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07/10/2015 | LUXEMBOURG | N°34719

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 octobre 2015, 34719


Tribunal administratif n° 34719 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg inscrit le 18 juin 2014 3e chambre Audience publique du 7 octobre 2015 Recours formé par Madame …, …, contre une décision de la Société Nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois, en matière de transport

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34719 du rôle et déposée le 18 Juin 2014, au greffe du tribunal administratif par Maître Christian-Charles Lauer, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’

Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulati...

Tribunal administratif n° 34719 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg inscrit le 18 juin 2014 3e chambre Audience publique du 7 octobre 2015 Recours formé par Madame …, …, contre une décision de la Société Nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois, en matière de transport

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34719 du rôle et déposée le 18 Juin 2014, au greffe du tribunal administratif par Maître Christian-Charles Lauer, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision de la Société Nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois du 20 mars 2014 lui ayant infligé une amende pour s’être fait transporter sans titre de transport valable, décision confirmée en date du 14 avril 2014, suite au recours gracieux introduit le 2 avril 2014 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Josiane Gloden du 24 juin 2014 par lequel ladite requête a été signifiée à la Société Nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Christian-Charles Lauer en sa plaidoirie à l’audience publique du 29 avril 2015 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 6 mai 2015 ayant prononcé la rupture du délibéré pour permettre aux parties de déposer un mémoire supplémentaire sur la question de savoir de quelle entité émane la décision déférée du 20 mars 2015 et sur la compétence des juridictions administratives pour statuer sur le recours dirigé contre cette décision ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 mai 2015 par Maître Christian-Charles Lauer au nom et pour compte de Madame …, ledit mémoire ayant été signifié par exploit de l’huissier de justice Josiane Gloden du 13 mai 2015 à la Société Nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juillet 2015 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 juillet 2015 par Maître Christian-Charles Lauer au nom et pour compte de Madame …, ledit mémoire ayant été signifié par exploit de l’huissier de justice Josiane Gloden du 17 juillet 2015 à la Société Nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Charles-

Christian Lauer et Monsieur le délégué du gouvernement Yves Huberty en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 septembre 2015.

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Madame … emprunta en date du 8 mars 2014 le train numéro 134 à partir de Trèves en direction Luxembourg-Ville.

A la suite d’un contrôle de titres de transport opéré dans ledit train le jour en question, la responsable de division du service Activité Voyageurs Trains de la société Nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois, ci-après désignée par « la CFL », informa le 20 mars 2014 Madame … que durant ledit contrôle effectué sur la ligne n° 134 le 8 mars 2014, il s’est avéré qu’elle ne disposait pas de titre de transport pour le trajet entre Igel et Luxembourg et que partant elle est invité à payer une amende à hauteur de 150 € sur le fondement de la loi du 13 septembre 2013 ayant modifié la loi du 29 juin 2004 portant sur les transports publics et modifiant la loi modifiée du 12 juin 1965 sur les transports routiers ainsi que la loi du 19 juin 2009 sur l’ordre et la sécurité dans les transports publics.

Par un courrier électronique du 2 avril 2014, Madame … s’adressa à la CFL et contesta la mise à charge de cette amende.

Par un courrier du 14 avril 2014, la chargée de gestion du service Activité Voyageurs Trains de la CFL confirma la décision du 20 mars 2014 dans les termes suivants :

« Bezugnehmend auf Ihre E-Mail vom 2. April 2014, in Folge unseres Schreibens n°3140037 AV2/CVTi vom 20. März 2014 müssen wir Ihnen leider mitteilen, dass wir Ihre Erklärungen nicht berücksichtigen können, da unsere Tarifbestimmungen festlegen, dass der Fahrgast, der während einer Kontrolle keine gültige Fahrkarte vorzeigen kann, ein Bußgeld von 150,00 E zu entrichten hat.

Des Weiteren obliegt es dem Kunden sich zu vergewissern, dass er im Besitz einer gültigen Fahrkarte für die ganze, zu fahrende, Strecke ist.

