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28/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18753

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 octobre 2004, 18753


Tribunal administratif N° 18753 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 octobre 2004 Audience publique du 28 octobre 2004

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Requête en sursis à exécution introduite par Madame … … …, épouse … …, et consorts, , contre une décision du bourgmestre de … … …, en présence de la … … … … en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 20 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc MODERT, avocat à la Co

ur, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg , au nom de Madame … … …, veuve … …, employée privée, demeur...

Tribunal administratif N° 18753 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 octobre 2004 Audience publique du 28 octobre 2004

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Requête en sursis à exécution introduite par Madame … … …, épouse … …, et consorts, , contre une décision du bourgmestre de … … …, en présence de la … … … … en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 20 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc MODERT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg , au nom de Madame … … …, veuve … …, employée privée, demeurant à L-… , …, rue des …, de Monsieur … … … , étudiant, demeurant à L-… , …, rue des …, et de Monsieur … …, fonctionnaire de l'Etat, demeurant à L-… …, …, rue de … …, tendant à ordonner le sursis à exécution par rapport à une autorisation de bâtir (n° 112.2A.2003) délivrée le 10 mai 2004 par le bourgmestre de la … … … à Monsieur … … , architecte, au nom et pour le compte de la société à responsabilité limitée … , établie et ayant son siège à L-… , …, rue de …, cette autorisation étant par ailleurs attaquée au fond par une requête en annulation introduite le 9 août 2004, inscrite sous le numéro 18526 du rôle;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 20 octobre 2004, portant signification de la prédite requête en sursis à exécution à l'administration communale de la … … …, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, en son siège à … … … à , … …, et à la société à responsabilité limitée … , préqualifiée;

Vu l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Vu le résultat de la visite des lieux à laquelle il a été procédé en date d'aujourd'hui;

Maître Marc MODERT, ainsi que Maître Pierre HEDOUIN, en remplacement de Maître Jean MEDERENACH, pour la … … …, et Maître Sandra MATHES, en remplacement de Maître Arsène KRONSHAGEN, pour la s. à r. l. … , entendus en leurs plaidoiries respectives aux audiences des 25 et 28 octobre 2004.

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2 Par décision du 10 mai 2004 (n° 112.2A.2003), le bourgmestre de la … … … délivra à Monsieur … … , architecte, au nom et pour le compte de la société à responsabilité limitée … l'autorisation de construire "un immeuble à caractère résidentiel sur la parcelle située …, rue … à ." Par requête déposée le 9 août 2004, inscrite sous le numéro 18526 du rôle, Madame … … …, veuve … …, Monsieur … … … et Monsieur … … ont introduit un recours en annulation contre ladite autorisation, et par requête du 20 octobre 2004, inscrite sous le numéro 18753 du rôle, ils ont introduit une demande tendant à ordonner le sursis à exécution de l'autorisation en question.

Ils font exposer que Madame … … … et Monsieur … … … habitent dans la rue située en contrebas du terrain devant recevoir la construction litigieuse et qu'ils y ont une vue directe.

L'immeuble devant accueillir une pluralité d'appartements, des bureaux et un commerce ainsi que quatre emplacements de garage, une fois achevé, ne laissera qu'un espace insignifiant par rapport à la limite arrière, ce qui leur causera un préjudice grave et définitif. Ils estiment que l'autorisation viole les articles A.2.1. et A.2.5 b) du plan d'aménagement général de la … … … et que leur demande a de fortes chances d'être accueillie favorablement par les juges du fond.

L'administration communale de la … … … et la s. à r. l. … contestent l'intérêt à agir dans le chef des demandeurs au motif qu'eu égard à la forte déclivité existant entre leur terrain et celui devant accueillir la nouvelle construction, ceux-ci n'y auraient pas de vue directe.

Au vu des pièces versées, notamment des photos jointes, ainsi que du résultat de la visite des lieux, ce moyen n'est pas fondé. Il s'en dégage en effet que l'immeuble des demandeurs est situé en contrebas de la nouvelle construction laquelle va se rapprocher jusqu'à quelques mètres de la limite postérieure de leur maison et affectera la vue dont ils jouissaient vers l'arrière de sorte que leur situation de voisins se trouvera concrètement affectée.

Les parties défenderesses contestent encore tout risque de préjudice grave et définitif ainsi que le sérieux des moyens invoqués.

En vertu de l'article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d'une part, l'exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l'affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.

Le moyen tiré d'une absence de préjudice grave et définitif n'est pas fondé. En effet, les demandeurs risquent effectivement un tel préjudice en cas de poursuite des travaux jusqu'à l'intervention d'une décision définitive au fond, étant donné qu'en vertu d'une jurisprudence constante, récemment réaffirmée avec vigueur, les juridictions judiciaires refusent d'ordonner la démolition de constructions érigées sous le couvert d'une autorisation administrative annulée dans la suite, au motif que le fait de construire sous le couvert d'une autorisation de construire qui se trouve annulée dans la suite ne constitue pas le maître de l'ouvrage en faute, que, par conséquent, il n'y a aucune responsabilité civile dans le chef de celui qui a construit et que, dans ces conditions, il ne saurait y avoir de réparation du préjudice, ni en nature moyennant démolition de l'ouvrage construit illégalement, ni d'ailleurs par équivalent (v. Cour 3 d'appel 30 juin 1993, n° 13662 du rôle; 11 janvier 1995, n° 15963 du rôle; 8 juillet 2004, n° 27531 du rôle).

