La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/03/2011 | LUXEMBOURG | N°26922

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mars 2011, 26922


Tribunal administratif N° 26922 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mai 2010 3e chambre Audience publique du 2 mars 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires communaux en matière de discipline

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26922 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2010 par Maître Alain Bingen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une

décision du 2 février 2010 du Conseil de discipline des fonctionnaires communaux prononç...

Tribunal administratif N° 26922 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mai 2010 3e chambre Audience publique du 2 mars 2011 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires communaux en matière de discipline

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26922 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2010 par Maître Alain Bingen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du 2 février 2010 du Conseil de discipline des fonctionnaires communaux prononçant à l’égard de Monsieur …, receveur de l’administration communale de …, la peine disciplinaire de la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges Weber, demeurant à Diekirch, du 18 mai 2010, portant signification de ladite requête à l’administration communale de …, établie à L-

…, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonction ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Alain Bingen en sa plaidoirie.

En mai 2001, Monsieur … entra au service de l’administration communale de … en tant que receveur communal.

Par courrier du 12 février 2009, le collège des bourgmestre et échevins de la commune de … saisit le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire en vue de procéder à une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur ….

Le 12 octobre 2009, le commissaire du gouvernement adjoint émit le rapport d’instruction qu’il transmit pour attribution au Conseil de discipline des fonctionnaires communaux, désigné ci-après par « le conseil de discipline ».

Par une décision du 2 février 2010, le conseil de discipline prononça à l’égard de Monsieur … la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle. La décision du conseil de discipline est libellée comme suit :

« (…) Il est reproché à …:

1. de faire de preuve d'absence de rigueur et de zèle dans son travail, de sorte que le montant de l'état des restants pour les années 2006 et 2007 prend des proportions très importantes, passant notamment de 11.373 € en 2003 à 58.890 € en 2006 ;

2. de ne pas remettre régulièrement les « contrôles de caisse du receveur-quinzaine » et ceci ni au Commissaire de District, ni au collège échevinal de …, 3. de ne pas clôturer les travaux du compte communal au plus tard pour le 1er juillet, tel que prévu par les textes des lois et règlements communaux ; de terminer ces travaux depuis plusieurs années au mois de novembre, empêchant ainsi le collège échevinal d'entamer les travaux budgétaires, 4. de ne pas envoyer aux habitants les bulletins de l'impôt foncier et d'omettre d'encaisser les montants y relatifs au plus tard pour le 30 avril de l'année d'après ; de ne pas envoyer les factures communales aux personnes concernées, de sorte que la caisse communale subit des pertes d'argent indirectes par le paiement décalé des factures, 5. de ne pas être capable de rattraper le retard de travail qui s'est accumulé au fil des mois et années, 6. de ne pas respecter le délai du 1er mars de l'année d'après pour le dépôt des cartes d'impôt du personnel communal à l'administration des Contributions ; de ne pas reverser, et ce depuis des années, aux chambres professionnelles les montants déduits du salaire du personnel ; de ne pas s'impliquer pour encaisser les sommes dues à la commune de …, sommes en attente depuis des années et qui risquent la prescription, 7. de ne pas avoir pris position par écrit dans le délai de 3 mois aux remarques du service de contrôle des finances communales relatives aux comptes de gestion de l'année 2006 renvoyés par ce service au mois de juin 2008 et ce malgré rappels du collège échevinal, 8. de ne pas avoir déclaré les salaires du personnel au centre commun de la Sécurité Sociale.

Les griefs libellés à charge de … se trouvent établis par les débats menés devant le Conseil de discipline, et par les pièces du dossier administratif, dont notamment la déposition du témoin … et les multiples notes de service.

Le Conseil de discipline retient d'ailleurs que lors de son audition par Monsieur le Commissaire du gouvernement adjoint en date du 30 juin 2009, l'inculpé a reconnu ces reproches et a déclaré être conscient d'avoir accumulé beaucoup de retards dans son travail, retards qui ont créé de sérieux problèmes à la commune de …. Lors de l'instruction de l'affaire devant le Conseil de discipline, … n'a pas non plus émis de contestations quant aux griefs libellés à son égard.

Les faits ainsi prouvés et retenus constituent des manquements disciplinaires au sens des articles 11 paragraphe 1 et 12 paragraphe 1 du statut général des fonctionnaires communaux.

