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13/11/2006 | LUXEMBOURG | N°21416

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 novembre 2006, 21416


Tribunal administratif N° 21416 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mai 2006 Audience publique du 13 novembre 2006 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21416 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mai 2006 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …. (Nigeria), de nationalité n

igériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un...

Tribunal administratif N° 21416 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mai 2006 Audience publique du 13 novembre 2006 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21416 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mai 2006 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …. (Nigeria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 20 mars 2006 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 21 avril 2006 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2006 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2006 par Maître Nicky STOFFEL ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, en présence de Maître Caroline LECUIT, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL et de Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK qui se sont toutes les deux rapportées à leurs écrits respectifs à l’audience publique du 6 novembre 2006.

Monsieur … introduisit en date du 28 mai 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu les 25 octobre et 6 décembre 2004 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur… par décision du 20 mars 2006, lui envoyée par courrier recommandé expédié le 23 mars 2006, de ce qu’il ne saurait bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève au motif qu’il n’a allégué aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de lui rendre la vie intolérable dans son pays d’origine.

Le 13 avril 2006, Monsieur… fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision antérieure par une décision prise en date du 21 avril 2006.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mai 2006, Monsieur… a fait déposer un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus des 20 mars et 21 avril 2006.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

Quant au fond, Monsieur… fait valoir qu’il aurait été le leader d’un mouvement de jeunesse catholique et que lors de son activité il aurait converti de nombreux musulmans au catholicisme, activité qui aurait été vue d’un très mauvais œil par les mouvements musulmans. En raison de son activité, lui-même, et son église auraient été agressés violemment par des musulmans et au cours de cette agression le pasteur et deux de ses enfants auraient été tués ; lui-même aurait pu heureusement échapper à ce massacre et aurait pu trouver la fuite. Monsieur… ajoute qu’il n’aurait pas demandé de l’aide ou une quelconque protection auprès des autorités locales compétentes, étant donné qu’il est convaincu que tant la police que le gouvernement en place seraient infiltrés par des musulmans qui auraient refusé de l’aider. En fin de compte il ajoute qu’il résulterait des rapports d’organisations internationales telle qu’Amnesty International et Human Right Watch que des assassinats interethniques et religieux, des viols, des incendies, commis par des forces de l’ordre, par des groupes d’autodéfense n’auraient pas été poursuivis par les autorités et que ces rapports prouveraient l’incapacité, sinon le refus pur et simple des autorités locales de poursuivre les coupables de telles exactions.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Force est en effet de constater que la décision ministérielle litigieuse du 20 mars 2006, telle que confirmée le 21 avril 2006 est basée principalement sur le manque de crédibilité du récit présenté par le demandeur. En effet, la décision ministérielle du 20 mars 2006 est libellée comme suit : « Force est cependant de constater qu’à défaut de pièces, un demandeur d’asile doit au moins pouvoir présenter un récit crédible et cohérent. Or, certaines contradictions dans votre récit laissent planer des doutes quant à la véracité de votre récit. Ainsi, vous avez dit au service de Police Judiciaire ne pas connaître le pays dans lequel vous seriez descendu du bateau alors que vous avez déclaré à l’agent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration avoir accosté à Anvers/Belgique. De même, vous dites d’abord, que vous auriez poursuivi votre voyage en train, pour déclarer par après qu’un inconnu vous aurait conduit jusqu’au Luxembourg. Enfin, vous affirmez à plusieurs reprises d’avoir quitté le Nigeria le 2 mai 2004, mais par contre, vous dites plus tard que vous auriez quitté votre pays d’origine le 7 mai 2004. De même vous déclarez de façon manuscrite sur votre fiche de données personnelles que votre voiture aurait été brûlée, tandis que vous avez assuré à l’agent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration que vous n’auriez jamais été en possession d’une voiture, comme elles seraient trop chères au Nigeria ».

Bien que le manque de crédibilité ait ainsi été expressément et explicitement relevé à l’appui de la décision de refus litigieuse initiale, le tribunal constate que le demandeur, aussi bien dans le cadre de son recours gracieux que dans le cadre de la procédure contentieuse sous examen, reste en défaut de rencontrer utilement la motivation ainsi retenue à la base de la décision litigieuse. En effet, au-delà de réexposer ce qu’il a déclaré dans le cadre de son audition, il n’a fourni aucun élément susceptible d’éclaircir les doutes pourtant concrètement libellés par le ministre à l’appui de sa décision. Le tribunal est dès lors amené à constater que les déclarations et le récit du demandeur n’emportent pas sa conviction quant aux persécutions ou craintes de persécutions alléguées, de sorte que le ministre a valablement pu retenir que le demandeur n’a pas fait état de façon crédible des persécutions vécues ou de craintes au sens de la Convention de Genève susceptibles de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Partant le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 novembre 2006 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 21416
Date de la décision : 13/11/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-11-13;21416 ?

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