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27/01/2016 | LUXEMBOURG | N°37218

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 janvier 2016, 37218


Tribunal administratif N° 37218 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 novembre 2015 2e chambre Audience publique extraordinaire du 27 janvier 2016 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37218 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 novembre 2015 par Maître Nicky Stoffel, avocat

à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ...

Tribunal administratif N° 37218 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 novembre 2015 2e chambre Audience publique extraordinaire du 27 janvier 2016 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37218 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 novembre 2015 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …à … (Bosnie-

Herzégovine), de nationalité bosnienne, demeurant actuellement à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 19 novembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 décembre 2015 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel Marigo, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 janvier 2016.

Le 15 septembre 2015, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du même jour.

1Le 7 octobre 2015, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

A cette occasion, il expliqua avoir quitté son pays d'origine en raison de difficultés qu’il aurait rencontrées avec des amis de son ex-concubine. En effet, suite à la rupture de sa relation avec celle-ci, ces personnes l’auraient frappé à deux ou à trois reprises et l’auraient importuné tant à son lieu de travail qu’à son domicile, ce qui aurait causé non seulement son licenciement, mais aussi la résiliation de son contrat de bail à loyer. Il n’aurait pas dénoncé ces faits à la police par crainte de représailles et au motif qu’un ami, qui serait lui-même un policier, lui aurait déconseillé de porter plainte puisque la police « (…) ne (…) [règlerait] pas [ses] problèmes d’amour (…) ».

Par décision du 19 novembre 2015, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1), points a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 novembre 2015, Monsieur … a fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision du ministre du 19 novembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

A l’audience publique des plaidoiries, le tribunal a invité les parties à prendre oralement position quant à l’incidence, sur les présents recours, de l’abrogation de la loi du 5 mai 2006 par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci -

après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », publiée au Mémorial A le 28 décembre 2015 et entrée en vigueur 3 jours francs après sa publication, soit le 1er janvier 2016, à défaut de disposition spéciale quant à l’entrée en vigueur de ladite loi.

Les parties ont renoncé à prendre position par rapport à cette question.

Dans la mesure où, à travers l’article 83 de la loi du 18 décembre 2015, le législateur s’est limité à abroger purement et simplement la loi du 5 mai 2006 dans son intégralité, sans pour autant prévoir de mesures transitoires, se pose la question de la loi applicable au présent litige.

Quant à la recevabilité des recours introduit par Monsieur …, le tribunal relève que seule la loi en vigueur au jour où une décision critiquée a été prise est applicable pour apprécier la recevabilité d’un recours contentieux dirigé contre elle, étant donné que l’existence ainsi que la nature d’une voie de recours sont des règles du fond du droit judiciaire, de sorte que les conditions dans lesquelles un recours contentieux peut être introduit devant une juridiction doivent être réglées suivant la loi sous l’empire de laquelle a été rendue la décision attaquée, en 2l’absence de mesures transitoires1, tel que c’est le cas en l’espèce. Il s’ensuit que la recevabilité des recours sous examen devra être analysée conformément aux dispositions de la loi du 5 mai 2006.

L’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, ainsi qu’un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire. Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître, d’une part, des recours en annulation introduits respectivement contre la décision ministérielle du 19 novembre 2015 de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée et contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte et, d’autre part, du recours en réformation introduit contre la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale, lesdits recours étant, par ailleurs recevables pour avoir été introduits dans les formes et délais de la loi.

Quant à la loi applicable au fond du litige, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d'un recours en réformation, le juge administratif est amené à considérer les éléments de fait et de droit de la cause au moment où il statue, en tenant compte des changements intervenus depuis la décision litigieuse2, tandis que, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité d'une décision administrative s'apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise3, de sorte que, d’une part, la loi du 18 décembre 2015 est applicable en ce qui concerne le refus de la protection internationale, et, d'autre part, la loi du 5 mai 2006 continue à s’appliquer pour l’analyse du bien-fondé tant de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée A l’appui de ce volet de son recours, le demandeur soutient que les conditions posées par l’article 20 (1) a), b) et c) pour permettre au ministre de statuer sur une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ne seraient pas remplies en l’espèce. Plus particulièrement, il fait valoir que le ministre aurait, à tort, retenu qu’il proviendrait d’un pays d’origine sûr. En effet, la Bosnie-Herzégovine ne serait pas à considérer comme tel « (…) du fait de la violation récurrente des droits de l’Homme[, de] l’instabilité des institutions étatiques se traduisant par un manque d’indépendance du système judiciaire et de la corruption dans le rang de la police (…) ». Par ailleurs, si la Bosnie-Herzégovine est « (…) actuellement considérée (…) » comme étant un pays d'origine sûr, au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, « (…) elle n’en reste[rait] pas moins un Etat où la corruption [serait] devenue monnaie courante (…) ».

