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28/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18766

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 octobre 2004, 18766


Tribunal administratif N° 18766 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 octobre 2004 Audience publique du 28 octobre 2004

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Requête en sursis à exécution introduite par la société anonyme … … … , …, contre une décision du gouvernement, en matière de marchés publics

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 25 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître René STEICHEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, a

u nom de la société anonyme … … … …., établie et ayant son siège social à L-… …, …, … … , représentée par ...

Tribunal administratif N° 18766 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 octobre 2004 Audience publique du 28 octobre 2004

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Requête en sursis à exécution introduite par la société anonyme … … … , …, contre une décision du gouvernement, en matière de marchés publics

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 25 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître René STEICHEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … … … …., établie et ayant son siège social à L-… …, …, … … , représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions, tendant au report de la date fixée pour le dépôt des offres relatives à la soumission restreinte sans publication d'avis concernant "le Mémorial et travaux connexes", un recours au fond ayant été par ailleurs introduit contre lesdites décisions par requête introduite le même jour, inscrite sous le numéro 18767 du rôle;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment l'appel d'offres incriminé;

Maître Alain BINGEN, en remplacement de Maître René STEICHEN, pour la demanderesse et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER pour l'Etat grand-

ducal entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre du 17 septembre 2004, le préposé du service central des imprimés de l'Etat informa la société anonyme … … … ainsi que quatre autres imprimeries de ce que lesdites entreprises avaient été retenues pour une soumission restreinte sans publication d'avis concernant "le Mémorial et travaux connexes." Elles étaient invitées à mettre au point leur meilleure offre et informées que l'ouverture de la soumission aurait lieu le 29 octobre 2004 à 15.00 heures.

Se plaignant de ce que le cahier des charges prévoit que le contrat liera l'adjudicataire dès le 1er janvier 2005 et que l'adjudicataire ne sera selon toute prévision connu que vers le 1er décembre 2004, de sorte que le soumissionnaire retenu n'aura qu'un mois pour être opérationnel sans qu'aucune période de démarrage pour un marché très important d'un enjeu d'environ 25 millions € ne soit prévue, mais qu'au contraire, une pénalité de 10.000 € par jour 2 de retard de livraison d'un numéro du Mémorial frappera l'adjudicataire, la société anonyme … … … a introduit, par requête déposée le 25 octobre 2004, inscrite sous le numéro 18767 du rôle, un recours en annulation du cahier des charges à base de la soumission et, par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 18766 du rôle, elle a introduit une demande en sursis à exécution dans la quelle elle sollicite "le report de la date du 29 octobre 2004 fixée pour le dépôt des offres relatives à la soumission concernant «le Mémorial et travaux connexes»." Elle fait exposer qu'en l'espèce, il n'y a qu'un simulacre de soumission parce que le délai prévu entre la signature du contrat et le début prévu pour les travaux est tellement court que tous les soumissionnaires éventuels, à l'exception du contractant actuel, seraient dans l'impossibilité matérielle de remplir les engagements découlant de la signature du contrat qui liera l'adjudicataire finalement retenu.

Elle estime que le moyen invoqué à l'appui de son recours est sérieux et que l'exécution de la décision d'ouverture de la soumission le 29 octobre 2004 risque de lui causer un préjudice grave et définitif.

Le délégué du gouvernement soulève l'incompétence du président du tribunal administratif pour ordonner la mesure sollicitée. Se prévalant d'un arrêt de la Cour administrative du 18 mars 1999 (n° 10944C du rôle), il estime que l'établissement d'un cahier des charges constitue un acte réglementaire. Or, s'il est bien vrai que le président du tribunal administratif peut, en vertu de l'article 18 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ordonner le sursis à exécution d'actes réglementaires, il ne saurait ordonner des mesures de sauvegarde par rapport à de tels actes.

La mesure effectivement sollicitée par la demanderesse, à savoir le report de la date fixée pour l'ouverture de la soumission, constituerait en réalité une mesure de sauvegarde que le juge administratif statuant au provisoire ne saurait ordonner.

L'arrêt en question retient effectivement que pour déterminer si le cahier des charges d'un marché public constitue un acte réglementaire, il y a lieu de distinguer entre la spécialité des conditions fixées par le cahier des charges quant à l’objet du contrat et la généralité du cercle des personnes concernées par ces conditions. Si les conditions fixées par le cahier des charges affectent la situation d’un nombre indéfini de soumissionnaires potentiels par des dispositions générales et impersonnelles s’appliquant à des personnes non individuellement désignées, l’acte rentre sous cet aspect dans la définition de l’acte à caractère réglementaire.