Somit bitten wir Sie den Betrag von 150,00 € auf das Postscheckkonto […] der Chemins de Fer Luxembourgeois bis spätestens zum 28. April 2014 zu überweisen.

Andernfalls sehen wir uns gezwungen den oben erwähnten Betrag gerichtlich einzuklagen. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juin 2014, inscrite sous le numéro 34719 du rôle, Madame … a introduit, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance auquel le tribunal est en principe tenu, un recours en annulation, sinon en réformation contre la décision de la CFL du 20 mars 2014.

Bien que la requête introductive d’instance ait été signifiée par exploit d’huissier à la CFL le 24 juin 2014, et transmise par la voie du greffe à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg le 18 juin 2014, ni la CFL, ni l’Etat du Grand-Duché n’ont présenté de mémoire en réponse. Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire, même si la partie défenderesse ou le tiers intéressé n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi.

Le tribunal constate que le courrier litigieux du 20 mars 2014 a été signé par la responsable de Division de la CFL, Madame …, mais que ledit courrier, couché sur du papier à entête de la CFL, porte en outre la mention « CFL pour le compte du Ministère du Développement Durable et des Infrastructures », de sorte à mener à la question de savoir de quelle entité la décision litigieuse émane, la réponse à cette question ayant, le cas échéant, une incidence sur la question de la compétence du tribunal administratif pour connaître du présente recours.

Par rapport à ces questions, le tribunal a prononcé en date du 6 mai 2015 la rupture du délibéré et a autorisé des mémoires supplémentaires.

A titre liminaire et s’agissant de l’argumentation de Madame … que des mémoires supplémentaires de la part de partie défaillante ne serait plus admissibles, une telle contestation visant tant la CFL, expressément mentionnée par Madame …, et de manière implicite également l’Etat du Grand-Duché, force est de constater qu’en vertu de l’article 7, dernier alinéa de la loi du 21 juin 1999, dans l’intérêt de l’instruction de l’affaire, le président de la chambre appelé à connaître de l’affaire peut ordonner d’office la production de mémoires supplémentaires, que, par ailleurs, aux termes de l’article 30 de la même loi, le tribunal ne peut statuer sur un moyen soulevé d’office, tel que cela est le cas en l’espèce, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, étant par ailleurs relevé que, tel que cela a été retenu ci-avant, même à défaut par la CFL, respectivement par l’Etat de présenter un mémoire, la procédure est contradictoire à leur égard. Il s’ensuit que le fait que la CFL, respectivement l’Etat n’ont pas déposé de mémoire en réponse endéans le délai de la loi n’empêche pas le tribunal administratif à autoriser des mémoires supplémentaires.

L’argumentation afférente de Madame … est dès lors rejetée.

Toujours à titre liminaire, il convient encore de statuer sur l’admissibilité du mémoire supplémentaire déposé par l’Etat le 9 juillet 2015 ainsi que sur celle du mémoire supplémentaire déposé par Madame … le 27 juillet 2015, questions soulevées d’office par le tribunal à l’audience des plaidoiries du 23 septembre 2015.

Le délégué du gouvernement a contesté que le mémoire supplémentaire de l’Etat ait été déposé le 9 juillet 2015 et renvoie à cet égard à un courrier du 30 juillet 2015 adressé au tribunal, tandis que le mandataire de Madame … conclut au rejet du mémoire.

Force est de constater que suite à la rupture du délibéré prononcée en l’espèce par le tribunal, les parties ont été autorisées, chacune, à produire un mémoire supplémentaire, sous peine de forclusion.

La possibilité ainsi offerte aux parties de déposer un mémoire supplémentaire en application de l’article 7, alinéa 3 de la loi du 21 juin 1999 est en l’espèce à mettre en rapport avec l’article 30 de la même loi, selon lequel le tribunal ne peut statuer sur un moyen soulevé d’office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations. Cette possibilité offerte aux parties constituant une dérogation par rapport aux règles ordinaires de la procédure notamment quant au nombre de mémoires admissibles et quant aux délais endéans lesquels ceux-ci doivent être déposés, les mémoires supplémentaires autorisés sont nécessairement circonscrits, quant à leur objet, à la seule question soulevée par le tribunal et, quant à leur nombre, à celui expressément autorisé, et les délais fixés par le tribunal sont à respecter sous peine de forclusion, à l’instar des délai ordinaires d’instruction inscrits à l’article 5 de la loi du 21 juin 1999.

