Il y aurait dès lors lieu de conclure que le mur de soutènement projeté ne présenterait qu’une hauteur de 70 centimètres de sorte que le projet de construction litigieux serait conforme aux règles urbanistiques applicables.

Dans son mémoire en duplique, l’administration communale de … conteste le caractère détachable des prétendus différents volets décisionnels en affirmant qu’en l’espèce, il appartiendrait au tribunal d’analyser les différents motifs de refus, à supposer qu’il y en ait plusieurs, la commune soutenant en effet que le seul motif de refus serait la non-conformité du projet à l’article 3.39 de la partie écrite du PAG et que les autres considérations avancées ne seraient que des explications que le bourgmestre aurait cru utile d’acter, et qu’il suffirait qu’un seul motif soit justifié pour déclarer le recours en annulation sous analyse non fondé.

En ce qui concerne la hauteur maximale autorisable d’un mur de soutènement, l’administration communale, tout en admettant que la formulation de l’article 3.39 de la partie écrite du PAG, ne serait pas « des plus heureuses », conteste l’interprétation de ce même article telle qu’effectuée par la demanderesse. Ainsi, le terme de « devant » ne ferait que désigner la position du mur de soutènement par rapport à la construction, vu du terrain à soutenir. Par ailleurs, il suffirait de prendre en considération la hauteur du mur de soutènement-même pour vérifier si la hauteur maximale autorisable de 2 mètres était respectée, l’administration communale précisant qu’en l’espèce le mur de soutènement en question accuserait une hauteur de 3,33 mètres. Elle ajoute que la demanderesse, en introduisant une nouvelle demande en obtention d’une autorisation de construire dans laquelle la hauteur du mur de soutènement aurait été ramenée à une hauteur inférieure à 2 mètres, aurait reconnu la non-conformité de son projet aux dispositions urbanistiques applicables.

L’administration communale explique ensuite que l’article 3.39 de la partie écrite du PAG viserait à éviter des murs de soutènement à hauteur exorbitante et à forcer le maître de l’ouvrage à épouser, dans la mesure du possible, le dénivelé du terrain naturel, tout en précisant que cette interprétation de la disposition réglementaire en question résulterait également de l’article 3.30 de la partie écrite du PAG intitulé « Murs - Haies - Clôtures ». Elle fait ainsi plaider que l’article 3.39 de la partie écrite du PAG viserait l’ensemble des murs de soutènement et aurait pour finalité d’éviter toute gêne de voisinage.

La défenderesse ajoute que si le tribunal devait suivre les développements de la société … quant à l’interprétation de l’article 3.39 en question, le bourgmestre aurait toujours la possibilité de voir limiter la hauteur du mur de soutènement en vertu de l’article 3.30 précité et ce en vue de préserver le plus possible la configuration naturelle du terrain dans l’intérêt du voisinage, de l’aspect du quartier et du site.

Finalement, l’administration communale donne à considérer que rien n’empêcherait le propriétaire d’un terrain en amont d’un mur de soutènement de clôturer son terrain, mais concernant la hauteur du mur de soutènement, il ne saurait le surélever davantage et elle conteste qu’un exhaussement d’un mur mitoyen serait de droit, alors qu’un tel mur devrait en tout état de cause être conforme aux dispositions urbanistiques en vigueur.

Force est d’abord au tribunal de constater qu’il résulte du libellé de la décision litigieuse, que le bourgmestre a basé son refus sur plusieurs considérations, à savoir la non-

conformité du projet litigieux avec les prescriptions de la partie écrite du PAG, ainsi que la proximité de la parcelle destinée à accueillir la station-service projetée d’un talus boisé, le reclassement projeté de cette même parcelle, le bourgmestre ayant en effet précisé que ladite 5parcelle serait destinée à être classée en zone urbaine mixte « avec une préférence sur le développement des surfaces de bureaux et mêmes du logement », reclassement qui serait « en défaveur du projet », et finalement le fait qu’un pôle d’échange serait prévu à … avec la gare et un arrêt de tram projeté à 200 mètres de la parcelle litigieuse, ce qui d’après le bourgmestre pourrait être considéré « comme élément crucial contre le développement d’une station de service », celui-ci ayant encore mis en avant la volonté de la commune de donner préférence au transport en commun.