1 Trib. adm. 5 mai 2010, n° 25919 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 288 et l’autre référence y citée.

2 Trib. adm., 15 juillet 2004, n° 18353 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Recours en reformation, n° 17 et l’autre référence y citée.

3 Trib. adm. , 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Recours en annulation, n° 17 et les autres références y citées.

3Le demandeur reproche encore au ministre d’avoir fait une interprétation erronée des faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale, au motif que les conditions d’octroi d’un statut de protection internationale seraient remplies dans son chef.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 :

« Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; (…) » Il s’ensuit qu’en vertu de l’article 20 (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit s’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi modifiée du 5 mai 2006.

Par ailleurs, il convient de relever que les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-

fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance.

En ce qui concerne plus précisément le cas énuméré au point c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, force est de constater qu’aux termes de l’article 21 de cette même loi, auquel l’article 20 (1) fait expressément référence : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce 4pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » En l’espèce, il est constant en cause que par règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, la Bosnie-

Herzégovine a été retenue comme constituant un pays d’origine sûr. Etant donné qu’il est encore constant en cause que le demandeur a la nationalité bosnienne, c’est a priori à bon droit que le ministre a pu conclure qu’il provient d’un pays d’origine sûr.

Or, au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est pas suffisant pour conclure ipso facto qu’il soit statué sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, étant donné qu’aux termes de l’article 21 (2) de la même loi, le ministre est obligé, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, de procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l'espèce, le tribunal constate que le ministre, après examen de la demande de protection internationale du demandeur, a conclu qu'il provient d'un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et dans les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier si le demandeur lui soumet, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

5Or, le demandeur omet d'établir l’existence concrète, dans son chef, de pareilles raisons.

En effet, l'analyse de la situation personnelle décrite par lui ne permet pas d'en dégager des éléments suffisants impliquant que ce constat ministériel s’en trouve ébranlé.

Dans ce contexte, force est au tribunal de constater que le demandeur n’a pas porté plainte suite aux actes de violence dont il aurait été victime. Si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection, s’il n’a pas lui-même tenté formellement d’obtenir une telle protection de la part des autorités de son pays d'origine. En effet, il faut en toute hypothèse que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut.4 Or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence d’actes de violence, communément la forme d’une plainte.

En l’espèce, le demandeur est resté en défaut de fournir des raisons valables permettant de justifier son inaction à cet égard, ses craintes de représailles étant insuffisantes à cet égard, étant rappelé, dans ce contexte, que la notion de protection n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants d’un pays contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. La même conclusion s’impose en ce qui concerne la référence générale, non appuyée par de quelconques éléments concrets, qu’il fait à l’existence, en Bosnie-Herzégovine, de « (…) violation[s] récurrente[s] des droits de l’Homme (…) », à « (…) l’instabilité des institutions étatiques [bosniennes] se traduisant par un manque d’indépendance du système judiciaire (…) » et à la corruption qui serait devenue « (…) monnaie courante (…) » dans son pays d'origine, notamment au sein de la police. Il en est de même en ce qui concerne l’affirmation du demandeur selon laquelle son ami, qui serait lui-même un policier, lui aurait déconseillé de porter plainte, au motif que la police ne pourrait pas régler ses « (…) problèmes d’amour (…) », étant donné que si la police n’est de toute évidence pas compétente en matière de résolution de difficultés d’ordre relationnel, cette circonstance ne saurait dispenser le demandeur de rechercher la protection des autorités bosniennes face aux agissements des amis de son ex-concubine dont il se prévaut à l’appui de sa demande de protection internationale, ces faits étant constitutifs d’infractions pénales, dont la poursuite figure manifestement parmi les attributions de la police.

