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27/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18360

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 octobre 2004, 18360


Tribunal administratif N° 18360 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2004 Audience publique du 27 octobre 2004 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18360 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2004 par Maître Réjane JOLIVAT-DA CUNHA, avocat, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Lu

xembourg, au nom de :

1) Monsieur …, né le … (Fédération de Russie), de nationalité allem...

Tribunal administratif N° 18360 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2004 Audience publique du 27 octobre 2004 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18360 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2004 par Maître Réjane JOLIVAT-DA CUNHA, avocat, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) Monsieur …, né le … (Fédération de Russie), de nationalité allemande et de citoyenneté russe, et de son épouse, Madame… , née le … (Fédération de Russie), de nationalité et de citoyenneté russes, tous les deux agissant en leur nom personnel ainsi qu’en tant qu’administrateurs légaux de leur enfant mineure …, née le… , de nationalité et de citoyenneté russes, tous demeurant actuellement ensemble à L-…, 2) Monsieur …, né le… , de nationalité allemande et de citoyenneté russe, et de son épouse, Madame… , née le… , de nationalité et de citoyenneté russes, tous les deux agissant en leur nom personnel ainsi qu’en tant qu’administrateurs légaux de leur enfants mineurs…, née le… , et …, né le… , tous les deux de nationalité et de citoyenneté russe, tous demeurant actuellement ensemble à L-… , 3) Madame … , née le … (Fédération de Russie), de nationalité et de citoyenneté russes, demeurant à L-… , et tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 9 avril 2004, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 11 juin 2004, prise suite à un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Réjane JOLIVAT-DA CUNHA le 6 septembre 2004 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte des demandeurs ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 septembre 2004 ;

Vu le mémoire « supplémentaire » déposé par Maître Romain LUTGEN le 15 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, et Maître Romain LUTGEN ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 18 octobre 2004.

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Le 30 décembre 2002, Monsieur … et son épouse, Madame … , Monsieur … et son épouse, Madame… , ainsi que Madame … , ci-après « la famille … », introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Ils furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Ils furent encore entendus séparément en date des 19 mars, 20 mars, 21 mars, 23 mai, 18 décembre et 19 décembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leurs demandes d’asile.

Par décision du 9 avril 2004, notifiée par lettre recommandée expédiée le 20 avril 2004 2003, le ministre de la Justice les informa de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raisons d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

Suite à un recours gracieux introduit par le mandataire de la famille … par courrier du 12 mai 2004, le ministre de la Justice prit une décision confirmative datée du 11 juin 2004, qui lui fut notifiée par courrier recommandé expédié le 15 juin 2004.

La famille … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des deux décisions ministérielles précitées par requête déposée en date du 8 juillet 2004.

Le tribunal est appelé avant tout autre progrès en cause à toiser la question de la recevabilité du recours au regard de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, et plus particulièrement du respect de l’exigence y inscrite à l’alinéa 1er selon laquelle le recours doit être formé par requête signée d’un avocat à la Cour inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats.

Maître Romain LUTGEN, s’étant constitué en tant qu’avocat à la Cour par mémoire « supplémentaire » du 15 octobre 2004 en lieu et place de l’avocat initialement constitué pour les demandeurs, a, en termes de plaidoiries, estimé avoir couvert par cet acte toute éventuelle irrecevabilité et que la procédure antérieure n’aurait pas eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense, de sorte que la procédure serait recevable et valable, tandis que le délégué du Gouvernement, soulignant le caractère d’ordre public des dispositions de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, soulève l’irrecevabilité de la requête, irrecevabilité qui ne serait pas susceptible d’être rétroactivement « couverte ».

Maître LUTGEN a par ailleurs sollicité un jugement séparé sur la question de la recevabilité, en demandant au tribunal de refixer le cas échéant l’affaire à une date ultérieure en vue des plaidoiries portant sur le fond.

Aux termes de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, « tout recours, en matière contentieuse, introduit devant le tribunal administratif, dénommé ci-après «tribunal», est formé par requête signée d’un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats », la désignation d’ « avocat inscrit à la liste I » ayant par ailleurs été remplacée par la loi du 31 mai 1999 modifiant la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat par les termes « avocat à la Cour ».

Le respect de cette exigence relative au ministère d’avocat à la Cour obligatoire est une condition substantielle de la procédure contentieuse applicable, de sorte que toute insuffisance y relative constitue un vice entachant la requête introductive d’instance et entraînant l’irrecevabilité du recours (voir trib. adm. 10 février 1999, n° 10933 du rôle, Pas. adm. 2003, v° procédure contentieuse, n° 193, p. 535, et les autres décisions y citées).

Il est constant que Maître Réjane JOLIVAT-DA CUNHA, avocat constitué pour les demandeurs, et signataire de la requête introductive d’instance, n’est pas en tant qu’avocat domicilié à Luxembourg inscrite à la liste I du tableau de l’ordre des avocats de Luxembourg, mais à la liste II, dont les membres, aux termes de l’article 9, alinéa 2 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, ne sont habilités à accomplir les actes pour lesquels les lois et règlements prescrivent le ministère d’avoué que s’ils sont assistés d’un avocat à la Cour.

Il est encore constant que Maître Réjane JOLIVAT-DA CUNHA ne s’est pas faite assister d’un avocat à la Cour pour la signature de la requête, de sorte que la requête initiale doit être considérée comme ne répondant pas aux exigences légales précitées.

En ce qui concerne la possibilité de régulariser le vice constaté, il y a lieu de souligner que l’exigence du recours à un avocat à la Cour telle qu’imposée par l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, outre le fait qu’elle est d’ordre public, fait écho aux dispositions de l’article 9, alinéa 2 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, qui réservent les actes de postulation aux avocats à la Cour. Or ces dispositions ont été édictées dans l’intérêt même du justiciable (voir projet de loi n° 3273 sur la profession d’avocats, session ordinaire 1988-1989, commentaire des articles, p. 14), afin de lui garantir l’assistance d’un avocat expérimenté – qui a terminé son stage avec succès - à l’occasion d’actes considérés comme plus graves sinon plus importants.

Par conséquence une reprise d’instance par un avocat à la Cour en lieu et place de l’avocat irrégulièrement constitué, par laquelle l’avocat à la Cour qui ratifie la procédure antérieure en reprend la responsabilité, présente, en ce qui concerne les intérêts du justiciable, les garanties recherchées par le législateur, de sorte qu’une telle reprise est susceptible de couvrir le défaut initial de signature par un avocat à la Cour.

En l’espèce, les demandeurs, invités à prendre position sur la question de la recevabilité de la requête introductive d’instance et de la procédure subséquente, ont déposé un mémoire « supplémentaire » par lequel Maître Romain LUTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, se constitue en lieu et place de Maître Réjane JOLIVAT-DA CUNHA, de sorte que le vice affectant initialement le recours est couvert ex post.

Il en résulte que la requête introductive d’instance déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2004 satisfait aux exigences légales en la matière.

La requête introductive d’instance tend par ailleurs à la réformation des deux décisions ministérielles des 9 avril et 11 juin 2004.

L'article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile, 2. d'un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d'asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l'analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Les parties s’étant accordées pour réserver le fond et voir toiser dans un premier temps le moyen d’irrecevabilité ci-avant écarté, il y a lieu avant tout autre progrès en cause d’ordonner la réouverture des débats afin de permettre l’exposé des moyens au fond.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours recevable en la forme ;

quant au fond, refixe l’affaire pour continuation des débats au 8 novembre 2004 ;

réserve les frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 octobre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18360
Date de la décision : 27/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-27;18360 ?

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