Il se dégage de l’avis communiqué aux parties que celles-ci ont été autorisées par le tribunal à déposer chacune un mémoire supplémentaire et non pas deux et que le délai accordé à cette fin à l’Etat a expiré le 8 juillet 2015, à 17:00 heures, sous peine de forclusion.

Ainsi, le mémoire déposé par la partie étatique en date du 9 juillet 2015, l’a été en dehors du délai accordé par le tribunal et est à écarter des débats. Cette conclusion n’est pas énervée par les contestations de la partie étatique quant à la date du dépôt du mémoire, étant donné que le dépôt du mémoire du délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif, prévu en tant que tel par l’article 8 (3) de la loi du 21 juin 1999, est constaté par le cachet apposé par le greffier qui fait foi, sans que la preuve du contraire ne soit admise étant donné qu’une coopération loyale entre les parties et le tribunal impose au mandataire d’une partie de vérifier l’exactitude de la date du cachet dès le moment où il reçoit une copie de retour par le greffe lors du dépôt du mémoire ou du recours.

De même, le deuxième mémoire supplémentaire déposé par Maître Lauer le 27 juillet 2015 est allé au-delà du nombre de mémoires autorisés par le tribunal, de sorte qu’il y a lieu de l’écarter également des débats.

Enfin, le tribunal a encore soulevé d’office la question de la recevabilité de la demande en paiement d’une indemnité de procédure telle que formulée par Madame … pour la première fois dans son mémoire supplémentaire du 19 juin 2015.

Le mandataire de Madame … a déclaré à l’audience des plaidoiries que cette demande serait recevable puisque dans son mémoire elle se serait réservé tous autres droits et qu’elle aurait formulé cette demande puisqu’elle aurait dû faire signifier son mémoire additionnel, tandis que le délégué du gouvernement argumente que cette demande serait irrecevable pour constituer une demande nouvelle.

Le tribunal est amené à retenir que la demande en paiement d’une indemnité de procédure, formulée pour la première fois dans le mémoire additionnel, est à déclarer irrecevable, étant donné qu’elle dépasse par son objet celui circonscrit dans l’avis du tribunal du 6 mai 2015, auquel l’autorisation de déposer un mémoire additionnel a été limitée.

S’agissant des questions soulevées par le tribunal dans son avis du 6 mai 2015, Madame … fait plaider dans son mémoire supplémentaire du 19 mai 2015, que la décision litigieuse émanerait d’une autorité administrative revêtue d’un caractère individuel à son encontre et fait valoir que la compétence des juridictions administratives serait basée sur le fait que la CFL et notamment l’administration des Chemins de Fer serait en vertu de la loi du 22 juillet 2009 relative à la sécurité ferroviaire régie par le Code administratif.

A titre subsidiaire, Madame … fait valoir que la possibilité d’un recours devant le tribunal administratif aurait été acceptée telle quelle par la CFL puisqu’une telle possibilité aurait été mentionnée dans le courrier du 20 mars 2014 litigieux.

Le délégué du gouvernement a déclaré à l’audience des plaidoiries reprendre les termes de son mémoire du 9 juillet 2015.

Sur question afférente du tribunal à l’audience des plaidoiries, le mandataire de Madame … ainsi que le représentant étatique ont encore confirmé que la signataire de la décision déférée est un agent de la CFL.

Sur base des conclusions orales des parties ainsi que du mémoire de Madame …, le tribunal constate que les parties sont en accord pour retenir que la décision déférée émane de la CFL. Cette conclusion s’impose pareillement au regard des termes choisis dans le courrier du 20 mars 2014, laissant apparaître que la CFL ait entendu prendre une décision propre et au regard des déclarations concordantes des parties à l’audience que le courrier a été signé par un agent de la CFL. Le tribunal arrive dès lors à la conclusion que la décision du 20 mars 2014 a été prise par la CFL en son nom propre, malgré la formulation susceptible de prêter à confusion figurant à l’entête du courrier en question et portant la mention « pour le compte du ministère du Développement Durable et des Infrastructures ».