Le tribunal ne saurait partant suivre l’argumentation de la partie défenderesse selon laquelle la décision sous analyse serait basée sur un seul motif de refus, à savoir une prétendue violation de l’article 3.39 de la partie écrite du PAG, le bourgmestre ayant en effet avancé quatre motifs de refus distincts en précisant à chaque fois les raisons précises qui, à son avis, s’opposent à la réalisation du projet litigieux et dont la légalité fera l’objet de l’examen du tribunal.

Il échet ensuite de souligner qu’aux termes de l’article 37, alinéas 1 et 2 de la loi du 19 juillet 2004 : « Sur l’ensemble du territoire communal, toute réalisation, transformation, changement du mode d’affectation, ou démolition d’une construction, ainsi que les travaux de remblais et de déblais sont soumis à l’autorisation du bourgmestre.

L’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement au plan ou projet d’aménagement particulier « quartier existant » et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites. » Une autorisation de construire n’est dès lors accordée que si les travaux sont conformes soit au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan ou au projet d’aménagement particulier, voire au plan ou au projet de lotissement, de relotissement ou de morcellement, parties graphique et écrite, ainsi qu’au règlement des bâtisses.

La finalité de l’exigence légale de l’obtention d’une autorisation de construire consiste, en effet, à vérifier si un projet de construction est conforme aux règles d’urbanisme applicables, à savoir essentiellement les plans d’aménagement général et particulier et le règlement sur les bâtisses, et une autorisation de construire s’analyse partant en la constatation officielle par l’autorité compétente, en l’occurrence le bourgmestre, de la conformité d’un projet de construction aux dispositions d’urbanisme applicables, de manière que toutes les règles quant au respect du droit de propriété de tiers et à la prise en compte de considérations d’intérêt privé qui ne font pas partie des règles d’urbanisme applicables sont étrangères au champ du contrôle de l’autorité compétente pour la délivrance d’une autorisation de construire.1 Ainsi, le bourgmestre, en délivrant l’autorisation de bâtir, constate dans la forme passive d’une autorisation que la réalisation du projet est permise sur base du plan d'aménagement général et du règlement sur les bâtisses de la commune2, textes d’interprétation stricte.

En premier lieu, et en ce qui concerne les considérations du bourgmestre selon lesquelles la parcelle destinée à accueillir le projet de construction litigieux serait située en proximité immédiate d’un talus fortement boisé, il appartient au tribunal de rappeler que 1 Cour adm., 22 mars 2011, n°27064C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Urbanisme, n°616 et les autres références y citées 2 Cour adm. 27 avril 2006, n° 20250C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

6conformément à l’article 5 de la loi du 19 janvier 2004, aux termes duquel « Il ne peut être entamé ni érigé, sans l'autorisation du Ministre, aucune construction quelconque, incorporée ou non au sol, à une distance inférieure à trente mètres: a) des bois et forêts d'une étendue d'un hectare au moins […] », seul le ministre ayant la protection de l’environnement dans ses attributions peut se prononcer sur la légalité d’une construction en raison de sa proximité immédiate des bois et forêts d’une étendue d’un hectare au moins, le bourgmestre ne pouvant quant à lui, comme retenu ci-avant, que vérifier si un projet de construction est conforme aux règles d’urbanisme applicables.

