La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/01/2008 | LUXEMBOURG | N°23504

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 janvier 2008, 23504


Tribunal administratif No 23504 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 octobre 2007 Audience publique du 24 janvier 2008 Recours formé par Madame … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23504 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2007 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à Nioki, province de Bandundu, R

épublique Démocratique du Congo, de nationalité congolaise, demeurant à L-…, tendant 1...

Tribunal administratif No 23504 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 octobre 2007 Audience publique du 24 janvier 2008 Recours formé par Madame … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23504 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2007 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à Nioki, province de Bandundu, République Démocratique du Congo, de nationalité congolaise, demeurant à L-…, tendant 1) à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration du 29 août 2007 refusant l’octroi du statut de protection internationale et 2) à l’annulation de la décision du ministre des Affaires Etrangères et de l’Immigration du 29 août 2007, lui ordonnant de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 2007 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Olivier LANG, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries à l’audience publique du 14 janvier 2008.

En date du 28 novembre 2006, Madame … introduisit une demande en obtention du statut de protection internationale auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi relative au droit d’asile ».

Les 11 décembre 2006, 10 janvier, 30 janvier, 6 février et 12 février 2007, Madame … fut entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et les motifs à la base de sa demande en obtention du statut de protection internationale.

Par décision du 29 août 2007, notifiée par courrier recommandé le 4 septembre 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Madame … que sa demande avait été rejetée comme étant non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 28 novembre 2006.

En mains la compilation de rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 11 décembre 2006.

Il résulte de vos déclarations que vous vous seriez installée à Kinshasa en 2002 pour poursuivre vos études. Vos parents seraient restés dans votre village natal à Nioki au Bandundu. Votre tante chez qui vous auriez habité serait tombée malade et vous auriez vendu du foufou devant la maison. Le 12 octobre 2006 vous auriez raconté à deux de vos clients que vous n'auriez pas l'intention d'aller voter au deuxième tour des élections présidentielles parce qu'il y aurait de la misère dans tout le pays. Vous vous seriez également plainte du fait qu'il y aurait de plus en plus d'enfants des rues qui pilleraient les habitants. Des policiers vous auraient entendu et vous auraient dit que vous devriez aller voter. Vous leur auriez répondu que vous refuseriez d'aller voter et vous vous seriez plaint de l'insécurité. Vous auriez accusé les policiers de ne rien entreprendre.

Vous auriez alors été arrêtée et emmenée à la « centrale de la PIR » que vous appelez Kin-Mazière. Vous auriez été mise en cellule et les policiers auraient menacé de vous tuer si vous ne voteriez pas pour Joseph Kabila au deuxième tour des élections présidentielles. Vous auriez de nouveau refusé de voter et vous auriez été violée par un des policiers qui vous auraient arrêtée. Vous auriez été relâchée le même soir de votre arrestation après avoir dit que vous iriez voter.

Vous seriez allée chez votre tante habitant dans la commune de Lingwala où vous seriez restée jusqu'au 26 novembre 2006. Vous auriez eu peur de sortir de la maison et ne seriez pas allée voter. Vous auriez peur des policiers qui vous auraient malmenées et peur des policiers en général. Vous dites qu'ils maltraiteraient les gens. Enfin, vous invoquez l'insécurité dans les rues de Kinshasa. Vous auriez été pillée à deux reprises par des enfants des rues et la police ne serait pas intervenue.

Vous auriez quitté Kinshasa le 26 novembre 2006 par avion accompagnée par une femme à qui vous auriez été confiée par votre tante. Vous ignorez avec quels documents vous auriez voyagé. Vous auriez atterri en Belgique et seriez restée quelques heures dans la maison de la femme. Un homme vous aurait emmenée en voiture au Luxembourg où vous avez déposé votre demande de protection internationale le 28 novembre 2006. Vous présentez une attestation de perte de pièce émise le 7 septembre 2005 à Kinshasa.

La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d'asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Même à supposer les faits que vous alléguez comme établis, ils ne sauraient, en eux-

mêmes, constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir une crainte fondée d'être persécutée dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1 er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, même à supposer vos dires comme étant établis, le fait d'avoir été arrêtée dans les circonstances détaillées plus haut et avoir été violée par un policier est certes condamnable, or il s'agit d'un fait isolé qui doit plutôt être considéré comme un crime de droit commun et non comme acte de persécution au sens de la prédite Convention de Genève et la loi modifiée du 5 mai 2006. Vous dites avoir été relâchée encore le même jour de votre arrestation.