Quant à la peine disciplinaire à appliquer, il convient de relever que lors de son audition par Monsieur le Commissaire du Gouvernement adjoint, … a admis que « la quantité de travail qui est la mienne en tant que receveur n'est pas exagérée pour une seule personne et qu'en théorie, je devrais être à même de faire ce travail. » Lors de son audition devant le Conseil de discipline l'inculpé a tenté d'expliquer les retards dans son travail par le fait d'avoir été dérangé par le bruit des travaux de rénovation des bureaux de l'administration communale. Or il résulte de la déposition du secrétaire communal … que les travaux de rénovation ont eu lieu en 2005 et n'ont perduré que pendant une année. A cela s'ajoute que l'inculpé n'a pas saisi la proposition du bourgmestre de n'être au bureau que pendant une demi-journée, lors des heures d'ouverture au public, et de terminer son travail en dehors des heures de travail officielles. Force est encore de constater que les retards qui se sont accumulés depuis 2004 ne sont actuellement pas encore résorbés, mais qu'au contraire la situation s'est encore aggravée en 2008, le montant des restants de l'année 2008 ayant été supérieur à celui de l'année 2006.

Il ressort des éléments du dossier que l'inculpé s'est fait rappeler à l'ordre un nombre impressionnant de fois tant par les responsables de la commune que par le Commissaire de district et par Monsieur le Ministre de l'intérieur, sans que ces avertissements et injonctions aient été suivis d'une amélioration dans le comportement de l'inculpé. Même à l'heure actuelle, … ne fournit pas le moindre élément donnant à espérer qu'à l'avenir il serait capable non seulement de résorber l'arriéré accumulé dans son travail, mais encore d'exécuter les tâches courantes dans les délais.

Par ailleurs il convient de relever que la carence de … a eu pour conséquence un préjudice considérable pour la commune de … créant un désordre certain dans les finances communales, certaines créances devenant irrécouvrables par l'effet de la prescription.

Au vu de ces éléments, le Conseil de discipline estime qu'il y a lieu d'infliger à … la peine disciplinaire de la mise à la retraite d'office pour inaptitude professionnelle. » Par requête déposée le 18 mai 2010 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision du conseil de discipline précitée du 2 février 2010, lui notifiée le 25 février 2010, prononçant à son égard la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle.

Il y a de prime abord lieu de relever que l’administration communale de … n’a pas fourni de mémoire en réponse en cause dans le délai légal bien que la requête introductive lui ait été valablement signifiée par exploit d’huissier de justice du 18 mai 2010. Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire.

Aux termes de l’article 66, paragraphe 2, de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, ci-après désignée par « la loi du 24 décembre 1985 » : « En dehors des cas où le Conseil de discipline statue en appel, le fonctionnaire frappé d’une sanction disciplinaire prononcée par le Conseil de discipline ou suspendu conformément à l’article 59, paragraphe 1er, peut, dans les trois mois de la notification de la décision, prendre recours au Tribunal administratif qui statue comme juge du fond. Le même droit de recours appartient au collège des bourgmestre et échevins, qui peut exercer ce droit par l’intermédiaire du délégué visé à l’article 70, alinéa 3. (…) ».

Monsieur …, fonctionnaire communal, ayant été frappé d’une sanction disciplinaire prononcée par le conseil de discipline en dehors des cas où il statue en appel, le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit.

Le recours en réformation est encore recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

L’analyse de la légalité externe d’une décision devant précéder celle du bien-fondé de la décision, il appartient en premier lieu au tribunal de statuer sur le moyen du demandeur tiré de la composition irrégulière du conseil de discipline, au motif que cette composition aurait violé l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, désignée ci-après par « la CEDH », consacrant le droit à un tribunal indépendant et impartial.

Le demandeur soutient dans ce contexte qu’étant donné que Monsieur …, bourgmestre de la commune de …, aurait été membre du conseil de discipline, alors qu’il serait également député, le principe de la séparation des pouvoirs aurait été violé, car il y aurait cumul des fonctions judiciaire et législative dans le chef de ce membre. Il estima que cette situation serait à rapprocher de l’article 100 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire consacrant l’incompatibilité du mandat de député avec l’exercice d’une fonction judiciaire.

L’article 6, alinéa 1er, de la CEDH dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…) ».

La composition du conseil de discipline est prévue par l’article 70, alinéa 2, de la loi du 24 décembre 1985 qui dispose que : « Ce Conseil de discipline, appelé à donner un avis dans les cas prévus à l’article 62 qui précède, est composé d’un magistrat de l’ordre judiciaire, de trois membres de collèges des bourgmestre et échevins et de trois fonctionnaires appartenant à des communes et à des carrières différentes, et d’un nombre égal de suppléants choisis selon les mêmes critères. » Il en résulte que Monsieur …, en sa qualité de bourgmestre, a en principe valablement pu siéger au conseil de discipline.