Il convient à cet égard de souligner que le bourgmestre, appelé à statuer sur une demande de permis de construire, agit en organe d’exécution et s'il refusait un permis de construire pour une construction dont la mise en place ne serait point empêchée par la réglementation communale d'urbanisme existante, il suspendrait de ce fait l'exécution même de ladite réglementation, sinon encore rendrait de fait non constructible une parcelle ayant vocation à recevoir des constructions, pareille façon de procéder n'étant pas seulement prohibée par la loi, mais encore contraire à l'essence même des attributions exécutives du bourgmestre en la matière.3 En d’autres termes, le bourgmestre, dont la compétence est délimitée par les règlements dont il doit assurer l’exécution, ne saurait en principe fonder sa décision sur des motifs qui ne font pas l’objet de prescriptions expresses dans le règlement sur les bâtisses :

lors de la délivrance d’une autorisation de construire, le bourgmestre doit se limiter à vérifier la conformité de la demande en autorisation, d’une part, par rapport au plan d’aménagement général et, d’autre part, par rapport au règlement sur les bâtisses et il commettrait un abus de pouvoir s’il basait sa décision sur d’autres considérations.

Au vu des considérations qui précèdent, le bourgmestre n’a, faute de commettre un abus de pouvoir, pas valablement pu baser sa décision de refus sous analyse sur la considération que la parcelle litigieuse serait située à proximité d’un talus boisé.

Ensuite, et en ce qui concerne la conclusion du bourgmestre selon laquelle la construction projetée ne serait pas autorisable d’un « point de vue du développement durable et urbanistique » eu égard au reclassement projeté de la parcelle en question en zone mixte urbaine avec « une préférence sur le développement des surfaces de bureaux et mêmes du logement », il y a lieu de rappeler comme développé ci-avant que le bourgmestre, pour refuser une autorisation de construire, ne peut se baser que sur la seule règlementation communale d’urbanisme existante, et non pas sur des considérations relevant d’une réglementation urbanistique future qui n’ont pas encore fait l’objet d’une concrétisation effective par le biais de dispositions réglementaires claires en voie d’élaboration, permettant le cas échéant au conseil communal de frapper certains immeubles de la servitude prévue à l’article 20 de la loi du 19 juillet 2004, et partant au bourgmestre de refuser une autorisation de construire contraire aux dispositions du projet d’aménagement général, de sorte qu’en l’espèce le bourgmestre n’a pas valablement pu baser son refus sur de telles considérations.

En ce qui concerne ensuite les considérations relatives au fait qu’un pôle d’échange serait prévu à … avec la gare et un arrêt de tram à 200 m de distance de la parcelle litigieuse, de même que la volonté de la commune de favoriser les transports en commun, il échet de 3 ibidem 7relever que de telles considérations ne relèvent pas non plus d’une quelconque règle urbanistique et ne saurait partant justifier le refus sous analyse.

Finalement en ce qui concerne le motif tenant au prétendu dépassement de la hauteur maximale autorisable par le mur de soutènement, motif dont la légalité est contestée par la demanderesse, il échet de relever que s’il est vrai que le bourgmestre a omis de préciser la disposition réglementaire applicable, la commune a toutefois complété sa motivation en cours d’instance en précisant que le mur en question contreviendrait à l’article 3.39 de la partie écrite du PAG, aux termes duquel « Les murs de soutènement des terrasses aménagés devant les constructions implantées sur des terrains en pente ne peuvent dépasser une hauteur de 2,00 mètres ».

Il résulte cependant du libellé dudit article que contrairement à l’interprétation extensive en effectuée par l’administration communale, consistant à affirmer que ledit article aurait vocation à s’appliquer à tout mur de soutènement de toute construction généralement quelconque, cette disposition réglementaire précise explicitement ne s’appliquer qu’aux « murs de soutènement des terrasses aménagées devant les constructions ». Or, force est de constater qu’il résulte des pièces versées en cause et plus particulièrement du plan intitulé « Façades-Coupes » que le mur de soutènement prévu en l’espèce se situe à la limite arrière de la parcelle litigieuse, au niveau du parking adjacent aux pompes à essence, et a pour finalité de contenir les terres de la parcelle voisine, lesquelles accusent un niveau largement supérieur au terrain destiné à accueillir la construction litigieuse, terrain sur lequel des travaux de déblais sont prévus.