Enfin, votre peur de ce policier et les policiers en général, de la situation à Kinshasa et des enfants des rues traduisent plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention.

Enfin, il faut souligner le changement important de la situation politique en RDC. En effet, on assiste à un réel effort de la part du pouvoir en place de rétablir la paix et de former un gouvernement démocratique à représentation géographique et ethnique. Ainsi, le 16 décembre 2002 un Accord Global sur le partage du pouvoir fut signé afin de créer un gouvernement d'unité nationale au terme duquel le président Joseph Kabila demeurera à son poste et ce, jusqu'à la tenue des premières élections libres et démocratiques. Durant la transition M. Kabila a été assisté par quatre vice-présidents, représentant respectivement le gouvernement, le Rassemblement congolais pour la démocratie-Goma (RDC-Goma), le Mouvement de libération du Congo (MLC) et l'opposition politique non armée. Nombreux progrès ont été réalisés durant la transition. Ainsi, une nouvelle Constitution adoptée par référendum ayant eu lieu en décembre 2005 a été promulguée le 17 février 2006 et une loi électorale en date du 9 mars 2006.

Aux termes d'élections présidentielles ayant eu lieu les 30 juillet 2006 et 29 octobre 2006 dans un environnement généralement calme, marquées seulement par quelques incidents isolés, Joseph Kabila fût élu président.

Ainsi, vous n'alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Une crainte fondée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est par conséquent pas établie.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Vous ne faites également pas état de risques concrets et probables de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants en cas de retour en RDC ou de risques émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international. La situation s'est nettement calmée à Kinshasa.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.

La décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente.

Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l'ordre de quitter le territoire, simultanément et dans les mêmes délais que le recours contre la décision de rejet de votre demande de protection internationale. Tout recours séparé sera entaché d'irrecevabilité.

Je vous informe par ailleurs que le recours gracieux n'interrompt pas les délais de la procédure. » Par requête déposée le 5 octobre 2007, Madame … a fait introduire un recours tendant 1) à la réformation de la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 août 2007 lui refusant une protection internationale et 2) à l’annulation de la décision du même ministre du 29 août 2007 lui ordonnant de quitter le territoire.

1.

Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 août 2007 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi relative au droit d’asile prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.

Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de sa demande, la demanderesse fait exposer qu’elle devrait pouvoir bénéficier du statut de réfugié, sinon de la protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de la loi relative au droit d’asile.

En premier lieu, Madame … explique remplir les conditions pour obtenir le statut de réfugié au sens de l’article 2 de la loi relative au droit d’asile. Elle indique avoir été persécutée pour avoir exprimé ses opinions politiques.

Elle précise que le 12 octobre 2006, date du deuxième tour des élections présidentielles en République démocratique du Congo, ci-après RDC, elle aurait été surprise par deux agents de la police de Joseph KABILA, lorsqu’elle expliquait à deux de ses clients qu’elle n’irait pas voter, puisqu’elle avait perdu tout espoir face à la misère régnant dans le pays. Elle aurait continué ses propos en affirmant que les forces de l’ordre n’accomplissaient pas leur travail correctement, puisqu’elles n’intervenaient pas si des enfants volaient dans la rue.

Les deux policiers l’auraient alors emmenée de force dans leur bureau, en essayant de la convaincre d’aller voter. Un des policiers l’aurait violée dans les locaux de la police, devant son refus d’aller voter.

La demanderesse fait encore état de la situation générale inquiétante en RDC. Les agents des forces de l’ordre n’arriveraient pas à garantir la sécurité aux habitants et seraient souvent eux-mêmes auteurs d’actes répréhensibles. De plus, la dernière campagne électorale aurait été accompagnée d’affrontements violents. Elle se prévaut de certains extraits de deux rapports de l’organisation HUMAN RIGHTS WATCH des 4 avril 2006, respectivement 26 octobre 2006, ainsi que d’un rapport intitulé « Policy Briefing » de l’organisation THE INTERNATIONAL CRISIS GROUP.

La demanderesse soutient encore que son nom figurerait désormais sur une liste, intitulée « liste des omis » énumérant toutes les personnes n’ayant pas participé aux élections.