En ce qui concerne le reproche d’un manque d’impartialité et d’indépendance à l’adresse du conseil de discipline du fait que Monsieur …, à côté de son mandat de bourgmestre, cumule le mandat de député, il y a tout d’abord lieu de relever que la procédure disciplinaire ne revêt pas en elle-même un caractère juridictionnel, mais une nature purement administrative. Il s’ensuit que les garanties du procès équitable, telles que prévues à l’article 6 de la CEDH n’ont pas vocation à s’appliquer au niveau d’une procédure disciplinaire purement administrative, mais n’entrent en ligne de compte qu’à un stade ultérieur, au niveau de l’instance juridictionnelle compétente pour connaître du recours dirigé contre la décision administrative traduisant l’aboutissement de ladite procédure disciplinaire.

En d’autres termes, la CEDH ne s’oppose pas à ce qu’une sanction soit prononcée par une autorité ne satisfaisant pas aux exigences de l’article 6 de la CEDH, pourvu que la personne frappée par la sanction puisse introduire un recours contre celle-ci devant un tribunal offrant toutes les garanties de l’article 6.

Il s’ensuit que le moyen avancé par le demandeur, basé sur une violation alléguée de l’article 6 de la CEDH au niveau de la procédure disciplinaire administrative ayant précédé la décision déférée sous examen, laisse en tout état de cause d’être fondé.

Quant à l’argument basé sur une interdiction de cumuler les fonctions de l’ordre judiciaire avec celle de député, fondé sur l’article 100 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, cette disposition ne saurait trouver application en l’espèce, étant donné que cette interdiction de cumul ne vise que les fonctions de l’ordre judiciaire, hypothèse non vérifiée en l’espèce.

Toutefois, les exigences d’impartialité et d’indépendance s’imposant par ailleurs à l’autorité disciplinaire indépendamment de l’article 6 de la CEDH, la seule présence de Monsieur … au sein du conseil de discipline, ne permet pas au tribunal de retenir, en l’absence d’autres éléments, que ces exigences aient été violées en l’espèce.

Le moyen tiré d’une composition irrégulière du conseil de discipline laisse partant d’être fondé.

Quant au bien-fondé de la décision litigieuse, le demandeur expose qu’il ne contesterait pas la réalité des faits lui reprochés, mais critique que le conseil de discipline n’aurait pas pris en considération sa situation personnelle. Il fait ainsi état de ses problèmes de santé portant atteinte à son équilibre psychique, qui auraient commencé au plus tard pendant les vacances de la Toussaint de 2005, lorsqu’il aurait perdu tous ses cheveux en une semaine, et qui auraient perduré jusqu’au mois de mars de l’année 2010. Il précise qu’il aurait occulté ses problèmes de santé, qu’il n’aurait pas été absent de son travail pour cause de maladie et qu’il n’aurait pas suivi de traitement médical. Il n’aurait commencé à se faire soigner qu’au début de l’année 2010 en suivant un traitement auprès d’un médecin psychiatre.

Le rapport d’instruction établi par le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire en date du 12 octobre 2009 mentionne uniquement un problème de chute de cheveux, dont l’auteur du rapport a eu connaissance par le biais du témoignage du secrétaire communal. Il ne ressort pas dudit rapport que le demandeur aurait mentionné lui-

même ce problème, les deux certificats médicaux du 17 décembre 2009 et du 2 avril 2010 versés en l’espèce n’ayant été établis que postérieurement au rapport d’instruction.

Le certificat médical du Dr. …, médecin généraliste, du 17 décembre 2009 a retenu que le traitement antidépresseur prescrit le 20 novembre 2009 ne donnait pas encore toute son efficacité et a conseillé au demandeur de consulter un psychologue ou un médecin psychiatre.

Le certificat médical du Dr. …, médecin-psychiatre, du 2 avril 2010 a établi que le demandeur était en traitement psychiatrique depuis le 18 janvier 2010 pour dépressions récurrentes depuis cinq ans, qu’il était euthymique, présentait un bon équilibre psychique depuis début mars 2010 et qu’il suivait sa thérapie avec engagement et motivation.

La décision déférée du conseil de discipline ne se réfère pas au prédit certificat médical du 17 décembre 2009 et il ne ressort par ailleurs d’aucun élément du dossier que le conseil de discipline en avait connaissance. De plus, au moment où ledit conseil siégeait, il ne pouvait pas encore avoir connaissance de l’évolution de la maladie du demandeur, telle qu’indiquée par le prédit certificat médical du 2 avril 2010 établi postérieurement à la décision litigieuse.