Au fond, les demandeurs estiment que l'autorisation violerait l'article A.2.1. du plan d'aménagement général de la … … … qui dispose que les zones d'habitation 2 – la construction litigieuse étant, de l'accord des parties, située dans cette zone – sont réservées aux maisons d'habitation avec jardin, isolées, jumelées ou groupées en bande d'une largeur maximale de quarante mètres. Ils sont d'avis que seules des maisons individuelles pourvues chacune d'un jardin propre, mais non pas des immeubles réunissant sous un même toit plusieurs logements ou entités, seraient admis en zone 2.

Au stade actuel de l'instruction du litige, cette interprétation ne convainc pas. Il semble en effet que le concept de maison d'habitation puisse couvrir tant les habitations individuelles que collectives. Par ailleurs, s'il est bien vrai que la disposition en question prévoit que les maisons d'habitation disposent d'un jardin, il n'est pas spécifié que ce jardin soit à l'usage privatif d'un seul propriétaire ou occupant.

Les demandeurs invoquent encore la violation de l'article A.2.5 b) du plan d'aménagement général qui dispose qu'en zone d'habitation 2, les constructions doivent observer un recul moyen sur la limite postérieure d'au moins douze mètres sans que toutefois le point le plus rapproché de la construction puisse être distant de moins de huit mètres de cette limite. Au vu des plans approuvés, la construction litigieuse se rapprocherait par endroits jusqu'à un mètre de la limite de propriété et n'observerait en aucun point un recul de plus de quatre mètres.

Les parties défenderesses rétorquent en invoquant l'article A.2.2 du plan d'aménagement général selon lequel dans tous les cas, une profondeur de construction de neuf mètres serait garantie, de sorte que dans certaines circonstances, le recul prévu par l'article A.2.5 b) ne pourrait pas être respecté.

La combinaison des deux dispositions réglementaires en question peut recevoir, a priori, deux interprétations.

On pourrait soutenir, en effet, d'une part, que la "garantie" de profondeur de neuf mètres pour toute construction tiendrait en échec l'obligation de respecter un recul postérieur de douze mètres, au cas où un tel respect ne permettrait plus de donner une profondeur de neuf mètres à l'immeuble à construire.

D'autre part cependant, plusieurs éléments militent en faveur d'une interprétation différente des deux dispositions en question.

Si la "garantie" des neuf mètres était à considérer comme une dérogation à l'obligation de respecter un recul postérieur de douze mètres, elle trouverait logiquement sa place à l'article A.2.5 b) relatif au recul postérieur plutôt qu'à l'article A.2.2. qui traite de l'implantation des constructions et qui prévoit dans sa première phrase que les immeubles sont à implanter dans une bande de treize mètres de profondeur à partir de l'alignement de construction, la "garantie" d'une profondeur de construction de neuf mètres étant conçue comme précision relative à la manière dont les constructions doivent être implantées. Dans cette optique, la "garantie" d'implantation de neuf mètres constitue plutôt une obligation de respecter une profondeur de construction d'au moins neuf mètres, quitte à ce que une 4 profondeur maximale de treize mètres puisse être autorisée, si par ailleurs les autres conditions légales et réglementaires sont respectées, une de ces conditions étant le recul postérieur d'au moins douze mètres.

Cette interprétation est cohérente avec la disposition suivante de l'article A.2.3. qui prévoit que pour être constructibles, les parcelles doivent avoir une forme régulière et "des dimensions telles qu'il soit possible d'y construire, en dehors des reculs sur les limites imposées, un bâtiment sur une base rectangulaire d'une profondeur d'au moins neuf mètres …".

Si le moyen tiré de la violation de l'article A.2.5. b) apparaît donc comme sérieux, l'applicabilité de ladite disposition semble cependant tenue en échec, en l'espèce, par l'article A.0.14 a) du plan d'aménagement général de la … … … qui dispose en son premier alinéa qu'afin de permettre, dans des cas particuliers, la réalisation du raccord d'une nouvelle construction ou de la partie d'une nouvelle construction à des constructions existantes, le bourgmestre pourra déroger exceptionnellement aux dispositions concernant les dimensions des constructions, le nombre de niveaux, la forme du toit ainsi que les reculs sur les limites.

Or, en l'espèce, il s'est dégagé de la visite des lieux que la nouvelle construction respecte l'alignement arrière observé par l'ensemble des maisons situées à proximité, et en particulier par la maison située à gauche contre laquelle elle sera adossée.

Il semble donc que le bourgmestre ait pu, par application de l'article A.0.14 a) du plan d'aménagement général, délivrer l'autorisation actuellement litigieuse.

Il se dégage des considérations qui précèdent qu'au stade actuel de l'instruction du litige, les moyens invoqués à l'appui de l'illégalité de l'autorisation de construire litigieuse ne sont pas suffisamment sérieux pour justifier le sursis à exécution de ladite autorisation, de sorte que les demandeurs sont à débouter de leur requête.

La s. à r. l. … est à débouter de sa demande en allocation d'une indemnité de procédure de 1.000 €, les conditions d'application de l'article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999, précitée, n'étant pas remplies.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, reçoit le recours en sursis à exécution en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais, déboute la s. à r. l. … de sa demande en allocation d'une indemnité de procédure.

5 Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 28 octobre 2004 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.

s. Rassel s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18753
Date de la décision : 28/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-28;18753 ?

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