Force est dès lors de retenir que le refus opposé à la demanderesse résulte notamment d’une lecture erronée par l’administration communale de l’article 3.39 de la partie écrite du PAG, article qui ne s’applique qu’aux seuls murs de soutènement de terrasses situées à l’avant des constructions, de sorte à exclure tout autre mur de soutènement, le tribunal rappelant à ce sujet, outre qu’une réglementation d’urbanisme, en ce qu’elle tend à encadrer l’usage du droit de propriété, lequel droit non seulement se trouve constitutionnellement garanti par l’article 16 de la Constitution, mais jouit encore de la protection conférée par l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est d’interprétation stricte4, que l’Etat de droit n’existe que si le citoyen peut se fier à la lettre du texte de loi, dans la mesure où celui-ci est comme en l’espèce clair et précis.

Dans la mesure où ledit article n’est partant pas applicable en l’espèce, le bourgmestre n’a pas valablement pu baser son refus sur une violation dudit article, de sorte que c’est à bon droit que la demanderesse conclut à l’illégalité de ce motif de refus.

Dans son mémoire en duplique, l’administration communale affirme encore que si l’article 3.39 de la partie écrite du PAG ne devait pas trouver à s’appliquer en l’espèce, le bourgmestre aurait néanmoins pu refuser l’autorisation de construire sollicitée au motif que le mur de soutènement présenterait une hauteur trop importante et ce, en application de l’article 3.30 de la partie écrite du PAG intitulé « Murs – Haies – Clôtures » aux termes duquel « Sans préjudice des dispositions de l’art.3.29 du présent règlement, tous les murs, haies et clôtures à implanter en limite de propriétés ainsi que leurs teintes et les matériaux à utiliser pour leur 4 Cour adm. 26 janvier 2006, n° 20285C, Pas. adm. 2016, V° Urbanisme, n° 22.

8construction doivent être préalablement autorisés par le Bourgmestre.[…] Dans tous les cas, la hauteur des murs est limitée à 50cm, mesurée par rapport au terrain aménagé […] ».

Il résulte de l’intitulé ainsi que du libellé dudit article que celui-ci a vocation à s’appliquer aux murs ayant pour finalité de séparer deux propriétés sises au même niveau, étant souligné que dans ce cas de figure, il est légitime, notamment pour des raisons d’ensoleillement, de limiter à une certaine hauteur les murs séparatifs de propriété.

En l’espèce, et comme retenu ci-avant, le mur litigieux est implanté à la limite arrière de la parcelle destinée à accueillir la station-service, de sorte à avoir, dans ce cas précis, une double fonction, à savoir d’une part, la fonction de mur de soutènement jusqu’à la hauteur du terrain naturel, et, d’autre part, la fonction de mur séparatif pour la partie dépassant le terrain naturel, laquelle ne doit pas dépasser la hauteur de 50 centimètres. Or, il résulte des plans versés en cause, et plus particulièrement du plan intitulé « Façades-Coupes » que la partie du mur litigieux ayant la fonction de mur séparatif mesure environ un mètre et dépasse ainsi la hauteur maximale autorisable aux termes de l’article 3.30 de la partie écrite du PAG, de sorte que le bourgmestre a valablement pu refuser l’octroi de l’autorisation de construire sollicitée sur base de la considération que le mur en question n’est pas conforme aux dispositions urbanistiques applicables.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de déclarer le recours sous analyse non fondé.

La demanderesse sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000,- euros sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, demande qui est cependant à rejeter vu l’issue du litige.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la commune de … est également étant donné que les conditions légales afférentes et notamment l’établissement du caractère d’iniquité résultant du fait de laisser des frais non répétibles à sa charge n’ont pas été rapportées à suffisance comme étant remplies en l’espèce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation recevable en la forme ;

au fond le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette toutes les demandes en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse aux frais ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 janvier 2017 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Hélène Steichen, juge, 9 en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 janvier 2017 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 37092
Date de la décision : 25/01/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-01-25;37092 ?

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