S’agissant de la compétence des juridictions administratives pour connaître d’une décision prise par la CFL, l’article 2 paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif subordonne la compétence des juridictions administratives à la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir, d’une part, que l’acte entrepris ait force décisionnelle affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste et, d’autre part, qu’il ait un caractère administratif, c’est-à-dire qu’il doit être l’œuvre d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés1.

Le caractère décisionnel de l’acte déféré ne posant aucune difficulté en l’espèce, il convient d’examiner si l’acte émane d’une autorité administrative.

1 cf. Contentieux administratif luxembourgeois par Rusen Ergec, Pas. adm. 2015, page 11 L’autorité administrative peut être définie comme étant celle qui met en œuvre un pouvoir administratif, c’est-à-dire qui soit participe à l’exécution de la puissance publique, soit gère un service public2, étant relevé que l’autorité administrative doit avoir agi dans la sphère du droit administratif.3 D’après le premier critère dégagé on doit qualifier d’acte administratif, l’acte pris par une autorité relevant, du moins pour cet acte, de la sphère du droit administratif. Il s’agit normalement d’un organisme de droit public ayant la qualité d’autorité administrative, celle-

ci étant qualifiée comme autorité participant à un titre quelconque à l’exercice de la puissance publique, c’est-à-dire exerçant des prérogatives de droit public, investie pour l’acte considéré de pouvoirs exorbitants du droit commun applicable entre particuliers, en d’autres termes, du droit de prendre des décisions unilatérales opposables aux destinataires et exécutoires, au besoin, par voie de contrainte4. - peu importe que l’autorité relève, pour d’autres attributions et décisions, de juridictions différentes5.

A côté de ce premier critère de distinction coexiste un second, à savoir celui du service public.

Peuvent être considérées comme des autorités administratives des institutions de droit privé qui sont chargées de la gestion d’un service public ou d’une mission d’intérêt général.6 Force est de constater qu’il se dégage des statuts de la CFL, tels qu’ils sont approuvés par une loi du 28 mars 1997, que la CFL est une société de droit luxembourgeois jouissant de la personnalité morale et étant régie, sous réserve des dérogations approuvées ou prévues par la loi, par ses statuts et subsidiairement par les lois en vigueur sur les sociétés commerciales et que ses engagements sont réputés commerciaux. S’il est vrai que l’Etat luxembourgeois, à côté de l’Etat belge et de l’Etat français, a des participations dans la CFL, celle-ci ne constitue, d’après ses statuts, pas une personne morale de droit public, mais une personne morale soumise, à côté, de ses statuts, aux dispositions applicables aux sociétés commerciales, de sorte que la FCL n’est a priori pas un organe de droit public.

D’autre part, il se dégage néanmoins de la loi du 28 mars 1997 ayant notamment approuvé les statuts modifiés de la CFL, que cette dernière est soumis à un certain contrôle de la part de l’Etat luxembourgeois, pouvoir de contrôle qui se dégage encore de manière plus générale de la loi modifiée du 29 juin 2004 portant sur les transports publics et modifiant la loi modifiée du 12 juin 1965 sur les transports routiers.