Il faut en déduire, a contrario, que lorsque, comme en l'espèce, le cahier des charges est de nature à affecter un nombre déterminé de personnes, à savoir, les cinq imprimeurs sollicités dans le cadre de la soumission restreinte sans publication d'avis, il constitue un acte administratif concernant individuellement les cinq entreprises sollicitées, qui pourrait donner lieu, dans le cadre d'un recours contentieux, à l'octroi d'une mesure de sauvegarde, conformément à l'article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999, précitée.

Il y a cependant lieu, encore, de déterminer si la mesure sollicitée s'analyse en mesure de sauvegarde plutôt qu'en sursis à exécution.

Le recours au fond tend à l'annulation du cahier des charges relatif au marché litigieux.

Un recours contentieux contre le cahier des charges dans le cadre d'un marché public est 3 possible (v. M.-A. Flamme et alii, Commentaire pratique de la réglementation des marchés publics, tome 1B, 6e éd., p. 1854 et s.).

En sollicitant "le report de la date du 29 octobre 2004 fixée pour le dépôt des offres relatives à la soumission concernant «le Mémorial et travaux connexes»", la société anonyme … … … demande en réalité, selon une formule quelque peu insolite il est vrai, l'arrêt provisoire de la procédure d'attribution du marché litigieux sur base du cahier des charges incriminé. Il s'agit donc d'une demande de sursis à exécution de la procédure d'attribution du marché litigieux.

Au fond, si le délégué du gouvernement est d'accord à reconnaître que l'exécution de la mesure, au cas où elle affecterait les droits de la demanderesse, lui causerait un préjudice grave et définitif, il estime en revanche que le moyen invoqué à l'appui de la demande d'annulation au fond, à savoir le délai trop court entre l'adjudication et le début de l'exécution des travaux, manque du sérieux nécessaire pour justifier une mesure de sauvegarde. Il se prévaut, à cet effet, de l'absence de doléances formulées par les autres soumissionnaires sollicités et il fait remarquer, dans ce contexte, qu'ils n'ont pas été appelés à la procédure.

Il se dégage en effet de l'article 4, (1) et (4) de la loi modifiée du 21 juin 1999, précitée, que le recours introductif d'instance doit être signifié aux tiers intéressés, le tribunal pouvant même, en cas de défaut de signification aux tiers intéressés, ordonner leur mise in intervention.

S'il est bien vrai que, dans le cadre d'une procédure rapide, l'on ne saurait exiger du soumissionnaire qui dirige un recours contentieux contre l'attribution d'un marché, de mettre en intervention ses concurrents dont l'administration ne lui a pas révélé l'identité, tel n'est pas le cas lorsque, comme en l'espèce, cette identité lui était connue dès l'appel d'offres.

Dans le cas de la présente procédure, où la partie demanderesse se plaint d'une disposition du cahier des charges qui devrait en principe affecter d'une manière pareille sinon tous, du moins la plupart des autres soumissionnaires pressentis, il semble indispensable de donner à ceux-ci la possibilité de prendre position par rapport à la question soulevée par la demanderesse. Il y a donc lieu d'ordonner leur mise en intervention.

Etant donné que le moyen invoqué par la demanderesse ne paraît pas d'ores et déjà comme dépourvu de tout fondement et que la date prévue pour l'ouverture de la soumission est trop rapprochée pour que la prise de position des parties tierces intéressées puisse intervenir avant cette date, il y a lieu d'ordonner le sursis à exécution de la procédure d'adjudication du marché litigieux, mais, à ce stade, seulement jusqu'à l'audience prévue pour entendre les parties tierces intéressées, à l'issue de laquelle le sursis à exécution pourra être soit prorogé, soit rapporté.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit la demande en sursis à exécution en la forme, 4 ordonne la mise en intervention des autres entreprises invitées à participer à la soumission restreinte sans publication d'avis concernant "le Mémorial et travaux connexes" suivant lettre du préposé du service central des imprimés de l'Etat du 17 septembre 2004, pour l'audience du 8 novembre 2004 à 14.30 heures, ordonne le sursis à exécution de la procédure d'adjudication du marché en question, dit qu'à l'issue de l'audience du 8 novembre 2004, ledit sursis sera prorogé ou rapporté, réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 28 octobre 2004 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.

s. Rassel s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18766
Date de la décision : 28/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-28;18766 ?

Source

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