Dans ces conditions, le tribunal retient qu’il n’est pas établi en l’espèce que les autorités bosniennes ne voudraient ou ne pourraient fournir au demandeur une protection appropriée par rapport aux faits en question.

Il s’ensuit que le ministre a valablement pu conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 20 (1) c), respectivement de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale.

4 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

6Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale A l’appui de ce volet de son recours, le demandeur reproche au ministre d’avoir fait une interprétation erronée des faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale, en ce que lesdits faits – dont les auteurs seraient à qualifier d’acteurs de persécutions, au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006, devenu l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, s’agissant de personnes privées dont le comportement serait « (…) cautionné par le laxisme des autorités sur place (…) » – constitueraient des actes de persécutions d’ordre physique et mental au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève », ainsi que de la loi du 5 mai 2006, abrogée et remplacée par celle du 18 décembre 2015, de sorte qu’il craindrait avec raison d’être persécuté en cas de retour dans son pays d’origine. Le demandeur insiste encore sur le fait qu’un examen sérieux et objectif d’une demande de protection internationale ne saurait être effectué en faisant abstraction de la situation générale du pays d'origine de la personne concernée. Or, la Bosnie-

Herzégovine serait « (…) un Etat où la corruption reste[rait] un fléau manifeste avec de graves répercussions sur le devenir des jeunes, notamment sur le droit de mener une vie digne par le biais d’un travail (…) ». Le demandeur déduit de l’ensemble de ces considérations que la décision déférée devrait encourir la réformation.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Il y a lieu de relever qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, anciennement l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la même loi, reprenant, en substance, les termes de l’ancien article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, comme « (…) tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, anciennement l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

7 a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) ».

Aux termes de l’article 2 g) de la loi 18 décembre 2015, anciennement l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ». L’article 48 de la même loi, anciennement l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».

En outre, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, anciennement l’article 28 de la loi du 5 mai 2006, « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être:

a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la même loi, anciennement l’article 29 de la loi du 5 mai 2006 : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au 8paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».

Il se dégage de ces dispositions légales que tant l’octroi du statut de réfugié que celui du statut conféré par la protection subsidiaire supposent, entre autres, d’une part, que les faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale atteignent un certain degré de gravité – lequel est déterminé, s’agissant du statut de réfugié, par l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015 relatif à la notion de « persécution » et, s’agissant de la protection subsidiaire, par l’article 48 de la même loi, qui précise la notion d’ « atteinte grave » – et, d’autre part, que l’intéressé ne puisse se prévaloir d’une protection étatique appropriée, étant rappelé que la notion de protection n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants d’un pays contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Or, le tribunal vient ci-avant de retenir dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée par rapport à la situation de fait et de droit ayant existé au jour de la prise de la décision litigieuse qu’il n’est pas établi en l’espèce que les autorités bosniennes seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas fournir au demandeur une protection au sens de l’article 40 (2) de la loi du 18 décembre 2015. Dans la mesure où, dans le cadre du présent recours en réformation, le tribunal ne dispose, au jour où il statue, pas d’autres éléments permettant d’énerver cette conclusion – l’affirmation de Monsieur …, non appuyée par de quelconques éléments concrets, selon laquelle les agissements des amis de son ex-concubine seraient « (…) cautionné[s] par le laxisme des autorités sur place (…) » étant insuffisante à cet égard –, les faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale ne sauraient justifier ni l’octroi du statut de réfugié, ni celui de la protection subsidiaire.

Dès lors, le tribunal retient que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale de Monsieur …, de sorte que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire En l’espèce, le demandeur sollicite l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, au motif que la décision ministérielle portant refus de sa demande de protection internationale devrait encourir la réformation.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en annulation.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant 9illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

En l’absence d’autres moyens, le tribunal ne saurait remettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire, de sorte que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 19 novembre 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 19 novembre 2015 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 19 novembre 2015 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 27 janvier 2016 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 janvier 2016 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 37218
Date de la décision : 27/01/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2016-01-27;37218 ?

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