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28/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18759

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 octobre 2004, 18759


Numéro 18759 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 octobre 2004 Audience publique du 28 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18759 du rôle, déposée le 21 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre-Marc KNA

FF, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de ...

Numéro 18759 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 octobre 2004 Audience publique du 28 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18759 du rôle, déposée le 21 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre-Marc KNAFF, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Lagatore (Monténégro, Etat de Serbie-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 28 septembre 2004 prononçant à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 octobre 2004;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2004 par Maître Pierre-Marc KNAFF pour compte de Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Pierre-Marc KNAFF et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 octobre 2004.

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Etant arrivé au Luxembourg le 30 novembre 1998, Monsieur …, préqualifié, présenta le même jour une demande en reconnaissance du statut de réfugié, laquelle fut rejetée comme n’étant pas fondée par décision du ministre de la Justice du 1er février 2001, confirmée suite à l’introduction d’un recours contentieux par Monsieur SKRJELJ en première instance par jugement du tribunal administratif du 7 novembre 2001 et sur appel par arrêt de la Cour administrative du 19 février 2002.

Par courrier personnel du 4 septembre 2002, réitéré par courrier de son mandataire du 27 septembre 2002, Monsieur … soumit au service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille une demande en obtention d’une autorisation de séjour, laquelle fut continuée au ministère de la Justice à titre de compétence le 7 octobre 2002.

En date du 28 septembre 2004, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministre », prit à l’égard de Monsieur … un arrêté de refus d’entrée et de séjour, lui notifié le même jour, aux motifs qu’il serait dépourvu d’un titre de voyage valable, qu’il ne disposerait pas de moyens d’existence personnels et qu’il se trouverait en séjour irrégulier au pays.

En date encore du 28 septembre 2004, le ministre ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 28 septembre 2004 ;

Considérant que l’intéressé est démuni d’un titre de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 21 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation à l'encontre de la décision ministérielle de placement du 28 septembre 2004.

Encore que le demandeur entende introduire un recours contentieux tendant principalement à l’annulation de la décision critiquée et seulement subsidiairement à sa réformation, le tribunal est tenu d’examiner la question de l’existence d’un recours au fond en la matière, étant donné que la prévision légale d’un recours en réformation entraînerait l’irrecevabilité du recours en annulation.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3.

l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation introduit contre la décision litigieuse. Le recours en annulation introduit en ordre principal est dès lors irrecevable. Le recours subsidiaire en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur conteste d’abord la validité de la décision déférée du 28 septembre 2004 en arguant qu’elle ne comporterait pas une motivation conforme à l’article 15 (1) de la loi prévisée du 28 mars 1972 notamment en ne précisant pas les circonstances de fait qui empêcheraient l’exécution immédiate de la mesure d’éloignement.

Il appert à l’examen du libellé de la décision déférée que l’arrêté ministériel, par lequel a été ordonnée le placement du demandeur, énonce expressément la base légale sur laquelle le ministre a fondé sa décision, ainsi que les éléments factuels à savoir qu’un arrêté ministériel de refus d’entrée et de séjour a été pris à l’encontre du demandeur, qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels, qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays, qu’il est démuni d’un titre de voyage valable et qu’il existe un risque de fuite dans son chef, dans la mesure où il serait susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement. Il convient encore à ce sujet de relever que les motifs sur lesquels repose l'acte, si l’acte lui-même ne les précise pas à suffisance de droit, peuvent être communiqués au plus tard au cours de la procédure contentieuse pour permettre à la juridiction administrative d'exercer son contrôle de légalité (CE 3 juillet 1974, Pas. 22, 483; 20 juillet 1978, Pas. 24,183; l5 mai 1981, n 7026 ; voir aussi Pas. adm. 2003, v° Procédure non contentieuse, n° 44, p. 476 et les décisions y citées), étant donné qu’il est loisible à l'administration de présenter ses motifs en cours d'instance, à condition que la juridiction administrative puisse en contrôler la légalité au moment où elle est appelée à statuer (CE 18 juin 1984, n 7397).

Il s’ensuit que la décision déférée a été dûment motivée par l’énonciation des éléments de droit et de fait se trouvant à sa base et, en cas de besoin, par les précisions complémentaires fournies à travers le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, de sorte que le moyen tiré d’une motivation insuffisante voire d’une absence d’indication des motifs est à rejeter.

Le demandeur conteste ensuite l’existence d’un risque de fuite dans son chef en faisant valoir qu’il aurait fui son pays d’origine pour s’installer au Luxembourg et y vivre avec ses deux sœurs et que le ministre ne pourrait pas à ce cet égard se baser sur des suppositions « vagues, imprécises et fantaisistes », mais devrait prouver des circonstances supplémentaires pour étayer le risque de soustraction allégué.

Il appert néanmoins des éléments du dossier que depuis le rejet définitif de sa demande d’asile par l’arrêt de la Cour administrative prévisé du 19 février 2002, le demandeur a continué à séjourner de manière illégale au pays au mépris de l’invitation de quitter le territoire contenue dans la décision ministérielle du 1er février 2001 et que, à part le fait qu’il résidait auprès d’une de ses sœurs, il n’existe en l’espèce pas de garanties suffisantes que le demandeur se présentera effectivement aux autorités ou sera à leur disposition au moment où il pourra être procédé à son éloignement, de sorte que le ministre pouvait valablement faire placer le demandeur au Centre de séjour. Le moyen afférent du demandeur est partant à rejeter.

Le demandeur se prévaut encore de l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre de l’arrêté ministériel de refus d’entrée et de séjour pour contester le bien-fondé de la mesure de placement.

Etant donné néanmoins qu’aucune disposition légale ne confère à un recours contentieux un effet suspensif de l’exécution de l’arrêté de refus d’entrée et de séjour contre lequel il est dirigé, l’introduction d’un tel recours par le demandeur parallèlement au recours sous analyse n’est pas de nature à affecter la validité de la mesure de placement litigieuse et de la décision d’éloignement à sa base, de manière que ce moyen est également à rejeter.

Le demandeur argue finalement que la mesure de placement serait injuste et inhumaine à son égard, vu qu’il n’aurait dans son pays d’origine ni famille ni logement, que ses deux sœurs résideraient au Luxembourg où il aurait également toutes ses attaches affectives et amicales, qu’il n’aurait jamais fait l’objet d’une quelconque condamnation et qu’il n’aurait en aucune manière troublé l’ordre public luxembourgeois.

Ce moyen tend en substance à voir reconnaître dans son chef des motifs valables pour la reconnaissance d’un droit de séjourner au pays et, par voie de conséquence, à critiquer le bien-fondé du refus de séjour et de la mesure d’éloignement prise en son exécution. Or, s’il est vrai que l’arrêté déféré ayant ordonné le placement du demandeur présuppose en tant que prémisse l’existence d’une mesure d’éloignement, sa validité est seulement conditionnée par l’existence d’une mesure d’éloignement et des arguments tendant à contester le bien-fondé restent sans influence sur la validité de la mesure de placement.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est fondé en aucun de ses moyens et doit partant être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 28 octobre 2004 par le vice-président en présence de M. LEGILLE, greffier.

s. LEGILLE S. CAMPILL 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18759
Date de la décision : 28/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-28;18759 ?

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