2 TA 30.10.2001, n° 11798 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu 3 Cf. Contentieux administratif luxembourgeois par Rusen Ergec, Pas. adm. 2015 page 16 4 Cf. F. SCHOCKWEILER, Le Contentieux administratif et la Procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, n° 47 5 Cf. ibidem, n° 49 6 Le contentieux administratif, Michel Leroy, 4e édition, page 279 Le tribunal constate encore que la CFL répond à un besoin d’intérêt général en ce qu’elle gère un service public du transport en commun, qui pour le surplus est soumis un certain contrôle étatique, plus particulièrement en ce que la planification, l’organisation, la gestion et le contrôle des transports publics incombent, conformément à l’article 6 de la loi précitée du 29 juin 2004, au ministre compétent et en qu’en application de l’article 22 de la même loi, le prix du transport, les modalités de sa perception et les conditions tarifaires afférentes ainsi que les prescriptions relatives aux documents de transport sont déterminés par règlement grand-ducal. Pareillement, les conditions du maintien de l’ordre et de la sécurité dans les services de transports publics sont réglées par la loi, en l’occurrence par la loi modifiée du 19 juin 2009 sur l’ordre et la sécurité dans les transports publics et modifiant a) la loi modifiée du 17 décembre 1859 sur la police des chemins de fer, b) la loi modifiée du 12 juin 1965 sur les transports routiers et c) la loi modifiée du 29 juin 2004 sur les transports publics, ci-après désignée par « la loi du 29 juin 2004 », et c’est plus précisément dans ce cadre que se situe la décision litigieuse ayant prononcé une amende à l’égard du demandeur au motif que celui-ci aurait emprunté les transports publics en commun sans disposer d’un titre de transport valable.

Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que la CFL a, en prenant la décision attaquée du 20 mars 2014, agi en tant que autorité administrative, de sorte que la décision en question est à qualifier de décision administrative et que le tribunal est compétent pour en connaître.

Aucune disposition légale ne prévoyait un recours en réformation contre une décision ayant prononcé une amende pour défaut de présentation d’un titre de transport valable, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce. Le recours en annulation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en réformation.

A l’appui de son recours, la demanderesse déclare être, en date du 8 mars 2014, monté dans le train 134 à Trèves pour se rendre à Luxembourg-Ville. N’ayant matériellement plus eu le temps d’acheter un ticket dans le guichet de la gare, elle l’aurait acheté dans le train lui-même auprès du contrôleur allemand.

Elle n’aurait pas contrôlé le ticket lui remis par l’agent de la Deutsche Bahn, mais, lors d’un contrôle effectué par un contrôleur des chemins de fer luxembourgeois, elle se serait rendu compte que le ticket qu’elle venait d’acquérir indiquait comme destination le village d’Igel en Allemagne, de sorte que le contrôleur aurait constaté qu’elle était dépourvu d’un titre de transport valable pour la partie du tronçon allant jusqu’à Luxembourg. A cet égard, la demanderesse relève qu’il n’y aurait aucune possibilité de sortir du train à Igel.

Pourtant, elle se serait vu infliger une amende d’un montant de 150 € par une décision du mars 2014, ayant été confirmée par une décision du 14 avril 2014 suite à une réclamation introduite le 2 avril 2014.

En droit, la demanderesse invoque l’incompétence de la CFL pour décider sur l’application de l’amende litigieuse et conclut à la compétence du ministre pour ce faire, en s’appuyant sur l’article 11ter (4) de la loi du 13 septembre 2013 modifiant a) la loi modifiée du 29 juin 2004 portant sur les transports publics, et b) la loi du 19 juin 2009 sur l’ordre et la sécurité dans les transports publics, dont elle déduit qu’il appartiendrait au seul ministre, sur base du rapport y prévu de l’agent contrôleur, de se prononcer sur l’opportunité de sanctionner les faits.

La décision attaquée est basée sur la loi du 13 septembre 2013.

Aux termes de l’article 11bis de la loi du 19 juin 2009, tel qu’introduit par une loi du 13 septembre 2013, inscrit sous le chapitre 2 intitulé « Règles concernant le contrôle des titres de transports » « Les agents visés à l’article 4 sont chargés du contrôle des tickets de transports dans les services de transport public. » et de l’article 11ter de la même loi « 1.

Tout usager des transports publics doit se munir d’un titre de transport valable au début de son voyage.

L’usager qui ne peut pas présenter de titre de transport valide à la demande de l’agent est tenu de payer une amende administrative de 150 €.

Si l’usager présente un titre de transport contrefait, manipulé ou non valide, l’agent peut retenir ce titre.

2. L’agent est autorisé à contrôler l’identité de l’usager et à se faire exhiber à ces fins une pièce d’identité ainsi qu’à se faire fournir l’adresse de l’usager en question.