Elle indique finalement que la victoire de Joseph KABILA aux élections n’impliquerait pas la fin des affrontements violents et n’empêcherait pas sa persécution dans le cas d’un retour dans son pays d’origine.

Quant à l’obtention du statut de réfugié, la demanderesse fait exposer en droit qu’elle remplirait les conditions pour bénéficier du statut de réfugié aux termes des articles 2, 32 (1) e) et 32 (2) de la loi relative au droit d’asile.

Par ailleurs, elle se base sur l’article 26 (4) de la loi relative au droit d’asile pour affirmer que sa crainte serait fondée.

En dernier lieu elle fait exposer que l’article 18 b) de la loi relative au droit d’asile n’aurait pas été respecté par la décision ministérielle déférée.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi relative au droit d’asile, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de la loi relative au droit d’asile comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».

Enfin, l’article 26 (4) de la loi relative au droit d’asile dispose : « Le fait qu’un demandeur a déjà été persécuté ou a déjà subi des atteintes graves ou a déjà fait l’objet de menaces directes d’une telle persécution ou de telles atteintes est un indice sérieux de la crainte fondée du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s’il existe de bionnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas. » La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d’un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité de la décision querellée à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile.

Une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérée individuellement et concrètement, la demanderesse d’asile risque de subir des persécutions et force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal.

Au regard des pièces versées au dossier, notamment du rapport d’audition, le tribunal est amené à constater que la demanderesse n’établit pas de raisons personnelles justifiant dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques tel que le prévoit l’article 2 de la loi relative au droit d’asile.

Madame … fait essentiellement état de son arrestation du 12 octobre 2006, Il ressort des déclarations de la demanderesse telles qu’actées au rapport d’audition qu’elle aurait été arrêtée le matin du 12 octobre 2006 vers 9.00 heures, qu’elle aurait été interrogée et qu’un des policiers l’aurait violée dans les locaux de la police avant qu’elle soit libérée au courant de la même journée. Cet acte, à le supposer établi, constitue un acte condamnable, cependant il s’agit d’un fait isolé, et d’un crime de droit commun, qui ne tombe pas sous l’application de la loi relative au droit d’asile. La demanderesse reste partant en défaut d’établir un état de persécution ou une crainte de persécution qui serait telle que la vie lui serait intolérable dans son pays d’origine.

Par ailleurs, lors de son audition, la demanderesse n’a pas affirmé avoir subi de persécutions, elle s’est contentée de dire qu’elle a eu peur et qu’elle n’est plus sortie de la maison. Elle ajoute que son nom figurerait désormais sur la « liste des omis », ce qui permettrait aux policiers l’ayant arrêtée de la retrouver. Cette liste constituerait une énumération de personnes qui ne se sont pas présentées aux urnes lors des élections. La demanderesse n’établit pas à suffisance de droit que ces personnes encourraient des conséquences du fait de leur absence lors des élections.

De plus, Madame … n’apporte aucun élément de preuve de nature à établir que des recherches ou persécutions seraient actuellement en cours à son encontre. Il ressort du rapport d’audition que suite à sa libération, elle s’est réfugiée chez sa tante et y est restée pendant plus d’un mois, jusqu’au 26 novembre 2006, date de son départ vers le Grand-Duché du Luxembourg. Durant cette période elle n’a pas été confrontée à la police.

Les autres craintes invoquées par la demanderesse, à savoir la situation d’insécurité générale en RDC et les enfants pilleurs courant les rues des grandes villes, s’analysent en l’expression d’un sentiment général d’insécurité insuffisant pour fonder une crainte de persécution au sens de l’article 2 de la loi relative au droit d’asile.

En conséquence, l’arrestation de la demanderesse constitue un fait isolé et le viol dont Madame … a été victime constitue un crime de droit commun. Elle reste en défaut d’établir à suffisance de droit que de tels faits seraient susceptibles de se reproduire lors d’un retour dans son pays natal.

Par ailleurs, s’il est vrai que les membres de partis politiques d’opposition se trouvaient dans une situation exposée avant les dernières élections législatives et présidentielles d’octobre 2006 et que la RDC connait toujours à l’heure actuelle des flambées de violence, il ne se dégage toutefois pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal que la demanderesse risquerait personnellement à l’heure actuelle, en cas de retour en RDC, de faire l’objet de persécutions au sens de l’article 2 de la loi relative au droit d’asile en raison des considérations d’avoir refusé d’aller voter au deuxième tour des élections présidentielles d’automne 2006.