Il ressort de l’ensemble des pièces versées qu’avant l’établissement de ces certificats médicaux, l’intéressé n’a jamais voulu parler de sa maladie, voire reconnaître avoir des problèmes de santé, alors même que le bourgmestre de la commune de … l’avait plusieurs fois invité à en discuter. Il a uniquement essayé d’expliquer le retard pris dans l’exécution de ses fonctions par le bruit des travaux de rénovation des bureaux de l’administration communale ayant eu lieu en 2005.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le demandeur ne saurait reprocher au conseil de discipline d’avoir omis de prendre en considération sa situation personnelle et plus particulièrement ses problèmes de santé. Le demandeur n’ayant pas fait état d’autres éléments qui n’auraient pas été pris en considération par le conseil de discipline, le moyen est à rejeter comme non fondé.

Le demandeur reproche ensuite au conseil de discipline d’avoir retenu que l’administration communale de … aurait, du fait de la carence du demandeur, subi un préjudice se traduisant par le désordre certain des finances communales et par des créances communales devenues irrécouvrables par l’effet de la prescription.

A cet égard, le demandeur fait valoir que le recouvrement des taxes et impositions communales se prescrirait par 5 ans conformément à l’article 154 de la loi communale du 13 décembre 1988, telle que modifiée, tandis que l’action disciplinaire se prescrirait par 3 ans conformément à l’article 88 de la loi du 24 décembre 1985, et que pour le surplus, le receveur communal serait tenu personnellement des recettes non perçues à cause de sa négligence ou de sa faute, conformément à l’article 142 de la prédite loi communale.

S’il est vrai que le préjudice financier subi par la commune de … n’est pas quantifié en l’état actuel du dossier, il n’en demeure pas moins qu’il ressort du dossier de l’instruction disciplinaire que le demandeur a négligé de procéder aux devoirs qui lui incombaient en sa qualité de receveur communal, qu’il a reçu de nombreux rappels à l’ordre à ce sujet, mais en vain et que la carence de Monsieur … ne saurait donc être remise en cause. L’argumentation du demandeur selon laquelle la commune de … n’aurait pas subi de préjudice, du fait de la responsabilité personnelle du demandeur tombe à faux, étant donné que même si le demandeur est forcé d’office en recettes pour les montants devenus irrécouvrables, cela ne saurait avoir pour effet d’annuler la carence du demandeur, par ailleurs établie en la cause.

Le conseil de discipline a ainsi valablement pu retenir un préjudice considérable pour l’administration communale de …. Le moyen afférent est dès lors à rejeter.

Finalement, le demandeur estime que la sanction prononcée par le conseil de discipline, à savoir la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle, serait disproportionnée par rapport à la gravité de ses manquements. A l’appui de son moyen, il invoque, notamment, un courrier du 28 février 2008 du collège des bourgmestre et échevins de la commune de … qui aurait constaté à cette date une légère amélioration du fonctionnement du service de la recette. Il donne à considérer qu’il n’aurait pas d’antécédents disciplinaires et demande qu’une sanction moins lourde soit prononcée à son égard, à savoir celle de l’article 58.4 de la loi du 24 décembre 1985 prévoyant « la désignation de commissaires spéciaux pour terminer, aux frais du fonctionnaire, des travaux qu’il est en retard d’exécuter », « les frais de la commission spéciale, taxés par l’autorité qui a décrété la mesure, [étant] à charge du fonctionnaire », sinon celle de l’article 58.9 de la même loi prévoyant « l’exclusion temporaire des fonctions avec ou sans privation partielle ou totale de la rémunération, pour une période de six mois au maximum. (…) » En vertu de l’article 64 de la loi du 24 décembre 1985, l’application des sanctions disciplinaires se règle « notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé ».

Dans le cadre d’un recours en réformation, le tribunal est amené à apprécier les faits commis par le demandeur en vue de déterminer si la sanction prononcée par l’autorité compétente a un caractère proportionné et juste, en prenant notamment en considération la situation personnelle et les antécédents éventuels du demandeur1, étant précisé que dans le cadre d’un recours en réformation, le juge est amené à apprécier la décision déférée quant à son bien-fondé et à son opportunité, avec le pouvoir d’y substituer sa propre décision, impliquant que cette analyse s’opère au moment où il est appelé à statuer.

Force est de prime abord au tribunal de constater que les manquements reprochés au demandeur et considérés comme établis par le conseil de discipline dans la décision déférée ne sont pas contestés par le demandeur.