3. L’agent dresse un rapport, dans lequel il constate l’identité de l’usager des transports publics, le transport concerné, l’absence de titre de transport valide, le paiement de l’amende ou le défaut de paiement de l’amende et la rétention du titre de voyage présenté.

Le contrôle d’identité fait également l’objet de ce rapport conformément à l’article 6.

4) Le rapport est transmis au ministre. » L’article 4 de la même loi, auquel l’article 11bis se réfère, dispose que « Le ministre peut agréer des agents qui sont employés sous un statut de droit public […] », tandis qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 19 juin 2009 « Les agents de service coopèrent au maintien de l’ordre et de la sécurité dans les moyens de transports publics, dans les gares routières et ferroviaires et aux arrêts. Dans l’exercice de cette mission, ils peuvent rappeler aux usagers des transports publics l’obligation de respecter les prescriptions légales », les agents de service étant définis à l’article 2 b) de la même loi comme « toute personne employée aux fins de prestation de services de transports publics ou de maintien de l’ordre et de la sécurité dans les transports publics ».

Il se dégage des dispositions des articles 11bis et 11ter, précitées, qu’un usager des transports publics non muni d’un titre de transport valable au début de son voyage doit payer une amende de 150 €.

En vertu du point 3 de l’article 11ter, c’est l’agent de service de la CFL qui contrôle les titres de transport, qui peut également encaisser l’amende, étant donné qu’il ressort du point 3 de l’article 11ter précité que celui-ci constate entre autre le paiement de l’amende dans le rapport y prévu. Par voie de conséquence, la CFL a compétence pour infliger l’amende en question. La circonstance que le rapport dressé par l’agent contrôleur est adressé par la suite au ministre ne permet pas de conclure que la décision d’infliger une sanction appartient au ministre. En effet, si cette compétence reviendrait au ministre, le constat par l’agent du paiement de l’amende figurant au point 3 de l’article 11ter précité ne donnerait aucun sens. C’est dès lors à tort que le demandeur conclut à la compétence du ministre ayant les transports publics dans ses attributions. La compétence de la CFL n’étant pas autrement contestée, le moyen d’incompétence est à rejeter comme étant non fondé.

Quant aux contestations de la demanderesse fondées sur l’affirmation qu’elle aurait acheté un billet jusqu’à Igel, il se dégage des dispositions précitées des articles 11bis et 11ter de la loi du 19 juin 2009, issues de la loi du 13 septembre 2013, qu’un usager des services de transports publics non muni d’un titre de transport valable au début de son voyage est tenu de payer une amende administrative de 150 €.

Il n’est pas contesté et il se dégage d’ailleurs des pièces soumises à l’appréciation du tribunal que la demanderesse était certes muni d’un titre de transport, mais que ce titre de transport n’était valable que pour une partie du trajet et non pas pour l’intégralité du trajet emprunté par elle allant de Trèves jusqu’à Luxembourg-Ville. Il s’ensuit que la demanderesse se trouvait dans la situation visée par l’article 11ter premier point, précité, de la loi du 19 juin 2009. Cette disposition ne prévoyant aucune exception, il y a lieu de conclure que la présentation d’un titre de transport ne couvrant qu’une partie du trajet, même acheté de bonne foi comme le soutient la demanderesse, est à assimiler à un défaut de présentation de titre. Il s’ensuit que la légalité de la décision d’infliger à la demanderesse une amende administrative de 150 € n’est pas ébranlée à cet égard.

A défaut d’autres moyens invoqués par la demanderesse, le recours est rejeté comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

écarte des débats le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juillet 2015 par le délégué du gouvernement, ainsi que le mémoire supplémentaire déposé le 27 juillet 2015 par Maître Charles-Christian Lauer pour le compte de la demanderesse ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en réformation ;

déclare irrecevable la demande en paiement d’une indemnité de procédure formulée par la demanderesse ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Thessy Kuborn, premier juge, et lu à l’audience publique du 7 octobre 2015 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 octobre 2015 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 34719
Date de la décision : 07/10/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-10-07;34719 ?

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