La demanderesse reste donc en défaut d’établir qu’elle remplit les conditions pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié au sens de l’article 2 de la loi relative au droit d’asile.

Quant à l’obtention du statut de la protection subsidiaire, la demanderesse fait exposer qu’elle risquerait des atteintes graves telles que définies à l’article 37 de la loi relative au droit d’asile. Elle soutient qu’elle risquerait de se faire exécuter respectivement de subir des actes de tortures ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants. Elle fait finalement état de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) disposant que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Aux termes de l’article 2 (e) de la loi relative au droit d’asile, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 (…) ».

L’article 37 de la loi relative au droit d’asile définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou 2) la torture ou les traitements inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; 3) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Par conséquent le tribunal sera amené en premier lieu à analyser si des motifs sérieux et avérés existent, laissant croire que la demanderesse pourrait être soumise à un traitement inhumain et dégradant.

En l’espèce, la demanderesse se contente d’insister sur le fait qu’elle a été victime d’un viol par un agent de la police d’intervention rapide, traitement qu’elle considère comme inhumain et « pour le moins dégradant ». Elle soutient qu’elle courrait un risque sérieux et avéré qu’une telle situation pourrait se reproduire en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal vient de constater ci-avant que le viol dont la demanderesse a été victime constitue un crime de droit commun et que son arrestation constitue un fait isolé. La demanderesse reste en défaut d’établir à suffisance de droit que de tels faits risqueraient de se reproduire.

A part les considérations déjà relatées ci-avant, la demanderesse n’a pas soulevé de moyen spécifique de nature à justifier dans son chef la reconnaissance d’un statut de protection subsidiaire tel que prévu par les articles 2 e) et 37 de la loi relative au droit d’asile.

Par ailleurs, le moyen tiré d’une violation de l’article 18 b) de la loi relative au droit d’asile, en ce que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration n’aurait pas pris en considération, dans sa décision du 29 août 2007, la situation générale ayant trait à la répression des partisans de l’opposition en RDC, n’est pas fondé, étant donné qu’il découle de la prédite décision du ministre que la situation générale actuelle régnant en RDC a été analysée et prise en compte par la décision. De plus, le tribunal est amené à renvoyer aux développements qui précèdent, aux termes desquels, la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile.

Il s’ensuit que la demanderesse n’est pas fondée à se prévaloir du statut de protection subsidiaire.

Au vu de ce qui précède, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a dès lors valablement pu rejeter la demande en protection internationale comme non fondée, étant donné que la demanderesse ne remplit pas les conditions requises par la loi relative au droit d’asile, pour prétendre au statut de protection internationale.

Le recours en réformation est partant à rejeter comme étant non fondé.

2.

Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 août 2007 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi relative au droit d’asile prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 29 août 2007 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 19 (1) in fine de la loi relative au droit d’asile, une décision négative du ministre vaut ordre de quitter le territoire en conformité des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.

En l’espèce, la demanderesse se contente de solliciter, en ordre principal, l’annulation de l’ordre de quitter le territoire au motif que la décision portant refus de reconnaissance d’une protection internationale devrait être réformée.

En ordre subsidiaire, la demanderesse fait exposer que l’ordre de quitter le territoire serait constitutif d’une violation de l’article 14 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers, 2) le contrôle médical des étrangers, 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère, ainsi que de l’article 3 de la CEDH, au motif qu’il y aurait des risques sérieux et avérés de croire qu’elle serait soumise à des traitements inhumains et dégradants dès son retour dans son pays d’origine.

Le tribunal vient cependant de retenir que la demanderesse n’a pas fait état d’une crainte justifiée de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi relative au droit d’asile, ni d'atteintes graves telles que définies à l'article 37 de la loi relative au droit d’asile, de sorte que la décision contestée ne peut pas être regardée comme contraire aux dispositions de l’article 3 de la CEDH.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

donne acte à la demanderesse de ce qu’elle déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 29 août 2007 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 29 août 2007 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, premier vice-président, Mme Gillardin, juge, Mme Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 24 janvier 2008 par le premier vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 23504
Date de la décision : 24/01/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-01-24;23504 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award