Le conseil de discipline a retenu que les retards au service de la recette de la commune de … ne se sont pas seulement accumulés depuis 2004, mais qu’ils se sont en plus aggravés en 2008. Les nombreux rappels à l’ordre n’auraient provoqué aucune amélioration dans le comportement du demandeur. Au moment où il statuait, le conseil de discipline n’entrevoyait aucune possibilité pour le demandeur d’être capable à l’avenir de remplir sa fonction de façon convenable. Le conseil de discipline a également mis l’accent sur le préjudice financier de l’administration communale de ….

Il est constant en cause que le demandeur ne présente pas d’antécédents disciplinaires.

En ce qui concerne son état de santé, il ressort du certificat médical du 2 avril 2010, ci-

avant mentionné, que le demandeur a suivi une thérapie chez un médecin-psychiatre qui atteste que, depuis début mars 2010, le demandeur est « euthymique et en bon équilibre psychique » et qu’il « suit sa thérapie avec engagement et motivation ». Ce certificat témoigne donc d’une volonté du demandeur de surmonter ses problèmes psychiques.

Malgré l’absence d’antécédents disciplinaires dans le chef du demandeur, et malgré l’amélioration de son état de santé constaté par le prédit certificat médical du 2 avril 2010, il n’en demeure pas moins qu’aux termes de l’article 64 de la loi du 24 décembre 1985, si l’application de la sanction disciplinaire se détermine, certes, en tenant notamment compte des antécédents disciplinaires de l’intéressé, elle est néanmoins aussi conditionnée par la gravité de la faute commise.

En l’espèce, la gravité des fautes commises par le demandeur se traduit d’abord par l’accumulation et la répétition des manquements à ses devoirs. En effet, l’administration communale de … lui a adressé pas moins de 8 notes de services valant rappel à l’ordre et le commissaire de district de … a dû intervenir à plusieurs reprises, suite à des contrôles effectués par le service de contrôle de la comptabilité des communes du ministère de l’Intérieur. Les manquements commis par le demandeur s’étendent de surcroît sur une période longue et ininterrompue commençant en 2004 et perdurant au moins jusqu’au jour où le conseil de discipline a statué, à savoir le 2 février 2010. La gravité des manquements est encore accentuée par les conséquences en découlant, à savoir, les perturbations manifestes du 1 cf. trib. adm. 1er juillet 1999, n° 10936 du rôle, Pas. adm. 2009, V° Fonction publique, n° 233 et autres références y citées.

service de la recette. Il est constant en cause que le demandeur accumulait non seulement un retard considérable dans l’exercice de sa tâche de receveur, mais également dans l’exercice de ses tâches accessoires, telles que le calcul des salaires du personnel de la commune de ….

Ainsi, il ressort des pièces versées en cause, et plus particulièrement d’une attestation testimoniale du 10 août 2009 du secrétaire communal, Monsieur …, qu’il y a eu des problèmes de paiement des salaires des ouvriers communaux. Le témoin affirme par ailleurs que « le volume du travail [du demandeur] n’est certainement pas supérieur au volume de travail d’autres receveurs » et qu’il « n’a que très peu de tâches accessoires » par rapport à d’autres receveurs de communes de taille similaire. Finalement, le témoin craint que la relation de confiance entre le collège échevinal, voire le conseil communal, et le demandeur, qui est fortement dégradée, ne serait que très difficile à rétablir.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que malgré le fait que le demandeur n’a pas d’antécédents disciplinaires et malgré ses problèmes de santé, les manquements commis à ses devoirs par le demandeur présentent une gravité manifeste ressortant tant de l’accumulation d’un nombre important de fautes commises sur une période particulièrement longue, d’au moins 5 années, et sans véritable amélioration, de nature à entraîner des perturbations manifestes de l’organisation de la recette communale. S’y ajoute que le demandeur n’a pas voulu profiter des chances lui offertes par le bourgmestre de la commune de … avant même qu’une procédure disciplinaire soit entamée à son encontre.

Par ailleurs, il faut encore prendre en considération que l’administration communale de … n’est dotée que de deux fonctionnaires, à savoir le secrétaire communal et le receveur communal. Les manquements commis par le demandeur sont donc d’autant plus graves qu’il n’y a aucun autre fonctionnaire communal qui pourrait y remédier.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la sanction disciplinaire prononcée par le conseil de discipline ne saurait être qualifiée de disproportionnée par rapport aux faits établis en cause, de sorte que le recours est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Martine Gillardin, vice-président, Anne Gosset, juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 2 mars 2011 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 02.03.2011 Le Greffier du Tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 26922
Date de la décision : 02/03/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-03-02;26922 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award